Disparitions Le directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe a succombé à une pneumonie, samedi 28 novembre, à l’âge de 67 ans. La nouvelle est tombée samedi 28 novembre, et un voile de tristesse s’est abattu sur le théâtre le metteur en scène Luc Bondy, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, est mort d’une pneumonie, au matin de ce samedi, à Zurich, à 67 ans. On le savait malade, mais la maladie faisait partie de sa vie, elle l’accompagnait depuis tant d’années, et il la surmontait si bien qu’il apparaissait comme un phénix, toujours renaissant. En juillet, il était parti pour la Suisse, pour se soigner. Il devait mettre en scène Othello, de Shakespeare, à partir de fin janvier 2016. Il avait repoussé à la saison prochaine ce spectacle dont il parlait magnifiquement, comme toujours quand il préparait une création. C’était un oiseau aux couleurs de paradis, pour reprendre l’expression de son ami Peter Stein, avec qui il a travaillé à la Schaubühne de Berlin, dans les années 1980 un homme multiple, changeant, brillant, limpide et insaisissable. Son théâtre lui ressemblait virevoltant de vie, pressé de désirs, teinté d’ombres fugitives, dont l’une était celle de l’Histoire. Luc Bondy appartenait à une famille juive issue de la Mitteleuropa. Son grand-père, Fritz Bondy, avait dirigé le Théâtre de Prague, et connu Kafka. Son père, François Bondy, journaliste et intellectuel, s’était réfugié à Zurich pour fuir le nazisme. C’est là que Luc Bondy naît, le 17 juillet 1948. Mais c’est en France qu’il passe la plus grande partie de son enfance et de son adolescence. Dans l’appartement familial, il croise les amis de son père, Eugène Ionesco, Witold Gombrowicz, Marguerite Duras, Cioran, parmi beaucoup d’autres. Il les écoute, se nourrit de leurs histoires, n’ose pas parler. Mais il retient tout, les voix, les gestes, les anecdotes. Sans le savoir, il se nourrit de ce théâtre de la vie qu’il n’a jamais cessé d’aimer par la suite. Puis viennent les années loin de Paris, dans un pensionnat des Pyrénées où Luc Bondy attend que le temps passe. Il ne tient pas en place en cours, il est mauvais élève, et il se demande ce qu’il va faire, quand il arrête son cursus, sans avoir eu le bac. De retour à Paris, il entend parler de l’école Jacques Lecoq, une fameuse pépinière, où l’on ne compte pas ceux qui y sont passés, d’Ariane Mnouchkine à Christoph Marthaler. Cette école lui apprend qu’il doit voler de ses propres ailes. Il s’en va, part pour l’Allemagne, en 1969. Luc Bondy a 21 ans. C’est le grand saut. Il découvre un pays où les ruines de la seconde guerre mondiale sont encore présentes. Et il commence à travailler dans le théâtre. Déjà, il se démarque. Il saute les étapes, qui imposent d’ordinaire une longue formation à la mise en scène en tant qu’assistant. Dès 1971, il signe ses premiers spectacles, Le Fou et la nonne, de Witkiewicz, à Göttingen, et Les Bonnes, de Genet, à Hambourg. Rainer Werner Fassbinder vient les voir. Séduit, il confie à Luc Bondy sa pièce Liberté à Brême. A 26 ans, Fassbinder est déjà connu. Les critiques des grands journaux allemands se déplacent pour assister à la création de Liberté à Brême, qui a lieu en 1972 à Nuremberg. Ils découvrent un metteur en scène. La carrière de Luc Bondy est lancée. Dans les années suivantes, il met en scène Büchner, Ionesco, Goethe ou Edward Bond. Son style le démarque, sa renommée grandit vite. Elle le mène au début des années 1980 à la Schaubühne de Berlin. C’est la gloire. Créer comme si c’était la dernière fois La Schaubüne est la scène la plus importante d’Europe. Si elle est organisée comme un collectif, elle est en fait dirigée par Peter Stein, qui a repéré Luc Bondy. La rejoindre, c’est travailler avec les plus grands comédiens, Jutta Lampe, Edith Clever, Angela Winkler, Otto Sander et Bruno Ganz, les deux anges des Ailes du désir, le film de Wim Wenders. C’est aussi se confronter à des metteurs en scène d’exception, aux styles radicalement différents, Peter Stein et Klaus Michaël Grüber. C’est enfin rejoindre Berlin, la ville déchirée par le Mur, où l’on vit avec une intensité unique en Allemagne. Luc Bondy s’y sent chez lui. A la Schaubühne, il rencontre Botho Strauss, le dramaturge de la troupe, qui devient un compagnon de route de son théâtre, et un ami. Il crée plusieurs de ses pièces Kalldewey, La Guide, Le Temps et la chambre… et continuera par la suite. Ce temps est aussi celui où Luc Bondy apprend la maladie. Il est atteint d’un cancer. Peter Stein lui dit Surtout, tu travailles, tu continues, on t’aidera. » Luc Bondy surmonte l’épreuve. La connaître aussi jeune donne un autre ton à la vie. Cette nécessité d’être dans l’instant, et de créer comme si c’était la dernière fois, marque toute la trajectoire, et les mises en scène de Luc Bondy, qui aura un autre cancer, et bien d’autres attaques… La maladie n’était pas un tabou chez lui. Il en parlait, la combattait avec un état d’esprit exceptionnel. Il la mettait dans la vie, dont il jouissait, et qui lui a donné deux enfants, les jumeaux Eloïse et Emmanuel, de son mariage avec la metteuse en scène Marie-Louise Bischofberger. Mais revenons à la Schaubühne. C’est dans ces années-là que Luc Bondy fait ses débuts en France, où l’invite Patrice Chéreau, qui dirige le Théâtre de Nanterre-Amandiers. Sa première création, Terre étrangère, d’Arthur Schnitzler, en 1984, est un événement qui marque la décennie redécouverte d’un auteur, découverte d’un metteur en scène. A partir de ce moment-là, Luc Bondy se partage entre Paris et Berlin. Toujours entre deux avions, deux projets, plusieurs vies. Un appétit de lecture inextinguible Ses amitiés sont nombreuses, sa soif de rencontres ne tarit jamais, son appétit de lecture, attisé par l’insomnie, est inextinguible où qu’il aille, il a un livre à la main, que souvent il donne, quand il l’a lu. Il écrit, aussi, de beaux livres A ma fenêtre, chez Bourgois, en 2009 ; Dites-moi qui je suis, chez Grasset, en 1999…. Comme il l’a toujours fait, il continue, agrandit son cercle de mises en scène, de villes, de fonctions. De 1985 à 1987, il succède à Peter Stein à la direction de la Schaubühne de Berlin. De 2003 à 2013, il dirige les Wiener Festwochen, le prestigieux festival de Vienne. En mars 2012, l’annonce de sa nomination à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris, en remplacement d’Olivier Py, suscite une polémique. Luc Bondy fait front. Il fait toujours front, à sa manière. Soit par l’attaque, soit par l’esquive. Il a l’intelligence vive, et il sait la force de son art qui en fait un des premiers metteurs en scène en Europe, au théâtre et à l’opéra, où il a signé de belles productions, en particulier Hercules musique de Haendel, Le Tour d’écrou musique de Benjamin Britten ou Julie musique de Philippe Boesmans. Sur sa route, dans les années 1990 et 2000, il y a son ami Peter Handke, Ibsen, Guitry, Racine, Beckett, Yasmina Reza, Martin Crimp, Ionesco, Marivaux, Molière… Luc Bondy aimait varier les genres et aurait aimé redorer le blason du théâtre dit de boulevard. On pourrait s’arrêter sur nombre de ses mises en scène. Il en a signé une soixantaine. Lire aussi La carrière inégale de Luc Bondy à l’opéra Laissons venir quelques souvenirs le bruit des balles sur le terrain de tennis qui servait de décor à Terre étrangère ; le son des pas de John Gabriel Borkman, reclus dans son grenier, dans la pièce d’Ibsen du même nom ; la vibration fébrile de l’air, dans La Mouette, quand Arkadina comprend qu’elle est trompée par son amant Trigorine. Laissons entrer les acteurs, Bulle Ogier, Michel Piccoli, Jutta Lampe, Micha Lescot, Gert Voss, Bruno Ganz, Isabelle Huppert… Chaque création de Luc Bondy avait une couleur. Toutes reposaient avant tout sur les distributions, que le metteur en scène choisissaient avec un soin extrême. Il disait d’ailleurs que quand le choix des acteurs était fait, 80 % du travail l’était. C’était évidemment à la fois vrai et faux, comme tout ce qu’il déclarait la valeur de ses propos tenait à l’instant où il les exprimait. Ils étaient éphémères, à l’image du théâtre, que Luc Bondy ne cherchait pas à révolutionner. Il l’habitait, à la façon d’une maison où tout vibre, tout bruit, crie ou chuchote, pleure ou aime. C’est cela qui était beau, dans ses mises en scène. Entendre et sentir tous les palpitements de la vie. Brigitte Salino Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Découvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois ordinateur, téléphone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ? Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte. Y a-t-il d’autres limites ? Non. 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Lesrebondissements se feront ainsi multiples tout au long de la pièce, ce qui fait de C’était quand la dernière fois ? une véritable comédie rocambolesque. Il y a dans ce C’était quand la dernière fois ? quelque chose d’un tango infernal. Le rire se veut sardonique mais franc. Le décalage est abyssal entre la monstruosité de l Descriptif Infos pratiques Localisation Facebook Appeler 06 70 97 24 15 Itinéraire SAINT-LAURENT-DE-LA-PLAINE Théâtre Représentation théâtrale au Théâatre des Rêveries de Saint Laurent de la Plaine. S’empoisonner la vie ». Voilà une expression qu’un couple aime employer dès que le quotidien le confronte à ses petits tracas. Seulement un soir, qui paraissait un soir comme tous ceux de sa petite vie bien ordonnée, une femme va commettre le pire. Elle va faire l’indicible et inavouable acte d’empoisonner son mari… Une comédie délirante dans laquelle Anne Plumejeau et Olivier Jollivet donnent vie à deux personnages qui brillent par leurs failles, leurs fragilités et leurs maladresses. Diaboliquement drôle. Infos pratiques Tarifs Tarif indiv. adulte12€ Tarif indiv. réduitEnfants de moins de 15 ans, demandeurs d'emploi 7€ Localisation Théâtre des Rêveries SAINT-LAURENT-DE-LA-PLAINE49290 MAUGES-SUR-LOIRE Latitude - Longitude Vous aimerez aussi à proximité... à km à kmOnretrouve nos deux compères dans une toute nouvelle comédie pleine de trouvailles burlesques et à la saveur clownesque très affirmée. Quand ils ne disent rien, ça s’entend quand même ! Cette pièce à sketches nous parle d’écologie, de sites de rencontres, d’abeilles, de crise économique, de moustiques et de notre place dans la
Interroger la dichotomie homme-femme demeure un objet d’étude pour les sociologues, psychologues et féministes. Un sujet qui continue à faire couler beaucoup d’encre. Habituellement, la dichotomie homme-femme est abordée à partir de l’angle du désir ardent, la passion dévastatrice et/ou l’amour platonique. Mais voici que la comédienne et scénariste Wafa Taboubi interroge les dichotomies et non la dichotomie homme-femme dans sa pièce de théâtre intitulée La dernière » أخر مرة en langue arabe. Cette pièce de théâtre a meublé la soirée du 19 juillet de la 56ème édition du Festival international de Hammamet. Cette pièce de théâtre, qui triomphe pour toutes les femmes, jette un regard accusateur sur un système socio-économique qui broie la gente féminine, une mentalité rétrograde qui enchaine Eve de bout en bout. “La dernière” dissèque, les clichés misogynes, dévoile toute sorte de violence économique / psychologique / sentimentale / physique subit par les femmes. Une violence dont l’auteur n’est que l’homme/mâle et dont l’origine est un héritage culturel qui ne date pas d’hier. Cet héritage veut que l’homme soit le dominateur et que la femme soit la soumise. Ainsi, “La dernière”, qui a remporté le grand prix de la 22ème édition des Journée théâtrales de Carthage en décembre 2021, ne se contente pas de jeter un regard accusateur et enflammé sur cet héritage. Mais elle essaie de le démanteler et en dévoiler les mécanismes. C’est un cri de rage que pousse Wafa Taboubi. Un cri de rage qui s’entend pendant les 70 minutes de la pièce. A travers quatre tableaux différents qui semblent, à première vue, incohérents mais il n’en est rien. Wafa Taboubi a abandonné le schéma classique de la pièce de théâtre exposition, apogée et dénouement. Loin de cette démarche typique, la pièce présente quatre tableaux. Chaque tableau présente un couple homme/femme. Bien qu’il n’existe pas de relations narratives entre les quatre tableaux; le fil conducteur pour le spectateur est bel et bien clair la mise à nu des relations conflictuelles entre trois couples. Le premier tableau met en scène le rapport entre une secrétaire et son supérieur hiérarchique. L’exploitation économique, le harcèlement dans les milieux professionnels, la situation précaire de la femme prise entre le marteau de ses engagements familiaux et l’enclume de l’impératif d’atteindre ses objectifs professionnels. Si le premier tableau a décortiqué le processus de l’exploitation économique et la précarité de la femme, le deuxième tableau met le spectateur face à un autre couple. Il s’agit cette fois d’une femme avec fils âgé ou disons une mère contre son fils âgé. Une mère castratrice et couveuse qui tient à instrumentaliser toujours son fils devenu âgé et mature’ ayant comme seule arme les sacrifices qu’elle a faits et le refus de refaire sa vie après la fuite de son époux ». D’ailleurs, dans un monologue, elle relate ses désirs enfouis, sa frustration de femme à travers de longue année ». Son fils, s’est livré à l’oisiveté et l’alcoolisme et il demeure dans l’incapacité de couper le cordon ombilical. Une chose est sûre le conflit entre deux générations n’a pas pris fin. Il s’agit d’un conflit entre une génération qui veut encore imposer ses dictats et une autre qui veut se déchaîner et voler de ses propres ailes. Quant au troisième tableau, il expose une relation conflictuelle entre un couple où la femme prend le dessus et assume la responsabilité. Devant les yeux et le comportement nonchalant de son homme suite à plusieurs évolutions, la fin étant tragique pour ce couple. Wafa Taboubi a choisi un décor minimaliste et sobre pour sa pièce à savoir une table et deux chaises. Mais le jeu d’acteur de Oussama Kochkar et de Meriem Ben Hmida qui ont incarné les trois couples dans tous les tableaux a su animer la scène par le biais d’une belle scénographie et de mouvement rimant, dans chaque tableau, la violence ou l’émotion ou le conflit entre les personnages. Les deux comédiens ont maîtrisé à la perfection l’incarnation des trois couples. Une tâche qui n’est pas aisée étant donné que chaque couple a son profil psychologique, ses traits de caractères et son propre conflit.
Bonjour J'ai oublié de regarder la pièce de théâtre d'hier soir . 14,99 € Balance connectée Xiaomi Mi Composition Scale 2 à 14,99 € 30 € -50% Cdiscount fait une promotion sur la nouvelle version de la balance connectée Xiaomi Mi Body Composition Scale 2 qui passe à 14,99 € au lieu de 30 € ailleurs.Cette balance connectée vous permet de vous donner votre
Il y a bientôt deux ans, Sébastien Delorme s’est rendu dans une petite salle de théâtre de la capitale complètement intoxiqué pour assister à la pièce Trainspotting». Depuis cette expérience étrange, sa vie n’a plus jamais été la même. À la veille de la Journée mondiale du théâtre, il nous raconte pourquoi.C’était en avril 2013. Sébastien avait alors 26 ans et consommait depuis l’âge de 18 ans. De la peanut » amphétamines, du crystal meth » métamphétamine en cristaux, des médicaments comme de l’Ativan et beaucoup beaucoup d’alcool. Il avait décidé une bonne fois pour toutes d’arrêter et s’était inscrit à la maison d’hébergement de l’organisme PECH. Quand je suis rentré là, ça faisait deux semaines que je ne m’étais pas lavé. Dans les deux semaines, j’avais dû dormir quatre heures, mangé une pointe de pizza… » En sept ans, il avait essayé cinq thérapies. Lors d’une bonne journée, un médiateur culturel de PECH, Marc Boilard, lui propose de faire une activité culturelle. La grande passion de Sébastien est la musique, mais il mentionne le théâtre, une activité peu engageante où on n’a pas besoin de parler. Le médiateur lui propose d’aller voir Trainspotting à Premier Acte dans une adaptation de Wajdi Mouawad. Il est arrivé avec ses billets. Il a dit qu’il en avait parlé avec ses boss, qu’il était pas sûr, mais me le proposait. J’ai trouvé ça veg mais j’ai dit “ OK. ” » Dans les jours précédant la pièce, Sébastien rechute. J’étais chez mon ami, réveillé depuis trois jours. J’écoutais la même musique sans arrêt. PECH m’avait donné un dernier avertissement. Ils disaient que s’il y avait pas d’évolution, ils allaient donner ma place à quelqu’un d’autre. J’étais trop gelé, mais en même temps, je me suis dit “ Non, vas-y. Tu t’es engagé, ça va être le fun, ça va te faire voir autre chose. ” » Un bébé et un coup de marteau Trainspotting est un roman de l’auteur écossais Irvine Welsh qui décrit la vie d’un groupe d’héroïnomanes en Écosse. La plupart des gens connaissent le film qui s’en est inspiré. Mais la pièce, c’est autre chose, dit Sébastien. C’était intense. Dans l’état où j’étais, c’était terrifiant comme expérience. » Il avait vu le film, mais là c’était moins léger ». Au début tu ris, après tu ris jaune, puis après tu vois que c’est vraiment de la marde. » La pièce montrait bien comment on prend tout à la légère » quand on consomme. C’est juste trop bizarre de faire ça. Tu t’en rends pas compte quand t’es dedans. Mais là, tu le vois de l’extérieur pis ça te le remet dans la face solide. » En même temps, dit-il, la pièce est moins dure que la réalité ». T’as des problèmes dégueu avec ton corps. Les six derniers mois d’alcool, je vomissais constamment. Quatre fois par jour au moins. Quand je prenais de la drogue, j’ai eu une tache sur le poumon, j’avais des problèmes de foie, j’ai perdu des dents. » À une certaine époque, par manque d’argent, il allait trouver son buzz en calant des boissons gazeuses en quantité. Quand t’es rendu à caler huit litres de Pepsi par jour, faut que tu sois perdu. » Mais ce n’est pas tant le thème de l’autodestruction qui l’a ébranlé dans la pièce que celui de sa scène finale. Quand le personnage de la fille découvre son bébé mort le lendemain d’une grosse soirée sous l’effet de l’héroïne. Pour Sébastien, ça a été un véritable coup de marteau. Ça m’a ramené au côté spirituel de la chose. T’as la pureté d’un enfant […] puis ils gâchent ça. La fille se met à crier que c’est de sa faute. Son enfant est mort, puis c’est de la faute de personne d’autre. Ça, ça me touche. C’est comme ça que je vois mon rétablissement. C’est de prendre la responsabilité. C’est pas une faute au sens chrétien du terme, c’est juste d’être responsable de soi-même. » En sortant de la pièce, Sébastien a dit à Marc que c’était vraiment fini. Une rose dans la forêt Deux années sont passées depuis et il n’a jamais recommencé. Ça n’a pas été facile tous les jours, mais il a tenu bon. Maintenant, il a son propre logement, joue de la musique plus que jamais dans trois groupes différents. Il fait du bénévolat au Centre Jacques-Cartier, il a renoué avec sa famille et n’a plus peur de prendre les enfants de sa soeur dans ses bras. Depuis un mois et demi, je me sens vraiment heureux. Je ne me souviens pas d’avoir été aussi bien depuis 15 ans. » Julie Lebel, l’intervenante qui suivait Sébastien à PECH, se rappelle très bien l’époque où il est allé au théâtre. Il était arrivé chez nous avec sa décision de prise. Il était au bout du rouleau. Ce que la pièce est venue faire, c’est valider sa décision. » L’histoire de Sébastien a ceci de particulier qu’il n’a pas rechuté, dit-elle. Les gens qui ont l’art de leur côté », dit-elle, ont une chance de plus. Sébastien a eu deux chances de ce type-là. Pendant qu’il essayait d’arrêter, un ami musicien a écrit à l’homme qu’il admire le plus sur Terre, Ian MacKaye, le chanteur du groupe Fugazi. Fugazi est un groupe mythique de punk hardcore » qui rejette l’alcool, les drogues et la fuite au profit de l’action. Sébastien est leur fan depuis l’adolescence. Un soir en rentrant chez lui, il trouve une lettre en provenance de la compagnie de disque du chanteur. Il pense qu’il est devenu fou. À l’intérieur, il découvre une photo représentant une rose dans la forêt en plein soleil. Au verso, Ian lui parle de musique, l’encourage et lui souhaite une navigation sans brume. Le visage de Sébastien s’éclaire chaque fois qu’il en parle. Il m’a écrit ça à la main, c’est fou ! Juste la photo, ça témoigne de ce qui est vrai et de ce qui est beau dans la vie. » Aujourd’hui, Sébastien est rendu ailleurs. À moins de le faire pour aider les autres, il ne tient plus particulièrement à parler de sa désintoxication. Il veut être dans l’action comme Ian. Les gens me disent que c’est “ vraiment quelque chose ” d’avoir arrêté. Oui mais ce qui est vraiment quelque chose, c’est d’être bien après. » Si l’art l’a aidé, Sébastien aide l’art à son tour d’une certaine façon. La metteure en scène de la pièce, Marie-Hélène Gendreau, a trouvé dans son histoire une source de motivation inestimable. C’est un cadeau pour une artiste. L’infirmière qui rentre au travail, elle est sûre qu’elle aide des gens. Nous on s’investit, mais on ne sait pas quelles répercussions ça va avoir. » La pièce doit être reprise au Théâtre de la Bordée de Québec cet automne et par la suite à Montréal. À voir en vidéo
Unepièce de boulevard a eu le mérite de changer la vision que Capucine avait du théâtre : « Pour moi, le théâtre c’était chiant avant !Quand j’étais au lycée, c’était Molière
De Watatatow à Victor Lessard, de Macaroni tout garni aux Pays d’en haut, en 20 ans de carrière, Julie a tout joué et en a fait du chemin, sur scène comme à l’écran, grand ou petit. Et maintenant, elle-même le dit, c’est l’heure de sa consécration. Photo Andréanne Gauthier Dans une salle au sous-sol du Théâtre du Nouveau Monde, une dizaine de personnes attendent, assises devant une longue table en V. Ce sont les gagnants d’un concours pour assister à la lecture par les comédiens d’une création signée Michel Marc Bouchard. C’est exceptionnel. Normalement, le public découvre la pièce après des mois de répétitions en vase clos. Aujourd’hui, il verra de très près les artistes au boulot, alors qu’en ce samedi gris s’enclenche le processus qui culminera des semaines plus tard, le soir de la première en présence de 750 spectateurs. Tiens, voici qu’entre Julie Le Breton en habit de travail blouse blanche, jean bleu, manuscrit surligné en main, air gêné. J’avais peur que les gens trouvent ça plate et long, me dira-t-elle une fois l’exercice terminé. Entendre du théâtre lu demande une concentration particulière… » Dans la salle, son arrivée cause un léger frisson. Elle était tellement bonne dans Les beaux malaises », chuchote ma voisine à sa copine, qui opine du bonnet. Casquette vissée sur la tête, Éric Bruneau et Patrick Hivon précèdent de peu une Magalie Lépine-Blondeau discrète avec ses lunettes et ses cheveux tirés. Puis, l’auteur paraît, sur les talons du metteur en scène Serge Denoncourt. Toute la distribution de La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé s’assoit derrière la table et nous fait face, composant une image qui évoque la dernière Cène, avec Michel Marc au centre à la place du Christ. Denoncourt, un brin baveux, lance quelques mots de bienvenue Vous trouvez ça bizarre d’être là? Ben nous aussi! » Enfin, la lecture démarre avec Julie, qui tient le rôle principal, celui de Mireille Enfant, je souffrais d’insomnie chronique… » Embaumeuse à la carrière florissante, Mireille est de retour dans son Lac-Saint-Jean natal après 10 ans d’absence pour s’occuper » de la dépouille de sa mère. Michel Marc Bouchard, dont l’œuvre Les Feluettes, Tom à la ferme… est montée partout, de Tokyo à Chicago, cherchait pour l’incarner une actrice début quarantaine qui pouvait jouer une introvertie, explique-t-il. Je voulais aussi quelqu’un de racé qui pouvait représenter une certaine classe. C’est Serge qui m’a parlé de Julie. » Le dramaturge avait vu la comédienne sur scène, au cinéma et à la télévision, mais ne la connaissait que de réputation. Cette fille peut tout jouer, n’a pas d’inhibitions et est toujours prête à se jeter à l’eau. » Il lui a écrit. C’était il y a près de trois ans. Quand j’ai lu que Michel Marc m’offrait Mireille, j’ai pleuré. Pour moi, ça ressemblait à une consécration. Il est l’un de nos plus grands auteurs, de la trempe de Michel Tremblay et de Robert Lepage. C’est un gage de confiance énorme, et tu veux être à la hauteur », me raconte Julie deux jours plus tard, en tête à tête dans un restaurant montréalais. Pour se préparer, la comédienne a rencontré une embaumeuse. Il y avait le corps d’une dame dans une salle, mais il aurait fallu demander la permission à la famille pour le voir. » Déçue, elle a toutefois fait le plein de connaissances sur la thanatopraxie. Savais-tu que, quand ils vident le sang, ça s’en va dans les égouts de la ville? Ils font une incision ici [elle pointe un endroit précis sur sa gorge] pour avoir accès à la veine jugulaire, et font entrer le formaldéhyde, qui pousse le sang hors de l’organisme… Bon, on commande? » L’ami Patrice Tout en étudiant le menu, elle jette un œil sur son cellulaire où entrent des messages qui l’amusent. Excuse-moi, c’est Patrice. » Patrice Robitaille et elle ont rendez-vous cette semaine-là pour le début du tournage de la troisième saison de Victor Lessard Club Illico. On se connaît depuis 20 ans, on est sortis de l’école de théâtre en même temps, en 1998. C’est mon ami, mon Patou. » C’est aussi un acteur avec qui Julie a souvent partagé l’écran. Dans le film Quand l’amour se creuse un trou, première œuvre du réalisateur Ara Ball, sur les écrans l’été dernier, Julie et Patrice incarnaient un couple, et il y avait une scène de lit. Oh, rien d’olé olé, mais sa seule évocation met le feu aux joues déjà naturellement rosies de Julie. C’était assez gênant, et bizarre, d’aller dans ces zones-là avec lui. J’étais stressée. » Patrice me confirmera quelques semaines plus tard qu’il n’était pas moins tendu que sa partenaire de jeu Je suis rarement à l’aise dans ce genre de situation. Il y a beaucoup de choses à gérer, entre autres le fait qu’on se connaisse et qu’on soit amis. Je n’ai pas l’habitude d’être nu avec mes amis. » Mais, ajoute-t-il fièrement, on a été des professionnels jusqu’au bout ». Un contre-emploi bienvenu Dans Victor Lessard, populaire série policière tirée des romans de Martin Michaud, ils forment là encore un tandem détonnant, mais sexuellement incompatible. Patrice incarne Victor, sergent-enquêteur, et Julie se glisse dans la peau de Jacinthe Taillon, sa coéquipière lesbienne. Elle est décrite en ces mots par le romancier gros doigts boudinés, carcasse monolithique, traits mous, cheveux coupés court, bourrelets visibles ». Il faut faire un énorme effort d’imagination pour superposer l’image de Julie Le Breton à cette description peu flatteuse. Et pourtant… On ne cache pas mes cernes et, des fois, on en ajoute. J’ai les cheveux foncés, tirés et aplatis comme un casque de bain, pas de rouge à lèvres ni mascara… » Patrice n’est pas surpris qu’elle soit crédible dans les souliers de Jacinthe. Mon étonnement est plutôt dirigé vers ceux qui ont eu l’audace de lui proposer ce rôle. Elle est rendue à un niveau dans sa carrière où on veut avoir Julie Le Breton pour plein d’affaires, et même pour un contre-emploi. » S’enlaidir ne lui inflige aucune blessure d’ego. J’ai trouvé ça plus libérateur qu’autre chose, assure-t-elle en découpant son bagel au saumon fumé. Quand tu joues une fille séduisante, et je l’ai beaucoup fait, à la longue, ça devient fatigant. En Jacinthe, je suis assise tout croche, les jambes écartées, et si mon bourrelet dépasse, c’est tant mieux. » Tout de même, pour plusieurs, Julie Le Breton est l’incarnation même de la féminité… Mon Dieu, pas quand on me connaît! J’ai une énergie masculine, avec un humour très grossier, capable d’être one of the boys. Je ne tripe pas sur le maquillage, je ne m’achète pas de linge, je ne vais pas chez la manucure. J’ai de la misère à me faire faire un facial, je trouve que c’est beaucoup d’investissement sur soi. » Photo Andréanne Gauthier Belle-mère épanouie Deux fois déjà, je l’ai interviewée. Notre dernière rencontre remonte à cinq ans. La Julie de 2014 était fébrile, sur ses gardes, fatiguée aussi. Elle avait parlé de désir de maternité et d’essais infructueux. Ce sujet sensible, la Julie de 2019, calme, quasi zen, l’aborde d’emblée. C’est terminé, derrière moi. Quelle délivrance! Toute la période où j’ai tenté de tomber enceinte, j’avais l’impression d’attendre que quelque chose se passe. J’ai fait tous les cycles, des années de tests violents, douloureux, intrusifs… Mon couple n’y a pas survécu. » Sa voix, claire, forte, porte si bien que les convives trois tables plus loin tendent l’oreille. Oui, je peux être une personne épanouie, qui comprend l’amour et l’humanité, même si je ne suis pas une mère. J’ai eu une écœurantite aiguë de la pression sociale, comme si on était une sous-femme si on ne donne pas la vie. Je trouve que les gens manquent d’empathie. » À l’automne 2014, pendant le tournage du film Paul à Québec, sa route a croisé celle de Guillaume Parisien, assistant à la caméra. Du coup, la célibataire de 39 ans qui rêvait d’être maman est devenue la belle-mère de trois enfants. Ils ont maintenant 13, 16 et 20 ans. De beaux jeunes de qui j’apprends plein d’affaires. Quand ils sont chez nous, j’essaie de créer un espace où mon chum peut être un papa. Mon rôle, c’est d’être un soutien, une amie. » Pas toujours facile, la coparentalité. Chacun ou chacune doit la redéfinir et la réinventer, parce qu’il n’y a rien d’établi. » Avec Guillaume à son bras, Julie foule les tapis rouges, une nouveauté pour la comédienne, connue pour sa discrétion. L’étalage de vie privée devrait s’arrêter là. Pas pour elle, le déballage public de ses émotions ou le jeu des confidences très présents dans les émissions de télé. Je n’ai pas la nostalgie de mon passé, je ne veux pas revoir mon prof de cinquième année, ni le premier gars que j’ai frenché. » Une grande part d’elle ne sera toujours visible que pour ses intimes. Peu nombreux, même si tout le monde craque pour elle », dit la comédienne Anick Lemay, qui fait partie de ce cercle restreint. Julie est presque ma sœur. » Elles sont aussi voisines. Et se sont beaucoup vues quand Anick a appris qu’elle était atteinte d’un cancer et après, pendant les traitements. Julie a vécu avec moi la grande chimio, quatre heures et demie d’injection. Comme c’est l’amie la plus conne que j’ai, elle m’a beaucoup fait rire et a transformé ce moment en quelque chose de lumineux. » Mais c’est aussi une fille qui doute beaucoup, selon Anick, soucieuse de ne pas en dire trop. Elle se sent comme une p’tite crotte de temps en temps et angoisse, roulée en boule dans son salon. C’est ce qui la rend si attachante. Elle pourrait avoir la grosse tête… » Et Patrice Robitaille de renchérir Quand tu la connais, tu te rends compte qu’on ne naît pas tous égaux. Elle a tout pour elle. Julie est irrésistible, sans chercher à l’être. » Lui-même, au temps de leur folle jeunesse, a succombé à l’effet Le Breton. J’éprouvais des choses pour Julie… Le timing n’a jamais été au rendez-vous. C’est mieux ainsi, on est restés des amis. » Égalité svp Aujourd’hui, sa carrière est au zénith. Julie accumule les trophées trois Gémeaux, deux Artis, même un Génie, reçu à Toronto pour le film Maurice Richard. Choyée, célébrée, hyper sollicitée, Julie peut désormais exiger un cachet en conséquence. Avec une certaine surprise, elle a constaté que ce n’était pas gagné d’avance. Je me bats pour être payée autant que mes collègues masculins à notoriété égale. » Le ton est posé, pas revanchard. Des fois, ça fonctionne, des fois, non. Et c’est non pour plein de raisons bizarres. On m’a déjà dit “Mais lui, il est tellement apprécié du public…” Tu veux savoir le pire? Ce sont souvent des femmes qui négocient du côté adverse, et ça me met en beau fusil. » Elle prend une dernière bouchée de bagel et sourit. C’était mon éditorial! » Yé, c’est l’été! Des vacances, je ne pense pas que je vais pouvoir en prendre. À l’heure où on se parle, mes deux dernières de juin sont libres. En juillet, c’est Les pays d’en haut. Après, c’est le gros projet télé dont je ne peux rien dire pour le moment. J’aimerais aller aux Îles-de-la-Madeleine, mon endroit de ressourcement ultime. Ce sera la période du homard, il fera encore frais… Je suis née à Arvida, au Saguenay, j’ai grandi en Suisse et aux États‑Unis, là où mon père, cadre chez Alcan, était en poste, mais ma famille vient des Îles. On y a une maison sur la plage, ma grand-mère y habite toujours, j’ai aussi des tantes et des oncles madelinots. Le vent qui souffle, le bruit de la mer qui couvre tout… C’est reposant pour quelqu’un comme moi, qui fait un peu d’anxiété et dont la tête “spinne” beaucoup. Je vais enfin pouvoir me détendre, observer le ciel et les nuages… Et j’ai envie de voir ma chienne Adèle courir dans le sable et triper – c’est une griffon, tellement belle, tout hirsute, que j’aime d’amour. Quand j’arrive chez moi, elle me regarde comme si j’étais une merveille! » Où on la verra La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé. Au TNM, du Du 22 au 31 octobre 2020. Victor Lessard La troisième saison débute dès l’automne, sur Club Illico. Tu te souviendras de moi Film d’Éric Tessier, d’après la pièce de théâtre du même titre. Avec Rémy Girard et France Castel, qui incarnent ses parents. Date de sortie encore inconnue. Les pays d’en haut La cinquième et dernière saison sera diffusée à l’hiver 2020, sur ICI Radio-Canada Télé. À lire aussi Julie Le Breton les coulisses de notre séance photo
Lapièce C'était quand la dernière fois ? revient en Belgique au printemps 2019 ! Avec à l'affiche les comédiens Virginie Hocq et Zinedine Soualem , la pièce se jouera au Central à La Louvière et au Centre Culturel de Huy .
La pièce C'était quand la dernière fois ? revient en Belgique au printemps 2019 ! Avec à l'affiche les comédiens Virginie Hocq et Zinedine Soualem, la pièce se jouera au Central à La Louvière et au Centre Culturel de Huy. "La dernière fois qu’ils se sont aimés, ils étaient encore vivants..." Quoi de plus efficace pour régler un problème que de s’en débarrasser de manière définitive » ?... Un soir, comme tous les soirs de sa petite vie bien ordonnée, une femme va commettre le pire l’indicible et inavouable acte, d’empoisonner, de mettre à mort son mari. Une comédie délirante et pleine de rebondissements. Virginie Hocq et Zinedine Soualem forment un couple diaboliquement drôle. Toute leur folie, leur inventivité, leur virtuosité d’acteur est mise au service de la comédie. Ainsi, ils donnent vie à deux personnages qui brillent par leurs failles, leurs fragilités, leurs maladresses, à la fois drôles et attachants.
NOTE D’INTENTION C’est étrange de se sentir à la fois fort et au bord du gouffre. C’est ce que j’éprouve, et j’ignore laquelle de ces deux impressions est fausse ni l’une ni l’autre probablement. » Samuel Beckett, lettre à Pamela Mitchell Encore Beckett. Tant qu’il reste en lui des choses que je ne comprends pas, qui me sont obscures, étrangères, je crois que je peux le mettre en scène. Après Cap au pire. Après la dernière bande. Après L’image et Words and Music, Fin de partie donc la grande pièce de Beckett, sa préférée, celle qu’on n’ose pas aborder sans un certain bagage. Plus aboutie que Godot, moins rabâchée aussi peut- être. Se dire je vais monter Fin de partie, c’est un peu comme se dire je vais monter Hamlet Excitant et effrayant. Les métaphores maritimes abondent chez Beckett, l’Irlandais. Et j’ai en abordant Fin de partie, le sentiment d’accoster sur une île après avoir longtemps voyagé, avec mes précédentes mises en scène, sur une mer déconcertante, tantôt calme tantôt en furie. J’ai fait le voyage à l’envers commençant par l’un des derniers textes Cap au pire pour arriver à Fin de partie, que Beckett écrivit juste avant la Dernière bande. Après des années d’errance, Beckett est devenu un écrivain reconnu. Molloy a été publié. En attendant Godot a connu un succès international. Aborder Fin de partie, c’est me poser la question du théâtre, retrouver le théâtre, après m’être centré sur les mots et la musicalité Tout à coup, il faut voir les choses en grand. Quatre comédiens sur scène et un décor. Je retrouve l’excitation d’une première fois, la magie enfantine des trois coups et du théâtre de Guignol. Il y a de cela dans le début de Fin de partie Clov tirant les rideaux et soulevant les draps qui recouvrent Hamm et les poubelles de Nell et Nagg. C’est comme un petit théâtre, une scène qui tous les soirs commence et tous les soirs se termine, indéfiniment. Je n’ai pas envie d’exégèse et d’interprétations. Juste le plaisir des gestes et des mots. Regarder Denis Lavant et Frédéric Leidgens il faut de grands acteurs pour jouer Beckett, Clov et Hamm, le fils adoptif et le père ou le maître et le domestique On a pu dire que l’un incarnait le corps quand l’autre était l’âme, que l’un était James Joyce quand l’autre était Beckett, mais cela importe-t- il ?. Clov, bouge tout le temps et parle peu. Hamm est immobile et volubile. L’un est aveugle et paralytique, l’autre boiteux. Clov prend soin de Hamm. Hamm a autrefois pris soin de Clov. À moins que ce ne soit l’inverse. Ils passent leur temps à se chercher sans se trouver. Ils ne peuvent se détacher l’un de l’autre. La plus grande peur du tyrannique Hamm est que Clov le quitte. Clov exécute les ordres, parle de partir sans qu’on sache s’il passera à l’acte. On ne sait pas ce que pense Clov. Clov est une tombe. Avec eux, vivent, chacun dans une poubelle, Nagg et Nell, les parents de Hamm. Ils sont à la fin de leur vie mais pas encore morts. Parfois ils parlent et ce qu’ils ont à dire est beau et d’une tristesse infinie Qui appelais-tu, quand tu étais tout petit et avais peur, dans la nuit ? Ta mère? Non. Moi. On te laissait crier. Puis on t’éloigna, pour pouvoir dormir. Un temps. Je dormais, j’étais comme un roi, et tu m’as fait réveiller pour que je t’écoute. Ce n’était pas indispensable, tu n’avais pas vraiment besoin que je t’écoute. D’ailleurs je ne t’ai pas écouté. Un temps. J’espère que le jour viendra où tu auras vraiment besoin que je t’écoute, et besoin d’entendre ma voix, une voix. Un temps. Oui, j’espère que je vivrai jusque-là, pour t’entendre m’appeler comme lorsque tu étais tout petit, et avais peur, dans la nuit, et que j’étais ton seul espoir. » dit Nagg, autrefois patriarche, désormais réduit à vivre dans une poubelle dont il sort la tête uniquement suivant le bon-vouloir de son fils. Rarement, je crois, une pièce de théâtre n’a aussi lucidement et sobrement exposé les liens d’amour-haine qui lient les membres d’une famille. Strindberg et Ibsen sont dépassés haut-la-main. Clov, Hamm, Nell et Nagg vivent dans un espace indéfini. Un intérieur » dit Beckett dans sa didascalie, un intérieur doté de deux fenêtres donnant sur l’extérieur. Et c’est sans doute là pour moi, la gageure de ce spectacle représenter cet espace gris et immatériel et pourtant vivant, bruissant des bruits de la mer qu’on aperçoit par l’une des fenêtres, alors que l’autre donne sur la terre. Dans cet espace, gris noir clair » dit Clov !, la grande crainte des personnages est que la lumière les quitte définitivement. Sommes-nous sur Terre? Pas si sûr. Peut-être est-ce déjà le purgatoire, peut-être la maison est-elle sur un îlot, seul endroit encore peuplé après la fin du monde Beckett est le seul écrivain de ma connaissance qui sache faire de la science-fiction au théâtre. À la lumière d’aujourd’hui, le texte prend une étrange résonance écologique. Hamm. – La nature nous a oubliés. Clov. – Il n’y a plus de – Plus de nature ! Tu vas fort. Clov. – Dans les Mais nous respirons, nousNous perdons nos cheveux, nos dents! Notre fraîcheur ! Nos idéaux !Clov. – Alors elle ne nous a pas oubliés. Peut-être aussi sommes-nous sur un bateau, Clov se sert d’une lunette » pour regarder au loin, Hamm réclame sa gaffe », accessoire indispensable à tout marin qui se respecte. Peut- être sommes-nous sur l’Arche de Noé, comme l’évoque James Knowlson, le grand biographe de Beckett Sur la terre à moitié engloutie par les eaux, la maison de Hamm est, comme l’Arche, un refuge contre la calamité du dehors ; au lieu de se découvrir bonnes dans les yeux de Dieu, les créatures de ce monde s’aperçoivent que la lumière meurt ; sur cette terre l’herbe ne pousse pas et les graines qu’a semées Clov ne germeront jamais » ». L’atmosphère fait aussi songer à celle du célèbre poème de Baudelaire Recueillement, maladroi- tement cité par Hamm à la fin de la pièce. Et, comme un long linceul traînant à l’Orient, / Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. ». J’aimerais avec les acteurs trouver cette âpre douceur et une lucidité sans amertume. C’est étrange de se sentir à la fois fort et au bord du gouffre » dit Beckett dans une lettre à la femme qu’il aime au moment où il écrit Fin de partie. C’est cet équilibre entre le gouffre et la force, le sol qui se dérobe et ce qui fait qu’on tient debout qu’il s’agira de trouver. Rythmée par le temps de chaque chose le temps de se lever, de manger, de prendre son calmant, de raconter une histoire et le réveil auquel Clov se raccroche comme si c’était la seule chose encore tangible, Fin de partie dit la longue marche du temps. Sa fin et son éternel recommencement. Le texte dit aussi peut-être encore, ce qu’il ne dira plus dans Cap au pire le plaisir de raconter une histoire et de dire des mots dans un théâtre Le souffle qu’on retient et puis… il expire. Puis parler, vite, des mots, comme l’enfant solitaire qui se met en plusieurs, deux, trois, pour être ensemble, et parler ensemble, dans la nuit. » Jacques Osinski