OU Lettres recueillies dans une sociĂ©tĂ© et publiĂ©es pour l'instruction de quelques autres. " J'ai vu les mĂ âurs de mon temps et j'ai publiĂ© ces lettres. " J. J. ROUSSEAU. PrĂ©face de La Nouvelle HĂ©loĂÂŻse TABLE DES MATIERES AVERTISSEMENT DE L'EDITEUR Nous croyons devoir prĂ©venir le Public, que, malgrĂ© le titre de cet Ouvrage et ce qu'en dit le RĂ©dacteur dans sa PrĂ©face, nous ne garantissons pas l'authenticitĂ© de ce Recueil, et que nous avons mĂÂȘme de fortes raisons de penser que ce n'est qu'un Roman. Il nous semble de plus que l'Auteur, qui paraĂt pourtant avoir cherchĂ© la vraisemblance, l'a dĂ©truite lui-mĂÂȘme et bien maladroitement, par l'Ă©poque oĂÂč il a placĂ© les Ă©vĂ©nements qu'il publie. En effet, plusieurs des personnages qu'il met en scĂšne ont de si mauvaises mĂ âurs, qu'il est impossible de supposer qu'ils aient vĂ©cu dans notre siĂšcle; dans ce siĂšcle de philosophie, oĂÂč les lumiĂšres, rĂ©pandues de toutes parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnĂÂȘtes et toutes les femmes si modestes et si rĂ©servĂ©es. Notre avis est donc que si les aventures rapportĂ©es dans cet Ouvrage ont un fond de vĂ©ritĂ©, elles n'ont pu arriver que dans d'autres lieux ou dans d'autres temps; et nous blĂÂąmons beaucoup l'Auteur, qui, sĂ©duit apparemment par l'espoir d'intĂ©resser davantage en se rapprochant plus de son siĂšcle et de son pays, a osĂ© faire paraĂtre sous notre costume et avec nos usages, des mĂ âurs qui nous sont si Ă©trangĂšres. Pour prĂ©server au moins, autant qu'il est en nous, le Lecteur trop crĂ©dule de toute surprise Ă ce sujet, nous appuierons notre opinion d'un raisonnement que nous lui proposons avec confiance, parce qu'il nous paraĂt victorieux et sans rĂ©plique; c'est que sans doute les mĂÂȘmes causes ne manqueraient pas de produire les mĂÂȘmes effets, et que cependant nous ne voyons point aujourd'hui de Demoiselle, avec soixante mille livres de rente, se faire Religieuse, ni de PrĂ©sidente, jeune et jolie, mourir de chagrin. PREFACE DU REDACTEUR. Cet Ouvrage, ou plutĂÂŽt ce Recueil, que le Public trouvera peut-ĂÂȘtre encore trop volumineux, ne contient pourtant que le plus petit nombre des Lettres qui composaient la totalitĂ© de la correspondance dont il est extrait. ChargĂ© de la mettre en ordre par les personnes Ă qui elle Ă©tait parvenue, et que je savais dans l'intention de la publier, je n'ai demandĂ©, pour prix de mes soins, que la permission d'Ă©laguer tout ce qui me paraĂtrait inutile; et j'ai tĂÂąchĂ© de ne conserver en effet que les Lettres qui m'ont paru nĂ©cessaires, soit Ă l'intelligence des Ă©vĂ©nements, soit au dĂ©veloppement des caractĂšres. Si l'on ajoute Ă ce lĂ©ger travail, celui de replacer par ordre les Lettres que j'ai laissĂ©es subsister, ordre pour lequel j'ai mĂÂȘme presque toujours suivi celui des dates, et enfin quelques notes courtes et rares, et qui, pour la plupart, n'ont d'autre objet que d'indiquer la source de quelques citations, ou de motiver quelques- uns des retranchements que je me suis permis, on saura toute la part que j'ai eue Ă cet Ouvrage. Ma mission ne s'Ă©tendait pas plus loin. [Je dois prĂ©venir aussi que j'ai supprimĂ© ou changĂ© tous les noms des personnes dont il est question dans ces Lettres; et que si dans le nombre de ceux que je leur ai substituĂ©s, il s'en trouvait qui appartinssent Ă quelqu'un, ce serait seulement une erreur de ma part et dont il ne faudrait tirer aucune consĂ©quence.] J'avais proposĂ© des changements plus considĂ©rables, et presque tous relatifs Ă la puretĂ© de diction ou de style, contre laquelle on trouvera beaucoup de fautes. J'aurais dĂ©sirĂ© aussi ĂÂȘtre autorisĂ© Ă couper quelques Lettres trop longues, et dont plusieurs traitent sĂ©parĂ©ment, et presque sans transition, d'objets tout Ă fait Ă©trangers l'un Ă l'autre. Ce travail, qui n'a pas Ă©tĂ© acceptĂ©, n'aurait pas suffi sans doute pour donner du mĂ©rite Ă l'Ouvrage, mais en aurait au moins ĂÂŽtĂ© une partie des dĂ©fauts. On m'a objectĂ© que c'Ă©taient les Lettres mĂÂȘmes qu'on voulait faire connaĂtre, et non pas seulement un Ouvrage fait d'aprĂšs ces Lettres; qu'il serait autant contre la vraisemblance que contre la vĂ©ritĂ©, que de huit Ă dix personnes qui ont concouru Ă cette correspondance, toutes eussent Ă©crit avec une Ă©gale puretĂ©. Et sur ce que j'ai reprĂ©sentĂ© que, loin de lĂ , il n'y en avait au contraire aucune qui n'eĂ»t fait des fautes graves, et qu'on ne manquerait pas de critiquer, on m'a rĂ©pondu que tout Lecteur raisonnable s'attendrait sĂ»rement Ă trouver des fautes dans un Recueil de Lettres de quelques Particuliers, puisque dans tous ceux publiĂ©s jusqu'ici de diffĂ©rents Auteurs estimĂ©s, et mĂÂȘme de quelques AcadĂ©miciens, on n'en trouvait aucun totalement Ă l'abri de ce reproche. Ces raisons ne m'ont pas persuadĂ©, et je les ai trouvĂ©es, comme je les trouve encore, plus faciles Ă donner qu'Ă recevoir; mais je n'Ă©tais pas le maĂtre, et je me suis soumis. Seulement je me suis rĂ©servĂ© de protester contre, et de dĂ©clarer que ce n'Ă©tait pas mon avis; ce que je fais en ce moment. Quant au mĂ©rite que cet Ouvrage peut avoir, peut-ĂÂȘtre ne m'appartient-il pas de m'en expliquer, mon opinion ne devant ni ne pouvant influer sur celle de personne. Cependant ceux qui, avant de commencer une lecture, sont bien aises de savoir Ă peu prĂšs sur quoi compter; ceux-lĂ , dis-je, peuvent continuer les autres feront mieux de passer tout de suite Ă l'Ouvrage mĂÂȘme; ils en savent assez. Ce que je puis dire d'abord, c'est que si mon avis a Ă©tĂ©, comme j'en conviens, de faire paraĂtre ces Lettres, je suis pourtant bien loin d'en espĂ©rer le succĂšs et qu'on ne prenne pas cette sincĂ©ritĂ© de ma part pour la modestie jouĂ©e d'un Auteur; car je dĂ©clare avec la mĂÂȘme franchise, que si ce Recueil ne m'avait pas paru digne d'ĂÂȘtre offert au Public, je ne m'en serais pas occupĂ©. TĂÂąchons de concilier cette apparente contradiction. Le mĂ©rite d'un Ouvrage se compose de son utilitĂ© ou de son agrĂ©ment, et mĂÂȘme de tous deux, quand il en est susceptible mais le succĂšs, qui ne prouve pas toujours le mĂ©rite, tient souvent davantage au choix du sujet qu'Ă son exĂ©cution, Ă l'ensemble des objets qu'il prĂ©sente, qu'Ă la maniĂšre dont ils sont traitĂ©s. Or ce Recueil contenant, comme son titre l'annonce, les Lettres de toute une sociĂ©tĂ©, il y rĂšgne une diversitĂ© d'intĂ©rĂÂȘt qui affaiblit celui du Lecteur. De plus, presque tous les sentiments qu'on y exprime, Ă©tant feints ou dissimulĂ©s, ne peuvent mĂÂȘme exciter qu'un intĂ©rĂÂȘt de curiositĂ© toujours bien au-dessous de celui de sentiment, qui, surtout, porte moins Ă l'indulgence, et laisse d'autant plus apercevoir les fautes qui s'y trouvent dans les dĂ©tails, que ceux-ci s'opposent sans cesse au seul dĂ©sir qu'on veuille satisfaire. Ces dĂ©fauts sont peut-ĂÂȘtre rachetĂ©s, en partie, par une qualitĂ© qui tient de mĂÂȘme Ă la nature de l'Ouvrage c'est la variĂ©tĂ© des styles; mĂ©rite qu'un Auteur atteint difficilement, mais qui se prĂ©sentait ici de lui-mĂÂȘme, et qui sauve au moins l'ennui de l'uniformitĂ©. Plusieurs personnes pourront compter encore pour quelque chose un assez grand nombre d'observations, ou nouvelles, ou peu connues, et qui se trouvent Ă©parses dans ces Lettres. C'est aussi lĂ , je crois, tout ce qu'on y peut espĂ©rer d'agrĂ©ments, en les jugeant mĂÂȘme avec la plus grande faveur. L'utilitĂ© de l'Ouvrage, qui peut-ĂÂȘtre sera encore plus contestĂ©e, me paraĂt pourtant plus facile Ă Ă©tablir. Il me semble au moins que c'est rendre un service aux mĂ âurs, que de dĂ©voiler les moyens qu'emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces Lettres pourront concourir efficacement Ă ce but. On y trouvera aussi la preuve et l'exemple de deux vĂ©ritĂ©s importantes qu'on pourrait croire mĂ©connues, en voyant combien peu elles sont pratiquĂ©es l'une, que toute femme qui consent Ă recevoir dans sa sociĂ©tĂ© un homme sans mĂ âurs, finit par en devenir la victime; l'autre, que toute mĂšre est au moins imprudente, qui souffre qu'un autre qu'elle ait la confiance de sa fille. Les jeunes gens de l'un et de l'autre sexe pourraient encore y apprendre que l'amitiĂ© que les personnes de mauvaises mĂ âurs paraissent leur accorder si facilement n'est jamais qu'un piĂšge dangereux, et aussi fatal Ă leur bonheur qu'Ă leur vertu. Cependant l'abus, toujours si prĂšs du bien, me paraĂt ici trop Ă craindre; et, loin de conseiller cette lecture Ă la jeunesse, il me paraĂt trĂšs important d'Ă©loigner d'elle toutes celles de ce genre. L'Ă©poque oĂÂč celle-ci peut cesser d'ĂÂȘtre dangereuse et devenir utile me paraĂt avoir Ă©tĂ© trĂšs bien saisie, pour son sexe, par une bonne mĂšre qui non seulement a de l'esprit, mais qui a du bon esprit. " Je croirais " , me disait-elle, aprĂšs avoir lu le manuscrit de cette Correspondance, " rendre un vrai service Ă ma fille, en lui donnant ce Livre le jour de son mariage. " Si toutes les mĂšres de famille en pensent ainsi, je me fĂ©liciterai Ă©ternellement de l'avoir publiĂ©. Mais, en partant encore de cette supposition favorable, il me semble toujours que ce Recueil doit plaire Ă peu de monde. Les hommes et les femmes dĂ©pravĂ©s auront intĂ©rĂÂȘt Ă dĂ©crier un Ouvrage qui peut leur nuire; et comme ils ne manquent pas d'adresse, peut-ĂÂȘtre auront-ils celle de mettre dans leur parti les Rigoristes, alarmĂ©s par le tableau des mauvaises mĂ âurs qu'on n'a pas craint de prĂ©senter. Les prĂ©tendus esprits forts ne s'intĂ©resseront point Ă une femme dĂ©vote, que par cela mĂÂȘme ils regarderont comme une femmelette, tandis que les dĂ©vots se fĂÂącheront de voir succomber la vertu, et se plaindront que la Religion se montre avec trop peu de puissance. D'un autre cĂÂŽtĂ©, les personnes d'un goĂ»t dĂ©licat seront dĂ©goĂ»tĂ©es par le style trop simple et trop fautif de plusieurs de ces Lettres, tandis que le commun des Lecteurs, sĂ©duit par l'idĂ©e que tout ce qui est imprimĂ© est le fruit d'un travail, croira voir dans quelques autres la maniĂšre peinĂ©e d'un Auteur qui se montre derriĂšre le personnage qu'il fait parler. Enfin, on dira peut-ĂÂȘtre assez gĂ©nĂ©ralement, que chaque chose ne vaut qu'Ă sa place; et que si d'ordinaire le style trop chĂÂątiĂ© des Auteurs ĂÂŽte en effet de la grĂÂące aux Lettres de sociĂ©tĂ©, les nĂ©gligences de celles-ci deviennent de vĂ©ritables fautes, et les rendent insupportables, quand on les livre Ă l'impression. J'avoue avec sincĂ©ritĂ© que tous ces reproches peuvent ĂÂȘtre fondĂ©s je crois aussi qu'il me serait possible d'y rĂ©pondre, et mĂÂȘme sans excĂ©der la longueur d'une PrĂ©face. Mais on doit sentir que pour qu'il fĂ»t nĂ©cessaire de rĂ©pondre Ă tout, il faudrait que l'Ouvrage ne pĂ»t rĂ©pondre Ă rien; et que si j'en avais jugĂ© ainsi, j'aurais supprimĂ© Ă la fois la PrĂ©face et le Livre. PREMIERE PARTIE LETTRE PREMIERE CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY. AUX URSULINES DE ... Tu vois, ma bonne amie, que je tiens parole, et que les bonnets et les pompons ne prennent pas tout mon temps; il m'en restera toujours pour toi. J'ai pourtant vu plus de parures dans cette seule journĂ©e que dans les quatre ans que nous avons passĂ©s ensemble; et je crois que la superbe Tanville [Pensionnaire du mĂÂȘme Couvent] aura plus de chagrin Ă ma premiĂšre visite, oĂÂč je compte bien la demander, qu'elle n'a cru nous en faire toutes les fois qu'elle est venue nous voir in fiocchi . Maman m'a consultĂ©e sur tout; elle me traite beaucoup moins en pensionnaire que par le passĂ©. J'ai une Femme de chambre Ă moi; j'ai une chambre et un cabinet dont je dispose, et je t'Ă©cris Ă un SecrĂ©taire trĂšs joli, dont on m'a remis la clef, et oĂÂč je peux renfermer tout ce que je veux. Maman m'a dit que je la verrais tous les jours Ă son lever; qu'il suffisait que je fusse coiffĂ©e pour dĂner, parce que nous serions toujours seules, et qu'alors elle me dirait chaque jour l'heure oĂÂč je devrais l'aller joindre l'aprĂšs-midi. Le reste du temps est Ă ma disposition, et j'ai ma harpe, mon dessin et des livres comme au Couvent; si ce n'est que la MĂšre PerpĂ©tue n'est pas lĂ pour me gronder, et qu'il ne tiendrait qu'Ă moi d'ĂÂȘtre toujours Ă rien faire mais comme je n'ai pas ma Sophie pour causer et pour rire, j'aime autant m'occuper. Il n'est pas encore cinq heures; je ne dois aller retrouver Maman qu'Ă sept voilĂ bien du temps, si j'avais quelque chose Ă te dire! Mais on ne m'a encore parlĂ© de rien; et sans les apprĂÂȘts que je vois faire, et la quantitĂ© d'OuvriĂšres qui viennent toutes pour moi, je croirais qu'on ne songe pas Ă me marier, et que c'est un radotage de plus de la bonne JosĂ©phine [TouriĂšre du Couvent]. Cependant Maman m'a dit si souvent qu'une Demoiselle devait rester au Couvent jusqu'Ă ce qu'elle se mariĂÂąt, que puisqu'elle m'en fait sortir, il faut bien que JosĂ©phine ait raison. Il vient d'arrĂÂȘter un carrosse Ă la porte, et Maman me fait dire de passer chez elle tout de suite. Si c'Ă©tait le Monsieur? Je ne suis pas habillĂ©e, la main me tremble et le cĂ âur me bat. J'ai demandĂ© Ă la Femme de chambre, si elle savait qui Ă©tait chez ma mĂšre " Vraiment, m'a-t-elle dit, c'est M. C**. " Et elle riait. Oh! je crois que c'est lui. Je reviendrai sĂ»rement te raconter ce qui se sera passĂ©. VoilĂ toujours son nom. Il ne faut pas se faire attendre. Adieu, jusqu'Ă un petit moment. Comme tu vas te moquer de la pauvre CĂ©cile! Oh! j'ai Ă©tĂ© bien honteuse! Mais tu y aurais Ă©tĂ© attrapĂ©e comme moi. En entrant chez Maman, j'ai vu un Monsieur en noir, debout auprĂšs d'elle. Je l'ai saluĂ© du mieux que j'ai pu, et suis restĂ©e sans pouvoir bouger de ma place. Tu juges combien je l'examinais! " Madame " , a-t-il dit Ă ma mĂšre, en me saluant, " voilĂ une charmante Demoiselle, et je sens mieux que jamais le prix de vos bontĂ©s. " A ce propos si positif, il m'a pris un tremblement tel, que je ne pouvais me soutenir; j'ai trouvĂ© un fauteuil, et je m'y suis assise, bien rouge et bien dĂ©concertĂ©e. J'y Ă©tais Ă peine, que voilĂ cet homme Ă mes genoux. Ta pauvre CĂ©cile alors a perdu la tĂÂȘte; j'Ă©tais, comme a dit Maman, tout effarouchĂ©e. Je me suis levĂ©e en jetant un cri perçant, ... tiens, comme ce jour du tonnerre. Maman est partie d'un Ă©clat de rire, en me disant " Eh bien! qu'avez-vous? Asseyez-vous et donnez votre pied Ă Monsieur. " En effet, ma chĂšre amie, le Monsieur Ă©tait un Cordonnier. Je ne peux te rendre combien j'ai Ă©tĂ© honteuse par bonheur il n'y avait que Maman. Je crois que, quand je serai mariĂ©e, je ne me servirai plus de ce Cordonnier-lĂ . Conviens que nous voilĂ bien savantes! Adieu. Il est prĂšs de six heures, et ma Femme de chambre dit qu'il faut que je m'habille. Adieu, ma chĂšre Sophie; je t'aime comme si j'Ă©tais encore au Couvent. Je ne sais par qui envoyer ma Lettre ainsi j'attendrai que JosĂ©phine vienne. Paris, ce 3 aoĂ»t 17** LETTRE II LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT AU CHATEAU DE ... Revenez, mon cher Vicomte, revenez que faites-vous, que pouvez-vous faire chez une vieille tante dont tous les biens vous sont substituĂ©s? Partez sur-le- champ; j'ai besoin de vous. Il m'est venu une excellente idĂ©e, et je veux bien vous en confier l'exĂ©cution. Ce peu de mots devrait suffire; et, trop honorĂ© de mon choix, vous devriez venir, avec empressement, prendre mes ordres Ă genoux mais vous abusez de mes bontĂ©s, mĂÂȘme depuis que vous n'en usez plus; et dans l'alternative d'une haine Ă©ternelle ou d'une excessive indulgence, votre bonheur veut que ma bontĂ© l'emporte. Je veux donc bien vous instruire de mes projets mais jurez-moi qu'en fidĂšle Chevalier vous ne courrez aucune aventure que vous n'ayez mis celle-ci Ă fin. Elle est digne d'un HĂ©ros vous servirez l'Amour et la vengeance; ce sera enfin une rouerie [Ces mots rouĂ© et rouerie , dont heureusement la bonne compagnie commence Ă se dĂ©faire, Ă©taient fort en usage Ă l'Ă©poque oĂÂč ces Lettres ont Ă©tĂ© Ă©crites] de plus Ă mettre dans vos MĂ©moires oui, dans vos MĂ©moires, car je veux qu'ils soient imprimĂ©s un jour, et je me charge de les Ă©crire. Mais laissons cela, et revenons Ă ce qui m'occupe. Madame de Volanges marie sa fille c'est encore un secret; mais elle m'en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu'elle ait choisi pour gendre? Le Comte de Gercourt. Qui m'aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt? J'en suis dans une fureur! Eh bien! vous ne devinez pas encore? oh! l'esprit lourd! Lui avez-vous donc pardonnĂ© l'aventure de l'Intendante? Et moi, n'ai-je pas encore plus Ă me plaindre de lui, monstre que vous ĂÂȘtes? [Pour entendre ce passage, il faut savoir que le Comte de Gercourt avait quittĂ© la Marquise de Merteuil pour l'Intendante de ***, qui lui avait sacrifiĂ© le Vicomte de Valmont, et que c'est alors que la Marquise et le Vicomte s'attachĂšrent l'un Ă l'autre. Comme cette aventure est fort antĂ©rieure aux Ă©vĂ©nements dont il est question dans ces Lettres, on a cru devoir en supprimer toute la Correspondance.] Mais je m'apaise, et l'espoir de me venger rassĂ©rĂšne mon ĂÂąme. Vous avez Ă©tĂ© ennuyĂ© cent fois, ainsi que moi, de l'importance que met Gercourt Ă la femme qu'il aura, et de la sotte prĂ©somption qui lui fait croire qu'il Ă©vitera le sort inĂ©vitable. Vous connaissez sa ridicule prĂ©vention pour les Ă©ducations cloĂtrĂ©es, et son prĂ©jugĂ©, plus ridicule encore, en faveur de la retenue des blondes. En effet, je gagerais que, malgrĂ© les soixante mille livres de rente de la petite Volanges, il n'aurait jamais fait ce mariage, si elle eĂ»t Ă©tĂ© brune, ou si elle n'eĂ»t pas Ă©tĂ© au Couvent. Prouvons-lui donc qu'il n'est qu'un sot il le sera sans doute un jour; ce n'est pas lĂ ce qui m'embarrasse mais le plaisant serait qu'il dĂ©butĂÂąt par lĂ . Comme nous nous amuserions le lendemain en l'entendant se vanter! car il se vantera; et puis, si une fois vous formez cette petite fille, il y aura bien du malheur si le Gercourt ne devient pas, comme un autre, la fable de Paris. Au reste, l'HĂ©roĂÂŻne de ce nouveau Roman mĂ©rite tous vos soins elle est vraiment jolie; cela n'a que quinze ans, c'est le bouton de rose; gauche, Ă la vĂ©ritĂ©, comme on ne l'est point, et nullement maniĂ©rĂ©e mais, vous autres hommes, vous ne craignez pas cela; de plus, un certain regard langoureux qui promet beaucoup en vĂ©ritĂ© ajoutez-y que je vous la recommande; vous n'avez plus qu'Ă me remercier et m'obĂ©ir. Vous recevrez cette Lettre demain matin. J'exige que demain Ă sept heures du soir, vous soyez chez moi. Je ne recevrai personne qu'Ă huit, pas mĂÂȘme le rĂ©gnant Chevalier; il n'a pas assez de tĂÂȘte pour une aussi grande affaire. Vous voyez que l'Amour ne m'aveugle pas. A huit heures je vous rendrai votre libertĂ©, et vous reviendrez Ă dix souper avec le bel objet; car la mĂšre et la fille souperont chez moi. Adieu, il est midi passĂ© bientĂÂŽt je ne m'occuperai plus de vous. Paris, ce 4 aoĂ»t 17** LETTRE III CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne sais encore rien, ma bonne amie. Maman avait hier beaucoup de monde Ă souper. MalgrĂ© l'intĂ©rĂÂȘt que j'avais Ă examiner, les hommes surtout, je me suis fort ennuyĂ©e. Hommes et femmes, tout le monde m'a beaucoup regardĂ©e, et puis on se parlait Ă l'oreille; et je voyais bien qu'on parlait de moi cela me faisait rougir; je ne pouvais m'en empĂÂȘcher. Je l'aurais bien voulu, car j'ai remarquĂ© que quand on regardait les autres femmes, elles ne rougissaient pas; ou bien c'est le rouge qu'elles mettent, qui empĂÂȘche de voir celui que l'embarras leur cause; car il doit ĂÂȘtre bien difficile de ne pas rougir quand un homme vous regarde fixement. Ce qui m'inquiĂ©tait le plus Ă©tait de ne pas savoir ce qu'on pensait sur mon compte. Je crois avoir entendu pourtant deux ou trois fois le mot de jolie mais j'ai entendu bien distinctement celui de gauche ; et il faut que cela soit bien vrai, car la femme qui le disait est parente et amie de ma mĂšre; elle paraĂt mĂÂȘme avoir pris tout de suite de l'amitiĂ© pour moi. C'est la seule personne qui m'ait un peu parlĂ© dans la soirĂ©e. Nous souperons demain chez elle. J'ai encore entendu, aprĂšs souper, un homme que je suis sĂ»re qui parlait de moi, et qui disait Ă un autre " Il faut laisser mĂ»rir cela, nous verrons cet hiver. " C'est peut-ĂÂȘtre celui-lĂ qui doit m'Ă©pouser; mais alors ce ne serait donc que dans quatre mois! Je voudrais bien savoir ce qui en est. VoilĂ JosĂ©phine, et elle me dit qu'elle est pressĂ©e. Je veux pourtant te raconter encore une de mes gaucheries . Oh! je crois que cette dame a raison! AprĂšs le souper on s'est mis Ă jouer. Je me suis placĂ©e auprĂšs de Maman; je ne sais pas comment cela s'est fait, mais je me suis endormie presque tout de suite. Un grand Ă©clat de rire m'a rĂ©veillĂ©e. Je ne sais si l'on riait de moi, mais je le crois. Maman m'a permis de me retirer et elle m'a fait grand plaisir. Figure- toi qu'il Ă©tait onze heures passĂ©es. Adieu, ma chĂšre Sophie; aime toujours bien ta CĂ©cile. Je t'assure que le monde n'est pas aussi amusant que nous l'imaginions. Paris, ce 4 aoĂ»t l7**. LETTRE IV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A PARIS Vos ordres sont charmants; votre façon de les donner est plus aimable encore; vous feriez chĂ©rir le despotisme. Ce n'est pas la premiĂšre fois, comme vous savez, que je regrette de ne plus ĂÂȘtre votre esclave; et tout monstre que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps oĂÂč vous m'honoriez de noms plus doux. Souvent mĂÂȘme je dĂ©sire de les mĂ©riter de nouveau, et de finir par donner, avec vous, un exemple de constance au monde. Mais de plus grands intĂ©rĂÂȘts nous appellent; conquĂ©rir est notre destin; il faut le suivre peut-ĂÂȘtre au bout de la carriĂšre nous rencontrerons- nous encore; car, soit dit sans vous fĂÂącher, ma trĂšs belle Marquise, vous me suivez au moins d'un pas Ă©gal; et depuis que, nous sĂ©parant pour le bonheur du monde, nous prĂÂȘchons la foi chacun de notre cĂÂŽtĂ©, il me semble que dans cette mission d'amour, vous avez fait plus de prosĂ©lytes que moi. Je connais votre zĂšle, votre ardente ferveur; et si ce Dieu-lĂ nous jugeait sur nos Ă âuvres, vous seriez un jour la Patronne de quelque grande ville, tandis que votre ami serait au plus un Saint de village. Ce langage vous Ă©tonne, n'est-il pas vrai? Mais depuis huit jours, je n'en entends, je n'en parle pas d'autre; et c'est pour m'y perfectionner, que je me vois forcĂ© de vous dĂ©sobĂ©ir. Ne vous fĂÂąchez pas et Ă©coutez-moi. DĂ©positaire de tous les secrets de mon cĂ âur, je vais vous confier le plus grand projet que j'aie jamais formĂ©. Que me proposez-vous? de sĂ©duire une jeune fille qui n'a rien vu, ne connaĂt rien; qui, pour ainsi dire, me serait livrĂ©e sans dĂ©fense; qu'un premier hommage ne manquera pas d'enivrer et que la curiositĂ© mĂšnera peut-ĂÂȘtre plus vite que l'Amour. Vingt autres peuvent y rĂ©ussir comme moi. Il n'en est pas ainsi de l'entreprise qui m'occupe; son succĂšs m'assure autant de gloire que de plaisir l'Amour qui prĂ©pare ma couronne hĂ©site lui-mĂÂȘme entre le myrte et le laurier, ou plutĂÂŽt il les rĂ©unira pour honorer mon triomphe. Vous-mĂÂȘme, ma belle amie, vous serez saisie d'un saint respect, et vous direz avec enthousiasme " VoilĂ l'homme selon mon cĂ âur. " Vous connaissez la PrĂ©sidente Tourvel, sa dĂ©votion, son amour conjugal, ses principes austĂšres. VoilĂ ce que j'attaque; voilĂ l'ennemi digne de moi; voilĂ le but oĂÂč je prĂ©tends atteindre Et si de l'obtenir je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. On peut citer de mauvais vers, quand ils sont d'un grand PoĂšte [La Fontaine]. Vous saurez donc que le PrĂ©sident est en Bourgogne, Ă la suite d'un grand procĂšs j'espĂšre lui en faire perdre un plus important. Son inconsolable moitiĂ© doit passer ici tout le temps de cet affligeant veuvage. Une messe chaque jour, quelques visites aux Pauvres du canton, des priĂšres du matin et du soir, des promenades solitaires, de pieux entretiens avec ma vieille tante, et quelquefois un triste Wisk, devaient ĂÂȘtre ses seules distractions. Je lui en prĂ©pare de plus efficaces. Mon bon Ange m'a conduit ici, pour son bonheur et pour le mien. InsensĂ©! je regrettais vingt-quatre heures que je sacrifiais Ă des Ă©gards d'usage. Combien on me punirait, en me forçant de retourner Ă Paris! Heureusement il faut ĂÂȘtre quatre pour jouer au Wisk; et comme il n'y a ici que le CurĂ© du lieu, mon Ă©ternelle tante m'a beaucoup pressĂ© de lui sacrifier quelques jours. Vous devinez que j'ai consenti. Vous n'imaginez pas combien elle me cajole depuis ce moment, combien surtout elle est Ă©difiĂ©e de me voir rĂ©guliĂšrement Ă ses priĂšres et Ă sa Messe. Elle ne se doute pas de la DivinitĂ© que j'y adore. Me voilĂ donc, depuis quatre jours, livrĂ© Ă une passion forte. Vous savez si je dĂ©sire vivement, si je dĂ©vore les obstacles mais ce que vous ignorez, c'est combien la solitude ajoute Ă l'ardeur du dĂ©sir. Je n'ai plus qu'une idĂ©e; j'y pense le jour, et j'y rĂÂȘve la nuit. J'ai bien besoin d'avoir cette femme, pour me sauver du ridicule d'en ĂÂȘtre amoureux car oĂÂč ne mĂšne pas un dĂ©sir contrariĂ©? Ăâ dĂ©licieuse jouissance! Je t'implore pour mon bonheur et surtout pour mon repos. Que nous sommes heureux que les femmes se dĂ©fendent si mal! nous ne serions auprĂšs d'elles que de timides esclaves. J'ai dans ce moment un sentiment de reconnaissance pour les femmes faciles, qui m'amĂšne naturellement Ă vos pieds. Je m'y prosterne pour obtenir mon pardon, et j'y finis cette trop longue Lettre. Adieu, ma trĂšs belle amie sans rancune. Du ChĂÂąteau de ..., 5 aoĂ»t 17** LETTRE V LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Savez-vous, Vicomte, que votre Lettre est d'une insolence rare, et qu'il ne tiendrait qu'Ă moi de m'en fĂÂącher? mais elle m'a prouvĂ© clairement que vous aviez perdu la tĂÂȘte, et cela seul vous a sauvĂ© de mon indignation. Amie gĂ©nĂ©reuse et sensible, j'oublie mon injure pour ne m'occuper que de votre danger; et quelque ennuyeux qu'il soit de raisonner, je cĂšde au besoin que vous en avez dans ce moment. Vous, avoir la PrĂ©sidente de Tourvel! mais quel ridicule caprice! Je reconnais bien lĂ votre mauvaise tĂÂȘte qui ne sait dĂ©sirer que ce qu'elle croit ne pas pouvoir obtenir. Qu'est-ce donc que cette femme? des traits rĂ©guliers si vous voulez, mais nulle expression passablement faite, mais sans grĂÂąces toujours mise Ă faire rire! avec ses paquets de fichus sur la gorge, et son corps qui remonte au menton! Je vous le dis en amie, il ne vous faudrait pas deux femmes comme celle-lĂ , pour vous faire perdre toute votre considĂ©ration. Rappelez-vous donc ce jour oĂÂč elle quĂÂȘtait Ă Saint-Roch, et oĂÂč vous me remerciĂÂątes tant de vous avoir procurĂ© ce spectacle. Je crois la voir encore, donnant la main Ă ce grand Ă©chalas en cheveux longs, prĂÂȘte Ă tomber Ă chaque pas, ayant toujours son panier de quatre aunes sur la tĂÂȘte de quelqu'un, et rougissant Ă chaque rĂ©vĂ©rence. Qui vous eĂ»t dit alors vous dĂ©sirerez cette femme? Allons, Vicomte, rougissez vous-mĂÂȘme, et revenez Ă vous. Je vous promets le secret. Et puis, voyez donc les dĂ©sagrĂ©ments qui vous attendent! quel rival avez-vous Ă combattre? un mari! Ne vous sentez-vous pas humiliĂ© Ă ce seul mot? Quelle honte si vous Ă©chouez! et mĂÂȘme combien peu de gloire dans le succĂšs! Je dis plus; n'en espĂ©rez aucun plaisir. En est-il avec les prudes? j'entends celles de bonne foi rĂ©servĂ©es au sein mĂÂȘme du plaisir, elles ne vous offrent que des demi-jouissances. Cet entier abandon de soi-mĂÂȘme, ce dĂ©lire de la voluptĂ© oĂÂč le plaisir s'Ă©pure par son excĂšs, ces biens de l'Amour, ne sont pas connus d'elles. Je vous le prĂ©dis; dans la plus heureuse supposition, votre PrĂ©sidente croira avoir tout fait pour vous en vous traitant comme son mari, et dans le tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte conjugal le plus tendre, on reste toujours deux. Ici c'est bien pis encore; votre prude est dĂ©vote et de cette dĂ©votion de bonne femme qui condamne Ă une Ă©ternelle enfance. Peut-ĂÂȘtre surmonterez-vous cet obstacle, mais ne vous flattez pas de le dĂ©truire vainqueur de l'Amour de Dieu, vous ne le serez pas de la peur du Diable; et quand, tenant votre MaĂtresse dans vos bras, vous sentirez palpiter son cĂ âur, ce sera de crainte et non d'amour. Peut- ĂÂȘtre, si vous eussiez connu cette femme plus tĂÂŽt, en eussiez-vous pu faire quelque chose; mais cela a vingt-deux ans, et il y en a prĂšs de deux qu'elle est mariĂ©e. Croyez-moi, Vicomte, quand une femme s'est encroĂ»tĂ©e Ă ce point, il faut l'abandonner Ă son sort; ce ne sera jamais qu'une espĂšce . C'est pourtant pour ce bel objet que vous refusez de m'obĂ©ir, que vous vous enterrez dans le tombeau de votre tante, et que vous renoncez Ă l'aventure la plus dĂ©licieuse et la plus faite pour vous faire honneur. Par quelle fatalitĂ© faut- il donc que Gercourt garde toujours quelque avantage sur vous? Tenez, je vous en parle sans humeur mais, dans ce moment, je suis tentĂ©e de croire que vous ne mĂ©ritez pas votre rĂ©putation; je suis tentĂ©e surtout de vous retirer ma confiance. Je ne m'accoutumerai jamais Ă dire mes secrets Ă l'amant de Madame de Tourvel. Sachez pourtant que la petite Volanges a dĂ©jĂ fait tourner une tĂÂȘte. Le jeune Danceny en raffole. Il a chantĂ© avec elle; et en effet elle chante mieux qu'Ă une Pensionnaire n'appartient. Ils doivent rĂ©pĂ©ter beaucoup de Duos, et je crois qu'elle se mettrait volontiers Ă l'unisson mais ce Danceny est un enfant qui perdra son temps Ă faire l'Amour, et ne finira rien. La petite personne de son cĂÂŽtĂ© est assez farouche; et, Ă tout Ă©vĂ©nement, cela sera toujours beaucoup moins plaisant que vous n'auriez pu le rendre aussi j'ai de l'humeur, et sĂ»rement je querellerai le Chevalier Ă son arrivĂ©e. Je lui conseille d'ĂÂȘtre doux; car, dans ce moment, il ne m'en coĂ»terait rien de rompre avec lui. Je suis sĂ»re que si j'avais le bon esprit de le quitter Ă prĂ©sent, il en serait au dĂ©sespoir; et rien ne m'amuse comme un dĂ©sespoir amoureux. Il m'appellerait perfide, et ce mot de perfide m'a toujours fait plaisir; c'est, aprĂšs celui de cruelle, le plus doux Ă l'oreille d'une femme, et il est moins pĂ©nible Ă mĂ©riter. SĂ©rieusement, je vais m'occuper de cette rupture. VoilĂ pourtant de quoi vous ĂÂȘtes cause! aussi je le mets sur votre conscience. Adieu. Recommandez-moi aux priĂšres de votre PrĂ©sidente. Paris, ce 7 aoĂ»t 17** LETTRE VI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il n'est donc point de femme qui n'abuse de l'empire qu'elle a su prendre! Et vous-mĂÂȘme, vous que je nommai si souvent mon indulgente amie, vous cessez enfin de l'ĂÂȘtre, et vous ne craignez pas de m'attaquer dans l'objet de mes affections! De quels traits vous osez peindre Madame de Tourvel! quel homme n'eĂ»t point payĂ© de sa vie cette insolente audace? Ă quelle autre femme qu'Ă vous n'eĂ»t-elle valu au moins une noirceur? De grĂÂące, ne me mettez plus Ă d'aussi rudes Ă©preuves; je ne rĂ©pondrais pas de les soutenir. Au nom de l'amitiĂ©, attendez que j'aie eu cette femme, si vous voulez en mĂ©dire. Ne savez-vous pas que la seule voluptĂ© a le droit de dĂ©tacher le bandeau de l'Amour? Mais que dis-je? Madame de Tourvel a-t-elle besoin d'illusion? non; pour ĂÂȘtre adorable il lui suffit d'ĂÂȘtre elle-mĂÂȘme. Vous lui reprochez de se mettre mal; je le crois bien; toute parure lui nuit; tout ce qui la cache la dĂ©pare c'est dans l'abandon du nĂ©gligĂ© qu'elle est vraiment ravissante. GrĂÂące aux chaleurs accablantes que nous Ă©prouvons, un dĂ©shabillĂ© de simple toile me laisse voir sa taille ronde et souple. Une seule mousseline couvre sa gorge, et mes regards furtifs, mais pĂ©nĂ©trants, en ont dĂ©jĂ saisi les formes enchanteresses. Sa figure, dites-vous, n'a nulle expression. Et qu'exprimerait-elle, dans les moments oĂÂč rien ne parle Ă son cĂ âur? Non, sans doute, elle n'a point, comme nos femmes coquettes, ce regard menteur qui sĂ©duit quelquefois et nous trompe toujours. Elle ne sait pas couvrir le vide d'une phrase par un sourire Ă©tudiĂ©; et quoiqu'elle ait les plus belles dents du monde, elle ne rit que de ce qui l'amuse. Mais il faut voir comme, dans les folĂÂątres jeux, elle offre l'image d'une gaietĂ© naĂÂŻve et franche! comme, auprĂšs d'un malheureux qu'elle s'empresse de secourir, son regard annonce la joie pure et la bontĂ© compatissante! Il faut voir, surtout au moindre mot d'Ă©loge ou de cajolerie, se peindre, sur sa figure cĂ©leste, ce touchant embarras d'une modestie qui n'est point jouĂ©e! Elle est prude et dĂ©vote, et de lĂ vous la jugez froide et inanimĂ©e? Je pense bien diffĂ©remment. Quelle Ă©tonnante sensibilitĂ© ne faut-il pas avoir pour la rĂ©pandre jusque sur son mari, et pour aimer toujours un ĂÂȘtre toujours absent? Quelle preuve plus forte pourriez-vous dĂ©sirer? J'ai su pourtant m'en procurer une autre. J'ai dirigĂ© sa promenade de maniĂšre qu'il s'est trouvĂ© un fossĂ© Ă franchir; et, quoique fort leste, elle est encore plus timide vous jugez bien qu'une prude craint de sauter le fossĂ© [On reconnaĂt ici le mauvais goĂ»t des calembours, qui commençait Ă prendre, et qui depuis a fait tant de progrĂšs]. Il a fallu se confier Ă moi. J'ai tenu dans mes bras cette femme modeste. Nos prĂ©paratifs et le passage de ma vieille tante avaient fait rire aux Ă©clats la folĂÂątre DĂ©vote mais, dĂšs que je me fus emparĂ© d'elle, par une adroite gaucherie, nos bras s'enlacĂšrent mutuellement. Je pressai son sein contre le mien; et, dans ce court intervalle, je sentis son cĂ âur battre plus vite. L'aimable rougeur vint colorer son visage, et son modeste embarras m'apprit assez que son cĂ âur avait palpitĂ© d'amour et non de crainte . Ma tante cependant s'y trompa comme vous, et se mit Ă dire " L'enfant a eu peur " ; mais la charmante candeur de l'enfant ne lui permit pas le mensonge, et elle rĂ©pondit naĂÂŻvement " Oh non, mais!... " Ce seul mot m'a Ă©clairĂ©. DĂšs ce moment, le doux espoir a remplacĂ© la cruelle inquiĂ©tude. J'aurai cette femme; je l'enlĂšverai au mari qui la profane j'oserai la ravir au Dieu mĂÂȘme qu'elle adore. Quel dĂ©lice d'ĂÂȘtre tour Ă tour l'objet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi l'idĂ©e de dĂ©truire les prĂ©jugĂ©s qui l'assiĂšgent! ils ajouteront Ă mon bonheur et Ă ma gloire. Qu'elle croie Ă la vertu, mais qu'elle me la sacrifie; que ses fautes l'Ă©pouvantent sans pouvoir l'arrĂÂȘter; et qu'agitĂ©e de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu'alors, j'y consens, elle me dise " Je t'adore " , elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu'elle aura prĂ©fĂ©rĂ©. Soyons de bonne foi; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est Ă peine un plaisir. Vous le dirai-je? je croyais mon cĂ âur flĂ©tri, et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d'une vieillesse prĂ©maturĂ©e. Madame de Tourvel m'a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. AuprĂšs d'elle, je n'ai pas besoin de jouir pour ĂÂȘtre heureux. La seule chose qui m'effraie, est le temps que va me prendre cette aventure; car je n'ose rien donner au hasard. J'ai beau me rappeler mes heureuses tĂ©mĂ©ritĂ©s, je ne puis me rĂ©soudre Ă les mettre en usage. Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu'elle se donne; et ce n'est pas une petite affaire. Je suis sĂ»r que vous admireriez ma prudence. Je n'ai pas encore prononcĂ© le mot d'amour; mais dĂ©jĂ nous en sommes Ă ceux de confiance et d'intĂ©rĂÂȘt. Pour la tromper le moins possible, et surtout pour prĂ©venir l'effet des propos qui pourraient lui revenir, je lui ai racontĂ© moi-mĂÂȘme, et comme en m'accusant, quelques-uns de mes traits les plus connus. Vous ririez de voir avec quelle candeur elle me prĂÂȘche. Elle veut, dit-elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu'il lui en coĂ»tera pour le tenter. Elle est loin de penser qu'en plaidant , pour parler comme elle, pour les infortunĂ©es que j'ai perdues , elle parle d'avance dans sa propre cause. Cette idĂ©e me vint hier au milieu d'un de ses sermons, et je ne pus me refuser au plaisir de l'interrompre, pour l'assurer qu'elle parlait comme un prophĂšte. Adieu, ma trĂšs belle amie. Vous voyez que je ne suis pas perdu sans ressources. A propos, ce pauvre Chevalier, s'est-il tuĂ© de dĂ©sespoir? En vĂ©ritĂ©, vous ĂÂȘtes cent fois plus mauvais sujet que moi, et vous m'humilieriez si j'avais de l'amour-propre. Du ChĂÂąteau de ..., ce 9 aoĂ»t 17** LETTRE VII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY [Pour ne pas abuser de la patience du Lecteur, on supprime beaucoup de Lettres de cette Correspondance journaliĂšre; on ne donne que celles qui ont paru nĂ©cessaires Ă l'intelligence des Ă©vĂ©nements de cette sociĂ©tĂ©. C'est par le mĂÂȘme motif qu'on supprime aussi toutes les Lettres de Sophie Carnay et plusieurs de celles des autres Acteurs de ces aventures.] Si je ne t'ai rien dit de mon mariage, c'est que je ne suis pas plus instruite que le premier jour. Je m'accoutume Ă n'y plus penser et je me trouve assez bien de mon genre de vie. J'Ă©tudie beaucoup mon chant et ma harpe; il me semble que je les aime mieux depuis que je n'ai plus de MaĂtres, ou plutĂÂŽt c'est que j'en ai un meilleur. M. le Chevalier Danceny, ce Monsieur dont je t'ai parlĂ©, et avec qui j'ai chantĂ© chez Madame de Merteuil, a la complaisance de venir ici tous les jours, et de chanter avec moi des heures entiĂšres. Il est extrĂÂȘmement aimable. Il chante comme un Ange, et compose de trĂšs jolis airs dont il fait aussi les paroles. C'est bien dommage qu'il soit Chevalier de Malte! Il me semble que s'il se mariait, sa femme serait bien heureuse. Il a une douceur charmante. Il n'a jamais l'air de faire un compliment, et pourtant tout ce qu'il dit flatte. Il me reprend sans cesse, tant sur la musique que sur autre chose mais il mĂÂȘle Ă ses critiques tant d'intĂ©rĂÂȘt et de gaietĂ©, qu'il est impossible de ne pas lui en savoir grĂ©. Seulement quand il vous regarde, il a l'air de vous dire quelque chose d'obligeant. Il joint Ă tout cela d'ĂÂȘtre trĂšs complaisant. Par exemple, hier, il Ă©tait priĂ© d'un grand concert; il a prĂ©fĂ©rĂ© de rester toute la soirĂ©e chez Maman. Cela m'a fait bien plaisir; car quand il n'y est pas, personne ne me parle, et je m'ennuie au lieu que quand il y est, nous chantons et nous causons ensemble. Il a toujours quelque chose Ă me dire. Lui et Madame de Merteuil sont les deux seules personnes que je trouve aimables. Mais adieu, ma chĂšre amie j'ai promis que je saurais pour aujourd'hui une ariette dont l'accompagnement est trĂšs difficile, et je ne veux pas manquer de parole. Je vais me remettre Ă l'Ă©tude jusqu'Ă ce qu'il vienne. De ..., ce 7 aoĂ»t 17** LETTRE VIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES On ne peut ĂÂȘtre plus sensible que je le suis, Madame, Ă la confiance que vous me tĂ©moignez, ni prendre plus d'intĂ©rĂÂȘt que moi Ă l'Ă©tablissement de Mademoiselle de Volanges. C'est bien de toute mon ĂÂąme que je lui souhaite une fĂ©licitĂ© dont je ne doute pas qu'elle ne soit digne, et sur laquelle je m'en rapporte bien Ă votre prudence. Je ne connais point M. le Comte de Gercourt; mais, honorĂ© de votre choix, je ne puis prendre de lui qu'une idĂ©e trĂšs avantageuse. Je me borne, Madame, Ă souhaiter Ă ce mariage un succĂšs aussi heureux qu'au mien, qui est pareillement votre ouvrage, et pour lequel chaque jour ajoute Ă ma reconnaissance. Que le bonheur de Mademoiselle votre fille soit la rĂ©compense de celui que vous m'avez procurĂ©; et puisse la meilleure des amies ĂÂȘtre aussi la plus heureuse des mĂšres! Je suis vraiment peinĂ©e de ne pouvoir vous offrir de vive voix l'hommage de ce vĂ âu sincĂšre, et faire, aussi tĂÂŽt que je le dĂ©sirerais, connaissance avec Mademoiselle de Volanges. AprĂšs avoir Ă©prouvĂ© vos bontĂ©s vraiment maternelles, j'ai droit d'espĂ©rer d'elle l'amitiĂ© tendre d'une sĂ âur. Je vous prie, Madame, de vouloir bien la lui demander de ma part, en attendant que je me trouve Ă portĂ©e de la mĂ©riter. Je compte rester Ă la campagne tout le temps de l'absence de M. de Tourvel. J'ai pris ce temps pour jouir et profiter de la sociĂ©tĂ© de la respectable Madame de Rosemonde. Cette femme est toujours charmante son grand ĂÂąge ne lui fait rien perdre; elle conserve toute sa mĂ©moire et sa gaietĂ©. Son corps seul a quatre-vingt-quatre ans; son esprit n'en a que vingt. Notre retraite est Ă©gayĂ©e par son neveu le Vicomte de Valmont, qui a bien voulu nous sacrifier quelques jours. Je ne le connaissais que de rĂ©putation, et elle me faisait peu dĂ©sirer de le connaĂtre davantage mais il me semble qu'il vaut mieux qu'elle. Ici, oĂÂč le tourbillon du monde ne le gĂÂąte pas, il parle raison avec une facilitĂ© Ă©tonnante, et il s'accuse de ses torts avec une candeur rare. Il me parle avec beaucoup de confiance, et je le prĂÂȘche avec beaucoup de sĂ©vĂ©ritĂ©. Vous qui le connaissez, vous conviendrez que ce serait une belle conversion Ă faire mais je ne doute pas, malgrĂ© ses promesses, que huit jours de Paris ne lui fassent oublier tous mes sermons. Le sĂ©jour qu'il fera ici sera au moins autant de retranchĂ© sur sa conduite ordinaire et je crois que, d'aprĂšs sa façon de vivre, ce qu'il peut faire de mieux est de ne rien faire du tout. Il sait que je suis occupĂ©e Ă vous Ă©crire, et il m'a chargĂ©e de vous prĂ©senter ses respectueux hommages. Recevez aussi le mien avec la bontĂ© que je vous connais, et ne doutez jamais des sentiments sincĂšres avec lesquels j'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Du ChĂÂąteau de ..., ce 9 aoĂ»t 17** LETTRE IX MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Je n'ai jamais doutĂ©, ma jeune et belle amie, ni de l'amitiĂ© que vous avez pour moi, ni de l'intĂ©rĂÂȘt sincĂšre que vous prenez Ă tout ce qui me regarde. Ce n'est pas pour Ă©claircir ce point, que j'espĂšre convenu Ă jamais entre nous, que je rĂ©ponds Ă votre RĂ©ponse mais je ne crois pas pouvoir me dispenser de causer avec vous au sujet du Vicomte de Valmont. Je ne m'attendais pas, je l'avoue, Ă trouver jamais ce nom-lĂ dans vos Lettres. En effet, que peut-il y avoir de commun entre vous et lui? Vous ne connaissez pas cet homme; oĂÂč auriez-vous pris l'idĂ©e de l'ĂÂąme d'un libertin? Vous me parlez de sa rare candeur oh! oui; la candeur de Valmont doit ĂÂȘtre en effet trĂšs rare. Encore plus faux et dangereux qu'il n'est aimable et sĂ©duisant, jamais depuis sa plus grande jeunesse, il n'a fait un pas ou dit une parole sans avoir un projet, et jamais il n'eut un projet qui ne fĂ»t malhonnĂÂȘte ou criminel. Mon amie, vous me connaissez; vous savez si, des vertus que je tĂÂąche d'acquĂ©rir, l'indulgence n'est pas celle que je chĂ©ris le plus. Aussi, si Valmont Ă©tait entraĂnĂ© par des passions fougueuses; si, comme mille autres, il Ă©tait sĂ©duit par les erreurs de son ĂÂąge, blĂÂąmant sa conduite je plaindrais sa personne, et j'attendrais, en silence, le temps oĂÂč un retour heureux lui rendrait l'estime des gens honnĂÂȘtes. Mais Valmont n'est pas cela sa conduite est le rĂ©sultat de ses principes. Il sait calculer tout ce qu'un homme peut se permettre d'horreurs, sans se compromettre; et pour ĂÂȘtre cruel et mĂ©chant sans danger, il a choisi les femmes pour victimes. Je ne m'arrĂÂȘte pas Ă compter celles qu'il a sĂ©duites mais combien n'en a-t-il pas perdues? Dans la vie sage et retirĂ©e que vous menez, ces scandaleuses aventures ne parviennent pas jusqu'Ă vous. Je pourrais vous en raconter qui vous feraient frĂ©mir; mais vos regards, purs comme votre ĂÂąme, seraient souillĂ©s par de semblables tableaux sĂ»re que Valmont ne sera jamais dangereux pour vous, vous n'avez pas besoin de pareilles armes pour vous dĂ©fendre. La seule chose que j'ai Ă vous dire, c'est que, de toutes les femmes auxquelles il a rendu des soins, succĂšs ou non, il n'en est point qui n'aient eu Ă s'en plaindre. La seule Marquise de Merteuil fait l'exception Ă cette rĂšgle gĂ©nĂ©rale; seule, elle a su lui rĂ©sister et enchaĂner sa mĂ©chancetĂ©. J'avoue que ce trait de sa vie est celui qui lui fait le plus d'honneur Ă mes yeux aussi a-t-il suffi pour la justifier pleinement aux yeux de tous, de quelques inconsĂ©quences qu'on avait Ă lui reprocher dans le dĂ©but de son veuvage. [L'erreur oĂÂč est Madame de Volanges nous fait voir qu'ainsi que les autres scĂ©lĂ©rats Valmont ne dĂ©celait pas ses complices.] Quoi qu'il en soit, ma belle amie, ce que l'ĂÂąge, l'expĂ©rience et surtout l'amitiĂ©, m'autorisent Ă vous reprĂ©senter, c'est qu'on commence Ă s'apercevoir dans le monde de l'absence de Valmont; et que si on sait qu'il soit restĂ© quelque temps en tiers entre sa tante et vous, votre rĂ©putation sera entre ses mains; malheur le plus grand qui puisse arriver Ă une femme. Je vous conseille donc d'engager sa tante Ă ne pas le retenir davantage; et s'il s'obstine Ă rester, je crois que vous ne devez pas hĂ©siter Ă lui cĂ©der la place. Mais pourquoi resterait-il? que fait-il donc Ă cette campagne? Si vous faisiez Ă©pier ses dĂ©marches, je suis sĂ»re que vous dĂ©couvririez qu'il n'a fait que prendre un asile plus commode, pour quelques noirceurs qu'il mĂ©dite dans les environs. Mais, dans l'impossibilitĂ© de remĂ©dier au mal, contentons-nous de nous en garantir. Adieu, ma belle amie; voilĂ le mariage de ma fille un peu retardĂ©. Le Comte de Gercourt, que nous attendions d'un jour Ă l'autre, me mande que son RĂ©giment passe en Corse; et comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s'absenter avant l'hiver. Cela me contrarie; mais cela me fait espĂ©rer que nous aurons le plaisir de vous voir Ă la noce, et j'Ă©tais fĂÂąchĂ©e qu'elle se fĂt sans vous. Adieu; je suis, sans compliment comme sans rĂ©serve, entiĂšrement Ă vous. Rappelez-moi au souvenir de Madame de Rosemonde, que j'aime toujours autant qu'elle le mĂ©rite. De ..., ce 11 aoĂ»t 17** LETTRE X LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Me boudez-vous, Vicomte? ou bien ĂÂȘtes-vous mort? ou, ce qui y ressemblerait beaucoup, ne vivez-vous plus que pour votre PrĂ©sidente? Cette femme, qui vous a rendu les illusions de la jeunesse , vous en rendra bientĂÂŽt aussi les ridicules prĂ©jugĂ©s. DĂ©jĂ vous voilĂ timide et esclave; autant vaudrait ĂÂȘtre amoureux. Vous renoncez Ă vos heureuses tĂ©mĂ©ritĂ©s . Vous voilĂ donc vous conduisant sans principes, et donnant tout au hasard, ou plutĂÂŽt au caprice. Ne vous souvient-il plus que l'Amour est, comme la mĂ©decine, seulement l'art d'aider la Nature ? Vous voyez que je vous bats avec vos armes mais je n'en prendrai pas d'orgueil; car c'est bien battre un homme Ă terre. Il faut qu'elle se donne , me dites-vous eh! sans doute, il le faut; aussi se donnera-t-elle comme les autres, avec cette diffĂ©rence que ce sera de mauvaise grĂÂące. Mais, pour qu'elle finisse par se donner, le vrai moyen est de commencer par la prendre. Que cette ridicule distinction est bien un vrai dĂ©raisonnement de l'Amour! Je dis l'Amour; car vous ĂÂȘtes amoureux. Vous parler autrement, ce serait vous trahir; ce serait vous cacher votre mal. Dites-moi donc, amant langoureux, ces femmes que vous avez eues, croyez- vous les avoir violĂ©es? Mais, quelque envie qu'on ait de se donner, quelque pressĂ©e que l'on en soit, encore faut-il un prĂ©texte; et y en a-t-il de plus commode pour nous, que celui qui nous donne l'air de cĂ©der Ă la force? Pour moi, je l'avoue, une des choses qui me flattent le plus, est une attaque vive et bien faite, oĂÂč tout se succĂšde avec ordre quoique avec rapiditĂ©; qui ne nous met jamais dans ce pĂ©nible embarras de rĂ©parer nous-mĂÂȘmes une gaucherie dont au contraire nous aurions dĂ» profiter; qui sait garder l'air de la violence jusque dans les choses que nous accordons, et flatter avec adresse nos deux passions favorites, la gloire de la dĂ©fense et le plaisir de la dĂ©faite. Je conviens que ce talent, plus rare que l'on ne croit, m'a toujours fait plaisir, mĂÂȘme alors qu'il ne m'a pas sĂ©duite, et que quelquefois il m'est arrivĂ© de me rendre, uniquement comme rĂ©compense. Telle dans nos anciens Tournois, la BeautĂ© donnait le prix de la valeur et de l'adresse. Mais vous, vous qui n'ĂÂȘtes plus vous, vous vous conduisez comme si vous aviez peur de rĂ©ussir. Eh! depuis quand voyagez-vous Ă petites journĂ©es et par des chemins de traverse? Mon ami, quand on veut arriver, des chevaux de poste et la grande route! Mais laissons ce sujet, qui me donne d'autant plus d'humeur, qu'il me prive du plaisir de vous voir. Au moins Ă©crivez-moi plus souvent que vous ne faites, et mettez-moi au courant de vos progrĂšs. Savez- vous que voilĂ plus de quinze jours que cette ridicule aventure vous occupe, et que vous nĂ©gligez tout le monde? A propos de nĂ©gligence, vous ressemblez aux gens qui envoient rĂ©guliĂšrement savoir des nouvelles de leurs amis malades, mais qui ne se font jamais rendre la rĂ©ponse. Vous finissez votre derniĂšre Lettre par me demander si le Chevalier est mort. Je ne rĂ©ponds pas, et vous ne vous en inquiĂ©tez pas davantage. Ne savez-vous plus que mon amant est votre ami-nĂ©? Mais rassurez-vous, il n'est point mort; ou s'il l'Ă©tait, ce serait de l'excĂšs de sa joie. Ce pauvre Chevalier, comme il est tendre! comme il est fait pour l'Amour! comme il sait sentir vivement! la tĂÂȘte m'en tourne. SĂ©rieusement, le bonheur parfait qu'il trouve Ă ĂÂȘtre aimĂ© de moi m'attache vĂ©ritablement Ă lui. Ce mĂÂȘme jour, oĂÂč je vous Ă©crivais que j'allais travailler Ă notre rupture, combien je le rendis heureux! Je m'occupais pourtant tout de bon des moyens de le dĂ©sespĂ©rer, quand on me l'annonça. Soit caprice ou raison, jamais il ne me parut si bien. Je le reçus cependant avec humeur. Il espĂ©rait passer deux heures avec moi, avant celle oĂÂč ma porte serait ouverte Ă tout le monde. Je lui dis que j'allais sortir il me demanda oĂÂč j'allais; je refusai de le lui apprendre. Il insista; oĂÂč vous ne serez pas , repris-je, avec aigreur. Heureusement pour lui, il resta pĂ©trifiĂ© de cette rĂ©ponse; car, s'il eĂ»t dit un mot, il s'ensuivait immanquablement une scĂšne qui eĂ»t amenĂ© la rupture que j'avais projetĂ©e. EtonnĂ©e de son silence, je jetai les yeux sur lui sans autre projet, je vous jure, que de voir la mine qu'il faisait. Je retrouvai sur cette charmante figure, cette tristesse, Ă la fois profonde et tendre, Ă laquelle vous-mĂÂȘme ĂÂȘtes convenu qu'il Ă©tait si difficile de rĂ©sister. La mĂÂȘme cause produisit le mĂÂȘme effet; je fus vaincue une seconde fois. DĂšs ce moment, je ne m'occupai plus que des moyens d'Ă©viter qu'il pĂ»t me trouver un tort. " Je sors pour affaire, lui dis-je avec un air un peu plus doux, et mĂÂȘme cette affaire vous regarde; mais ne m'interrogez pas. Je souperai chez moi; revenez, et vous serez instruit. " Alors il retrouva la parole; mais je ne lui permis pas d'en faire usage. " Je suis trĂšs pressĂ©e, continuai-je. Laissez-moi; Ă ce soir. " Il baisa ma main et sortit. AussitĂÂŽt, pour le dĂ©dommager, peut-ĂÂȘtre pour me dĂ©dommager moi-mĂÂȘme, je me dĂ©cide Ă lui faire connaĂtre ma petite maison dont il ne se doutait pas. J'appelle ma fidĂšle Victoire . J'ai ma migraine; je me couche pour tous mes gens; et, restĂ©e enfin seule avec la vĂ©ritable , tandis qu'elle se travestit en Laquais, je fais une toilette de Femme de chambre. Elle fait ensuite venir un fiacre Ă la porte de mon jardin, et nous voilĂ parties. ArrivĂ©e dans ce temple de l'Amour, je choisis le dĂ©shabillĂ© le plus galant. Celui-ci est dĂ©licieux; il est de mon invention il ne laisse rien voir, et pourtant fait tout deviner. Je vous en promets un modĂšle pour votre PrĂ©sidente, quand vous l'aurez rendue digne de le porter. AprĂšs ces prĂ©paratifs, pendant que Victoire s'occupe des autres dĂ©tails, je lis un chapitre du Sopha , une Lettre d' HĂ©loĂÂŻse et deux Contes de La Fontaine, pour recorder les diffĂ©rents tons que je voulais prendre. Cependant mon Chevalier arrive Ă ma porte, avec l'empressement qu'il a toujours. Mon Suisse la lui refuse, et lui apprend que je suis malade premier incident. Il lui remet en mĂÂȘme temps un billet de moi, mais non de mon Ă©criture, suivant ma prudente rĂšgle. Il l'ouvre, et y trouve de la main de Victoire " A neuf heures prĂ©cises, au Boulevard, devant les CafĂ©s. " Il s'y rend; et lĂ , un petit Laquais qu'il ne connaĂt pas, qu'il croit au moins ne pas connaĂtre, car c'Ă©tait toujours Victoire, vient lui annoncer qu'il faut renvoyer sa voiture et le suivre. Toute cette marche romanesque lui Ă©chauffait la tĂÂȘte d'autant, et la tĂÂȘte Ă©chauffĂ©e ne nuit Ă rien. Il arrive enfin, et la surprise et l'Amour causaient en lui un vĂ©ritable enchantement. Pour lui donner le temps de se remettre, nous nous promenons un moment dans le bosquet; puis je le ramĂšne vers la maison. Il voit d'abord deux couverts mis ensuite un lit fait. Nous passons jusqu'au boudoir, qui Ă©tait dans toute sa parure. LĂ , moitiĂ© rĂ©flexion, moitiĂ© sentiment, je passai mes bras autour de lui et me laissai tomber Ă ses genoux. " O mon ami, lui dis-je, pour vouloir te mĂ©nager la surprise de ce moment, je me reproche de t'avoir affligĂ© par l'apparence de l'humeur, d'avoir pu un instant voiler mon cĂ âur Ă tes regards. Pardonne-moi mes torts je veux les expier Ă force d'amour. " Vous jugez de l'effet de ce discours sentimental. L'heureux Chevalier me releva et mon pardon fut scellĂ© sur cette mĂÂȘme ottomane oĂÂč vous et moi scellĂÂąmes si gaiement et de la mĂÂȘme maniĂšre notre Ă©ternelle rupture. Comme nous avions six heures Ă passer ensemble, et que j'avais rĂ©solu que tout ce temps fĂ»t pour lui Ă©galement dĂ©licieux, je modĂ©rai ses transports, et l'aimable coquetterie vint remplacer la tendresse. Je ne crois pas avoir jamais mis tant de soin Ă plaire, ni avoir Ă©tĂ© jamais aussi contente de moi. AprĂšs le souper, tour Ă tour enfant et raisonnable, folĂÂątre et sensible, quelquefois mĂÂȘme libertine, je me plaisais Ă le considĂ©rer comme un Sultan au milieu de son SĂ©rail, dont j'Ă©tais tour Ă tour les Favorites diffĂ©rentes. En effet, ses hommages rĂ©itĂ©rĂ©s, quoique toujours reçus par la mĂÂȘme femme, le furent toujours par une MaĂtresse nouvelle. Enfin au point du jour il fallut se sĂ©parer; et, quoi qu'il dĂt, quoi qu'il fĂt mĂÂȘme pour me prouver le contraire, il en avait autant de besoin que peu d'envie. Au moment oĂÂč nous sortĂmes et pour dernier adieu, je pris la clef de cet heureux sĂ©jour, et la lui remettant entre les mains " Je ne l'ai eue que pour vous, lui dis-je; il est juste que vous en soyez maĂtre c'est au Sacrificateur Ă disposer du Temple. " C'est par cette adresse que j'ai prĂ©venu les rĂ©flexions qu'aurait pu lui faire naĂtre la propriĂ©tĂ©, toujours suspecte, d'une petite maison. Je le connais assez, pour ĂÂȘtre sĂ»re qu'il ne s'en servira que pour moi; et si la fantaisie me prenait d'y aller sans lui, il me reste bien une double clef. Il voulait Ă toute force prendre jour pour y revenir; mais je l'aime trop encore, pour vouloir l'user si vite. Il ne faut se permettre d'excĂšs qu'avec les gens qu'on veut quitter bientĂÂŽt. Il ne sait pas cela, lui; mais, pour son bonheur, je le sais pour deux. Je m'aperçois qu'il est trois heures du matin, et que j'ai Ă©crit un volume, ayant le projet de n'Ă©crire qu'un mot. Tel est le charme de la confiante amitiĂ© c'est elle qui fait que vous ĂÂȘtes toujours ce que j'aime le mieux, mais, en vĂ©ritĂ©, le Chevalier est ce qui me plaĂt davantage. De ..., ce 12 aoĂ»t 17** LETTRE XI LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Votre Lettre sĂ©vĂšre m'aurait effrayĂ©e, Madame, si, par bonheur, je n'avais trouvĂ© ici plus de motifs de sĂ©curitĂ© que vous ne m'en donnez de crainte. Ce redoutable M. de Valmont, qui doit ĂÂȘtre la terreur de toutes les femmes, paraĂt avoir dĂ©posĂ© ses armes meurtriĂšres, avant d'entrer dans ce ChĂÂąteau. Loin d'y former des projets, il n'y a pas mĂÂȘme portĂ© de prĂ©tentions; et la qualitĂ© d'homme aimable que ses ennemis mĂÂȘmes lui accordent, disparaĂt presque ici, pour ne lui laisser que celle de bon enfant. C'est apparemment l'air de la campagne qui a produit ce miracle. Ce que je vous puis assurer, c'est qu'Ă©tant sans cesse avec moi, paraissant mĂÂȘme s'y plaire, il ne lui est pas Ă©chappĂ© un mot qui ressemble Ă l'Amour, pas une de ces phrases que tous les hommes se permettent, sans avoir, comme lui, ce qu'il faut pour les justifier. Jamais il n'oblige Ă cette rĂ©serve, dans laquelle toute femme qui se respecte est forcĂ©e de se tenir aujourd'hui, pour contenir les hommes qui l'entourent. Il sait ne point abuser de la gaietĂ© qu'il inspire. Il est peut-ĂÂȘtre un peu louangeur; mais c'est avec tant de dĂ©licatesse qu'il accoutumerait la modestie mĂÂȘme Ă l'Ă©loge. Enfin, si j'avais un frĂšre, je dĂ©sirerais qu'il fĂ»t tel que M. de Valmont se montre ici. Peut-ĂÂȘtre beaucoup de femmes lui dĂ©sireraient une galanterie plus marquĂ©e; et j'avoue que je lui sais un grĂ© infini d'avoir su me juger assez bien pour ne pas me confondre avec elles. Ce portrait diffĂšre beaucoup sans doute de celui que vous me faites; et, malgrĂ© cela, tous deux peuvent ĂÂȘtre ressemblants en fixant les Ă©poques. Lui- mĂÂȘme convient d'avoir eu beaucoup de torts, et on lui en aura bien aussi prĂÂȘtĂ© quelques-uns. Mais j'ai rencontrĂ© peu d'hommes qui parlassent des femmes honnĂÂȘtes avec plus de respect, je dirais presque d'enthousiasme. Vous m'apprenez qu'au moins sur cet objet il ne trompe pas. Sa conduite avec Madame de Merteuil en est une preuve. Il nous en parle beaucoup; et c'est toujours avec tant d'Ă©loges et l'air d'un attachement si vrai, que j'ai cru, jusqu'Ă la rĂ©ception de votre Lettre, que ce qu'il appelait amitiĂ© entre eux deux Ă©tait bien rĂ©ellement de l'Amour. Je m'accuse de ce jugement tĂ©mĂ©raire, dans lequel j'ai eu d'autant plus de tort, que lui-mĂÂȘme a pris souvent le soin de la justifier. J'avoue que je ne regardais que comme finesse, ce qui Ă©tait de sa part une honnĂÂȘte sincĂ©ritĂ©. Je ne sais; mais il me semble que celui qui est capable d'une amitiĂ© aussi suivie pour une femme aussi estimable, n'est pas un libertin sans retour. J'ignore au reste si nous devons la conduite sage qu'il tient ici Ă quelques projets dans les environs, comme vous le supposez. Il y a bien quelques femmes aimables Ă la ronde; mais il sort peu, exceptĂ© le matin, et alors il dit qu'il va Ă la chasse. Il est vrai qu'il rapporte rarement du gibier; mais il assure qu'il est maladroit Ă cet exercice. D'ailleurs, ce qu'il peut faire au- dehors m'inquiĂšte peu; et si je dĂ©sirais le savoir, ce ne serait que pour avoir une raison de plus de me rapprocher de votre avis ou de vous ramener au mien. Sur ce que vous me proposez de travailler Ă abrĂ©ger le sĂ©jour que M. de Valmont compte faire ici, il me paraĂt bien difficile d'oser demander Ă sa tante de ne pas avoir son neveu chez elle, d'autant qu'elle l'aime beaucoup. Je vous promets pourtant, mais seulement par dĂ©fĂ©rence et non par besoin, de saisir l'occasion de faire cette demande, soit Ă elle, soit Ă lui-mĂÂȘme. Quant Ă moi, M. de Tourvel est instruit de mon projet de rester ici jusqu'Ă son retour, et il s'Ă©tonnerait, avec raison, de la lĂ©gĂšretĂ© qui m'en ferait changer. VoilĂ , Madame, de bien longs Ă©claircissements mais j'ai cru devoir Ă la vĂ©ritĂ© un tĂ©moignage avantageux Ă M. de Valmont, et dont il me paraĂt avoir grand besoin auprĂšs de vous. Je n'en suis pas moins sensible Ă l'amitiĂ© qui a dictĂ© vos conseils. C'est Ă elle que je dois aussi ce que vous me dites d'obligeant Ă l'occasion du retard du mariage de Mademoiselle votre fille. Je vous en remercie bien sincĂšrement mais, quelque plaisir que je me promette Ă passer ces moments avec vous, je les sacrifierais de bien bon cĂ âur au dĂ©sir de savoir Mademoiselle de Volanges plus tĂÂŽt heureuse, si pourtant elle peut jamais l'ĂÂȘtre plus qu'auprĂšs d'une mĂšre aussi digne de toute sa tendresse et de son respect. Je partage avec elle ces deux sentiments qui m'attachent Ă vous, et je vous prie d'en recevoir l'assurance avec bontĂ©. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 13 aoĂ»t 17** LETTRE XII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Maman est incommodĂ©e, Madame; elle ne sortira point, et il faut que je lui tienne compagnie ainsi je n'aurai pas l'honneur de vous accompagner Ă l'OpĂ©ra. Je vous assure que je regrette bien plus de ne pas ĂÂȘtre avec vous que le Spectacle. Je vous prie d'en ĂÂȘtre persuadĂ©e. Je vous aime tant! Voudriez- vous bien dire Ă M. le Chevalier Danceny que je n'ai point le Recueil dont il m'a parlĂ©, et que s'il peut me l'apporter demain, il me fera grand plaisir. S'il vient aujourd'hui, on lui dira que nous n'y sommes pas; mais c'est que Maman ne veut recevoir personne. J'espĂšre qu'elle se portera mieux demain. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 13 aoĂ»t 17** LETTRE XIII LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES Je suis trĂšs fĂÂąchĂ©e, ma belle, et d'ĂÂȘtre privĂ©e du plaisir de vous voir, et de la cause de cette privation. J'espĂšre que cette occasion se retrouvera. Je m'acquitterai de votre commission auprĂšs du Chevalier Danceny, qui sera sĂ»rement trĂšs fĂÂąchĂ© de savoir votre Maman malade. Si elle veut me recevoir demain, j'irai lui tenir compagnie. Nous attaquerons, elle et moi, le Chevalier de Belleroche. [C'est le mĂÂȘme dont il est question dans les lettres de Madame de Merteuil] au piquet; et, en lui gagnant son argent, nous aurons, pour surcroĂt de plaisir, celui de vous entendre chanter avec votre aimable MaĂtre, Ă qui je le proposerai. Si cela convient Ă votre Maman et Ă vous, je rĂ©ponds de moi et de mes deux Chevaliers. Adieu, ma belle; mes compliments Ă ma chĂšre Madame de Volanges. Je vous embrasse bien tendrement. De ..., ce 13 aoĂ»t 17** LETTRE XIV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne t'ai pas Ă©crit hier, ma chĂšre Sophie mais ce n'est pas le plaisir qui en est cause; je t'en assure bien. Maman Ă©tait malade, et je ne l'ai pas quittĂ©e de la journĂ©e. Le soir, quand je me suis retirĂ©e, je n'avais cĂ âur Ă rien du tout; et je me suis couchĂ©e bien vite, pour m'assurer que la journĂ©e Ă©tait finie; jamais je n'en avais passĂ© de si longue. Ce n'est pas que je n'aime bien Maman; mais je ne sais pas ce que c'Ă©tait. Je devais aller Ă l'OpĂ©ra avec Madame de Merteuil; le Chevalier Danceny devait y ĂÂȘtre. Tu sais bien que ce sont les deux personnes que j'aime le mieux. Quand l'heure oĂÂč j'aurais dĂ» y ĂÂȘtre aussi est arrivĂ©e, mon cĂ âur s'est serrĂ© malgrĂ© moi. Je me dĂ©plaisais Ă tout, et j'ai pleurĂ©, pleurĂ©, sans pouvoir m'en empĂÂȘcher. Heureusement Maman Ă©tait couchĂ©e, et ne pouvait pas me voir. Je suis bien sĂ»re que le Chevalier Danceny aura Ă©tĂ© fĂÂąchĂ© aussi; mais il aura Ă©tĂ© distrait par le Spectacle et par tout le monde c'est bien diffĂ©rent. Par bonheur, Maman va mieux aujourd'hui, et Madame de Merteuil viendra avec une autre personne et le Chevalier Danceny mais elle arrive toujours bien tard, Madame de Merteuil; et quand on est si longtemps toute seule, c'est bien ennuyeux. Il n'est encore qu'onze heures. Il est vrai qu'il faut que je joue de la harpe; et puis ma toilette me prendra un peu de temps, car je veux ĂÂȘtre bien coiffĂ©e aujourd'hui. Je crois que la MĂšre PerpĂ©tue a raison, et qu'on devient coquette dĂšs qu'on est dans le monde. Je n'ai jamais eu tant d'envie d'ĂÂȘtre jolie que depuis quelques jours, et je trouve que je ne le suis pas autant que je le croyais; et puis, auprĂšs des femmes qui ont du rouge, on perd beaucoup. Madame de Merteuil, par exemple, je vois bien que tous les hommes la trouvent plus jolie que moi cela ne me fĂÂąche pas beaucoup, parce qu'elle m'aime bien; et puis elle assure que le Chevalier Danceny me trouve plus jolie qu'elle. C'est bien honnĂÂȘte Ă elle de me l'avoir dit! elle avait mĂÂȘme l'air d'en ĂÂȘtre bien aise. Par exemple, je ne conçois pas ça. C'est qu'elle m'aime tant! et lui!... oh! ça m'a fait bien plaisir! aussi, c'est qu'il me semble que rien que le regarder suffit pour embellir. Je le regarderais toujours, si je ne craignais de rencontrer ses yeux car, toutes les fois que cela m'arrive, cela me dĂ©contenance, et me fait comme de la peine; mais ça ne fait rien. Adieu, ma chĂšre amie; je vais me mettre Ă ma toilette. Je t'aime toujours comme de coutume. Paris, ce 14 aoĂ»t 17** LETTRE XV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il est bien honnĂÂȘte Ă vous de ne pas m'abandonner Ă mon triste sort. La vie que je mĂšne ici est rĂ©ellement fatigante, par l'excĂšs de son repos et son insipide uniformitĂ©. En lisant votre Lettre et le dĂ©tail de votre charmante journĂ©e, j'ai Ă©tĂ© tentĂ© vingt fois de prĂ©texter une affaire, de voler Ă vos pieds, et de vous y demander, en ma faveur, une infidĂ©litĂ© Ă votre Chevalier, qui, aprĂšs tout, ne mĂ©rite pas son bonheur. Savez-vous que vous m'avez rendu jaloux de lui? Que me parlez-vous d'Ă©ternelle rupture? J'abjure ce serment, prononcĂ© dans le dĂ©lire nous n'aurions pas Ă©tĂ© dignes de le faire, si nous eussions dĂ» le garder. Ah! que je puisse un jour me venger dans vos bras, du dĂ©pit involontaire que m'a causĂ© le bonheur du Chevalier! Je suis indignĂ©, je l'avoue, quand je songe que cet homme, sans raisonner, sans se donner la moindre peine, en suivant tout bĂÂȘtement l'instinct de son cĂ âur, trouve une fĂ©licitĂ© Ă laquelle je ne puis atteindre. Oh! je la troublerai... Promettez-moi que je la troublerai. Vous-mĂÂȘme n'ĂÂȘtes-vous pas humiliĂ©e? Vous vous donnez la peine de le tromper, et il est plus heureux que vous. Vous le croyez dans vos chaĂnes! C'est bien vous qui ĂÂȘtes dans les siennes. Il dort tranquillement, tandis que vous veillez pour ses plaisirs. Que ferait de plus son esclave? Tenez, ma belle amie, tant que vous vous partagez entre plusieurs, je n'ai pas la moindre jalousie je ne vois alors dans vos Amants que les successeurs d'Alexandre, incapables de conserver entre eux tous cet empire oĂÂč je rĂ©gnais seul. Mais que vous vous donniez entiĂšrement Ă un d'eux! qu'il existe un autre homme aussi heureux que moi! je ne le souffrirai pas; n'espĂ©rez pas que je le souffre. Ou reprenez-moi, ou au moins prenez-en un autre; et ne trahissez pas, par un caprice exclusif, l'amitiĂ© inviolable que nous nous sommes jurĂ©e. C'est bien assez, sans doute, que j'aie Ă me plaindre de l'Amour. Vous voyez que je me prĂÂȘte Ă vos idĂ©es, et que j'avoue mes torts. En effet, si c'est ĂÂȘtre amoureux que de ne pouvoir vivre sans possĂ©der ce qu'on dĂ©sire, d'y sacrifier son temps, ses plaisirs, sa vie, je suis bien rĂ©ellement amoureux. Je n'en suis guĂšre plus avancĂ©. Je n'aurais mĂÂȘme rien du tout Ă vous apprendre Ă ce sujet, sans un Ă©vĂ©nement qui me donne beaucoup Ă rĂ©flĂ©chir, et dont je ne sais encore si je dois craindre ou espĂ©rer. Vous connaissez mon Chasseur, trĂ©sor d'intrigue, et vrai valet de ComĂ©die; vous jugez bien que ses instructions portaient d'ĂÂȘtre amoureux de la Femme de chambre, et d'enivrer les gens. Le coquin est plus heureux que moi; il a dĂ©jĂ rĂ©ussi. Il vient de dĂ©couvrir que Madame de Tourvel a chargĂ© un de ses gens de prendre des informations sur ma conduite, et mĂÂȘme de me suivre dans mes courses du matin, autant qu'il le pourrait, sans ĂÂȘtre aperçu. Que prĂ©tend cette femme? Ainsi donc la plus modeste de toutes ose encore risquer des choses qu'Ă peine nous oserions nous permettre! Je jure bien. Mais, avant de songer Ă me venger de cette ruse fĂ©minine, occupons-nous des moyens de la tourner Ă notre avantage. Jusqu'ici ces courses qu'on suspecte n'avaient aucun objet; il faut leur en donner un. Cela mĂ©rite toute mon attention, et je vous quitte pour y rĂ©flĂ©chir. Adieu, ma belle amie. Toujours du ChĂÂąteau de ..., ce 15 aoĂ»t 17** LETTRE XVI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ah! ma Sophie, voici bien des nouvelles! je ne devrais peut-ĂÂȘtre pas te les dire mais il faut bien que j'en parle Ă quelqu'un; c'est plus fort que moi. Ce Chevalier Danceny... Je suis dans un trouble que je ne peux pas Ă©crire je ne sais par oĂÂč commencer. Depuis que je t'avais racontĂ© la jolie soirĂ©e [La Lettre oĂÂč il est parlĂ© de cette soirĂ©e ne s'est pas retrouvĂ©e. Il y a lieu de croire que c'est celle proposĂ©e dans le billet de Madame de Merteuil, et dont il est aussi question dans la prĂ©cĂ©dente Lettre de CĂ©cile Volanges.] que j'avais passĂ©e chez Maman avec lui et Madame de Merteuil, je ne t'en parlais plus c'est que je ne voulais plus en parler Ă personne; mais j'y pensais pourtant toujours. Depuis il Ă©tait devenu si triste, mais si triste, si triste, que ça me faisait de la peine; et quand je lui demandais pourquoi, il me disait que non mais je voyais bien que si. Enfin hier il l'Ă©tait encore plus que de coutume. ĂâĄa n'a pas empĂÂȘchĂ© qu'il n'ait eu la complaisance de chanter avec moi comme Ă l'ordinaire; mais, toutes les fois qu'il me regardait, cela me serrait le cĂ âur. AprĂšs que nous eĂ»mes fini de chanter, il alla renfermer ma harpe dans son Ă©tui; et, en m'en rapportant la clef, il me pria d'en jouer encore le soir, aussitĂÂŽt que je serais seule. Je ne me dĂ©fiais de rien du tout; je ne voulais mĂÂȘme pas mais il m'en pria tant, que je lui dis qu'oui. Il avait bien ses raisons. Effectivement, quand je fus retirĂ©e chez moi et que ma Femme de chambre fut sortie, j'allais pour prendre ma harpe. Je trouvais dans les cordes une Lettre, pliĂ©e seulement, et point cachetĂ©e, et qui Ă©tait de lui. Ah! si tu savais tout ce qu'il me mande! Depuis que j'ai lu sa Lettre, j'ai tant de plaisir, que je ne peux plus songer Ă autre chose. Je l'ai relue quatre fois tout de suite, et puis je l'ai serrĂ©e dans mon secrĂ©taire. Je la savais par cĂ âur; et, quand j'ai Ă©tĂ© couchĂ©e, je l'ai tant rĂ©pĂ©tĂ©e, que je ne songeais pas Ă dormir. DĂšs que je fermais les yeux, je le voyais lĂ , qui me disait lui-mĂÂȘme tout ce que je venais de lire. Je ne me suis endormie que bien tard; et aussitĂÂŽt que je me suis rĂ©veillĂ©e il Ă©tait encore de bien bonne heure, j'ai Ă©tĂ© reprendre sa Lettre pour la relire Ă mon aise. Je l'ai emportĂ©e dans mon lit, et puis je l'ai baisĂ©e comme si... C'est peut-ĂÂȘtre mal fait de baiser une Lettre comme ça, mais je n'ai pas pu m'en empĂÂȘcher. A prĂ©sent, ma chĂšre amie, si je suis bien aise, je suis aussi bien embarrassĂ©e; car sĂ»rement il ne faut pas que je rĂ©ponde Ă cette Lettre-lĂ . Je sais bien que ça ne se doit pas, et pourtant il me le demande; et, si je ne rĂ©ponds pas, je suis sĂ»re qu'il va encore ĂÂȘtre triste. C'est pourtant bien malheureux pour lui! Qu'est-ce que tu me conseilles? mais tu n'en sais pas plus que moi. J'ai bien envie d'en parler Ă Madame de Merteuil qui m'aime bien. Je voudrais bien le consoler; mais je ne voudrais rien faire qui fĂ»t mal. On nous recommande tant d'avoir bon cĂ âur! et puis on nous dĂ©fend de suivre ce qu'il inspire, quand c'est pour un homme! ĂâĄa n'est pas juste non plus. Est-ce qu'un homme n'est pas notre prochain comme une femme, et plus encore? car enfin n'a-t-on pas son pĂšre comme sa mĂšre, son frĂšre comme sa sĂ âur? il reste toujours le mari de plus. Cependant si j'allais faire quelque chose qui ne fĂ»t pas bien, peut-ĂÂȘtre que M. Danceny lui-mĂÂȘme n'aurait plus bonne idĂ©e de moi! Oh! ça, par exemple, j'aime encore mieux qu'il soit triste. Et puis, enfin, je serai toujours Ă temps. Parce qu'il a Ă©crit hier, je ne suis pas obligĂ©e d'Ă©crire aujourd'hui aussi bien je verrai Madame de Merteuil ce soir, et si j'en ai le courage, je lui conterai tout. En ne faisant que ce qu'elle me dira, je n'aurai rien Ă me reprocher. Et puis peut-ĂÂȘtre me dira-t-elle que je peux lui rĂ©pondre un peu, pour qu'il ne soit pas si triste! Oh! je suis bien en peine. Adieu, ma bonne amie. Dis-moi toujours ce que tu penses. De ..., ce 19 aoĂ»t 17** LETTRE XVII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Avant de me livrer, Mademoiselle, dirai-je au plaisir ou au besoin de vous Ă©crire, je commence par vous supplier de m'entendre. Je sens que pour oser vous dĂ©clarer mes sentiments, j'ai besoin d'indulgence; si je ne voulais que les justifier, elle me serait inutile. Que vais-je faire aprĂšs tout que vous montrer mon ouvrage? Et qu'ai-je Ă vous dire, que mes regards, mon embarras, ma conduite et mĂÂȘme mon silence ne vous aient dit avant moi? Eh! pourquoi vous fĂÂącheriez-vous d'un sentiment que vous avez fait naĂtre? EmanĂ© de vous, sans doute il est digne de vous ĂÂȘtre offert; s'il est brĂ»lant comme mon ĂÂąme, il est pur comme la vĂÂŽtre. Serait-ce un crime d'avoir su apprĂ©cier votre charmante figure, vos talents sĂ©ducteurs, vos grĂÂąces enchanteresses, et cette touchante candeur qui ajoute un prix inestimable Ă des qualitĂ©s dĂ©jĂ si prĂ©cieuses? non, sans doute; mais, sans ĂÂȘtre coupable, on peut ĂÂȘtre malheureux; et c'est le sort qui m'attend, si vous refusez d'agrĂ©er mon hommage. C'est le premier que mon cĂ âur ait offert. Sans vous je serais encore, non pas heureux, mais tranquille. Je vous ai vue; le repos a fui loin de moi, et mon bonheur est incertain. Cependant vous vous Ă©tonnez de ma tristesse; vous m'en demandez la cause quelquefois mĂÂȘme j'ai cru voir qu'elle vous affligeait. Ah! dites un mot, et ma fĂ©licitĂ© sera votre ouvrage. Mais, avant de prononcer, songez qu'un mot peut aussi combler mon malheur. Soyez donc l'arbitre de ma destinĂ©e. Par vous je vais ĂÂȘtre Ă©ternellement heureux ou malheureux. En quelles mains plus chĂšres puis-je remettre un intĂ©rĂÂȘt plus grand? Je finirai, comme j'ai commencĂ©, par implorer votre indulgence. Je vous ai demandĂ© de m'entendre; j'oserai plus; je vous prierai de me rĂ©pondre. Le refuser, serait me laisser croire que vous vous trouvez offensĂ©e, et mon cĂ âur m'est garant que mon respect Ă©gale mon amour. P-S. Vous pouvez vous servir, pour me rĂ©pondre, du mĂÂȘme moyen dont je me sers pour vous faire parvenir cette Lettre; il me paraĂt Ă©galement sĂ»r et commode. De ..., ce 18 aoĂ»t 17** LETTRE XVIII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Quoi! Sophie, tu blĂÂąmes d'avance ce que je vais faire! J'avais dĂ©jĂ bien assez d'inquiĂ©tudes; voilĂ que tu les augmentes encore. Il est clair, dis-tu, que je ne dois pas rĂ©pondre. Tu en parles bien Ă ton aise; et d'ailleurs, tu ne sais pas au juste ce qui en est tu n'es pas lĂ pour voir. Je suis sĂ»re que si tu Ă©tais Ă ma place, tu ferais comme moi. SĂ»rement, en gĂ©nĂ©ral, on ne doit pas rĂ©pondre; et tu as bien vu, par ma Lettre d'hier, que je ne le voulais pas non plus mais c'est que je ne crois pas que personne se soit jamais trouvĂ© dans le cas oĂÂč je suis. Et encore ĂÂȘtre obligĂ©e de me dĂ©cider toute seule! Madame de Merteuil, que je comptais voir hier au soir, n'est pas venue. Tout s'arrange contre moi c'est elle qui est cause que je le connais. C'est presque toujours avec elle que je l'ai vu que je lui ai parlĂ©. Ce n'est pas que je lui en veuille du mal mais elle me laisse lĂ au moment de l'embarras. Oh! je suis bien Ă plaindre! Figure-toi qu'il est venu hier comme Ă l'ordinaire. J'Ă©tais si troublĂ©e que je n'osais le regarder. Il ne pouvait pas me parler, parce que Maman Ă©tait lĂ . Je me doutais bien qu'il serait fĂÂąchĂ©, quand il verrait que je ne lui avais pas Ă©crit. Je ne savais quelle contenance faire. Un instant aprĂšs il me demanda si je voulais qu'il allĂÂąt chercher ma harpe. Le cĂ âur me battait si fort, que ce fut tout ce que je pus faire que de rĂ©pondre qu'oui. Quand il revint, c'Ă©tait bien pis. Je ne le regardai qu'un petit moment. Il ne me regardait pas, lui; mais il avait un air qu'on aurait dit qu'il Ă©tait malade. ĂâĄa me faisait bien de la peine. Il se mit Ă accorder ma harpe, et aprĂšs, en me l'apportant, il me dit " Ah! Mademoiselle! " Il ne me dit que ces deux mots-lĂ ; mais c'Ă©tait d'un ton que j'en fus toute bouleversĂ©e. Je prĂ©ludais sur ma harpe, sans savoir ce que je faisais. Maman demanda si nous ne chanterions pas. Lui s'excusa, en disant qu'il Ă©tait un peu malade; et moi, qui n'avais pas d'excuse, il me fallut chanter. J'aurais voulu n'avoir jamais eu de voix. Je choisis exprĂšs un air que je ne savais pas; car j'Ă©tais bien sĂ»re que je ne pourrais en chanter aucun, et on se serait aperçu de quelque chose. Heureusement il vint une visite; et, dĂšs que j'entendis entrer un carrosse, je cessai, et le priai de reporter ma harpe. J'avais bien peur qu'il ne s'en allĂÂąt en mĂÂȘme temps; mais il revint. Pendant que Maman et cette Dame qui Ă©tait venue causaient ensemble, je voulus le regarder encore un petit moment. Je rencontrai ses yeux, et il me fut impossible de dĂ©tourner les miens. Un moment aprĂšs je vis ses larmes couler, et il fut obligĂ© de se retourner pour n'ĂÂȘtre pas vu. Pour le coup, je ne pus y tenir; je sentis que j'allais pleurer aussi. Je sortis, et tout de suite j'Ă©crivis avec un crayon, sur un chiffon de papier " Ne soyez donc pas si triste, je vous en prie; je promets de vous rĂ©pondre. " SĂ»rement, tu ne peux pas dire qu'il y ait du mal Ă cela; et puis c'Ă©tait plus fort que moi. Je mis mon papier aux cordes de ma harpe, comme sa Lettre Ă©tait, et je revins dans le salon. Je me sentais plus tranquille. Il me tardait bien que cette Dame s'en fĂ»t. Heureusement, elle Ă©tait en visite; elle s'en alla bientĂÂŽt aprĂšs. AussitĂÂŽt qu'elle fut sortie, je dis que je voulais reprendre ma harpe, et je le priai de l'aller chercher. Je vis bien, Ă son air, qu'il ne se doutait de rien. Mais au retour, oh! comme il Ă©tait content! En posant ma harpe vis-Ă -vis de moi, il se plaça de façon que Maman ne pouvait voir, et il prit ma main qu'il serra, mais d'une façon! ce ne fut qu'un moment mais je ne saurais te dire le plaisir que ça m'a fait. Je la retirai pourtant; ainsi je n'ai rien Ă me reprocher. A prĂ©sent, ma bonne amie, tu vois bien que je ne peux pas me dispenser de lui Ă©crire, puisque je le lui ai promis; et puis, je n'irai pas lui refaire du chagrin; car j'en souffre plus que lui. Si c'Ă©tait pour quelque chose de mal, sĂ»rement je ne le ferais pas. Mais quel mal peut-il y avoir Ă Ă©crire, surtout quand c'est pour empĂÂȘcher quelqu'un d'ĂÂȘtre malheureux? Ce qui m'embarrasse, c'est que je ne saurai pas bien faire ma Lettre mais il sentira bien que ce n'est pas ma faute; et puis je suis sĂ»re que rien que de ce qu'elle sera de moi, elle lui fera toujours plaisir. Adieu, ma chĂšre amie. Si tu trouves que j'ai tort, dis-le-moi; mais je ne crois pas. A mesure que le moment de lui Ă©crire approche, mon cĂ âur bat que ça ne se conçoit pas. Il le faut pourtant bien, puisque je l'ai promis. Adieu. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Vous Ă©tiez si triste, hier, Monsieur, et cela me faisait tant de peine, que je me suis laissĂ©e aller Ă vous promettre de rĂ©pondre Ă la Lettre que vous m'avez Ă©crite. Je n'en sens pas moins aujourd'hui que je ne le dois pas pourtant, comme je l'ai promis, je ne veux pas manquer Ă ma parole, et cela doit bien vous prouver l'amitiĂ© que j'ai pour vous. A prĂ©sent que vous le savez, j'espĂšre que vous ne me demanderez pas de vous Ă©crire davantage. J'espĂšre aussi que vous ne direz Ă personne que je vous ai Ă©crit; parce que sĂ»rement on m'en blĂÂąmerait, et que cela pourrait me causer bien du chagrin. J'espĂšre surtout que vous-mĂÂȘme n'en prendrez pas mauvaise idĂ©e de moi, ce qui me ferait plus de peine que tout. Je peux bien vous assurer que je n'aurais pas eu cette complaisance-lĂ pour tout autre que vous. Je voudrais bien que vous eussiez celle de ne plus ĂÂȘtre triste comme vous Ă©tiez; ce qui m'ĂÂŽte tout le plaisir que j'ai Ă vous voir. Vous voyez, Monsieur, que je vous parle bien sincĂšrement. Je ne demande pas mieux que notre amitiĂ© dure toujours; mais, je vous en prie, ne m'Ă©crivez plus. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, CĂ©cile Volanges De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XX LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Ah! fripon, vous me cajolez, de peur que je ne me moque de vous! Allons, je vous fais grĂÂące vous m'Ă©crivez tant de folies, qu'il faut bien que je vous pardonne la sagesse oĂÂč vous tient votre PrĂ©sidente. Je ne crois pas que mon Chevalier eĂ»t autant d'indulgence que moi; il serait homme Ă ne pas approuver notre renouvellement de bail, et Ă ne rien trouver de plaisant dans votre folle idĂ©e. J'en ai pourtant bien ri, et j'Ă©tais vraiment fĂÂąchĂ©e d'ĂÂȘtre obligĂ©e d'en rire toute seule. Si vous eussiez Ă©tĂ© lĂ , je ne sais oĂÂč m'aurait menĂ©e cette gaietĂ© mais j'ai eu le temps de la rĂ©flexion et je me suis armĂ©e de sĂ©vĂ©ritĂ©. Ce n'est pas que je refuse pour toujours; mais je diffĂšre, et j'ai raison. J'y mettrais peut-ĂÂȘtre de la vanitĂ©, et, une fois piquĂ©e au jeu, on ne sait plus oĂÂč l'on s'arrĂÂȘte. Je serais femme Ă vous enchaĂner de nouveau, Ă vous faire oublier votre PrĂ©sidente; et si j'allais, moi indigne, vous dĂ©goĂ»ter de la vertu, voyez quel scandale! Pour Ă©viter ce danger, voici mes conditions. AussitĂÂŽt que vous aurez eu votre belle DĂ©vote, que vous pourrez m'en fournir une preuve, venez, et je suis Ă vous. Mais vous n'ignorez pas que dans les affaires importantes, on ne reçoit de preuves que par Ă©crit. Par cet arrangement, d'une part, je deviendrai une rĂ©compense au lieu d'ĂÂȘtre une consolation; et cette idĂ©e me plaĂt davantage de l'autre votre succĂšs en sera plus piquant, en devenant lui-mĂÂȘme un moyen d'infidĂ©litĂ©. Venez donc, venez au plus tĂÂŽt m'apporter le gage de votre triomphe semblable Ă nos preux Chevaliers qui venaient dĂ©poser aux pieds de leur Dame les fruits brillants de leur victoire. SĂ©rieusement, je suis curieuse de savoir ce que peut Ă©crire une Prude aprĂšs un tel moment, et quel voile elle met sur ses discours, aprĂšs n'en avoir plus laissĂ© sur sa personne. C'est Ă vous de voir si je me mets Ă un prix trop haut; mais je vous prĂ©viens qu'il n'y a rien Ă rabattre. Jusque-lĂ , mon cher Vicomte, vous trouverez bon que je reste fidĂšle Ă mon Chevalier, et que je m'amuse Ă le rendre heureux, malgrĂ© le petit chagrin que cela vous cause. Cependant si j'avais moins de mĂ âurs, je crois qu'il aurait, dans ce moment, un rival dangereux; c'est la petite Volanges. Je raffole de cet enfant c'est une vraie passion. Ou je me trompe, ou elle deviendra une de nos femmes les plus Ă la mode. Je vois son petit cĂ âur se dĂ©velopper, et c'est un spectacle ravissant. Elle aime dĂ©jĂ son Danceny avec fureur; mais elle n'en sait encore rien. Lui- mĂÂȘme, quoique trĂšs amoureux, a encore la timiditĂ© de son ĂÂąge, et n'ose pas trop le lui apprendre. Tous deux sont en adoration vis-Ă -vis de moi. La petite surtout a grande envie de me dire son secret; particuliĂšrement depuis quelques jours je l'en vois vraiment oppressĂ©e et je lui aurais rendu un grand service de l'aider un peu mais je n'oublie pas que c'est un enfant, et je ne veux pas me compromettre. Danceny m'a parlĂ© un peu plus clairement; mais, pour lui, mon parti est pris, je ne veux pas l'entendre. Quant Ă la petite, je suis souvent tentĂ©e d'en faire mon Ă©lĂšve; c'est un service que j'ai envie de rendre Ă Gercourt. Il me laisse du temps, puisque le voilĂ en Corse jusqu'au mois d'Octobre. J'ai dans l'idĂ©e que j'emploierai ce temps-lĂ , et que nous lui donnerons une femme toute formĂ©e, au lieu de son innocente Pensionnaire. Quelle est donc en effet l'insolente sĂ©curitĂ© de cet homme, qui ose dormir tranquille, tandis qu'une femme, qui a Ă se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengĂ©e? Tenez, si la petite Ă©tait ici dans ce moment, je ne sais ce que je ne lui dirais pas. Adieu, Vicomte; bonsoir et bon succĂšs mais, pour Dieu, avancez donc. Songez que si vous n'avez pas cette femme, les autres rougiront de vous avoir eu. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Enfin, ma belle amie, j'ai fait un pas en avant, mais un grand pas; et qui, s'il ne m'a pas conduit jusqu'au but, m'a fait connaĂtre au moins que je suis dans la route, et a dissipĂ© la crainte oĂÂč j'Ă©tais de m'ĂÂȘtre Ă©garĂ©. J'ai enfin dĂ©clarĂ© mon amour; et quoiqu'on ait gardĂ© le silence le plus obstinĂ©, j'ai obtenu la rĂ©ponse peut-ĂÂȘtre la moins Ă©quivoque et la plus flatteuse mais n'anticipons pas sur les Ă©vĂ©nements, et reprenons plus haut. Vous vous souvenez qu'on faisait Ă©pier mes dĂ©marches. Eh bien! j'ai voulu que ce moyen scandaleux tournĂÂąt Ă l'Ă©dification publique, et voici ce que j'ai fait. J'ai chargĂ© mon confident de me trouver, dans les environs, quelque malheureux qui eĂ»t besoin de secours. Cette commission n'Ă©tait pas difficile Ă remplir. Hier aprĂšs-midi, il me rendit compte qu'on devait saisir aujourd'hui, dans la matinĂ©e, les meubles d'une famille entiĂšre qui ne pouvait payer la taille. Je m'assurai qu'il n'y eĂ»t dans cette maison aucune fille ou femme dont l'ĂÂąge ou la figure pussent rendre mon action suspecte; et, quand je fus bien informĂ©, je dĂ©clarai Ă souper mon projet d'aller Ă la chasse le lendemain. Ici je dois rendre justice Ă ma PrĂ©sidente sans doute elle eut quelques remords des ordres qu'elle avait donnĂ©s; et, n'ayant pas la force de vaincre sa curiositĂ©, elle eut au moins celle de contrarier mon dĂ©sir. Il devait faire une chaleur excessive; je risquais de me rendre malade; je ne tuerais rien et me fatiguerais en vain; et, pendant ce dialogue, ses yeux, qui parlaient peut-ĂÂȘtre mieux qu'elle ne voulait, me faisaient assez connaĂtre qu'elle dĂ©sirait que je prisse pour bonnes ces mauvaises raisons. Je n'avais garde de m'y rendre, comme vous pouvez croire, et je rĂ©sistai de mĂÂȘme Ă une petite diatribe contre la chasse et les Chasseurs, et Ă un petit nuage d'humeur qui obscurcit, toute la soirĂ©e, cette figure cĂ©leste. Je craignis un moment que ses ordres ne fussent rĂ©voquĂ©s, et que sa dĂ©licatesse ne me nuisĂt. Je ne calculais pas la curiositĂ© d'une femme; aussi me trompais- je. Mon Chasseur me rassura dĂšs le soir mĂÂȘme, et je me couchai satisfait. Au point du jour je me lĂšve et je pars. A peine Ă cinquante pas du ChĂÂąteau, j'aperçois mon espion qui me suit. J'entre en chasse, et marche Ă travers champs vers le Village oĂÂč je voulais me rendre; sans autre plaisir, dans ma route, que de faire courir le drĂÂŽle qui me suivait, et qui, n'osant pas quitter les chemins, parcourait souvent, Ă toute course, un espace triple du mien. A force de l'exercer, j'ai eu moi-mĂÂȘme une extrĂÂȘme chaleur, et je me suis assis au pied d'un arbre. N'a-t-il pas eu l'insolence de se couler derriĂšre un buisson qui n'Ă©tait pas Ă vingt pas de moi, et de s'y asseoir aussi? J'ai Ă©tĂ© tentĂ© un moment de lui envoyer mon coup de fusil, qui, quoique de petit plomb seulement, lui aurait donnĂ© une leçon suffisante sur les dangers de la curiositĂ© heureusement pour lui, je me suis ressouvenu qu'il Ă©tait utile et mĂÂȘme nĂ©cessaire Ă mes projets; cette rĂ©flexion l'a sauvĂ©. Cependant j'arrive au Village; je vois de la rumeur; je m'avance j'interroge; on me raconte le fait. Je fais venir le Collecteur; et, cĂ©dant Ă ma gĂ©nĂ©reuse compassion, je paie noblement cinquante-six livres, pour lesquelles on rĂ©duisait cinq personnes Ă la paille et au dĂ©sespoir. AprĂšs cette action si simple, vous n'imaginez pas quel chĂ âur de bĂ©nĂ©dictions retentit autour de moi de la part des assistants! Quelles larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et embellissaient cette figure de Patriarche, qu'un moment auparavant l'empreinte farouche du dĂ©sespoir rendait vraiment hideuse! J'examinais ce spectacle, lorsqu'un autre paysan, plus jeune, conduisant par la main une femme et deux enfants, et s'avançant vers moi Ă pas prĂ©cipitĂ©s, leur dit " Tombons tous aux pieds de cette image de Dieu " , et dans le mĂÂȘme instant, j'ai Ă©tĂ© entourĂ© de cette famille, prosternĂ©e Ă mes genoux. J'avouerai ma faiblesse; mes yeux se sont mouillĂ©s de larmes, et j'ai senti en moi un mouvement involontaire, mais dĂ©licieux. J'ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© du plaisir qu'on Ă©prouve en faisant le bien; et je serais tentĂ© de croire que ce que nous appelons les gens vertueux n'ont pas tant de mĂ©rite qu'on se plaĂt Ă nous le dire. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvĂ© juste de payer Ă ces pauvres gens le plaisir qu'ils venaient de me faire. J'avais pris dix louis sur moi; je les leur ai donnĂ©s. Ici ont recommencĂ© les remerciements, mais ils n'avaient plus ce mĂÂȘme degrĂ© de pathĂ©tique le nĂ©cessaire avait produit le grand, le vĂ©ritable effet; le reste n'Ă©tait qu'une simple expression de reconnaissance et d'Ă©tonnement pour des dons superflus. Cependant, au milieu des bĂ©nĂ©dictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au HĂ©ros d'un Drame, dans la scĂšne du dĂ©nouement. Vous remarquerez que dans cette foule Ă©tait surtout le fidĂšle espion. Mon but Ă©tait rempli je me dĂ©gageai d'eux tous, et regagnai le ChĂÂąteau. Tout calculĂ©, je me fĂ©licite de mon invention. Cette femme vaut bien sans doute que je me donne tant de soins; ils seront un jour mes titres auprĂšs d'elle; et l'ayant, en quelque sorte, ainsi payĂ©e d'avance, j'aurai le droit d'en disposer Ă ma fantaisie, sans avoir de reproche Ă me faire. J'oubliais de vous dire que pour mettre tout Ă profit, j'ai demandĂ© Ă ces bonnes gens de prier Dieu pour le succĂšs de mes projets. Vous allez voir si dĂ©jĂ leurs priĂšres n'ont pas Ă©tĂ© en partie exaucĂ©es... Mais on m'avertit que le souper est servi, et il serait trop tard pour que cette Lettre partĂt si je ne la fermais qu'en me retirant. Ainsi, le reste Ă l'ordinaire prochain . J'en suis fĂÂąchĂ©, car le reste est le meilleur. Adieu, ma belle amie. Vous me volez un moment du plaisir de la voir. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaĂtre un trait de M. de Valmont, qui contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous l'a reprĂ©sentĂ©. Il est si pĂ©nible de penser dĂ©savantageusement de qui que ce soit, si fĂÂącheux de ne trouver que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualitĂ©s nĂ©cessaires pour faire aimer la vertu! Enfin vous aimez tant Ă user d'indulgence, que c'est vous obliger que de vous donner des motifs de revenir sur un jugement trop rigoureux. M. de Valmont me paraĂt fondĂ© Ă espĂ©rer cette faveur, je dirais presque cette justice; et voici sur quoi je le pense. Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de sa part dans les environs, comme l'idĂ©e vous en Ă©tait venue; idĂ©e que je m'accuse d'avoir saisie peut-ĂÂȘtre avec trop de vivacitĂ©. Heureusement pour lui, et surtout heureusement pour nous, puisque cela nous sauve d'ĂÂȘtre injustes, un de mes gens devait aller du mĂÂȘme cĂÂŽtĂ© que lui [Madame de Tourvel n'ose donc pas dire que c'Ă©tait par son ordre?]; et c'est par lĂ que ma curiositĂ© rĂ©prĂ©hensible, mais heureuse, a Ă©tĂ© satisfaite. Il nous a rapportĂ© que M. de Valmont, ayant trouvĂ© au Village de ... une malheureuse famille dont on vendait les meubles, faute d'avoir pu payer les impositions, non seulement s'Ă©tait empressĂ© d'acquitter la dette de ces pauvres gens, mais mĂÂȘme leur avait donnĂ© une somme d'argent assez considĂ©rable. Mon Domestique a Ă©tĂ© tĂ©moin de cette vertueuse action; et il m'a rapportĂ© de plus que les paysans, causant entre eux et avec lui, avaient dit qu'un Domestique, qu'ils ont dĂ©signĂ©, et que le mien croit ĂÂȘtre celui de M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du Village qui pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce n'est mĂÂȘme plus seulement une compassion passagĂšre, et que l'occasion dĂ©termine c'est le projet formĂ© de faire du bien; c'est la sollicitude de la bienfaisance; c'est la plus belle vertu des plus belles ĂÂąmes; mais, soit hasard ou projet, c'est toujours une action honnĂÂȘte et louable, et dont le seul rĂ©cit m'a attendrie jusqu'aux larmes. J'ajouterai de plus, et toujours par justice, que quand je lui ai parlĂ© de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencĂ© par s'en dĂ©fendre, et a eu l'air d'y mettre si peu de valeur lorsqu'il en est convenu, que sa modestie en doublait le mĂ©rite. A prĂ©sent, dites-moi, ma respectable amie, si M. de Valmont est en effet un libertin sans retour? S'il n'est que cela et se conduit ainsi, que restera-t-il aux gens honnĂÂȘtes? Quoi! les mĂ©chants partageraient-ils avec les bons le plaisir sacrĂ© de la bienfaisance? Dieu permettrait-il qu'une famille vertueuse reçût, de la main d'un scĂ©lĂ©rat, des secours dont elle rendrait grĂÂące Ă sa divine Providence? et pourrait-il se plaire Ă entendre des bouches pures rĂ©pandre leurs bĂ©nĂ©dictions sur un rĂ©prouvĂ©? Non. J'aime mieux croire que des erreurs, pour ĂÂȘtre longues, ne sont pas Ă©ternelles; et je ne puis penser que celui qui fait du bien soit l'ennemi de la vertu. M. de Valmont n'est peut-ĂÂȘtre qu'un exemple de plus du danger des liaisons. Je m'arrĂÂȘte Ă cette idĂ©e qui me plaĂt. Si, d'une part, elle peut servir Ă le justifier dans votre esprit, de l'autre, elle me rend de plus en plus prĂ©cieuse l'amitiĂ© tendre qui m'unit Ă vous pour la vie. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Madame de Rosemonde et moi nous allons, dans l'instant, voir aussi l'honnĂÂȘte et malheureuse famille, et joindre nos secours tardifs Ă ceux de M. de Valmont. Nous le mĂšnerons avec nous. Nous donnerons au moins Ă ces bonnes gens le plaisir de revoir leur bienfaiteur; c'est, je crois, tout ce qu'il nous a laissĂ© Ă faire. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Nous en sommes restĂ©s Ă mon retour au ChĂÂąteau je reprends mon rĂ©cit. Je n'eus que le temps de faire une courte toilette, et je me rendis au salon, oĂÂč ma Belle faisait de la tapisserie, tandis que le CurĂ© du lieu lisait la Gazette Ă ma vieille tante. J'allai m'asseoir auprĂšs du mĂ©tier. Des regards, plus doux encore que de coutume, et presque caressants, me firent bientĂÂŽt deviner que le Domestique avait dĂ©jĂ rendu compte de sa mission. En effet, mon aimable Curieuse ne put garder plus longtemps le secret qu'elle m'avait dĂ©robĂ©; et, sans crainte d'interrompre un vĂ©nĂ©rable Pasteur dont le dĂ©bit ressemblait pourtant Ă celui d'un prĂÂŽne " J'ai bien aussi ma nouvelle Ă dĂ©biter " , dit-elle; et tout de suite elle raconta mon aventure avec une exactitude qui faisait honneur Ă l'intelligence de son Historien. Vous jugez comme je dĂ©ployai toute ma modestie mais qui pourrait arrĂÂȘter une femme qui fait, sans s'en douter, l'Ă©loge de ce qu'elle aime? Je pris donc le parti de la laisser aller. On eĂ»t dit qu'elle prĂÂȘchait le panĂ©gyrique d'un Saint. Pendant ce temps, j'observais, non sans espoir, tout ce que promettaient Ă l'Amour son regard animĂ©, son geste devenu plus libre, et surtout ce son de voix qui, par son altĂ©ration dĂ©jĂ sensible, trahissait l'Ă©motion de son ĂÂąme. A peine elle finissait de parler " Venez, mon neveu, me dit Madame de Rosemonde; venez, que je vous embrasse. " Je sentis aussitĂÂŽt que la jolie PrĂÂȘcheuse ne pourrait se dĂ©fendre d'ĂÂȘtre embrassĂ©e Ă son tour. Cependant elle voulut fuir; mais elle fut bientĂÂŽt dans mes bras; et, loin d'avoir la force de rĂ©sister, Ă peine lui restait-il celle de se soutenir. Plus j'observe cette femme, et plus elle me paraĂt dĂ©sirable. Elle s'empressa de retourner Ă son mĂ©tier, et eut l'air, pour tout le monde, de recommencer sa tapisserie; mais moi, je m'aperçus bien que sa main tremblante ne lui permettait pas de continuer son ouvrage. AprĂšs le dĂner, les Dames voulurent aller voir les infortunĂ©s que j'avais si pieusement secourus; je les accompagnai. Je vous sauve l'ennui de cette seconde scĂšne de reconnaissance et d'Ă©loges. Mon cĂ âur, pressĂ© d'un souvenir dĂ©licieux, hĂÂąte le moment du retour au ChĂÂąteau. Pendant la route, ma belle PrĂ©sidente, plus rĂÂȘveuse qu'Ă l'ordinaire, ne disait pas un mot. Tout occupĂ© de trouver les moyens de profiter de l'effet qu'avait produit l'Ă©vĂ©nement du jour, je gardais le mĂÂȘme silence. Madame de Rosemonde seule parlait et n'obtenait de nous que des rĂ©ponses courtes et rares. Nous dĂ»mes l'ennuyer; j'en avais le projet, et il rĂ©ussit. Aussi, en descendant de voiture, elle passa dans son appartement, et nous laissa tĂÂȘte Ă tĂÂȘte ma Belle et moi, dans un salon mal Ă©clairĂ©; obscuritĂ© douce, qui enhardit l'Amour timide. Je n'eus pas la peine de diriger la conversation oĂÂč je voulais la conduire. La ferveur de l'aimable PrĂÂȘcheuse me servit mieux que n'aurait pu faire mon adresse, " Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrĂÂȘtant sur moi son doux regard comment passe-t-on sa vie Ă mal faire? - Je ne mĂ©rite, lui rĂ©pondis-je, ni cet Ă©loge, ni cette censure; et je ne conçois pas qu'avec autant d'esprit que vous en avez, vous ne m'ayez pas encore devinĂ©. DĂ»t ma confiance me nuire auprĂšs de vous, vous en ĂÂȘtes trop digne, pour qu'il me soit possible de vous la refuser. Vous trouverez la clef de ma conduite dans un caractĂšre malheureusement trop facile. EntourĂ© de gens sans mĂ âurs, j'ai imitĂ© leurs vices; j'ai peut-ĂÂȘtre mis de l'Amour propre Ă les surpasser. SĂ©duit de mĂÂȘme ici par l'exemple des vertus, sans espĂ©rer de vous atteindre, j'ai au moins essayĂ© de vous suivre. Eh! peut-ĂÂȘtre l'action dont vous me louez aujourd'hui perdrait- elle tout son prix Ă vos yeux, si vous en connaissiez le vĂ©ritable motif! Vous voyez, ma belle amie, combien j'Ă©tais prĂšs de la vĂ©ritĂ©. Ce n'est pas Ă moi, continuai-je, que ces malheureux ont dĂ» mes secours. OĂÂč vous croyez voir une action louable, je ne cherchais qu'un moyen de plaire. Je n'Ă©tais, puisqu'il faut le dire, que le faible agent de la DivinitĂ© que j'adore. Ici elle voulut m'interrompre; mais je ne lui en donnai pas le temps. Dans ce moment mĂÂȘme, ajoutai-je, mon secret ne m'Ă©chappe que par faiblesse. Je m'Ă©tais promis de vous le taire; je me faisais un bonheur de rendre Ă vos vertus comme Ă vos appas un hommage pur que vous ignoreriez toujours; mais, incapable de tromper, quand j'ai sous les yeux l'exemple de la candeur, je n'aurai point Ă me reprocher avec vous une dissimulation coupable. Ne croyez pas que je vous outrage par une criminelle espĂ©rance. Je serai malheureux, je le sais; mais mes souffrances me seront chĂšres; elles me prouveront l'excĂšs de mon amour; c'est Ă vos pieds, c'est dans votre sein que je dĂ©poserai mes peines. J'y puiserai des forces pour souffrir de nouveau; j'y trouverai la bontĂ© compatissante, et je me croirai consolĂ©, parce que vous m'aurez plaint. Ăâ vous que j'adore! Ă©coutez-moi, plaignez-moi, secourez-moi! " Cependant j'Ă©tais Ă ses genoux, et je serrais ses mains dans les miennes mais elle, les dĂ©gageant tout Ă coup, et les croisant sur ses yeux avec l'expression du dĂ©sespoir " Ah! malheureuse! " s'Ă©cria-t-elle; puis elle fondit en larmes. Par bonheur je m'Ă©tais livrĂ© Ă tel point, que je pleurais aussi; et, reprenant ses mains, je les baignais de pleurs. Cette prĂ©caution Ă©tait bien nĂ©cessaire; car elle Ă©tait si occupĂ©e de sa douleur, qu'elle ne se serait pas aperçue de la mienne, si je n'avais pas trouvĂ© ce moyen de l'en avertir. J'y gagnai de plus de considĂ©rer Ă loisir cette charmante figure, embellie encore par l'attrait puissant des larmes. Ma tĂÂȘte s'Ă©chauffait, et j'Ă©tais si peu maĂtre de moi, que je fus tentĂ© de profiter de ce moment. Quelle est donc notre faiblesse? quel est l'empire des circonstances, si moi- mĂÂȘme, oubliant mes projets, j'ai risquĂ© de perdre, par un triomphe prĂ©maturĂ©, le charme des longs combats et les dĂ©tails d'une pĂ©nible dĂ©faite; si, sĂ©duit par un dĂ©sir de jeune homme, j'ai pensĂ© exposer le vainqueur de Madame de Tourvel Ă ne recueillir, pour fruit de ses travaux, que l'insipide avantage d'avoir eu une femme de plus! Ah! qu'elle se rende, mais qu'elle combatte; que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de rĂ©sister; qu'elle savoure Ă loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte d'avouer sa dĂ©faite. Laissons le Braconnier obscur tuer Ă l'affĂ»t le cerf qu'il a surpris; le vrai Chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n'est-ce pas? mais peut-ĂÂȘtre serai-je Ă prĂ©sent au regret de ne l'avoir pas suivi, si le hasard ne fĂ»t venu au secours de ma prudence. Nous entendĂmes du bruit. On venait au salon. Madame de Tourvel, effrayĂ©e, se leva prĂ©cipitamment, se saisit d'un des flambeaux, et sortit. Il fallut bien la laisser faire. Ce n'Ă©tait qu'un Domestique. AussitĂÂŽt que j'en fus assurĂ©, je la suivis. A peine eus-je fait quelques pas, que, soit qu'elle me reconnĂ»t, soit un sentiment vague d'effroi, je l'entendis prĂ©cipiter sa marche, et se jeter plutĂÂŽt qu'entrer dans son appartement dont elle ferma la porte sur elle. J'y allai; mais la clef Ă©tait en dedans. Je me gardai bien de frapper; c'eĂ»t Ă©tĂ© lui fournir l'occasion d'une rĂ©sistance trop facile. J'eus l'heureuse et simple idĂ©e de tenter de voir Ă travers la serrure, et je vis en effet cette femme adorable Ă genoux, baignĂ©e de larmes, et priant avec ferveur. Quel Dieu osait-elle invoquer? en est-il d'assez puissant contre l'Amour? En vain cherche-t-elle Ă prĂ©sent des secours Ă©trangers c'est moi qui rĂ©glerai son sort. Croyant en avoir assez fait pour un jour, je me retirai aussi dans mon appartement et me mis Ă vous Ă©crire. J'espĂ©rais la revoir au souper; mais elle fit dire qu'elle s'Ă©tait trouvĂ©e indisposĂ©e et s'Ă©tait mise au lit. Madame de Rosemonde voulut monter chez elle, mais la malicieuse malade prĂ©texta un mal de tĂÂȘte qui ne lui permettait de voir personne. Vous jugez qu'aprĂšs le souper la veillĂ©e fut courte, et que j'eus aussi mon mal de tĂÂȘte. RetirĂ© chez moi, j'Ă©crivis une longue Lettre pour me plaindre de cette rigueur, et je me couchai, avec le projet de la remettre ce matin. J'ai mal dormi, comme vous pouvez voir par la date de cette Lettre. Je me suis levĂ©, et j'ai relu mon EpĂtre. Je me suis aperçu que je ne m'y Ă©tais pas assez observĂ©, que j'y montrais plus d'ardeur que d'amour, et plus d'humeur que de tristesse. Il faudra la refaire; mais il faudrait ĂÂȘtre plus calme. J'aperçois le point du jour, et j'espĂšre que la fraĂcheur qui l'accompagne m'amĂšnera le sommeil. Je vais me remettre au lit; et, quel que soit l'empire de cette femme, je vous promets de ne pas m'occuper tellement d'elle, qu'il ne me reste le temps de songer beaucoup Ă vous. Adieu, ma belle amie. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc., De ..., ce 21 aoĂ»t 17**, 4 heures du matin. LETTRE XXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Ah! par pitiĂ©, Madame, daignez calmer le trouble de mon ĂÂąme; daignez m'apprendre ce que je dois espĂ©rer ou craindre. PlacĂ© entre l'excĂšs du bonheur et celui de l'infortune, l'incertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlĂ©? que n'ai-je pu rĂ©sister au charme impĂ©rieux qui vous livrait mes pensĂ©es? Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors l'image de votre douleur, suffisait Ă ma fĂ©licitĂ© mais cette source de bonheur en est devenue une de dĂ©sespoir, depuis que j'ai vu couler vos larmes; depuis que j'ai entendu ce cruel Ah! malheureuse! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cĂ âur. Par quelle fatalitĂ©, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi? quelle est donc cette crainte? Ah! ce n'est pas celle de le partager votre cĂ âur, que j'ai mal connu, n'est pas fait pour l'Amour; le mien, que vous calomniez sans cesse, est le seul qui soit sensible; le vĂÂŽtre est mĂÂȘme sans pitiĂ©. S'il n'en Ă©tait pas ainsi, vous n'auriez pas refusĂ© un mot de consolation au malheureux qui vous racontait ses souffrances; vous ne vous seriez pas soustraite Ă ses regards, quand il n'a d'autre plaisir que celui de vous voir; vous ne vous seriez pas fait un jeu cruel de son inquiĂ©tude, en lui faisant annoncer que vous Ă©tiez malade sans lui permettre d'aller s'informer de votre Ă©tat; vous auriez senti que cette mĂÂȘme nuit, qui n'Ă©tait pour vous que douze heures de repos, allait ĂÂȘtre pour lui un siĂšcle de douleurs. Par oĂÂč, dites-moi, ai-je mĂ©ritĂ© cette rigueur dĂ©solante? Je ne crains pas de vous prendre pour juge qu'ai-je donc fait? que cĂ©der Ă un sentiment involontaire, inspirĂ© par la beautĂ© et justifiĂ© par la vertu; toujours contenu par le respect, et dont l'innocent aveu fut l'effet de la confiance et non de l'espoir la trahirez-vous cette confiance que vous-mĂÂȘme avez semblĂ© me permettre, et Ă laquelle je me suis livrĂ© sans rĂ©serve? Non, je ne puis le croire; ce serait vous supposer un tort, et mon cĂ âur se rĂ©volte Ă la seule idĂ©e de vous en trouver un je dĂ©savoue mes reproches; j'ai pu les Ă©crire, mais non pas les penser. Ah! laissez-moi vous croire parfaite, c'est le seul plaisir qui me reste. Prouvez-moi que vous l'ĂÂȘtes en m'accordant vos soins gĂ©nĂ©reux. Quel malheureux avez- vous secouru, qui en eĂ»t autant de besoin que moi? ne m'abandonnez pas dans le dĂ©lire oĂÂč vous m'avez plongĂ© prĂÂȘtez-moi votre raison, puisque vous avez ravi la mienne; aprĂšs m'avoir corrigĂ©, Ă©clairez-moi pour finir votre ouvrage. Je ne veux pas vous tromper, vous ne parviendrez point Ă vaincre mon amour; mais vous m'apprendrez Ă le rĂ©gler en guidant mes dĂ©marches, en dictant mes discours, vous me sauverez au moins du malheur affreux de vous dĂ©plaire. Dissipez surtout cette crainte dĂ©sespĂ©rante; dites-moi que vous me pardonnez, que vous me plaignez; assurez-moi de votre indulgence. Vous n'aurez jamais toute celle que je vous dĂ©sirerais; mais je rĂ©clame celle dont j'ai besoin me la refuserez-vous? Adieu, Madame, recevez avec bontĂ© l'hommage de mes sentiments; il ne nuit point Ă celui de mon respect. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Voici le bulletin d'hier. A onze heures j'entrai chez Madame de Rosemonde et, sous ses auspices, je fus introduit chez la feinte malade, qui Ă©tait encore couchĂ©e. Elle avait les yeux trĂšs battus; j'espĂšre qu'elle avait aussi mal dormi que moi. Je saisis un moment, oĂÂč Madame de Rosemonde s'Ă©tait Ă©loignĂ©e, pour remettre ma Lettre on refusa de la prendre; mais je la laissai sur le lit, et allai bien honnĂÂȘtement approcher le fauteuil de ma vieille tante, qui voulait ĂÂȘtre auprĂšs de son cher enfant il fallut bien serrer la Lettre pour Ă©viter le scandale. La malade dit maladroitement qu'elle croyait avoir un peu de fiĂšvre. Madame de Rosemonde m'engagea Ă lui tĂÂąter le pouls, en vantant beaucoup mes connaissances en mĂ©decine. Ma Belle eut donc le double chagrin d'ĂÂȘtre obligĂ©e de me livrer son bras, et de sentir que son petit mensonge allait ĂÂȘtre dĂ©couvert. En effet, je pris sa main que je serrai dans une des miennes, pendant que de l'autre, je parcourais son bras frais et potelĂ©; la malicieuse personne ne rĂ©pondit Ă rien, ce qui me fit dire en me retirant " Il n'y a pas mĂÂȘme la plus lĂ©gĂšre Ă©motion. " Je me doutai que ses regards devaient ĂÂȘtre sĂ©vĂšres, et, pour la punir, je ne les cherchai pas un moment aprĂšs, elle dit qu'elle voulait se lever, et nous la laissĂÂąmes seule. Elle parut au dĂner qui fut triste; elle annonça qu'elle n'irait pas se promener, ce qui Ă©tait me dire que je n'aurais pas l'occasion de lui parler. Je sentis bien qu'il fallait placer lĂ un soupir et un regard douloureux sans doute elle s'y attendait, car ce fut le seul moment de la journĂ©e oĂÂč je parvins Ă rencontrer ses yeux. Toute sage qu'elle est, elle a ses petites ruses comme une autre. Je trouvai le moment de lui demander si elle avait eu la bontĂ© de m'instruire de mon sort , et je fus un peu Ă©tonnĂ© de l'entendre me rĂ©pondre Oui, Monsieur, je vous ai Ă©crit . J'Ă©tais fort empressĂ© d'avoir cette Lettre; mais soit ruse encore, ou maladresse, ou timiditĂ©, elle ne me la remit que le soir, au moment de se retirer chez elle. Je vous l'envoie ainsi que le brouillon de la mienne; lisez et jugez voyez avec quelle insigne faussetĂ© elle affirme qu'elle n'a point d'amour, quand je suis sĂ»r du contraire; et puis elle se plaindra si je la trompe aprĂšs, quand elle ne craint pas de me tromper avant! Ma belle amie, l'homme le plus adroit ne peut encore que se tenir au niveau de la femme la plus vraie. Il faudra pourtant feindre de croire Ă tout ce radotage, et se fatiguer de dĂ©sespoir, parce qu'il plaĂt Ă Madame de jouer la rigueur! Le moyen de ne pas se venger de ces noirceurs-lĂ ... ah! patience... mais adieu. J'ai encore beaucoup Ă Ă©crire. A propos, vous me renverrez la Lettre de l'inhumaine; il se pourrait faire que par la suite elle voulĂ»t qu'on mĂt du prix Ă ces misĂšres-lĂ , et il faut ĂÂȘtre en rĂšgle. Je ne vous parle pas de la petite Volanges; nous en causerons au premier jour. Du ChĂÂąteau, ce 22 aoĂ»t 17** LETTRE XXVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT SĂ»rement, Monsieur, vous n'auriez eu aucune Lettre de moi, si ma sotte conduite d'hier au soir ne me forçait d'entrer aujourd'hui en explication avec vous. Oui, j'ai pleurĂ©, je l'avoue peut-ĂÂȘtre aussi les deux mots que vous me citez avec tant de soin me sont-ils Ă©chappĂ©s; larmes et paroles, vous avez tout remarquĂ©; il faut donc vous expliquer tout. AccoutumĂ©e Ă n'inspirer que des sentiments honnĂÂȘtes, Ă n'entendre que des discours que je puis Ă©couter sans rougir, Ă jouir par consĂ©quent d'une sĂ©curitĂ© que j'ose dire que je mĂ©rite; je ne sais ni dissimuler ni combattre les impressions que j'Ă©prouve. L'Ă©tonnement et l'embarras oĂÂč m'a jetĂ©e votre procĂ©dĂ©; je ne sais quelle crainte, inspirĂ©e par une situation qui n'eĂ»t jamais dĂ» ĂÂȘtre faite pour moi, peut-ĂÂȘtre l'idĂ©e rĂ©voltante de me voir confondue avec les femmes que vous mĂ©prisez, et traitĂ©e aussi lĂ©gĂšrement qu'elles; toutes ces causes rĂ©unies ont provoquĂ© mes larmes, et ont pu me faire dire, avec raison je crois, que j'Ă©tais malheureuse. Cette expression, que vous trouvez si forte, serait sĂ»rement beaucoup trop faible encore, si mes pleurs et mes discours avaient eu un autre motif; si au lieu de dĂ©sapprouver des sentiments qui doivent m'offenser, j'avais pu craindre de les partager. Non, Monsieur, je n'ai pas cette crainte; si je l'avais, je fuirais Ă cent lieues de vous; j'irais pleurer dans un dĂ©sert le malheur de vous avoir connu. Peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme, malgrĂ© la certitude oĂÂč je suis de ne point vous aimer jamais, peut-ĂÂȘtre aurais-je mieux fait de suivre les conseils de mes amis; de ne pas vous laisser approcher de moi. J'ai cru, et c'est lĂ mon seul tort, j'ai cru que vous respecteriez une femme honnĂÂȘte, qui ne demandait pas mieux que de vous trouver tel et de vous rendre justice; qui dĂ©jĂ vous dĂ©fendait, tandis que vous l'outragiez par vos vĂ âux criminels. Vous ne me connaissez pas; non, Monsieur, vous ne me connaissez pas. Sans cela, vous n'auriez pas cru vous faire un droit de vos torts parce que vous m'avez tenu des discours que je ne devais pas entendre, vous ne vous seriez pas cru autorisĂ© Ă m'Ă©crire une Lettre que je ne devais pas lire, et vous me demandez de guider vos dĂ©marches, de dicter vos discours ! HĂ© bien, Monsieur, le silence et l'oubli, voilĂ les conseils qu'il me convient de vous donner, comme Ă vous de les suivre; alors, vous aurez, en effet, des droits Ă mon indulgence il ne tiendrait qu'Ă vous d'en obtenir mĂÂȘme Ă ma reconnaissance... Mais non, je ne ferai point une demande Ă celui qui ne m'a point respectĂ©e; je ne donnerai point une marque de confiance Ă celui qui a abusĂ© de ma sĂ©curitĂ©. Vous me forcez Ă vous craindre, peut-ĂÂȘtre Ă vous haĂÂŻr je ne le voulais pas; je ne voulais voir en vous que le neveu de ma plus respectable amie; j'opposais la voix de l'amitiĂ© Ă la voix publique qui vous accusait. Vous avez tout dĂ©truit; et, je le prĂ©vois, vous ne voudrez rien rĂ©parer. Je m'en tiens, Monsieur, Ă vous dĂ©clarer que vos sentiments m'offensent, que leur aveu m'outrage, et surtout que, loin d'en venir un jour Ă les partager, vous me forceriez Ă ne vous revoir jamais, si vous ne vous imposiez sur cet objet un silence qu'il me semble avoir droit d'attendre, et mĂÂȘme d'exiger de vous. Je joins Ă cette Lettre celle que vous m'avez Ă©crite, et j'espĂšre que vous voudrez bien de mĂÂȘme me remettre celle-ci; je serais vraiment peinĂ©e qu'il restĂÂąt aucune trace d'un Ă©vĂ©nement qui n'eĂ»t jamais dĂ» exister. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 21 aoĂ»t 17** LETTRE XXVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon Dieu, que vous ĂÂȘtes bonne, Madame! comme vous avez bien senti qu'il me serait plus facile de vous Ă©crire que de vous parler! Aussi, c'est que ce que j'ai Ă vous dire est bien difficile; mais vous ĂÂȘtes mon amie, n'est-il pas vrai? Oh! oui, ma bien bonne amie! Je vais tĂÂącher de n'avoir pas peur; et puis, j'ai tant besoin de vous, de vos conseils! J'ai bien du chagrin, il me semble que tout le monde devine ce que je pense; et surtout quand il est lĂ , je rougis dĂšs qu'on me regarde. Hier, quand vous m'avez vue pleurer, c'est que je voulais vous parler, et puis, je ne sais quoi m'en empĂÂȘchait; et quand vous m'avez demandĂ© ce que j'avais, mes larmes sont venues malgrĂ© moi. Je n'aurais pas pu dire une parole. Sans vous, Maman allait s'en apercevoir, et qu'est-ce que je serais devenue? VoilĂ pourtant comme je passe ma vie, surtout depuis quatre jours! C'est ce jour-lĂ , Madame, oui je vais vous le dire, c'est ce jour-lĂ que M. le Chevalier Danceny m'a Ă©crit oh! je vous assure que quand j'ai trouvĂ© sa Lettre, je ne savais pas du tout ce que c'Ă©tait; mais, pour ne pas mentir, je ne peux pas dire que je n'aie eu bien du plaisir en la lisant; voyez- vous, j'aimerais mieux avoir du chagrin toute ma vie, que s'il ne me l'eĂ»t pas Ă©crite. Mais je savais bien que je ne devais pas le lui dire, et je peux bien vous assurer mĂÂȘme que je lui ai dit que j'en Ă©tais fĂÂąchĂ©e; mais il dit que c'Ă©tait plus fort que lui, et je le crois bien; car j'avais rĂ©solu de ne lui pas rĂ©pondre, et pourtant je n'ai pas pu m'en empĂÂȘcher. Oh! je ne lui ai Ă©crit qu'une fois, et mĂÂȘme c'Ă©tait, en partie, pour lui dire de ne plus m'Ă©crire mais malgrĂ© cela il m'Ă©crit toujours; et comme je ne lui rĂ©ponds pas, je vois bien qu'il est triste, et ça m'afflige encore davantage si bien que je ne sais plus que faire, ni que devenir, et que je suis bien Ă plaindre. Dites-moi, je vous en prie, Madame, est-ce que ce serait bien mal de lui rĂ©pondre de temps en temps? seulement jusqu'Ă ce qu'il ait pu prendre sur lui de ne plus m'Ă©crire lui-mĂÂȘme, et de rester comme nous Ă©tions avant car, pour moi, si cela continue, je ne sais pas ce que je deviendrai. Tenez, en lisant sa derniĂšre Lettre, j'ai pleurĂ© que ça ne finissait pas; et je suis bien sĂ»re que si je ne lui rĂ©ponds pas encore, ça nous fera bien de la peine. Je vais vous envoyer sa Lettre aussi, ou bien une copie, et vous jugerez; vous verrez bien que ce n'est rien de mal qu'il demande. Cependant si vous trouvez que ça ne se doit pas, je vous promets de m'en empĂÂȘcher; mais je crois que vous penserez comme moi, que ce n'est pas lĂ du mal. Pendant que j'y suis, Madame, permettez-moi de vous faire encore une question on m'a bien dit que c'Ă©tait mal d'aimer quelqu'un; mais pourquoi cela? Ce qui me fait vous le demander, c'est que M. le Chevalier Danceny prĂ©tend que ce n'est pas mal du tout, et que presque tout le monde aime; si cela Ă©tait, je ne vois pas pourquoi je serais la seule Ă m'en empĂÂȘcher; ou bien est-ce que ce n'est un mal que pour les demoiselles? car j'ai entendu Maman elle-mĂÂȘme dire que Madame D... aimait M. M... et elle n'en parlait pas comme d'une chose qui serait si mal; et pourtant je suis sĂ»re qu'elle se fĂÂącherait contre moi, si elle se doutait seulement de mon amitiĂ© pour M. Danceny. Elle me traite toujours comme un enfant, Maman; et elle ne me dit rien du tout. Je croyais, quand elle m'a fait sortir du Couvent, que c'Ă©tait pour me marier; mais Ă prĂ©sent il me semble que non ce n'est pas que je m'en soucie, je vous assure; mais vous, qui ĂÂȘtes si amie avec elle, vous savez peut-ĂÂȘtre ce qui en est, et si vous le savez, j'espĂšre que vous me le direz. VoilĂ une bien longue Lettre, Madame, mais puisque vous m'avez permis de vous Ă©crire, j'en ai profitĂ© pour vous dire tout, et je compte sur votre amitiĂ©. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Paris, ce 23 aoĂ»t 17** LETTRE XXVIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Eh! quoi, Mademoiselle, vous refusez toujours de me rĂ©pondre! rien ne peut vous flĂ©chir; et chaque jour emporte avec lui l'espoir qu'il avait amenĂ©! Quelle est donc cette amitiĂ© que vous consentez qui subsiste entre nous, si elle n'est pas mĂÂȘme assez puissante pour vous rendre sensible Ă ma peine; si elle vous laisse froide et tranquille, tandis que j'Ă©prouve les tourments d'un feu que je ne puis Ă©teindre; si, loin de vous inspirer de la confiance, elle ne suffit pas mĂÂȘme Ă faire naĂtre votre pitiĂ©? Quoi! votre ami souffre et vous ne faites rien pour le secourir! Il ne vous demande qu'un mot, et vous le lui refusez! et vous voulez qu'il se contente d'un sentiment si faible, dont vous craignez encore de lui rĂ©itĂ©rer les assurances! Vous ne voudriez pas ĂÂȘtre ingrate, disiez-vous hier ah! croyez-moi, Mademoiselle, vouloir payer de l'Amour avec de l'amitiĂ©, ce n'est pas craindre l'ingratitude, c'est redouter seulement d'en avoir l'air. Cependant je n'ose plus vous entretenir d'un sentiment qui ne peut que vous ĂÂȘtre Ă charge, s'il ne vous intĂ©resse pas; il faut au moins le renfermer en moi-mĂÂȘme, en attendant que j'apprenne Ă le vaincre. Je sens combien ce travail sera pĂ©nible; je ne me dissimule pas que j'aurai besoin de toutes mes forces; je tenterai tous les moyens il en est un qui coĂ»tera le plus Ă mon cĂ âur, ce sera celui de me rĂ©pĂ©ter souvent que le vĂÂŽtre est insensible. J'essaierai mĂÂȘme de vous voir moins, et dĂ©jĂ je m'occupe d'en trouver un prĂ©texte plausible. Quoi! je perdrais la douce habitude de vous voir chaque jour! Ah! du moins je ne cesserai jamais de la regretter. Un malheur Ă©ternel sera le prix de l'Amour le plus tendre; et vous l'aurez voulu, et ce sera votre ouvrage! Jamais, je le sens, je ne retrouverai le bonheur que je perds aujourd'hui; vous seule Ă©tiez faite pour mon cĂ âur; avec quel plaisir je ferais le serment de ne vivre que pour vous. Mais vous ne voulez pas le recevoir; votre silence m'apprend assez que votre cĂ âur ne vous dit rien pour moi; il est Ă la fois la preuve la plus sĂ»re de votre indiffĂ©rence, et la maniĂšre la plus cruelle de me l'annoncer. Adieu, Mademoiselle. Je n'ose plus me flatter d'une rĂ©ponse; l'Amour l'eĂ»t Ă©crite avec empressement, l'amitiĂ© avec plaisir, la pitiĂ© mĂÂȘme avec complaisance mais la pitiĂ©, l'amitiĂ© et l'Amour sont Ă©galement Ă©trangers Ă votre cĂ âur. Paris, ce 23 aoĂ»t 17** LETTRE XXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je te le disais bien, Sophie, qu'il y avait des cas oĂÂč on pouvait Ă©crire; et je t'assure que je me reproche bien d'avoir suivi ton avis, qui nous a tant fait de peine, au Chevalier Danceny et Ă moi. La preuve que j'avais raison, c'est que Madame de Merteuil, qui est une femme qui sĂ»rement le sait bien, a fini par penser comme moi. Je lui ai tout avouĂ©. Elle m'a bien dit d'abord comme toi mais quand je lui ai eu tout expliquĂ©, elle est convenue que c'Ă©tait bien diffĂ©rent; elle exige seulement que je lui fasse voir toutes mes Lettres et toutes celles du Chevalier Danceny, afin d'ĂÂȘtre sĂ»re que je ne dirai que ce qu'il faudra; ainsi, Ă prĂ©sent, me voilĂ tranquille. Mon Dieu, que je l'aime Madame de Merteuil! elle est si bonne! et c'est une femme bien respectable. Ainsi il n'y a rien Ă dire. Comme je m'en vais Ă©crire Ă M. Danceny, et comme il va ĂÂȘtre content! il le sera encore plus qu'il ne croit; car jusqu'ici je ne lui parlais que de mon amitiĂ©, et lui voulait toujours que je dise mon amour. Je crois que c'Ă©tait bien la mĂÂȘme chose; mais enfin je n'osais pas, et il tenait Ă cela. Je l'ai dit Ă Madame de Merteuil; elle m'a dit que j'avais eu raison, et qu'il ne fallait convenir d'avoir de l'Amour, que quand on ne pouvait plus s'en empĂÂȘcher or je suis bien sĂ»re que je ne pourrai pas m'en empĂÂȘcher plus longtemps; aprĂšs tout c'est la mĂÂȘme chose, et cela lui plaira davantage. Madame de Merteuil m'a dit aussi qu'elle me prĂÂȘterait des Livres qui parlaient de tout cela, et qui m'apprendraient bien Ă me conduire, et aussi Ă mieux Ă©crire que je ne fais car, vois-tu, elle me dit tous mes dĂ©fauts, ce qui est une preuve qu'elle m'aime bien; elle m'a recommandĂ© seulement de ne rien dire Ă Maman de ces Livres-lĂ parce que ça aurait l'air de trouver qu'elle a trop nĂ©gligĂ© mon Ă©ducation, et ça pourrait la fĂÂącher. Oh! je ne lui en dirai rien. C'est pourtant bien extraordinaire qu'une femme qui ne m'est presque pas parente prenne plus de soin de moi que ma mĂšre! c'est bien heureux pour moi de l'avoir connue! Elle a demandĂ© aussi Ă Maman de me mener aprĂšs-demain Ă l'OpĂ©ra, dans sa loge; elle m'a dit que nous y serions toutes seules, et nous causerons tout le temps, sans craindre qu'on nous entende j'aime bien mieux cela que l'OpĂ©ra. Nous causerons aussi de mon mariage car elle m'a dit que c'Ă©tait bien vrai que j'allais me marier; mais nous n'avons pas pu en dire davantage. Par exemple, n'est-ce pas encore bien Ă©tonnant que Maman ne m'en dise rien du tout? Adieu, ma Sophie, je m'en vas Ă©crire au Chevalier Danceny. Oh! je suis bien contente. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Enfin, Monsieur, je consens Ă vous Ă©crire, Ă vous assurer de mon amitiĂ©, de mon amour , puisque, sans cela, vous seriez malheureux. Vous dites que je n'ai pas bon cĂ âur; je vous assure bien que vous vous trompez, et j'espĂšre qu'Ă prĂ©sent vous n'en doutez plus. Si vous avez du chagrin de ce que je ne vous Ă©crivais pas, croyez-vous que ça ne me faisait pas de la peine aussi? Mais c'est que, pour toute chose au monde, je ne voudrais pas faire quelque chose qui fĂ»t mal; et mĂÂȘme je ne serais sĂ»rement pas convenue de mon amour, si j'avais pu m'en empĂÂȘcher mais votre tristesse me faisait trop de peine. J'espĂšre qu'Ă prĂ©sent vous n'en aurez plus, et que nous allons ĂÂȘtre bien heureux. Je compte avoir le plaisir de vous voir ce soir, et que vous viendrez de bonne heure; ce ne sera jamais aussi tĂÂŽt que je le dĂ©sire. Maman soupe chez elle, et je crois qu'elle vous proposera d'y rester j'espĂšre que vous ne serez pas engagĂ© comme avant-hier. C'Ă©tait donc bien agrĂ©able, le souper oĂÂč vous alliez? car vous y avez Ă©tĂ© de bien bonne heure. Mais enfin ne parlons pas de ça Ă prĂ©sent que vous savez que je vous aime, j'espĂšre que vous resterez avec moi le plus que vous pourrez; car je ne suis contente que lorsque je suis avec vous, et je voudrais bien que vous fussiez tout de mĂÂȘme. Je suis bien fĂÂąchĂ©e que vous ĂÂȘtes encore triste Ă prĂ©sent, mais ce n'est pas ma faute. Je demanderai Ă jouer de la harpe aussitĂÂŽt que vous serez arrivĂ©, afin que vous ayez ma lettre tout de suite. Je ne peux mieux faire... Adieu, Monsieur. Je vous aime bien, de tout mon cĂ âur; plus je vous le dis, plus je suis contente; j'espĂšre que vous le serez aussi. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXXI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Oui, sans doute, nous serons heureux. Mon bonheur est bien sĂ»r, puisque je suis aimĂ© de vous; le vĂÂŽtre ne finira jamais, s'il doit durer autant que l'Amour que vous m'avez inspirĂ©. Quoi! vous m'aimez, vous ne craignez plus de m'assurer de votre amour! Plus vous me le dites, et plus vous ĂÂȘtes contente! AprĂšs avoir lu ce charmant je vous aime , Ă©crit de votre main, j'ai entendu votre belle bouche m'en rĂ©pĂ©ter l'aveu. J'ai vu se fixer sur moi ces yeux charmants qu'embellissait encore l'expression de la tendresse. J'ai reçu vos serments de vivre toujours pour moi. Ah! recevez le mien de consacrer ma vie entiĂšre Ă votre bonheur; recevez-le, et soyez sĂ»re que je ne le trahirai pas. Quelle heureuse journĂ©e nous avons passĂ©e hier! Ah! pourquoi Madame de Merteuil n'a-t-elle pas tous les jours des secrets Ă dire Ă votre Maman? pourquoi faut-il que l'idĂ©e de la contrainte qui nous attend vienne se mĂÂȘler au souvenir dĂ©licieux qui m'occupe? pourquoi ne puis-je sans cesse tenir cette jolie main qui m'a Ă©crit je vous aime! la couvrir de baisers, et me venger ainsi du refus que vous m'avez fait d'une faveur plus grande! Dites-moi, ma CĂ©cile, quand votre Maman a Ă©tĂ© rentrĂ©e; quand nous avons Ă©tĂ© forcĂ©s, par sa prĂ©sence, de n'avoir plus l'un pour l'autre que des regards indiffĂ©rents; quand vous ne pouviez plus me consoler, par l'assurance de votre amour, du refus que vous faisiez de m'en donner des preuves, n'avez-vous donc senti aucun regret? ne vous ĂÂȘtes-vous pas dit Un baiser l'eĂ»t rendu plus heureux, et c'est moi qui lui ai ravi ce bonheur? Promettez-moi, mon aimable amie, qu'Ă la premiĂšre occasion vous serez moins sĂ©vĂšre. A l'aide de cette promesse, je trouverai du courage pour supporter les contrariĂ©tĂ©s que les circonstances nous prĂ©parent; et les privations cruelles seront au moins adoucies par la certitude que vous en partagez le secret. Adieu, ma charmante CĂ©cile voici l'heure oĂÂč je dois me rendre chez vous. Il me serait impossible de vous quitter, si ce n'Ă©tait pour aller vous revoir. Adieu, vous que j'aime tant! vous, que j'aimerai toujours davantage! De ..., ce 25 aoĂ»t 17** LETTRE XXXII MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous voulez donc, Madame, que je croie Ă la vertu de M. de Valmont? J'avoue que je ne puis m'y rĂ©soudre, et que j'aurais autant de peine Ă le juger honnĂÂȘte, d'aprĂšs le seul fait que vous me racontez, qu'Ă croire vicieux un homme de bien reconnu, dont j'apprendrais une faute. L'humanitĂ© n'est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scĂ©lĂ©rat a ses vertus, comme l'honnĂÂȘte homme a ses faiblesses. Cette vĂ©ritĂ© me paraĂt d'autant plus nĂ©cessaire Ă croire, que c'est d'elle que dĂ©rive la nĂ©cessitĂ© de l'indulgence pour les mĂ©chants comme pour les bons; et qu'elle prĂ©serve ceux-ci de l'orgueil, et sauve les autres du dĂ©couragement. Vous trouverez sans doute que je pratique bien mal dans ce moment cette indulgence que je prĂÂȘche; mais je ne vois plus en elle qu'une faiblesse dangereuse, quand elle nous mĂšne Ă traiter de mĂÂȘme le vicieux et l'homme de bien. Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l'action de M. de Valmont; je veux croire qu'ils sont louables comme elle mais en a-t-il moins passĂ© sa vie Ă porter dans les familles le trouble, le dĂ©shonneur et le scandale? Ecoutez, si vous voulez, la voix du malheureux qu'il a secouru; mais qu'elle ne vous empĂÂȘche pas d'entendre les cris de cent victimes qu'il a immolĂ©es. Quand il ne serait, comme vous le dites, qu'un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-mĂÂȘme une liaison dangereuse? Vous le supposez susceptible d'un retour heureux? allons plus loin; supposons ce miracle arrivĂ©. Ne resterait-il pas contre lui l'opinion publique, et ne suffit-elle pas pour rĂ©gler votre conduite? Dieu seul peut absoudre au moment du repentir; il lit dans les cĂ âurs mais les hommes ne peuvent juger les pensĂ©es que par les actions; et nul d'entre eux, aprĂšs avoir perdu l'estime des autres, n'a droit de se plaindre de la mĂ©fiance nĂ©cessaire, qui rend cette perte si difficile Ă rĂ©parer. Songez surtout, ma jeune amie, que quelquefois il suffit, pour perdre cette estime, d'avoir l'air d'y attacher trop peu de prix; et ne taxez pas cette sĂ©vĂ©ritĂ© d'injustice car, outre qu'on est fondĂ© Ă croire qu'on ne renonce pas Ă ce bien prĂ©cieux quand on a droit d'y prĂ©tendre, celui-lĂ est en effet plus prĂšs de mal faire, qui n'est plus contenu par ce frein puissant. Tel serait cependant l'aspect sous lequel vous montrerait une liaison intime avec M. de Valmont, quelque innocente qu'elle pĂ»t ĂÂȘtre. EffrayĂ©e de la chaleur avec laquelle vous le dĂ©fendez, je me hĂÂąte de prĂ©venir les objections que je prĂ©vois. Vous me citerez Madame de Merteuil, Ă qui on a pardonnĂ© cette liaison; vous me demanderez pourquoi je le reçois chez moi; vous me direz que loin d'ĂÂȘtre rejetĂ© par les gens honnĂÂȘtes, il est admis, recherchĂ© mĂÂȘme dans ce qu'on appelle la bonne compagnie. Je peux, je crois, rĂ©pondre Ă tout. D'abord Madame de Merteuil, en effet trĂšs estimable, n'a peut-ĂÂȘtre d'autre dĂ©faut que trop de confiance en ses forces; c'est un guide adroit qui se plaĂt Ă conduire un char entre les rochers et les prĂ©cipices, et que le succĂšs seul justifie il est juste de la louer, il serait imprudent de la suivre; elle-mĂÂȘme en convient et s'en accuse. A mesure qu'elle a vu davantage, ses principes sont devenus plus sĂ©vĂšres; et je ne crains pas de vous assurer qu'elle penserait comme moi. Quant Ă ce qui me regarde, je ne me justifierai pas plus que les autres. Sans doute, je reçois M. de Valmont, et il est reçu partout; c'est une inconsĂ©quence de plus Ă ajouter Ă mille autres qui gouvernent la sociĂ©tĂ©. Vous savez, comme moi, qu'on passe sa vie Ă les remarquer, Ă s'en plaindre et Ă s'y livrer. M. de Valmont, avec un beau nom, une grande fortune, beaucoup de qualitĂ©s aimables, a reconnu de bonne heure que pour avoir l'empire dans la sociĂ©tĂ©, il suffisait de manier, avec une Ă©gale adresse, la louange et le ridicule. Nul ne possĂšde comme lui ce double talent il sĂ©duit avec l'un, et se fait craindre avec l'autre. On ne l'estime pas; mais on le flatte. Telle est son existence au milieu d'un monde qui, plus prudent que courageux, aime mieux le mĂ©nager que le combattre. Mais ni Madame de Merteuil elle-mĂÂȘme, ni aucune autre femme, n'oserait sans doute aller s'enfermer Ă la campagne, presque en tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte avec un tel homme. Il Ă©tait rĂ©servĂ© Ă la plus sage, Ă la plus modeste d'entre elles, de donner l'exemple de cette inconsĂ©quence; pardonnez-moi ce mot, il Ă©chappe Ă l'amitiĂ©. Ma belle amie, votre honnĂÂȘtetĂ© mĂÂȘme vous trahit, par la sĂ©curitĂ© qu'elle vous inspire. Songez donc que vous aurez pour juges, d'une part, des gens frivoles, qui ne croiront pas Ă une vertu dont ils ne trouvent pas le modĂšle chez eux; et de l'autre, des mĂ©chants qui feindront de n'y pas croire, pour vous punir de l'avoir eue. ConsidĂ©rez que vous faites, dans ce moment, ce que quelques hommes n'oseraient pas risquer. En effet, parmi les jeunes gens, dont M. de Valmont ne s'est que trop rendu l'oracle, je vois les plus sages craindre de paraĂtre liĂ©s trop intimement avec lui; et vous, vous ne le craignez pas! Ah! revenez, revenez, je vous en conjure... Si mes raisons ne suffisent pas pour vous persuader, cĂ©dez Ă mon amitiĂ©; c'est elle qui me fait renouveler mes instances, c'est Ă elle Ă les justifier. Vous la trouvez sĂ©vĂšre, et je dĂ©sire qu'elle soit inutile; mais j'aime mieux que vous ayez Ă vous plaindre de sa sollicitude que de sa nĂ©gligence. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT DĂšs que vous craignez de rĂ©ussir, mon cher Vicomte, dĂšs que votre projet est de fournir des armes contre vous, et que vous dĂ©sirez moins de vaincre que de combattre, je n'ai plus rien Ă dire. Votre conduite est un chef-d'Ă âuvre de prudence. Elle en serait un de sottise dans la supposition contraire; et pour vous parler vrai, je crains que vous ne vous fassiez illusion. Ce que je vous reproche n'est pas de n'avoir point profitĂ© du moment. D'une part, je ne vois pas clairement qu'il fĂ»t venu de l'autre, je sais assez, quoi qu'on en dise, qu'une occasion manquĂ©e se retrouve, tandis qu'on ne revient jamais d'une dĂ©marche prĂ©cipitĂ©e. Mais la vĂ©ritable Ă©cole est de vous ĂÂȘtre laissĂ© aller Ă Ă©crire. Je vous dĂ©fie Ă prĂ©sent de prĂ©voir oĂÂč ceci peut vous mener. Par hasard, espĂ©rez-vous prouver Ă cette femme qu'elle doit se rendre? Il me semble que ce ne peut ĂÂȘtre lĂ qu'une vĂ©ritĂ© de sentiment, et non de dĂ©monstration; et que pour la faire recevoir, il s'agit d'attendrir et non de raisonner; mais Ă quoi vous servirait d'attendrir par Lettres, puisque vous ne seriez pas lĂ pour en profiter? Quand vos belles phrases produiraient l'ivresse de l'Amour, vous flattez-vous qu'elle soit assez longue pour que la rĂ©flexion n'ait pas le temps d'en empĂÂȘcher l'aveu? Songez donc Ă celui qu'il faut pour Ă©crire une Lettre, Ă celui qui se passe avant qu'on la remette; et voyez si surtout une femme Ă principes comme votre DĂ©vote peut vouloir si longtemps ce qu'elle tĂÂąche de ne vouloir jamais. Cette marche peut rĂ©ussir avec les enfants, qui, quand ils Ă©crivent " je vous aime " , ne savent pas qu'ils disent " je me rends " . Mais la vertu raisonneuse de Madame de Tourvel me paraĂt fort bien connaĂtre la valeur des termes. Aussi, malgrĂ© l'avantage que vous aviez pris sur elle dans votre conversation, elle vous bat dans sa Lettre. Et puis, savez-vous ce qui arrive? par cela seul qu'on dispute, on ne veut pas cĂ©der. A force de chercher de bonnes raisons, on en trouve; on les dit; et aprĂšs on y tient, non pas tant parce qu'elles sont bonnes que pour ne pas se dĂ©mentir. De plus, une remarque que je m'Ă©tonne que vous n'ayez pas faite, c'est qu'il n'y a rien de si difficile en amour que d'Ă©crire ce qu'on ne sent pas. Je dis Ă©crire d'une façon vraisemblable ce n'est pas qu'on ne se serve des mĂÂȘmes mots; mais on ne les arrange pas de mĂÂȘme, ou plutĂÂŽt on les arrange, et cela suffit. Relisez votre Lettre il y rĂšgne un ordre qui vous dĂ©cĂšle Ă chaque phrase. Je veux croire que votre PrĂ©sidente est assez peu formĂ©e pour ne s'en pas apercevoir mais qu'importe? l'effet n'en est pas moins manquĂ©. C'est le dĂ©faut des Romans; l'Auteur se bat les flancs pour s'Ă©chauffer, et le Lecteur reste froid. HĂ©loĂÂŻse est le seul qu'on en puisse excepter; et malgrĂ© le talent de l'Auteur, cette observation m'a toujours fait croire que le fond en Ă©tait vrai. Il n'en est pas de mĂÂȘme en parlant. L'habitude de travailler son organe y donne de la sensibilitĂ©; la facilitĂ© des larmes y ajoute encore l'expression du dĂ©sir se confond dans les yeux avec celle de la tendresse; enfin le discours moins suivi amĂšne plus aisĂ©ment cet air de trouble et de dĂ©sordre, qui est la vĂ©ritable Ă©loquence de l'Amour; et surtout la prĂ©sence de l'objet aimĂ© empĂÂȘche la rĂ©flexion et nous fait dĂ©sirer d'ĂÂȘtre vaincues. Croyez-moi, Vicomte on vous demande de ne plus Ă©crire profitez-en pour rĂ©parer votre faute et attendez l'occasion de parler. Savez-vous que cette femme a plus de force que je ne croyais? Sa dĂ©fense est bonne; et sans la longueur de sa Lettre, et le prĂ©texte qu'elle vous donne pour rentrer en matiĂšre dans sa phrase de reconnaissance, elle ne se serait pas du tout trahie. Ce qui me paraĂt encore devoir vous rassurer sur le succĂšs, c'est qu'elle use trop de forces Ă la fois; je prĂ©vois qu'elle les Ă©puisera pour la dĂ©fense du mot, et qu'il ne lui en restera plus pour celle de la chose. Je vous renvoie vos deux Lettres, et si vous ĂÂȘtes prudent, ce seront les derniĂšres jusqu'aprĂšs l'heureux moment. S'il Ă©tait moins tard, je vous parlerais de la petite Volanges qui avance assez vite et dont je suis fort contente. Je crois que j'aurai fini avant vous, et vous devez en ĂÂȘtre bien heureux. Adieu pour aujourd'hui. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous parlez Ă merveille, ma belle amie mais pourquoi vous tant fatiguer Ă prouver ce que personne n'ignore? Pour aller vite en amour, il vaut mieux parler qu'Ă©crire; voilĂ , je crois, toute votre Lettre. Eh mais! ce sont les plus simples Ă©lĂ©ments de l'art de sĂ©duire. Je remarquerai seulement que vous ne faites qu'une exception Ă ce principe, et qu'il y en a deux. Aux enfants qui suivent cette marche par timiditĂ© et se livrent par ignorance, il faut joindre les femmes Beaux-Esprits, qui s'y laissent engager par amour-propre, et que la vanitĂ© conduit dans le piĂšge. Par exemple, je suis bien sĂ»r que la Comtesse de B... qui rĂ©pondit sans difficultĂ© Ă ma premiĂšre Lettre, n'avait pas alors plus d'amour pour moi que moi pour elle; et qu'elle ne vit que l'occasion de traiter un sujet qui devait lui faire honneur. Quoi qu'il en soit, un Avocat vous dirait que le principe ne s'applique pas Ă la question. En effet, vous supposez que j'ai le choix entre Ă©crire et parler, ce qui n'est pas. Depuis l'affaire du 19, mon inhumaine, qui se tient sur la dĂ©fensive, a mis Ă Ă©viter les rencontres une adresse qui a dĂ©concertĂ© la mienne. C'est au point que si cela continue, elle me forcera Ă m'occuper sĂ©rieusement des moyens de reprendre cet avantage; car assurĂ©ment je ne veux ĂÂȘtre vaincu par elle en aucun genre. Mes Lettres mĂÂȘmes sont le sujet d'une petite guerre non contente de n'y pas rĂ©pondre, elle refuse de les recevoir. Il faut pour chacune une ruse nouvelle, et qui ne rĂ©ussit pas toujours. Vous vous rappelez par quel moyen simple j'avais remis la premiĂšre; la seconde n'offrit pas plus de difficultĂ©. Elle m'avait demandĂ© de lui rendre sa Lettre je lui donnai la mienne en place, sans qu'elle eĂ»t le moindre soupçon. Mais soit dĂ©pit d'avoir Ă©tĂ© attrapĂ©e, soit caprice, ou enfin soit vertu, car elle me forcera d'y croire, elle refusa obstinĂ©ment la troisiĂšme. J'espĂšre pourtant que l'embarras oĂÂč a pensĂ© la mettre la suite de ce refus, la corrigera pour l'avenir. Je ne fus pas trĂšs Ă©tonnĂ© qu'elle ne voulĂ»t pas recevoir cette Lettre que je lui offrais tout simplement; c'eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©jĂ accorder quelque chose, et je m'attends Ă une plus longue dĂ©fense. AprĂšs cette tentative, qui n'Ă©tait qu'un essai fait en passant, je mis une enveloppe Ă ma Lettre; et prenant le moment de la toilette, oĂÂč Madame de Rosemonde et la Femme de chambre Ă©taient prĂ©sentes, je la lui envoyai par mon Chasseur, avec ordre de lui dire que c'Ă©tait le papier qu'elle m'avait demandĂ©. J'avais bien devinĂ© qu'elle craindrait l'explication scandaleuse que nĂ©cessiterait un refus en effet elle prit la Lettre; et mon Ambassadeur, qui avait ordre d'observer sa figure, et qui ne voit pas mal, n'aperçut qu'une lĂ©gĂšre rougeur et plus d'embarras que de colĂšre. Je me fĂ©licitais donc, bien sĂ»r, ou qu'elle garderait cette Lettre, ou que si elle voulait me la rendre, il faudrait qu'elle se trouvĂÂąt seule avec moi; ce qui me donnerait une occasion de lui parler. Environ une heure aprĂšs, un de ses gens entre dans ma chambre et me remet, de la part de sa MaĂtresse, un paquet d'une autre forme que le mien, et sur l'enveloppe duquel je reconnais l'Ă©criture tant dĂ©sirĂ©e. J'ouvre avec prĂ©cipitation... C'Ă©tait ma Lettre elle-mĂÂȘme, non dĂ©cachetĂ©e et pliĂ©e seulement en deux. Je soupçonne que la crainte que je ne fusse moins scrupuleux qu'elle sur le scandale lui a fait employer cette ruse diabolique. Vous me connaissez; je n'ai pas besoin de vous peindre ma fureur. Il fallut pourtant reprendre son sang-froid, et chercher de nouveaux moyens. Voici le seul que je trouvai. On va d'ici, tous les matins, chercher les Lettres Ă la Poste, qui est Ă environ trois quarts de lieue on se sert, pour cet objet, d'une boĂte couverte Ă peu prĂšs comme un tronc, dont le MaĂtre de la Poste a une clef et Madame de Rosemonde l'autre. Chacun y met ses Lettres dans la journĂ©e, quand bon lui semble; on les porte le soir Ă la Poste, et le matin on va chercher celles qui sont arrivĂ©es. Tous les gens, Ă©trangers ou autres, font ce service Ă©galement. Ce n'Ă©tait pas le tour de mon domestique; mais il se chargea d'y aller, sous le prĂ©texte qu'il avait affaire de ce cĂÂŽtĂ©. Cependant j'Ă©crivis ma Lettre. Je dĂ©guisai mon Ă©criture pour l'adresse, et je contrefis assez bien, sur l'enveloppe, le timbre de Dijon . Je choisis cette Ville, parce que je trouvai plus gai, puisque je demandais les mĂÂȘmes droits que le mari, d'Ă©crire aussi du mĂÂȘme lieu, et aussi parce que ma Belle avait parlĂ© toute la journĂ©e du dĂ©sir qu'elle avait de recevoir des Lettres de Dijon. Il me parut juste de lui procurer ce plaisir. Ces prĂ©cautions une fois prises, il Ă©tait facile de faire joindre cette Lettre aux autres. Je gagnais encore Ă cet expĂ©dient d'ĂÂȘtre tĂ©moin de la rĂ©ception car l'usage est ici de se rassembler pour dĂ©jeuner et d'attendre l'arrivĂ©e des Lettres avant de se sĂ©parer. Enfin elles arrivĂšrent. Madame de Rosemonde ouvrit la boĂte. " De Dijon " , dit-elle, en donnant la Lettre Ă Madame de Tourvel. " Ce n'est pas l'Ă©criture de mon mari " , reprit celle-ci d'une voix inquiĂšte, en rompant le cachet avec vivacitĂ© le premier coup d'oeil l'instruisit; et il se fit une telle rĂ©volution sur sa figure que Madame de Rosemonde s'en aperçut, et lui dit " Qu'avez-vous? " Je m'approchai aussi, en disant " Cette Lettre est donc bien terrible? " La timide DĂ©vote n'osait lever les yeux, ne disait mot, et, pour sauver son embarras, feignait de parcourir l'EpĂtre, qu'elle n'Ă©tait guĂšre en Ă©tat de lire. Je jouissais de son trouble, et n'Ă©tais pas fĂÂąchĂ© de la pousser un peu " Votre air plus tranquille, ajoutai-je, fait espĂ©rer que cette Lettre vous a causĂ© plus d'Ă©tonnement que de douleur. " La colĂšre alors l'inspira mieux que n'eĂ»t pu faire la prudence. " Elle contient, rĂ©pondit-elle, des choses qui m'offensent, et que je suis Ă©tonnĂ©e qu'on ait osĂ© m'Ă©crire. " - " Et qui donc? " interrompit Madame de Rosemonde. " Elle n'est pas signĂ©e " , rĂ©pondit la belle courroucĂ©e " mais la Lettre et son Auteur m'inspirent un Ă©gal mĂ©pris. On m'obligera de ne m'en plus parler. " En disant ces mots, elle dĂ©chira l'audacieuse missive, en mit les morceaux dans sa poche, se leva, et sortit. MalgrĂ© cette colĂšre, elle n'en a pas moins eu ma Lettre; et je m'en remets bien Ă sa curiositĂ©, du soin de l'avoir lue en entier. Le dĂ©tail de la journĂ©e me mĂšnerait trop loin. Je joins Ă ce rĂ©cit le brouillon de mes deux Lettres vous serez aussi instruite que moi. Si vous voulez ĂÂȘtre au courant de ma correspondance, il faut vous accoutumer Ă dĂ©chiffrer mes minutes car pour rien au monde, je ne dĂ©vorerais l'ennui de les recopier. Adieu, ma belle amie. De ..., ce 25 aoĂ»t 17** LETTRE XXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Il faut vous obĂ©ir, Madame, il faut vous prouver qu'au milieu des torts que vous vous plaisez Ă me croire, il me reste au moins assez de dĂ©licatesse pour ne pas me permettre un reproche, et assez de courage pour m'imposer les plus douloureux sacrifices. Vous m'ordonnez le silence et l'oubli! eh bien! je forcerai mon amour Ă se taire; et j'oublierai, s'il est possible, la façon cruelle dont vous l'avez accueilli. Sans doute le dĂ©sir de vous plaire n'en donnait pas le droit, et j'avoue encore que le besoin que j'avais de votre indulgence n'Ă©tait pas un titre pour l'obtenir mais vous regardez mon amour comme un outrage; vous oubliez que si ce pouvait ĂÂȘtre un tort, vous en seriez Ă la fois, et la cause et l'excuse. Vous oubliez aussi qu'accoutumĂ© Ă vous ouvrir mon ĂÂąme, lors mĂÂȘme que cette confiance pouvait me nuire, il ne m'Ă©tait plus possible de vous cacher les sentiments dont je suis pĂ©nĂ©trĂ©; et ce qui fut l'ouvrage de ma bonne foi, vous le regardez comme le fruit de l'audace. Pour prix de l'Amour le plus tendre, le plus respectueux, le plus vrai, vous me rejetez loin de vous. Vous me parlez enfin de votre haine... Quel autre ne se plaindrait pas d'ĂÂȘtre traitĂ© ainsi? Moi seul, je me soumets; je souffre tout et ne murmure point; vous frappez et j'adore. L'inconcevable empire que vous avez sur moi vous rend maĂtresse absolue de mes sentiments; et si mon amour seul vous rĂ©siste, si vous ne pouvez le dĂ©truire, c'est qu'il est votre ouvrage et non le mien. Je ne demande point un retour dont jamais je ne me suis flattĂ©. Je n'attends pas mĂÂȘme cette pitiĂ©, que l'intĂ©rĂÂȘt que vous m'aviez tĂ©moignĂ© quelquefois pouvait me faire espĂ©rer. Mais je crois, je l'avoue, pouvoir rĂ©clamer votre justice. Vous m'apprenez, Madame, qu'on a cherchĂ© Ă me nuire dans votre esprit. Si vous en eussiez cru les conseils de vos amis, vous ne m'eussiez pas mĂÂȘme laissĂ© approcher de vous ce sont vos termes. Quels sont donc ces amis officieux? Sans doute ces gens si sĂ©vĂšres, et d'une vertu si rigide, consentent Ă ĂÂȘtre nommĂ©s; sans doute ils ne voudraient pas se couvrir d'une obscuritĂ© qui les confondrait avec de vils calomniateurs; et je n'ignorerai ni leur nom, ni leurs reproches. Songez, Madame, que j'ai le droit de savoir l'un et l'autre, puisque vous me jugez d'aprĂšs eux. On ne condamne point un coupable sans lui dire son crime, sans lui nommer ses accusateurs. Je ne demande point d'autre grĂÂące, et je m'engage d'avance Ă me justifier, Ă les forcer de se dĂ©dire. Si j'ai trop mĂ©prisĂ©, peut-ĂÂȘtre, les vaines clameurs d'un Public dont je fais peu de cas, il n'en est pas ainsi de votre estime; et quand je consacre ma vie Ă la mĂ©riter, je ne me la laisserai pas ravir impunĂ©ment. Elle me devient d'autant plus prĂ©cieuse, que je lui devrai sans doute cette demande que vous craignez de me faire, et qui me donnerait, dites-vous, des droits Ă votre reconnaissance . Ah! loin d'en exiger, je croirai vous en devoir, si vous me procurez l'occasion de vous ĂÂȘtre agrĂ©able. Commencez donc Ă me rendre plus de justice, en ne me laissant plus ignorer ce que vous dĂ©sirez de moi. Si je pouvais le deviner, je vous Ă©viterais la peine de le dire. Au plaisir de vous voir, ajoutez le bonheur de vous servir, et je me louerai de votre indulgence. Qui peut donc vous arrĂÂȘter? ce n'est pas, je l'espĂšre, la crainte d'un refus? je sens que je ne pourrais vous la pardonner. Ce n'en est pas un que de ne pas vous rendre votre Lettre. Je dĂ©sire plus que vous, qu'elle ne me soit plus nĂ©cessaire mais accoutumĂ© Ă vous croire une ĂÂąme si douce, ce n'est que dans cette Lettre que je puis vous trouver telle que vous voulez paraĂtre. Quand je forme le vĂ âu de vous rendre sensible, j'y vois que plutĂÂŽt que d'y consentir, vous fuiriez Ă cent lieues de moi; quand tout en vous augmente et justifie mon amour, c'est encore elle qui me rĂ©pĂšte que mon amour vous outrage; et lorsqu'en vous voyant, cet amour me semble le bien suprĂÂȘme, j'ai besoin de vous lire, pour sentir que ce n'est qu'un affreux tourment. Vous concevez Ă prĂ©sent que mon plus grand bonheur serait de pouvoir vous rendre cette Lettre fatale me la demander encore serait m'autoriser Ă ne plus croire ce qu'elle contient; vous ne doutez pas, j'espĂšre, de mon empressement Ă vous la remettre. De ..., ce 21 aoĂ»t 17** LETTRE XXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE DIJON. Votre sĂ©vĂ©ritĂ© augmente chaque jour, Madame, et si je l'ose dire, vous semblez craindre moins d'ĂÂȘtre injuste que d'ĂÂȘtre indulgente. AprĂšs m'avoir condamnĂ© sans m'entendre, vous avez dĂ» sentir, en effet, qu'il vous serait plus facile de ne pas lire mes raisons que d'y rĂ©pondre. Vous refusez mes Lettres avec obstination; vous me les renvoyez avec mĂ©pris. Vous me forcez enfin de recourir Ă la ruse, dans le moment mĂÂȘme oĂÂč mon unique but est de vous convaincre de ma bonne foi. La nĂ©cessitĂ© oĂÂč vous m'avez mis de me dĂ©fendre suffira sans doute pour en excuser les moyens. Convaincu d'ailleurs par la sincĂ©ritĂ© de mes sentiments que pour les justifier Ă vos yeux il me suffit de vous les faire bien connaĂtre, j'ai cru pouvoir me permettre ce lĂ©ger dĂ©tour. J'ose croire aussi que vous me le pardonnerez; et que vous serez peu surprise que l'Amour soit plus ingĂ©nieux Ă se produire, que l'indiffĂ©rence Ă l'Ă©carter. Permettez donc, Madame, que mon cĂ âur se dĂ©voile entiĂšrement Ă vous. Il vous appartient, il est juste que vous le connaissiez. J'Ă©tais bien Ă©loignĂ©, en arrivant chez Madame de Rosemonde, de prĂ©voir le sort qui m'y attendait. J'ignorais que vous y fussiez; et j'ajouterai, avec la sincĂ©ritĂ© qui me caractĂ©rise, que quand je l'aurais su ma sĂ©curitĂ© n'en eĂ»t point Ă©tĂ© troublĂ©e non que je ne rendisse Ă votre beautĂ© la justice qu'on ne peut lui refuser; mais accoutumĂ© Ă n'Ă©prouver que des dĂ©sirs, Ă ne me livrer qu'Ă ceux que l'espoir encourageait, je ne connaissais pas les tourments de l'Amour. Vous fĂ»tes tĂ©moin des instances que me fit Madame de Rosemonde pour m'arrĂÂȘter quelque temps. J'avais dĂ©jĂ passĂ© une journĂ©e avec vous cependant je ne me rendis, ou au moins je ne crus me rendre qu'au plaisir, si naturel et si lĂ©gitime, de tĂ©moigner des Ă©gards Ă une parente respectable. Le genre de vie qu'on menait ici diffĂ©rait beaucoup sans doute de celui auquel j'Ă©tais accoutumĂ©; il ne m'en coĂ»ta rien de m'y conformer; et, sans chercher Ă pĂ©nĂ©trer la cause du changement qui s'opĂ©rait en moi, je l'attribuais uniquement encore Ă cette facilitĂ© de caractĂšre, dont je crois vous avoir dĂ©jĂ parlĂ©. Malheureusement et pourquoi faut-il que ce soit un malheur?, en vous connaissant mieux je reconnus bientĂÂŽt que cette figure enchanteresse, qui seule m'avait frappĂ©, Ă©tait le moindre de vos avantages; votre ĂÂąme cĂ©leste Ă©tonna, sĂ©duisit la mienne. J'admirais la beautĂ©, j'adorai la vertu. Sans prĂ©tendre Ă vous obtenir, je m'occupai de vous mĂ©riter. En rĂ©clamant votre indulgence pour le passĂ©, j'ambitionnai votre suffrage pour l'avenir. Je le cherchais dans vos discours, je l'Ă©piais dans vos regards; dans ces regards d'oĂÂč partait un poison d'autant plus dangereux, qu'il Ă©tait rĂ©pandu sans dessein et reçu sans mĂ©fiance. Alors je connus l'Amour. Mais que j'Ă©tais loin de m'en plaindre! rĂ©solu de l'ensevelir dans un Ă©ternel silence, je me livrais sans crainte comme sans rĂ©serve Ă ce sentiment dĂ©licieux. Chaque jour augmentait son empire. BientĂÂŽt le plaisir de vous voir se changea en besoin. Vous absentiez-vous un moment? mon cĂ âur se serrait de tristesse; au bruit qui m'annonçait votre retour, il palpitait de joie. Je n'existais plus que par vous, et pour vous. Cependant, c'est vous-mĂÂȘme que j'adjure jamais dans la gaietĂ© des folĂÂątres jeux, ou dans l'intĂ©rĂÂȘt d'une conversation sĂ©rieuse, m'Ă©chappa-t-il un mot qui pĂ»t trahir le secret de mon cĂ âur? Enfin un jour arriva oĂÂč devait commencer mon infortune; et par une inconcevable fatalitĂ©, une action honnĂÂȘte en devint le signal. Oui, Madame, c'est au milieu des malheureux que j'avais secourus, que, vous livrant Ă cette sensibilitĂ© prĂ©cieuse qui embellit la beautĂ© mĂÂȘme et ajoute du prix Ă la vertu, vous achevĂÂątes d'Ă©garer un cĂ âur que dĂ©jĂ trop d'amour enivrait. Vous vous rappelez, peut-ĂÂȘtre, quelle prĂ©occupation s'empara de moi au retour! HĂ©las! je cherchais Ă combattre un penchant que je sentais devenir plus fort que moi. C'est aprĂšs avoir Ă©puisĂ© mes forces dans ce combat inĂ©gal, qu'un hasard, que je n'avais pu prĂ©voir, me fit trouver seul avec vous. LĂ , je succombai, je l'avoue. Mon cĂ âur trop plein ne put retenir ses discours ni ses larmes. Mais est-ce donc un crime? et si c'en est un, n'est-il pas assez puni par les tourments affreux auxquels je suis livrĂ©? DĂ©vorĂ© par un amour sans espoir, j'implore votre pitiĂ© et ne trouve que votre haine sans autre bonheur que celui de vous voir, mes yeux vous cherchent malgrĂ© moi, et je tremble de rencontrer vos regards. Dans l'Ă©tat cruel oĂÂč vous m'avez rĂ©duit, je passe les jours Ă dĂ©guiser mes peines et les nuits Ă m'y livrer; tandis que vous, tranquille et paisible, vous ne connaissez ces tourments que pour les causer et vous en applaudir. Cependant, c'est vous qui vous plaignez, et c'est moi qui m'excuse. VoilĂ pourtant, Madame, voilĂ le rĂ©cit fidĂšle de ce que vous nommez mes torts, et que peut-ĂÂȘtre il serait plus juste d'appeler mes malheurs. Un amour pur et sincĂšre, un respect qui ne s'est jamais dĂ©menti, une soumission parfaite, tels sont les sentiments que vous m'avez inspirĂ©s. Je n'eusse pas craint d'en prĂ©senter l'hommage Ă la DivinitĂ© mĂÂȘme. Ăâ vous, qui ĂÂȘtes son plus bel ouvrage, imitez-la dans son indulgence! Songez Ă mes peines cruelles; songez surtout, que, placĂ© par vous entre le dĂ©sespoir et la fĂ©licitĂ© suprĂÂȘme, le premier mot que vous prononcerez dĂ©cidera pour jamais de mon sort. De ..., ce 23 aoĂ»t 17** LETTRE XXXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Je me soumets, Madame, aux conseils que votre amitiĂ© me donne. AccoutumĂ©e Ă dĂ©fĂ©rer en tout Ă vos avis, je le suis Ă croire qu'ils sont toujours fondĂ©s en raison. J'avouerai mĂÂȘme que M. de Valmont doit ĂÂȘtre, en effet, infiniment dangereux, s'il peut Ă la fois feindre d'ĂÂȘtre ce qu'il paraĂt ici, et rester tel que vous le dĂ©peignez. Quoi qu'il en soit, puisque vous l'exigez, je l'Ă©loignerai de moi; au moins j'y ferai mon possible car souvent les choses, qui dans le fond devraient ĂÂȘtre les plus simples, deviennent embarrassantes par la forme. Il me paraĂt toujours impraticable de faire cette demande Ă sa tante; elle deviendrait Ă©galement dĂ©sobligeante, et pour elle, et pour lui. Je ne prendrais pas non plus, sans quelque rĂ©pugnance, le parti de m'Ă©loigner moi-mĂÂȘme car outre les raisons que je vous ai dĂ©jĂ mandĂ©es relatives Ă M. de Tourvel, si mon dĂ©part contrariait M. de Valmont, comme il est possible, n'aurait-il pas la facilitĂ© de me suivre Ă Paris? et son retour, dont je serais, dont au moins je paraĂtrais ĂÂȘtre l'objet, ne semblerait-il pas plus Ă©trange qu'une rencontre Ă la campagne, chez une personne qu'on sait ĂÂȘtre sa parente et mon amie? Il ne me reste donc d'autre ressource que d'obtenir de lui-mĂÂȘme qu'il veuille bien s'Ă©loigner. Je sens que cette proposition est difficile Ă faire; cependant, comme il me paraĂt avoir Ă cĂ âur de me prouver qu'il a en effet plus d'honnĂÂȘtetĂ© qu'on ne lui en suppose, je ne dĂ©sespĂšre pas de rĂ©ussir. Je ne serai pas mĂÂȘme fĂÂąchĂ©e de le tenter; et d'avoir une occasion de juger si, comme il le dit souvent, les femmes vraiment honnĂÂȘtes n'ont jamais eu, n'auront jamais Ă se plaindre de ses procĂ©dĂ©s. S'il part comme je le dĂ©sire, ce sera en effet par Ă©gard pour moi car je ne peux pas douter qu'il n'ait le projet de passer ici une grande partie de l'automne. S'il refuse ma demande et s'obstine Ă rester, je serai toujours Ă temps de partir moi-mĂÂȘme, et je vous le promets. VoilĂ , je crois, Madame, tout ce que votre amitiĂ© exigeait de moi je m'empresse d'y satisfaire, et de vous prouver que malgrĂ© la chaleur que j'ai pu mettre Ă dĂ©fendre M. de Valmont, je n'en suis pas moins disposĂ©e, non seulement Ă Ă©couter, mais mĂÂȘme Ă suivre les conseils de mes amis. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 25 aoĂ»t 17** LETTRE XXXVIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Votre Ă©norme paquet m'arrive Ă l'instant, mon cher Vicomte. Si la date en est exacte, j'aurais dĂ» le recevoir vingt-quatre heures plus tĂÂŽt; quoi qu'il en soit, si je prenais le temps de le lire, je n'aurais plus celui d'y rĂ©pondre. Je prĂ©fĂšre donc de vous en accuser seulement la rĂ©ception, et nous causerons d'autre chose. Ce n'est pas que j'aie rien Ă vous dire pour mon compte; l'automne ne laisse Ă Paris presque point d'hommes qui aient figure humaine aussi je suis, depuis un mois, d'une sagesse Ă pĂ©rir; et tout autre que mon Chevalier serait fatiguĂ© des preuves de ma constance. Ne pouvant m'occuper, je me distrais avec la petite Volanges; et c'est d'elle que je veux vous parler. Savez-vous que vous avez perdu plus que vous ne croyez Ă ne pas vous charger de cet enfant? elle est vraiment dĂ©licieuse! cela n'a ni caractĂšre ni principes; jugez combien sa sociĂ©tĂ© sera douce et facile. Je ne crois pas qu'elle brille jamais par le sentiment; mais tout annonce en elle les sensations les plus vives. Sans esprit et sans finesse, elle a pourtant une certaine faussetĂ© naturelle, si l'on peut parler ainsi, qui quelquefois m'Ă©tonne moi-mĂÂȘme, et qui rĂ©ussira d'autant mieux, que sa figure offre l'image de la candeur et de l'ingĂ©nuitĂ©. Elle est naturellement trĂšs caressante, et je m'en amuse quelquefois sa petite tĂÂȘte se monte avec une facilitĂ© incroyable; et elle est alors d'autant plus plaisante, qu'elle ne sait rien, absolument rien, de ce qu'elle dĂ©sire tant de savoir. Il lui en prend des impatiences tout Ă fait drĂÂŽles; elle rit, elle se dĂ©pite, elle pleure, et puis elle me prie de l'instruire, avec une bonne foi rĂ©ellement sĂ©duisante. En vĂ©ritĂ©, je suis presque jalouse de celui Ă qui ce plaisir est rĂ©servĂ©. Je ne sais si je vous ai mandĂ© que depuis quatre ou cinq jours j'ai l'honneur d'ĂÂȘtre sa confidente. Vous devinez bien que d'abord j'ai fait la sĂ©vĂšre mais aussitĂÂŽt que je me suis aperçue qu'elle croyait m'avoir convaincue par ses mauvaises raisons, j'ai eu l'air de les prendre pour bonnes; et elle est intimement persuadĂ©e qu'elle doit ce succĂšs Ă son Ă©loquence; il fallait cette prĂ©caution pour ne pas me compromettre. Je lui ai permis d'Ă©crire et de dire j'aime ; et le jour mĂÂȘme, sans qu'elle s'en doutĂÂąt, je lui ai mĂ©nagĂ© un tĂÂȘte-Ă - tĂÂȘte avec son Danceny. Mais figurez-vous qu'il est si sot encore, qu'il n'en a seulement pas obtenu un baiser. Ce garçon-lĂ fait pourtant de fort jolis vers! Mon Dieu! que ces gens d'esprit sont bĂÂȘtes! celui-ci l'est au point qu'il m'en embarrasse; car enfin, pour lui, je ne peux pas le conduire! C'est Ă prĂ©sent que vous me seriez bien utile. Vous ĂÂȘtes assez liĂ© avec Danceny pour avoir sa confidence, et s'il vous la donnait une fois, nous irions grand train. DĂ©pĂÂȘchez donc votre PrĂ©sidente, car enfin je ne veux pas que Gercourt s'en sauve au reste, j'ai parlĂ© de lui hier Ă la petite personne, et le lui ai si bien peint, que quand elle serait sa femme depuis dix ans, elle ne le haĂÂŻrait pas davantage. Je l'ai pourtant beaucoup prĂÂȘchĂ©e sur la fidĂ©litĂ© conjugale; rien n'Ă©gale ma sĂ©vĂ©ritĂ© sur ce point. Par lĂ , d'une part, je rĂ©tablis auprĂšs d'elle ma rĂ©putation de vertu, que trop de condescendance pourrait dĂ©truire; de l'autre, j'augmente en elle la haine dont je veux gratifier son mari. Et enfin, j'espĂšre qu'en lui faisant accroire qu'il ne lui est permis de se livrer Ă l'Amour que pendant le peu de temps qu'elle a Ă rester fille, elle se dĂ©cidera plus vite Ă n'en rien perdre. Adieu, Vicomte; je vais me mettre Ă ma toilette oĂÂč je lirai votre volume. De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XXXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je suis triste et inquiĂšte, ma chĂšre Sophie. J'ai pleurĂ© presque toute la nuit. Ce n'est pas que pour le moment je ne sois bien heureuse; mais je prĂ©vois que cela ne durera pas. J'ai Ă©tĂ© hier Ă l'OpĂ©ra avec Madame de Merteuil; nous y avons beaucoup parlĂ© de mon mariage, et je n'en ai rien appris de bon. C'est M. le Comte de Gercourt que je dois Ă©pouser, et ce doit ĂÂȘtre au mois d'Octobre. Il est riche, il est homme de qualitĂ©, il est Colonel du rĂ©giment de... . Jusque-lĂ tout va fort bien. Mais d'abord il est vieux figure-toi qu'il a au moins trente-six ans! et puis, Madame de Merteuil dit qu'il est triste et sĂ©vĂšre, et qu'elle craint que je ne sois pas heureuse avec lui. J'ai mĂÂȘme bien vu qu'elle en Ă©tait sĂ»re, et qu'elle ne voulait pas me le dire, pour ne pas m'affliger. Elle ne m'a presque entretenue toute la soirĂ©e que des devoirs des femmes envers leurs maris. Elle convient que M. de Gercourt n'est pas aimable du tout, et elle dit pourtant qu'il faudra que je l'aime. Ne m'a-t-elle pas dit aussi qu'une fois mariĂ©e, je ne devais plus aimer le Chevalier Danceny? comme si c'Ă©tait possible! Oh! je t'assure bien que je l'aimerai toujours. Vois-tu, j'aimerais mieux, plutĂÂŽt, ne pas me marier. Que ce M. de Gercourt s'arrange, je ne l'ai pas Ă©tĂ© chercher. Il est en Corse Ă prĂ©sent, bien loin d'ici; je voudrais qu'il y restĂÂąt dix ans. Si je n'avais pas peur de rentrer au Couvent, je dirais bien Ă Maman que je ne veux pas de ce mari-lĂ ; mais ce serait encore pis. Je suis bien embarrassĂ©e. Je sens que je n'ai jamais tant aimĂ© M. Danceny qu'Ă prĂ©sent; et quand je songe qu'il ne me reste plus qu'un mois Ă ĂÂȘtre comme je suis, les larmes me viennent aux yeux tout de suite; je n'ai de consolation que dans l'amitiĂ© de Madame de Merteuil; elle a si bon cĂ âur! elle partage tous mes chagrins comme moi-mĂÂȘme; et puis elle est si aimable que, quand je suis avec elle, je n'y songe presque plus. D'ailleurs elle m'est bien utile; car le peu que je sais, c'est elle qui me l'a appris et elle est si bonne, que je lui dis tout ce que je pense, sans ĂÂȘtre honteuse du tout. Quand elle trouve que ce n'est pas bien, elle me gronde quelquefois; mais c'est tout doucement, et puis je l'embrasse de tout mon cĂ âur, jusqu'Ă ce qu'elle ne soit plus fĂÂąchĂ©e. Au moins celle-lĂ , je peux bien l'aimer tant que je voudrai, sans qu'il y ait du mal, et ça me fait bien du plaisir. Nous sommes pourtant convenues que je n'aurais pas l'air de l'aimer tant devant le monde, et surtout devant Maman, afin qu'elle ne se mĂ©fie de rien au sujet du Chevalier Danceny. Je t'assure que si je pouvais toujours vivre comme je fais Ă prĂ©sent, je crois que je serais bien heureuse. Il n'y a que ce vilain M. de Gercourt!... Mais je ne veux pas t'en parler davantage car je redeviendrais triste. Au lieu de cela, je vas Ă©crire au Chevalier Danceny; je ne lui parlerai que de mon amour et non de mes chagrins, car je ne veux pas l'affliger. Adieu, ma bonne amie. Tu vois bien que tu aurais tort de te plaindre, et que j'ai beau ĂÂȘtre occupĂ©e , comme tu dis, qu'il ne m'en reste pas moins le temps de t'aimer et de t'Ă©crire [On continue Ă supprimer les Lettres de CĂ©cile Volanges et du Chevalier Danceny, qui sont peu intĂ©ressantes et n'annoncent aucun Ă©vĂ©nement] De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XL LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est peu pour mon inhumaine de ne pas rĂ©pondre Ă mes Lettres, de refuser de les recevoir; elle veut me priver de sa vue, elle exige que je m'Ă©loigne. Ce qui vous surprendra davantage, c'est que je me soumette Ă tant de rigueur. Vous allez me blĂÂąmer. Cependant je n'ai pas cru devoir perdre l'occasion de me laisser donner un ordre persuadĂ©, d'une part, que qui commande s'engage; et de l'autre, que l'autoritĂ© illusoire que nous avons l'air de laisser prendre aux femmes est un des piĂšges qu'elles Ă©vitent le plus difficilement. De plus, l'adresse que celle-ci a su mettre Ă Ă©viter de se trouver seule avec moi me plaçait dans une situation dangereuse, dont j'ai cru devoir sortir Ă quelque prix que ce fĂ»t car Ă©tant sans cesse avec elle, sans pouvoir l'occuper de mon amour, il y avait lieu de craindre qu'elle ne s'accoutumĂÂąt enfin Ă me voir sans trouble; disposition dont vous savez assez combien il est difficile de revenir. Au reste, vous devinez que je ne me suis pas soumis sans condition. J'ai mĂÂȘme eu le soin d'en mettre une impossible Ă accorder; tant pour rester toujours maĂtre de tenir ma parole, ou d'y manquer, que pour engager une discussion, soit de bouche, ou par Ă©crit, dans un moment oĂÂč ma Belle est plus contente de moi, oĂÂč elle a besoin que je le sois d'elle sans compter que je serais bien maladroit, si je ne trouvais moyen d'obtenir quelque dĂ©dommagement de mon dĂ©sistement Ă cette prĂ©tention, tout insoutenable qu'elle est. AprĂšs vous avoir exposĂ© mes raisons dans ce long prĂ©ambule, je commence l'historique de ces deux derniers jours. J'y joindrai comme piĂšces justificatives la Lettre de ma Belle et ma RĂ©ponse. Vous conviendrez qu'il y a peu d'Historiens aussi exacts que moi. Vous vous rappelez l'effet que fit avant-hier matin ma Lettre de Dijon ; le reste de la journĂ©e fut trĂšs orageux. La jolie Prude arriva seulement au moment du dĂner, et annonça une forte migraine; prĂ©texte dont elle voulut couvrir un des plus violents accĂšs d'humeur que femme puisse avoir. Sa figure en Ă©tait vraiment altĂ©rĂ©e; l'expression de douceur que vous lui connaissez s'Ă©tait changĂ©e en un air mutin qui en faisait une beautĂ© nouvelle. Je me promets bien de faire usage de cette dĂ©couverte par la suite; et de remplacer quelquefois la MaĂtresse tendre, par la MaĂtresse mutine. Je prĂ©vis que l'aprĂšs-dĂner serait triste; et pour m'en sauver l'ennui, je prĂ©textai des Lettres Ă Ă©crire, et me retirai chez moi. Je revins au salon sur les six heures; Madame de Rosemonde proposa la promenade, qui fut acceptĂ©e. Mais au moment de monter en voiture, la prĂ©tendue malade, par une malice infernale, prĂ©texta Ă son tour, et peut-ĂÂȘtre pour se venger de mon absence, un redoublement de douleurs, et me fit subir sans pitiĂ© le tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte de ma vieille tante. Je ne sais si les imprĂ©cations que je fis contre ce dĂ©mon femelle furent exaucĂ©es, mais nous la trouvĂÂąmes couchĂ©e au retour. Le lendemain au dĂ©jeuner, ce n'Ă©tait plus la mĂÂȘme femme. La douceur naturelle Ă©tait revenue, et j'eus lieu de me croire pardonnĂ©. Le dĂ©jeuner Ă©tait Ă peine fini, que la douce personne se leva d'un air dolent, et entra dans le parc; je la suivis, comme vous pouvez croire. " D'oĂÂč peut naĂtre ce dĂ©sir de promenade? " lui dis-je en l'abordant. " J'ai beaucoup Ă©crit ce matin " , me rĂ©pondit-elle, " et ma tĂÂȘte est un peu fatiguĂ©e. " - " Je ne suis pas assez heureux, repris-je, pour avoir Ă me reprocher cette fatigue-lĂ ? " - " Je vous ai bien Ă©crit " , rĂ©pondit-elle encore, " mais j'hĂ©site Ă vous donner ma Lettre. Elle contient une demande, et vous ne m'avez pas accoutumĂ©e Ă en espĂ©rer le succĂšs. " - " Ah! je jure que s'il m'est possible... " - " Rien n'est plus facile " , interrompit-elle; " et quoique vous dussiez peut-ĂÂȘtre l'accorder comme justice, je consens Ă l'obtenir comme grĂÂące. " En disant ces mots, elle me prĂ©senta sa Lettre; en la prenant, je pris aussi sa main, qu'elle retira, mais sans colĂšre et avec plus d'embarras que de vivacitĂ©. " La chaleur est plus vive que je ne croyais " , dit-elle; " il faut rentrer. " Et elle reprit la route du ChĂÂąteau. Je fis de vains efforts pour lui persuader de continuer sa promenade, et j'eus besoin de me rappeler que nous pouvions ĂÂȘtre vus, pour n'y employer que de l'Ă©loquence. Elle rentra sans profĂ©rer une parole, et je vis clairement que cette feinte promenade n'avait eu d'autre but que de me remettre sa Lettre. Elle monta chez elle en rentrant, et je me retirai chez moi pour lire l'EpĂtre, que vous ferez bien de lire aussi, ainsi que ma RĂ©ponse, avant d'aller plus loin... LETTRE XLI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Il semble, Monsieur, par votre conduite avec moi, que vous ne cherchiez qu'Ă augmenter, chaque jour, les sujets de plainte que j'avais contre vous. Votre obstination Ă vouloir m'entretenir, sans cesse, d'un sentiment que je ne veux ni ne dois Ă©couter, l'abus que vous n'avez pas craint de faire de ma bonne foi, ou de ma timiditĂ©, pour me remettre vos Lettres; le moyen surtout, j'ose dire peu dĂ©licat, dont vous vous ĂÂȘtes servi pour me faire parvenir la derniĂšre, sans craindre au moins l'effet d'une surprise qui pouvait me compromettre; tout devrait donner lieu de ma part Ă des reproches aussi vifs que justement mĂ©ritĂ©s. Cependant, au lieu de revenir sur ces griefs, je m'en tiens Ă vous faire une demande aussi simple que juste; et si je l'obtiens de vous, je consens que tout soit oubliĂ©. Vous-mĂÂȘme m'avez dit, Monsieur, que je ne devais pas craindre un refus; et quoique, par une inconsĂ©quence qui vous est particuliĂšre, cette phrase mĂÂȘme soit suivie du seul refus que vous pouviez me faire [Voyez Lettre V], je veux croire que vous n'en tiendrez pas moins aujourd'hui cette parole formellement donnĂ©e il y a si peu de jours. Je dĂ©sire donc que vous ayez la complaisance de vous Ă©loigner de moi; de quitter ce ChĂÂąteau, oĂÂč un plus long sĂ©jour de votre part ne pourrait que m'exposer davantage au jugement d'un public toujours prompt Ă mal penser d'autrui, et que vous n'avez que trop accoutumĂ© Ă fixer les yeux sur les femmes qui vous admettent dans leur sociĂ©tĂ©. Avertie dĂ©jĂ , depuis longtemps, de ce danger par mes amis, j'ai nĂ©gligĂ©, j'ai mĂÂȘme combattu leur avis tant que votre conduite Ă mon Ă©gard avait pu me faire croire que vous aviez bien voulu ne pas me confondre avec cette foule de femmes qui toutes ont eu Ă se plaindre de vous. Aujourd'hui que vous me traitez comme elles, que je ne peux plus l'ignorer, je dois au public, Ă mes amis, Ă moi-mĂÂȘme, de suivre ce parti nĂ©cessaire. Je pourrais ajouter ici que vous ne gagneriez rien Ă refuser ma demande, dĂ©cidĂ©e que je suis Ă partir moi- mĂÂȘme, si vous vous obstiniez Ă rester mais je ne cherche point Ă diminuer l'obligation que je vous aurai de cette complaisance, et je veux bien que vous sachiez qu'en nĂ©cessitant mon dĂ©part d'ici vous contrarieriez mes arrangements. Prouvez-moi donc, Monsieur, que, comme vous me l'avez dit tant de fois, les femmes honnĂÂȘtes n'auront jamais Ă se plaindre de vous; prouvez-moi, au moins, que quand vous avez des torts avec elles, vous savez les rĂ©parer. Si je croyais avoir besoin de justifier ma demande vis-Ă -vis de vous, il me suffirait de vous dire que vous avez passĂ© votre vie Ă la rendre nĂ©cessaire, et que pourtant il n'a pas tenu Ă moi de ne la jamais former. Mais ne rappelons pas des Ă©vĂ©nements que je veux oublier, et qui m'obligeraient Ă vous juger avec rigueur, dans un moment oĂÂč je vous offre l'occasion de mĂ©riter toute ma reconnaissance. Adieu, Monsieur; votre conduite va m'apprendre avec quels sentiments je dois ĂÂȘtre, pour la vie, votre trĂšs humble, etc. De ..., ce 26 aoĂ»t 17** LETTRE XLII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quelque dures que soient, Madame, les conditions que vous m'imposez, je ne refuse pas de les remplir. Je sens qu'il me serait impossible de contrarier aucun de vos dĂ©sirs. Une fois d'accord sur ce point, j'ose me flatter qu'Ă mon tour, vous me permettrez de vous faire quelques demandes, bien plus faciles Ă accorder que les vĂÂŽtres, et que pourtant je ne veux obtenir que de ma soumission parfaite Ă votre volontĂ©. L'une, que j'espĂšre qui sera sollicitĂ©e par votre justice, est de vouloir bien me nommer mes accusateurs auprĂšs de vous; ils me font, ce me semble, assez de mal pour que j'aie le droit de les connaĂtre; l'autre, que j'attends de votre indulgence, est de vouloir bien me permettre de vous renouveler quelquefois l'hommage d'un amour qui va plus que jamais mĂ©riter votre pitiĂ©. Songez, Madame, que je m'empresse de vous obĂ©ir, lors mĂÂȘme que je ne peux le faire qu'aux dĂ©pens de mon bonheur; je dirai plus, malgrĂ© la persuasion oĂÂč je suis que vous ne dĂ©sirez mon dĂ©part que pour vous sauver le spectacle, toujours pĂ©nible, de l'objet de votre injustice. Convenez-en, Madame, vous craignez moins un public trop accoutumĂ© Ă vous respecter pour oser porter de vous un jugement dĂ©savantageux, que vous n'ĂÂȘtes gĂÂȘnĂ©e par la prĂ©sence d'un homme qu'il vous est plus facile de punir que de blĂÂąmer. Vous m'Ă©loignez de vous comme on dĂ©tourne ses regards d'un malheureux qu'on ne veut pas secourir. Mais tandis que l'absence va redoubler mes tourments, Ă quelle autre qu'Ă vous puis-je adresser mes plaintes? de quelle autre puis-je attendre des consolations qui vont me si devenir nĂ©cessaires? Me les refuserez-vous, quand vous seule causez mes peines? Sans doute vous ne serez pas Ă©tonnĂ©e non plus, qu'avant de partir j'aie Ă cĂ âur de justifier auprĂšs de vous les sentiments que vous m'avez inspirĂ©s; comme aussi que je ne trouve le courage de m'Ă©loigner qu'en en recevant l'ordre de votre bouche. Cette double raison me fait vous demander un moment d'entretien. Inutilement voudrions-nous y supplĂ©er par Lettres on Ă©crit des volumes et l'on explique mal ce qu'un quart d'heure de conversation suffit pour faire bien entendre. Vous trouverez facilement le temps de me l'accorder car quelque empressĂ© que je sois de vous obĂ©ir, vous savez que Madame de Rosemonde est instruite de mon projet de passer chez elle une partie de l'automne, et il faudra au moins que j'attende une Lettre pour pouvoir prĂ©texter une affaire qui me force Ă partir. Adieu, Madame; jamais ce mot ne m'a tant coĂ»tĂ© Ă Ă©crire que dans ce moment oĂÂč il me ramĂšne Ă l'idĂ©e de notre sĂ©paration. Si vous pouviez imaginer ce qu'elle me fait souffrir, j'ose croire que vous me sauriez quelque grĂ© de ma docilitĂ©. Recevez, au moins, avec plus d'indulgence l'assurance et l'hommage de l'Amour le plus tendre et le plus respectueux. De ..., ce 26 aoĂ»t 17** SUITE DE LA LETTRE XL DU VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A prĂ©sent, raisonnons, ma belle amie. Vous sentez comme moi que la scrupuleuse, l'honnĂÂȘte Madame de Tourvel ne peut pas m'accorder la premiĂšre de mes demandes, et trahir la confiance de ses amies, en me nommant mes accusateurs; ainsi en promettant tout Ă cette condition, je ne m'engage Ă rien. Mais vous sentez aussi que ce refus qu'elle me fera deviendra un titre pour obtenir tout le reste; et qu'alors je gagne, en m'Ă©loignant, d'entrer avec elle, et de son aveu, en correspondance rĂ©glĂ©e car je compte pour peu le rendez-vous que je lui demande, et qui n'a presque d'autre objet que de l'accoutumer d'avance Ă n'en pas refuser d'autres quand ils me seront vraiment nĂ©cessaires. La seule chose qui me reste Ă faire avant mon dĂ©part est de savoir quels sont les gens qui s'occupent Ă me nuire auprĂšs d'elle. Je prĂ©sume que c'est son pĂ©dant de mari; je le voudrais outre qu'une dĂ©fense conjugale est un aiguillon au dĂ©sir, je serais sĂ»r que du moment que ma belle aura consenti Ă m'Ă©crire, je n'aurais plus rien Ă craindre de son mari, puisqu'elle se trouverait dĂ©jĂ dans la nĂ©cessitĂ© de le tromper. Mais si elle a une amie assez intime pour avoir sa confidence, et que cette amie-lĂ soit contre moi, il me paraĂt nĂ©cessaire de les brouiller, et je compte y rĂ©ussir mais avant tout il faut ĂÂȘtre instruit. J'ai bien cru que j'allais l'ĂÂȘtre hier; mais cette femme ne fait rien comme une autre. Nous Ă©tions chez elle, au moment oĂÂč l'on vint avertir que le dĂner Ă©tait servi. Sa toilette se finissait seulement, et tout en se pressant, et en faisant des excuses, je m'aperçus qu'elle laissait la clef Ă son secrĂ©taire; et je connais son usage de ne pas ĂÂŽter celle de son appartement. J'y rĂÂȘvais pendant le dĂner, lorsque j'entendis descendre sa femme de chambre je pris mon parti aussitĂÂŽt je feignis un saignement de nez, et sortis. Je volai au secrĂ©taire; mais je trouvai tous les tiroirs ouverts, et pas un papier Ă©crit. Cependant on n'a pas d'occasion de les brĂ»ler dans cette saison. Que fait elle des lettres qu'elle reçoit? et elle en reçoit souvent. Je n'ai rien nĂ©gligĂ©; tout Ă©tait ouvert, et j'ai cherchĂ© partout mais je n'y ai rien gagnĂ©, que de me convaincre que ce dĂ©pĂÂŽt prĂ©cieux reste dans ses poches. Comment l'en tirer? Depuis hier je m'occupe inutilement d'en trouver les moyens cependant je ne peux en vaincre le dĂ©sir. Je regrette de n'avoir pas le talent des filous. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans l'Ă©ducation d'un homme qui se mĂÂȘle d'intrigues? ne serait-il pas plaisant de dĂ©rober la lettre ou le portrait d'un rival, ou de tirer des poches d'une prude de quoi la dĂ©masquer? Mais nos parents ne songent Ă rien; et, moi j'ai beau songer Ă tout, je ne fais que m'apercevoir que je suis gauche, sans pouvoir y remĂ©dier. Quoi qu'il en soit, je revins me mettre Ă table, fort mĂ©content. Ma Belle calma pourtant un peu mon humeur, par l'air d'intĂ©rĂÂȘt que lui donna ma feinte indisposition; et je ne manquai pas de l'assurer que j'avais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altĂ©raient ma santĂ©. PersuadĂ©e comme elle est que c'est elle qui les cause, ne devait-elle pas en conscience travailler Ă les calmer? Mais, quoique dĂ©vote, elle est peu charitable; elle refuse toute aumĂÂŽne amoureuse, et ce refus suffit bien, ce me semble, pour en autoriser le vol. Mais adieu; car tout en causant avec vous, je ne songe qu'Ă ces maudites Lettres. De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XLIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Pourquoi chercher, Monsieur, Ă diminuer ma reconnaissance? Pourquoi ne vouloir m'obĂ©ir qu'Ă demi, et marchander en quelque sorte un procĂ©dĂ© honnĂÂȘte? Il ne vous suffit donc pas que j'en sente le prix? Non seulement vous demandez beaucoup; mais vous demandez des choses impossibles. Si en effet mes amis m'ont parlĂ© de vous, ils ne l'ont pu faire que par intĂ©rĂÂȘt pour moi quand mĂÂȘme ils se seraient trompĂ©s, leur intention n'en Ă©tait pas moins bonne; et vous me proposez de reconnaĂtre cette marque d'attachement de leur part, en vous livrant leur secret! J'ai dĂ©jĂ eu tort de vous en parler, et vous me le faites assez sentir en ce moment. Ce qui n'eĂ»t Ă©tĂ© que de la candeur avec tout autre, devient une Ă©tourderie avec vous, et me mĂšnerait Ă une noirceur, si je cĂ©dais Ă votre demande. J'en appelle Ă vous-mĂÂȘme, Ă votre honnĂÂȘtetĂ©; m'avez-vous crue capable de ce procĂ©dĂ©? avez-vous dĂ» me le proposer? non sans doute; et je suis sĂ»re qu'en y rĂ©flĂ©chissant mieux vous ne reviendrez plus sur cette demande. Celle que vous me faites de m'Ă©crire n'est guĂšre plus facile Ă accorder; et si vous voulez ĂÂȘtre juste, ce n'est pas Ă moi que vous vous en prendrez. Je ne veux point vous offenser; mais avec la rĂ©putation que vous vous ĂÂȘtes acquise, et que, de votre aveu mĂÂȘme, vous mĂ©ritez au moins en partie, quelle femme pourrait avouer ĂÂȘtre en correspondance avec vous? et quelle femme honnĂÂȘte peut se dĂ©terminer Ă faire ce qu'elle sent qu'elle serait obligĂ©e de cacher? Encore si j'Ă©tais assurĂ©e que vos Lettres fussent telles que je n'eusse jamais Ă m'en plaindre, que je pusse toujours me justifier Ă mes yeux de les avoir reçues! peut-ĂÂȘtre alors le dĂ©sir de vous prouver que c'est la raison et non la haine qui me guide me ferait passer par-dessus ces considĂ©rations puissantes, et faire beaucoup plus que je ne devrais, en vous permettant de m'Ă©crire quelquefois. Si en effet vous le dĂ©sirez autant que vous me le dites, vous vous soumettrez volontiers Ă la seule condition qui puisse m'y faire consentir; et si vous avez quelque reconnaissance de ce que je fais pour vous en ce moment, vous ne diffĂ©rerez plus de partir. Permettez-moi de vous observer Ă ce sujet, que vous avez reçu une Lettre ce matin et que vous n'en avez pas profitĂ© pour annoncer votre dĂ©part Ă Madame de Rosemonde, comme vous me l'aviez promis. J'espĂšre qu'Ă prĂ©sent rien ne pourra vous empĂÂȘcher de tenir votre parole. Je compte surtout que vous n'attendrez pas, pour cela, l'entretien que vous me demandez, auquel je ne veux absolument pas me prĂÂȘter; et qu'au lieu de l'ordre que vous prĂ©tendez vous ĂÂȘtre nĂ©cessaire, vous vous contenterez de la priĂšre que je vous renouvelle. Adieu, Monsieur. De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XLIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Partagez ma joie, ma belle amie; je suis aimĂ©; j'ai triomphĂ© de ce cĂ âur rebelle. C'est en vain qu'il dissimule encore; mon heureuse adresse a surpris son secret. GrĂÂące Ă mes soins actifs, je sais tout ce qui m'intĂ©resse depuis la nuit, l'heureuse nuit d'hier, je me retrouve dans mon Ă©lĂ©ment; j'ai repris toute mon existence; j'ai dĂ©voilĂ© un double mystĂšre d'amour et d'iniquitĂ© je jouirai de l'un, je me vengerai de l'autre; je volerai de plaisirs en plaisirs. La seule idĂ©e que je m'en fais me transporte au point que j'ai quelque peine Ă rappeler ma prudence; que j'en aurai peut-ĂÂȘtre Ă mettre de l'ordre dans le rĂ©cit que j'ai Ă vous faire. Essayons cependant. Hier mĂÂȘme, aprĂšs vous avoir Ă©crit ma Lettre, j'en reçus une de la cĂ©leste dĂ©vote. Je vous l'envoie; vous y verrez qu'elle me donne, le moins maladroitement qu'elle peut, la permission de lui Ă©crire mais elle y presse mon dĂ©part, et je sentais bien que je ne pouvais le diffĂ©rer trop longtemps sans me nuire. TourmentĂ© cependant du dĂ©sir de savoir qui pouvait avoir Ă©crit contre moi, j'Ă©tais encore incertain du parti que je prendrais. Je tentai de gagner la Femme de chambre, et je voulus obtenir d'elle de me livrer les poches de sa MaĂtresse, dont elle pouvait s'emparer aisĂ©ment le soir, et qu'il lui Ă©tait facile de replacer le matin, sans donner le moindre soupçon. J'offris dix louis pour ce lĂ©ger service mais je ne trouvai qu'une bĂ©gueule, scrupuleuse ou timide, que mon Ă©loquence ni mon argent ne purent vaincre. Je la prĂÂȘchais encore, quand le souper sonna. Il fallut la laisser trop heureux qu'elle voulĂ»t bien me promettre le secret, sur lequel mĂÂȘme vous jugez que je ne comptais guĂšre. Jamais je n'eus plus d'humeur. Je me sentais compromis; et je me reprochais, toute la soirĂ©e, ma dĂ©marche imprudente. RetirĂ© chez moi, non sans inquiĂ©tude, je parlai Ă mon Chasseur qui, en sa qualitĂ© d'Amant heureux, devait avoir quelque crĂ©dit. Je voulais, ou qu'il obtĂnt de cette fille de faire ce que je lui avais demandĂ©, ou au moins qu'il s'assurĂÂąt de sa discrĂ©tion mais lui, qui d'ordinaire ne doute de rien, parut douter du succĂšs de cette nĂ©gociation, et me fit Ă ce sujet une rĂ©flexion qui m'Ă©tonna par sa profondeur. " Monsieur sait sĂ»rement mieux que moi " , me dit-il, " que coucher avec une fille, ce n'est que lui faire faire ce qui lui plaĂt de lĂ Ă lui faire faire ce que nous voulons, il y a souvent bien loin. " Le bon sens du Maraud quelquefois m'Ă©pouvante . [PIRON, MĂ©tromanie] " Je rĂ©ponds d'autant moins de celle-ci " , ajouta-t-il, " que j'ai lieu de croire qu'elle a un Amant, et que je ne la dois qu'au dĂ©sĂ âuvrement de la campagne. Aussi, sans mon zĂšle pour le service de Monsieur, je n'aurais eu cela qu'une fois. " C'est un vrai trĂ©sor que ce garçon! " Quant au secret " , ajouta-t-il encore, " Ă quoi servira-t-il de lui faire promettre, puisqu'elle ne risquera rien Ă nous tromper? lui en reparler ne ferait que lui mieux apprendre qu'il est important, et par lĂ lui donner plus d'envie d'en faire sa cour Ă sa MaĂtresse. " Plus ces rĂ©flexions Ă©taient justes, plus mon embarras augmentait. Heureusement le drĂÂŽle Ă©tait en train de jaser; et comme j'avais besoin de lui, je le laissais faire. Tout en me racontant son histoire avec cette fille, il m'apprit que comme la chambre qu'elle occupe n'est sĂ©parĂ©e de celle de sa MaĂtresse que par une simple cloison, qui pouvait laisser entendre un bruit suspect, c'Ă©tait dans la sienne qu'ils se rassemblaient chaque nuit. AussitĂÂŽt je formai mon plan, je le lui communiquai, et nous l'exĂ©cutĂÂąmes avec succĂšs. J'attendis deux heures du matin; et alors je me rendis, comme nous en Ă©tions convenus, Ă la chambre du rendez-vous, portant de la lumiĂšre avec moi, et sous prĂ©texte d'avoir sonnĂ© plusieurs fois inutilement. Mon confident, qui joue ses rĂÂŽles Ă merveille, donna une petite scĂšne de surprise, de dĂ©sespoir et d'excuse, que je terminai en l'envoyant me faire chauffer de l'eau, dont je feignis avoir besoin; tandis que la scrupuleuse ChambriĂšre Ă©tait d'autant plus honteuse, que le drĂÂŽle qui avait voulu renchĂ©rir sur mes projets l'avait dĂ©terminĂ©e Ă une toilette que la saison comportait, mais qu'elle n'excusait pas. Comme je sentais que plus cette fille serait humiliĂ©e, plus j'en disposerais facilement, je ne lui permis de changer ni de situation ni de parure; et aprĂšs avoir ordonnĂ© Ă mon Valet de m'attendre chez moi, je m'assis Ă cĂÂŽtĂ© d'elle sur le lit qui Ă©tait fort en dĂ©sordre, et je commençai ma conversation. J'avais besoin de garder l'empire que la circonstance me donnait sur elle aussi conservai-je un sang-froid qui eĂ»t fait honneur Ă la continence de Scipion; et sans prendre la plus petite libertĂ© avec elle, ce que pourtant sa fraĂcheur et l'occasion semblaient lui donner le droit d'espĂ©rer, je lui parlai d'affaires aussi tranquillement que j'aurais pu faire avec un Procureur. Mes conditions furent que je garderais fidĂšlement le secret, pourvu que le lendemain, Ă pareille heure Ă peu prĂšs, elle me livrĂÂąt les poches de sa MaĂtresse. " Au reste " , ajoutai-je, " je vous avais offert dix louis hier; je vous les promets encore aujourd'hui. Je ne veux pas abuser de votre situation. " Tout fut accordĂ©, comme vous pouvez croire; alors je me retirai, et permis Ă l'heureux couple de rĂ©parer le temps perdu. J'employai le mien Ă dormir; et Ă mon rĂ©veil, voulant avoir un prĂ©texte pour ne pas rĂ©pondre Ă la Lettre de ma Belle avant d'avoir visitĂ© ses papiers, ce que je ne pouvais faire que la nuit suivante, je me dĂ©cidai Ă aller Ă la chasse, oĂÂč je restai presque tout le jour. A mon retour, je fus reçu assez froidement. J'ai lieu de croire qu'on fut un peu piquĂ© du peu d'empressement que je mettais Ă profiter du temps qui me restait; surtout aprĂšs la Lettre plus douce que l'on m'avait Ă©crite. J'en juge ainsi, sur ce que Madame de Rosemonde m'ayant fait quelques reproches sur cette longue absence, ma Belle reprit avec un peu d'aigreur " Ah! ne reprochons pas Ă M. de Valmont de se livrer au seul plaisir qu'il peut trouver ici. " Je me plaignis de cette injustice, et j'en profitai pour assurer que je me plaisais tant avec ces Dames, que j'y sacrifiais une Lettre trĂšs intĂ©ressante que j'avais Ă Ă©crire. J'ajoutai que, ne pouvant trouver le sommeil depuis plusieurs nuits, j'avais voulu essayer si la fatigue me le rendrait; et mes regards expliquaient assez et le sujet de ma Lettre, et la cause de mon insomnie. J'eus soin d'avoir toute la soirĂ©e une douceur mĂ©lancolique qui me parut rĂ©ussir assez bien, et sous laquelle je masquai l'impatience oĂÂč j'Ă©tais de voir arriver l'heure qui devait me livrer le secret qu'on s'obstinait Ă me cacher. Enfin nous nous sĂ©parĂÂąmes, et quelque temps aprĂšs, la fidĂšle Femme de chambre vint m'apporter le prix convenu de ma discrĂ©tion. Une fois maĂtre de ce trĂ©sor, je procĂ©dai Ă l'inventaire avec la prudence que vous me connaissez car il Ă©tait important de remettre tout en place. Je tombai d'abord sur deux Lettres du mari, mĂ©lange indigeste de dĂ©tails de procĂšs et de tirades d'amour conjugal, que j'eus la patience de lire en entier, et oĂÂč je ne trouvai pas un mot qui eĂ»t rapport Ă moi. Je les replaçai avec humeur mais elle s'adoucit, en trouvant sous ma main les morceaux de ma fameuse Lettre de Dijon, soigneusement rassemblĂ©s. Heureusement il me prit fantaisie de la parcourir. Jugez de ma joie, en y apercevant les traces bien distinctes des larmes de mon adorable DĂ©vote. Je l'avoue, je cĂ©dai Ă un mouvement de jeune homme, et baisai cette Lettre avec un transport dont je ne me croyais plus susceptible. Je continuai l'heureux examen; je retrouvai toutes mes Lettres de suite, et par ordre de dates; et ce qui me surprit plus agrĂ©ablement encore, fut de retrouver la premiĂšre de toutes, celle que je croyais m'avoir Ă©tĂ© rendue par une ingrate, fidĂšlement copiĂ©e de sa main; et d'une Ă©criture altĂ©rĂ©e et tremblante, qui tĂ©moignait assez la douce agitation de son cĂ âur pendant cette occupation. Jusque-lĂ j'Ă©tais tout entier Ă l'Amour; bientĂÂŽt il fit place Ă la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprĂšs de cette femme que j'adore? quelle Furie supposez-vous assez mĂ©chante pour tramer une pareille noirceur? Vous la connaissez c'est votre amie, votre parente; c'est Madame de Volanges. Vous n'imaginez pas quel tissu d'horreurs l'infernale MĂ©gĂšre lui a Ă©crit sur mon compte. C'est elle, elle seule, qui a troublĂ© la sĂ©curitĂ© de cette femme angĂ©lique; c'est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcĂ© de m'Ă©loigner; c'est Ă elle enfin que l'on me sacrifie. Ah! sans doute il faut sĂ©duire sa fille mais ce n'est pas assez, il faut la perdre; et puisque l'ĂÂąge de cette maudite femme la met Ă l'abri de mes coups, il faut la frapper dans l'objet de ses affections. Elle veut donc que je revienne Ă Paris! elle m'y force! soit, j'y retournerai, mais elle gĂ©mira de mon retour. Je suis fĂÂąchĂ© que Danceny soit le hĂ©ros de cette aventure, il a un fond d'honnĂÂȘtetĂ© qui nous gĂÂȘnera cependant il est amoureux, et je le vois souvent; on pourra peut-ĂÂȘtre en tirer parti. Je m'oublie dans ma colĂšre, et je ne songe pas que je vous dois le rĂ©cit de ce qui s'est passĂ© aujourd'hui. Revenons. Ce matin j'ai revu ma sensible Prude. Jamais je ne l'avais trouvĂ©e si belle. Cela devait ĂÂȘtre ainsi le plus beau moment d'une femme, le seul oĂÂč elle puisse produire cette ivresse de l'ĂÂąme, dont on parle toujours, et qu'on Ă©prouve si rarement, est celui oĂÂč, assurĂ©s de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs; et c'est prĂ©cisĂ©ment le cas oĂÂč je me trouvais. Peut-ĂÂȘtre aussi l'idĂ©e que j'allais ĂÂȘtre privĂ© du plaisir de la voir servait-elle Ă l'embellir. Enfin, Ă l'arrivĂ©e du Courrier, on m'a remis votre Lettre du 27; et pendant que je la lisais, j'hĂ©sitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole mais j'ai rencontrĂ© les yeux de ma Belle, et il m'aurait Ă©tĂ© impossible de lui rien refuser. J'ai donc annoncĂ© mon dĂ©part. Un moment aprĂšs, Madame de Rosemonde nous a laissĂ©s seuls mais j'Ă©tais encore Ă quatre pas de la farouche personne, que se levant avec l'air de l'effroi " Laissez-moi, laissez-moi, Monsieur " , m'a- t-elle dit; " au nom de Dieu, laissez-moi. " Cette priĂšre fervente, qui dĂ©celait son Ă©motion, ne pouvait que m'animer davantage. DĂ©jĂ j'Ă©tais auprĂšs d'elle, et je tenais ses mains qu'elle avait jointes avec une expression tout Ă fait touchante; lĂ , je commençais de tendres plaintes, quand un dĂ©mon ennemi ramena Madame de Rosemonde. La timide DĂ©vote, qui a en effet quelques raisons de craindre, en a profitĂ© pour se retirer. Je lui ai pourtant offert la main qu'elle a acceptĂ©e; et augurant bien de cette douceur, qu'elle n'avait pas eue depuis longtemps, tout en recommençant mes plaintes j'ai essayĂ© de serrer la sienne. Elle a d'abord voulu la retirer; mais sur une instance plus vive, elle s'est livrĂ©e d'assez bonne grĂÂące, quoique sans rĂ©pondre ni Ă ce geste, ni Ă mes discours. ArrivĂ©s Ă la porte de son appartement, j'ai voulu baiser cette main, avant de la quitter. La dĂ©fense a commencĂ© par ĂÂȘtre franche; mais un songez donc que je pars , prononcĂ© bien tendrement, l'a rendue gauche et insuffisante. A peine le baiser a-t-il Ă©tĂ© donnĂ©, que la main a retrouvĂ© sa force pour Ă©chapper, et que la Belle est entrĂ©e dans son appartement oĂÂč Ă©tait sa Femme de chambre. Ici finit mon histoire. Comme je prĂ©sume que vous serez demain chez la MarĂ©chale de ... , oĂÂč sĂ»rement je n'irai pas vous trouver; comme je me doute bien aussi qu'Ă notre premiĂšre entrevue nous aurons plus d'une affaire Ă traiter, et notamment celle de la petite Volanges, que je ne perds pas de vue, j'ai pris le parti de me faire prĂ©cĂ©der par cette Lettre; et toute longue qu'elle est, je ne la fermerai qu'au moment de l'envoyer Ă la Poste, car au terme oĂÂč j'en suis, tout peut dĂ©pendre d'une occasion; et je vous quitte pour aller l'Ă©pier. Ă huit heures du soir. Rien de nouveau; pas le plus petit moment de libertĂ© du soin mĂÂȘme pour l'Ă©viter. Cependant, autant de tristesse que la dĂ©cence en permettait, pour le moins. Un autre Ă©vĂ©nement qui peut ne pas ĂÂȘtre indiffĂ©rent, c'est que je suis chargĂ© d'une invitation de Madame de Rosemonde Ă Madame de Volanges, pour venir passer quelque temps chez elle Ă la campagne. Adieu, ma belle amie; Ă demain ou aprĂšs-demain au plus tard. De ..., ce 28 aoĂ»t 17** LETTRE XLV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES M. de Valmont est parti ce matin, Madame; vous m'avez paru tant dĂ©sirer ce dĂ©part, que j'ai cru devoir vous en instruire. Madame de Rosemonde regrette beaucoup son neveu, dont il faut convenir qu'en effet la sociĂ©tĂ© est agrĂ©able elle a passĂ© toute la matinĂ©e Ă m'en parler avec la sensibilitĂ© que vous lui connaissez; elle ne tarissait pas sur son Ă©loge. J'ai cru lui devoir la complaisance de l'Ă©couter sans la contredire, d'autant qu'il faut avouer qu'elle avait raison sur beaucoup de points. Je sentais de plus que j'avais Ă me reprocher d'ĂÂȘtre la cause de cette sĂ©paration, et je n'espĂšre pas pouvoir la dĂ©dommager du plaisir dont je l'ai privĂ©e. Vous savez que j'ai naturellement peu de gaietĂ©, et le genre de vie que nous allons mener ici n'est pas fait pour l'augmenter. Si je ne m'Ă©tais pas conduite d'aprĂšs vos avis, je craindrais d'avoir agi un peu lĂ©gĂšrement car j'ai Ă©tĂ© vraiment peinĂ©e de la douleur de ma respectable amie; elle m'a touchĂ©e au point que j'aurais volontiers mĂÂȘlĂ© mes larmes aux siennes. Nous vivons Ă prĂ©sent dans l'espoir que vous accepterez l'invitation que M. de Valmont doit vous faire, de la part de Madame de Rosemonde, de venir passer quelque temps chez elle. J'espĂšre que vous ne doutez pas du plaisir que j'aurai Ă vous y voir; et en vĂ©ritĂ© vous nous devez ce dĂ©dommagement. Je serai fort aise de trouver cette occasion de faire une connaissance plus prompte avec Mademoiselle de Volanges, et d'ĂÂȘtre Ă portĂ©e de vous convaincre de plus en plus des sentiments respectueux, etc. De ..., ce 29 aoĂ»t 17** LETTRE XLVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Que vous est-il donc arrivĂ©, mon adorable CĂ©cile? qui a pu causer en vous un changement si prompt et si cruel? que sont devenus vos serments de ne jamais changer? Hier encore, vous les rĂ©itĂ©riez avec tant de plaisir! qui peut aujourd'hui vous les faire oublier? J'ai beau m'examiner, je ne puis en trouver la cause en moi, et il m'est affreux d'avoir Ă la chercher en vous. Ah! sans doute vous n'ĂÂȘtes ni lĂ©gĂšre, ni trompeuse; et mĂÂȘme dans ce moment de dĂ©sespoir, un soupçon outrageant ne flĂ©trira point mon ĂÂąme. Cependant, par quelle fatalitĂ© n'ĂÂȘtes-vous plus la mĂÂȘme? Non, cruelle, vous ne l'ĂÂȘtes plus! La tendre CĂ©cile, la CĂ©cile que j'adore, et dont j'ai reçu les serments, n'aurait point Ă©vitĂ© mes regards, n'aurait point contrariĂ© le hasard heureux qui me plaçait auprĂšs d'elle; ou si quelque raison que je ne peux concevoir l'avait forcĂ©e Ă me traiter avec tant de rigueur, elle n'eĂ»t pas au moins dĂ©daignĂ© de m'en instruire. Ah! vous ne savez pas, vous ne saurez jamais, ma CĂ©cile, ce que vous m'avez fait souffrir aujourd'hui, ce que je souffre encore en ce moment. Croyez-vous donc que je puisse vivre et ne plus ĂÂȘtre aimĂ© de vous? Cependant, quand je vous ai demandĂ© un mot, un seul mot, pour dissiper mes craintes, au lieu de me rĂ©pondre, vous avez feint de craindre d'ĂÂȘtre entendue; et cet obstacle qui n'existait pas alors vous l'avez fait naĂtre aussitĂÂŽt, par la place que vous avez choisie dans le cercle. Quand, forcĂ© de vous quitter, je vous ai demandĂ© l'heure Ă laquelle je pourrais vous revoir demain, vous avez feint de l'ignorer, et il a fallu que ce fĂ»t Madame de Volanges qui m'en instruisĂt. Ainsi ce moment toujours si dĂ©sirĂ© qui doit me rapprocher de vous, demain ne fera naĂtre en moi que de l'inquiĂ©tude; et le plaisir de vous voir, jusqu'alors si cher Ă mon cĂ âur, sera remplacĂ© par la crainte de vous ĂÂȘtre importun. DĂ©jĂ , je le sens, cette crainte m'arrĂÂȘte, et je n'ose vous parler de mon amour. Ce je vous aime , que j'aimais tant Ă rĂ©pĂ©ter quand je pouvais l'entendre Ă mon tour, ce mot si doux, qui suffisait Ă ma fĂ©licitĂ©, ne m'offre plus, si vous ĂÂȘtes changĂ©e, que l'image d'un dĂ©sespoir Ă©ternel. Je ne puis croire pourtant que ce talisman de l'Amour ait perdu toute sa puissance, et j'essaie de m'en servir encore [Ceux qui n'ont pas eu l'occasion de sentir quelquefois le prix d'un mot d'une expression, consacrĂ©s par l'Amour, ne trouveront aucun sens dans cette phrase]. Oui, ma CĂ©cile, je vous aime. RĂ©pĂ©tez donc avec moi cette expression de mon bonheur. Songez que vous m'avez accoutumĂ© Ă l'entendre, et que m'en priver, c'est me condamner Ă un tourment qui, de mĂÂȘme que mon amour, ne finira qu'avec ma vie. De ..., ce 29 aoĂ»t 17** LETTRE XLVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je ne vous verrai pas encore aujourd'hui, ma belle amie, et voici mes raisons, que je vous prie de recevoir avec indulgence. Au lieu de revenir hier directement, je me suis arrĂÂȘtĂ© chez la Comtesse de ***, dont le chĂÂąteau se trouvait presque sur ma route, et Ă qui j'ai demandĂ© Ă dĂner. Je ne suis arrivĂ© Ă Paris que vers les sept heures, et je suis descendu Ă l'OpĂ©ra, oĂÂč j'espĂ©rais que vous pouviez ĂÂȘtre. L'OpĂ©ra fini, j'ai Ă©tĂ© revoir mes amies du foyer; j'y ai retrouvĂ© mon ancienne Emilie, entourĂ©e d'une cour nombreuse, tant en femmes qu'en hommes, Ă qui elle donnait le soir mĂÂȘme Ă souper Ă P... Je ne fus pas plus tĂÂŽt entrĂ© dans ce cercle, que je fus priĂ© du souper, par acclamation. Je le fus aussi par une petite figure grosse et courte qui me baragouina une invitation en français de Hollande, et que je reconnus pour le vĂ©ritable hĂ©ros de la fĂÂȘte. J'acceptai. J'appris, dans ma route, que la maison oĂÂč nous allions Ă©tait le prix convenu des bontĂ©s d'Emilie pour cette figure grotesque, et que ce souper Ă©tait un vĂ©ritable repas de noces. Le petit homme ne se possĂ©dait pas de joie, dans l'attente du bonheur dont il allait jouir; il m'en parut si satisfait, qu'il me donna envie de le troubler; ce que je fis en effet. La seule difficultĂ© que j'Ă©prouvai fut de dĂ©cider Emilie que la richesse du Bourgmestre rendait un peu scrupuleuse. Elle se prĂÂȘta pourtant, aprĂšs quelques façons, au projet que je donnai, de remplir de vin ce petit tonneau Ă biĂšre, et de le mettre ainsi hors de combat pour toute la nuit. L'idĂ©e sublime que nous nous Ă©tions formĂ©e d'un buveur Hollandais nous fit employer tous les moyens connus. Nous rĂ©ussĂmes si bien, qu'au dessert il n'avait dĂ©jĂ plus la force de tenir son verre mais la secourable Emilie et moi l'entonnions Ă qui mieux mieux. Enfin, il tomba sous la table, dans une ivresse telle, qu'elle doit au moins durer huit jours. Nous nous dĂ©cidĂÂąmes alors Ă le renvoyer Ă Paris; et comme il n'avait pas gardĂ© sa voiture, je le fis charger dans la mienne, et je restai Ă sa place. Je reçus ensuite les compliments de l'assemblĂ©e, qui se retira bientĂÂŽt aprĂšs, et me laissa maĂtre du champ de bataille. Cette gaietĂ©, et peut-ĂÂȘtre ma longue retraite, m'ont fait trouver Emilie si dĂ©sirable, que je lui ai promis de rester avec elle jusqu'Ă la rĂ©surrection du Hollandais. Cette complaisance de ma part est le prix de celle qu'elle vient d'avoir, de me servir de pupitre pour Ă©crire Ă ma belle DĂ©vote, Ă qui j'ai trouvĂ© plaisant d'envoyer une Lettre Ă©crite du lit et presque d'entre les bras d'une fille, interrompue mĂÂȘme pour une infidĂ©litĂ© complĂšte, et dans laquelle je lui rends un compte exact de ma situation et de ma conduite. Emilie, qui a lu l'EpĂtre, en a ri comme une folle, et j'espĂšre que vous en rirez aussi. Comme il faut que ma Lettre soit timbrĂ©e de Paris, je vous l'envoie; je la laisse ouverte. Vous voudrez bien la lire, la cacheter, et la faire mettre Ă la Poste. Surtout n'allez pas vous servir de votre cachet, ni mĂÂȘme d'aucun emblĂšme amoureux; une tĂÂȘte seulement. Adieu, ma belle amie. Je rouvre ma Lettre; j'ai dĂ©cidĂ© Emilie Ă aller aux Italiens. Je profiterai de ce temps pour aller vous voir. Je serai chez vous Ă six heures au plus tard; et si cela vous convient, nous irons ensemble sur les sept heures chez Madame de Volanges. Il sera dĂ©cent que je ne diffĂšre pas l'invitation que j'ai Ă lui faire de la part de Madame de Rosemonde; de plus, je serai bien aise de voir la petite Volanges. Adieu, la trĂšs belle dame. Je veux avoir tant de plaisir Ă vous embrasser que le Chevalier puisse en ĂÂȘtre jaloux. De P. . , ce 30 aoĂ»t 17** LETTRE XLVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE PARIS. C'est aprĂšs une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermĂ© l'oeil; c'est aprĂšs avoir Ă©tĂ© sans cesse ou dans l'agitation d'une ardeur dĂ©vorante, ou dans l'entier anĂ©antissement de toutes les facultĂ©s de mon ĂÂąme, que je viens chercher auprĂšs de vous, Madame, un calme dont j'ai besoin, et dont pourtant je n'espĂšre pas jouir encore. En effet, la situation oĂÂč je suis en vous Ă©crivant me fait connaĂtre plus que jamais la puissance irrĂ©sistible de l'Amour; j'ai peine Ă conserver assez d'empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idĂ©es; et dĂ©jĂ je prĂ©vois que je ne finirai pas cette Lettre sans ĂÂȘtre obligĂ© de l'interrompre. Quoi! ne puis-je donc espĂ©rer que vous partagerez quelque jour le trouble que j'Ă©prouve en ce moment? J'ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n'y seriez pas entiĂšrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillitĂ©, le sommeil de l'ĂÂąme, image de la mort, ne mĂšnent point au bonheur; les passions actives peuvent seules y conduire; et malgrĂ© les tourments que vous me faites Ă©prouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m'accablez-vous de vos rigueurs dĂ©solantes, elles ne m'empĂÂȘchent point de m'abandonner entiĂšrement Ă l'Amour et d'oublier, dans le dĂ©lire qu'il me cause, le dĂ©sespoir auquel vous me livrez. C'est ainsi que je veux me venger de l'exil auquel vous me condamnez. Jamais je n'eus tant de plaisir en vous Ă©crivant; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une Ă©motion si douce et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports l'air que je respire est plein de voluptĂ©; la table mĂÂȘme sur laquelle je vous Ă©cris, consacrĂ©e pour la premiĂšre fois Ă cet usage, devient pour moi l'autel sacrĂ© de l'Amour; combien elle va s'embellir Ă mes yeux! j'aurai tracĂ© sur elle le serment de vous aimer toujours! Pardonnez, je vous en supplie, au dĂ©sordre de mes sens. Je devrais peut-ĂÂȘtre m'abandonner moins Ă des transports que vous ne partagez pas il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s'augmente Ă chaque instant, et qui devient plus forte que moi. Je reviens Ă vous, Madame, et sans doute j'y reviens toujours avec le mĂÂȘme empressement. Cependant le sentiment du bonheur a fui loin de moi; il a fait place Ă celui des privations cruelles. A quoi me sert-il de vous parler de mes sentiments, si je cherche en vain les moyens de vous convaincre? aprĂšs tant d'efforts rĂ©itĂ©rĂ©s, la confiance et la force m'abandonnent Ă la fois. Si je me retrace encore les plaisirs de l'Amour, c'est pour sentir plus vivement le regret d'en ĂÂȘtre privĂ©. Je ne me vois de ressource que dans votre indulgence, et je sens trop, dans ce moment, combien j'en ai besoin pour espĂ©rer de l'obtenir. Cependant, jamais mon amour ne fut plus respectueux, jamais il ne dut moins vous offenser; il est tel, j'ose le dire, que la vertu la plus sĂ©vĂšre ne devrait pas le craindre mais je crains moi-mĂÂȘme de vous entretenir plus longtemps de la peine que j'Ă©prouve. AssurĂ© que l'objet qui la cause ne la partage pas, il ne faut pas au moins abuser de ses bontĂ©s; et ce serait le faire, que d'employer plus de temps Ă vous retracer cette douloureuse image. Je ne prends plus que celui de vous supplier de me rĂ©pondre, et de ne jamais douter de la vĂ©ritĂ© de mes sentiments. Ecrite de P ..., datĂ©e de Paris, ce 30 aoĂ»t l7**. LETTRE XLIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Sans ĂÂȘtre ni lĂ©gĂšre, ni trompeuse, il me suffit, Monsieur, d'ĂÂȘtre Ă©clairĂ©e sur ma conduite, pour sentir la nĂ©cessitĂ© d'en changer; j'en ai promis le sacrifice Ă Dieu, jusqu'Ă ce que je puisse lui offrir aussi celui de mes sentiments pour vous, que l'Ă©tat Religieux dans lequel vous ĂÂȘtes rend plus criminels encore. Je sens bien que cela me fera de la peine, et je ne vous cacherai mĂÂȘme pas que depuis avant-hier j'ai pleurĂ© toutes les fois que j'ai songĂ© Ă vous. Mais j'espĂšre que Dieu me fera la grĂÂące de me donner la force nĂ©cessaire pour vous oublier, comme je la lui demande soir et matin. J'attends mĂÂȘme de votre amitiĂ©, et de votre honnĂÂȘtetĂ©, que vous ne chercherez pas Ă me troubler dans la bonne rĂ©solution qu'on m'a inspirĂ©e, et dans laquelle je tĂÂąche de me maintenir. En consĂ©quence, je vous demande d'avoir la complaisance de ne me plus Ă©crire, d'autant que je vous prĂ©viens que je ne vous rĂ©pondrais plus, et que vous me forceriez d'avertir Maman de tout ce qui se passe ce qui me priverait tout Ă fait du plaisir de vous voir. Je n'en conserverai pas moins pour vous tout l'attachement qu'on puisse avoir sans qu'il y ait du mal; et c'est bien de toute mon ĂÂąme que je vous souhaite toute sorte de bonheur. Je sens bien que vous allez ne plus m'aimer autant, et que peut-ĂÂȘtre vous en aimerez bientĂÂŽt une autre mieux que moi. Mais ce sera une pĂ©nitence de plus, de la faute que j'ai commise en vous donnant mon cĂ âur, que je ne devais donner qu'Ă Dieu, et Ă mon mari quand j'en aurai un. J'espĂšre que la misĂ©ricorde divine aura pitiĂ© de ma faiblesse, et qu'elle ne me donnera de peine que ce que j'en pourrai supporter. Adieu, Monsieur; je peux bien vous assurer que s'il m'Ă©tait permis d'aimer quelqu'un, ce ne serait jamais que vous que j'aimerais. Mais voilĂ tout ce que je peux vous dire, et c'est peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme plus que je ne devrais. De ..., ce 31 aoĂ»t 17** LETTRE L LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Est-ce donc ainsi, Monsieur, que vous remplissez les conditions auxquelles j'ai consenti Ă recevoir quelquefois de vos Lettres? Et puis-je ne pas avoir Ă m'en plaindre , quand vous ne m'y parlez que d'un sentiment auquel je craindrais encore de me livrer, quand mĂÂȘme je le pourrais sans blesser tous mes devoirs? Au reste, si j'avais besoin de nouvelles raisons pour conserver cette crainte salutaire, il me semble que je pourrais les trouver dans votre derniĂšre Lettre. En effet, dans le moment mĂÂȘme oĂÂč vous croyez faire l'apologie de l'Amour, que faites-vous au contraire que m'en montrer les orages redoutables? qui peut vouloir d'un bonheur achetĂ© au prix de la raison, et dont les plaisirs peu durables sont au moins suivis des regrets, quand ils ne le sont pas des remords? Vous-mĂÂȘme, chez qui l'habitude de ce dĂ©lire dangereux doit en diminuer l'effet, n'ĂÂȘtes-vous pas cependant obligĂ© de convenir qu'il devient souvent plus fort que vous, et n'ĂÂȘtes-vous pas le premier Ă vous plaindre du trouble involontaire qu'il vous cause? Quel ravage effrayant ne ferait-il donc pas sur un cĂ âur neuf et sensible, qui ajouterait encore Ă son empire par la grandeur des sacrifices qu'il serait obligĂ© de lui faire? Vous croyez, Monsieur, ou vous feignez de croire que l'Amour mĂšne au bonheur; et moi, je suis si persuadĂ©e qu'il me rendrait malheureuse, que je voudrais n'entendre jamais prononcer son nom. Il me semble que d'en parler seulement altĂšre la tranquillitĂ©; et c'est autant par goĂ»t que par devoir, que je vous prie de vouloir bien garder le silence sur ce point. AprĂšs tout, cette demande doit vous ĂÂȘtre bien facile Ă m'accorder Ă prĂ©sent. De retour Ă Paris, vous y trouverez assez d'occasions d'oublier un sentiment qui peut-ĂÂȘtre n'a dĂ» sa naissance qu'Ă l'habitude oĂÂč vous ĂÂȘtes de vous occuper de semblables objets, et sa force qu'au dĂ©sĂ âuvrement de la campagne. N'ĂÂȘtes- vous donc pas dans ce mĂÂȘme lieu, oĂÂč vous m'aviez vue avec tant d'indiffĂ©rence? Y pouvez-vous faire un pas sans y rencontrer un exemple de votre facilitĂ© Ă changer et n'y ĂÂȘtes-vous pas entourĂ© de femmes, qui toutes, plus aimables que moi, ont plus de droits Ă vos hommages? Je n'ai pas la vanitĂ© qu'on reproche Ă mon sexe; j'ai encore moins cette fausse modestie qui n'est qu'un raffinement de l'orgueil; et c'est de bien bonne foi que je vous dis ici que je me connais bien peu de moyens de plaire je les aurais tous, que je ne les croirais pas suffisants pour vous fixer. Vous demander de ne plus vous occuper de moi, ce n'est donc que vous prier de faire aujourd'hui ce que dĂ©jĂ vous aviez fait, et ce qu'Ă coup sĂ»r vous feriez encore dans peu de temps, quand mĂÂȘme je vous demanderais le contraire. Cette vĂ©ritĂ©, que je ne perds pas de vue, serait, Ă elle seule, une raison assez forte pour ne pas vouloir vous entendre. J'en ai mille autres encore mais sans entrer dans cette longue discussion, je m'en tiens Ă vous prier, comme je l'ai dĂ©jĂ fait, de ne plus m'entretenir d'un sentiment que je ne dois pas Ă©couter, et auquel je dois encore moins rĂ©pondre. De ..., ce 1er septembre 17** SECONDE PARTIE LETTRE LI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT En vĂ©ritĂ©, Vicomte, vous ĂÂȘtes insupportable. Vous me traitez avec autant de lĂ©gĂšretĂ© que si j'Ă©tais votre MaĂtresse. Savez-vous que je me fĂÂącherai, et que j'ai dans ce moment une humeur effroyable? Comment! vous devez voir Danceny demain matin; vous savez combien il est important que je vous parle avant cette entrevue; et sans vous inquiĂ©ter davantage, vous me laissez vous attendre toute la journĂ©e, pour aller courir je ne sais oĂÂč? Vous ĂÂȘtes cause que je suis arrivĂ©e indĂ©cemment tard chez Madame de Volanges, et que toutes les vieilles femmes m'ont trouvĂ©e merveilleuse. Il m'a fallu leur faire des cajoleries toute la soirĂ©e pour les apaiser car il ne faut pas fĂÂącher les vieilles femmes; ce sont elles qui font la rĂ©putation des jeunes. A prĂ©sent il est une heure du matin, et au lieu de me coucher, comme j'en meurs d'envie, il faut que je vous Ă©crive une longue Lettre, qui va redoubler mon sommeil par l'ennui qu'elle me causera. Vous ĂÂȘtes bien heureux que je n'aie pas le temps de vous gronder davantage. N'allez pas croire pour cela que je vous pardonne; c'est seulement que je suis pressĂ©e. Ecoutez-moi donc, je me dĂ©pĂÂȘche. Pour peu que vous soyez adroit, vous devez avoir demain la confidence de Danceny. Le moment est favorable pour la confiance c'est celui du malheur. La petite fille a Ă©tĂ© Ă confesse; elle a tout dit, comme un enfant; et depuis, elle est tourmentĂ©e Ă un tel point de la peur du diable, qu'elle veut rompre absolument. Elle m'a racontĂ© tous ses petits scrupules, avec une vivacitĂ© qui m'apprenait assez combien sa tĂÂȘte Ă©tait montĂ©e. Elle m'a montrĂ© sa Lettre de rupture, qui est une vraie capucinade. Elle a babillĂ© une heure avec moi, sans me dire un mot qui ait le sens commun. Mais elle ne m'en a pas moins embarrassĂ©e; car vous jugez que je ne pouvais risquer de m'ouvrir vis-Ă -vis d'une aussi mauvaise tĂÂȘte. J'ai vu pourtant au milieu de tout ce bavardage qu'elle n'en aime pas moins son Danceny; j'ai remarquĂ© mĂÂȘme une de ces ressources qui ne manquent jamais Ă l'Amour, et dont la petite fille est assez plaisamment la dupe. TourmentĂ©e par le dĂ©sir de s'occuper de son Amant, et par la crainte de se damner en s'en occupant, elle a imaginĂ© de prier Dieu de le lui faire oublier; et comme elle renouvelle cette priĂšre Ă chaque instant du jour, elle trouve le moyen d'y penser sans cesse. Avec quelqu'un de plus usagĂ© que Danceny, ce petit Ă©vĂ©nement serait peut-ĂÂȘtre plus favorable que contraire, mais le jeune homme est si CĂ©ladon, que, si nous ne l'aidons pas, il lui faudra tant de temps pour vaincre les plus lĂ©gers obstacles qu'il ne nous laissera pas celui d'effectuer notre projet. Vous avez bien raison; c'est dommage, et je suis aussi fĂÂąchĂ©e que vous qu'il soit le hĂ©ros de cette aventure mais que voulez-vous? ce qui est fait est fait; et c'est votre faute. J'ai demandĂ© Ă voir sa RĂ©ponse [Cette Lettre ne s'est pas retrouvĂ©e]; elle m'a fait pitiĂ©. Il lui fait des raisonnements Ă perte d'haleine, pour lui prouver qu'un sentiment involontaire ne peut pas ĂÂȘtre un crime comme s'il ne cessait pas d'ĂÂȘtre involontaire, du moment qu'on cesse de le combattre! Cette idĂ©e est si simple, qu'elle est venue mĂÂȘme Ă la petite fille. Il se plaint de son malheur d'une maniĂšre assez touchante mais sa douleur est si douce et paraĂt si forte et si sincĂšre, qu'il me semble impossible qu'une femme qui trouve l'occasion de dĂ©sespĂ©rer un homme Ă ce point, et avec aussi peu de danger, ne soit pas tentĂ©e de s'en passer la fantaisie. Il lui explique enfin qu'il n'est pas Moine comme la petite le croyait; et c'est, sans contredit, ce qu'il fait de mieux car, pour faire tant que de se livrer Ă l'Amour Monastique, assurĂ©ment MM. les Chevaliers de Malte ne mĂ©riteraient pas la prĂ©fĂ©rence. Quoi qu'il en soit, au lieu de perdre mon temps en raisonnements qui m'auraient compromise, et peut-ĂÂȘtre sans persuader, j'ai approuvĂ© le projet de rupture mais j'ai dit qu'il Ă©tait plus honnĂÂȘte, en pareil cas, de dire ses raisons que de les Ă©crire; qu'il Ă©tait d'usage aussi de rendre les Lettres et les autres bagatelles qu'on pouvait avoir reçues; et paraissant entrer ainsi dans les vues de la petite personne, je l'ai dĂ©cidĂ©e Ă donner un rendez-vous Ă Danceny. Nous en avons sur-le-champ concertĂ© les moyens, et je me suis chargĂ©e de dĂ©cider la mĂšre Ă sortir sans sa fille; c'est demain aprĂšs-midi que sera cet instant dĂ©cisif. Danceny en est dĂ©jĂ instruit; mais, pour Dieu, si vous en trouvez l'occasion, dĂ©cidez donc ce beau Berger Ă ĂÂȘtre moins langoureux; et apprenez-lui, puisqu'il faut lui tout dire, que la vraie façon de vaincre les scrupules est de ne laisser rien Ă perdre Ă ceux qui en ont. Au reste, pour que cette ridicule scĂšne ne se renouvelĂÂąt pas, je n'ai pas manquĂ© d'Ă©lever quelques doutes dans l'esprit de la petite fille sur la discrĂ©tion des Confesseurs; et je vous assure qu'elle paie Ă prĂ©sent la peur qu'elle m'a faite, par celle qu'elle a que le sien n'aille tout dire Ă sa mĂšre. J'espĂšre qu'aprĂšs que j'en aurai causĂ© encore une fois ou deux avec elle, elle n'ira plus raconter ainsi ses sottises au premier venu [Le lecteur a dĂ» deviner depuis longtemps, par les mĂ âurs de Madame de Merteuil, combien peu elle respectait la Religion. On aurait supprimĂ© tout cet alinĂ©a, mais on a cru qu'en montrant les effets, on ne devait pas nĂ©gliger d'en faire connaĂtre les causes.]. Adieu, Vicomte; emparez-vous de Danceny, et conduisez-le. Il serait honteux que nous ne fissions pas ce que nous voulons de deux enfants. Si nous y trouvons plus de peine que nous ne l'avions cru d'abord, songeons, pour animer notre zĂšle, vous, qu'il s'agit de la fille de Madame de Volanges, et moi, qu'elle doit devenir la femme de Gercourt. Adieu. De ..., ce 2 septembre l7**. LETTRE LII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous me dĂ©fendez, Madame, de vous parler de mon amour; mais oĂÂč trouver le courage nĂ©cessaire pour vous obĂ©ir? Uniquement occupĂ© d'un sentiment qui devrait ĂÂȘtre si doux, et que vous rendez si cruel; languissant dans l'exil oĂÂč vous m'avez condamnĂ©; ne vivant que de privations et de regrets; en proie Ă des tourments d'autant plus douloureux, qu'ils me rappellent sans cesse votre indiffĂ©rence; me faudra-t-il encore perdre la seule consolation qui me reste? et puis-je en avoir d'autre, que de vous ouvrir quelquefois une ĂÂąme que vous remplissez de trouble et d'amertume? DĂ©tournerez-vous vos regards, pour ne pas voir les pleurs que vous faites rĂ©pandre? Refuserez-vous jusqu'Ă l'hommage des sacrifices que vous exigez? Ne serait-il donc pas plus digne de vous, de votre ĂÂąme honnĂÂȘte et douce, de plaindre un malheureux, qui ne l'est que par vous, que de vouloir encore aggraver ses peines, par une dĂ©fense Ă la fois injuste et rigoureuse. Vous feignez de craindre l'Amour, et vous ne voulez pas voir que vous seule causez les maux que vous lui reprochez. Ah! sans doute, ce sentiment est pĂ©nible, quand l'objet qui l'inspire ne le partage point; mais oĂÂč trouver le bonheur, si un amour rĂ©ciproque ne le procure pas? L'amitiĂ© tendre, la douce confiance et la seule qui soit sans rĂ©serve, les peines adoucies, les plaisirs augmentĂ©s, l'espoir enchanteur, les souvenirs dĂ©licieux, oĂÂč les trouver ailleurs que dans l'Amour? Vous le calomniez, vous qui, pour jouir de tous les biens qu'il vous offre, n'avez qu'Ă ne plus vous y refuser; et moi j'oublie les peines que j'Ă©prouve, pour m'occuper Ă le dĂ©fendre. Vous me forcez aussi Ă me dĂ©fendre moi-mĂÂȘme; car tandis que je consacre ma vie Ă vous adorer, vous passez la vĂÂŽtre Ă me chercher des torts dĂ©jĂ vous me supposez lĂ©ger et trompeur; et abusant, contre moi, de quelques erreurs, dont moi-mĂÂȘme je vous ai fait l'aveu, vous vous plaisez Ă confondre ce que j'Ă©tais alors, avec ce que je suis Ă prĂ©sent. Non contente de m'avoir livrĂ© au tourment de vivre loin de vous, vous y joignez un persiflage cruel, sur des plaisirs auxquels vous savez assez combien vous m'avez rendu insensible. Vous ne croyez ni Ă mes promesses, ni Ă mes serments eh bien! il me reste un garant Ă vous offrir, qu'au moins vous ne suspecterez pas; c'est vous- mĂÂȘme. Je ne vous demande que de vous interroger de bonne foi; si vous ne croyez pas Ă mon amour, si vous doutez un moment de rĂ©gner seule sur mon ĂÂąme, si vous n'ĂÂȘtes pas assurĂ©e d'avoir fixĂ© ce cĂ âur, en effet, jusqu'ici trop volage, je consens Ă porter la peine de cette erreur; j'en gĂ©mirai, mais n'en appellerai point mais si au contraire, nous rendant justice Ă tous deux, vous ĂÂȘtes forcĂ©e de convenir avec vous-mĂÂȘme que vous n'avez, que vous n'aurez jamais de rivale, ne m'obligez plus, je vous supplie, Ă combattre des chimĂšres, et laissez-moi au moins cette consolation de vous voir ne plus douter d'un sentiment qui, en effet, ne finira, ne peut finir qu'avec ma vie. Permettez-moi, Madame, de vous prier de rĂ©pondre positivement Ă cet article de ma Lettre. Si j'abandonne cependant cette Ă©poque de ma vie, qui paraĂt me nuire si cruellement auprĂšs de vous, ce n'est pas qu'au besoin les raisons me manquassent pour la dĂ©fendre. Qu'ai-je fait, aprĂšs tout, que ne pas rĂ©sister au tourbillon dans lequel j'avais Ă©tĂ© jetĂ©? EntrĂ© dans le monde, jeune et sans expĂ©rience; passĂ©, pour ainsi dire, de mains en mains, par une foule de femmes, qui toutes se hĂÂątent de prĂ©venir par leur facilitĂ© une rĂ©flexion qu'elles sentent devoir leur ĂÂȘtre dĂ©favorable; Ă©tait-ce donc Ă moi de donner l'exemple d'une rĂ©sistance qu'on ne m'opposait point? ou devais-je me punir d'un moment d'erreur, et que souvent on avait provoquĂ© par une constance Ă coup sĂ»r inutile, et dans laquelle on n'aurait vu qu'un ridicule? Eh! quel autre moyen qu'une prompte rupture peut justifier d'un choix honteux! Mais, je puis le dire, cette ivresse des sens, peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme ce dĂ©lire de la vanitĂ©, n'a point passĂ© jusqu'Ă mon cĂ âur. NĂ© pour l'Amour, l'intrigue pouvait le distraire, et ne suffisait pas pour l'occuper; entourĂ© d'objets sĂ©duisants, mais mĂ©prisables, aucun n'allait jusqu'Ă mon ĂÂąme on m'offrait des plaisirs, je cherchais des vertus; et moi-mĂÂȘme enfin je me crus inconstant, parce que j'Ă©tais dĂ©licat et sensible. C'est en vous voyant que je me suis Ă©clairĂ© bientĂÂŽt j'ai reconnu que le charme de l'Amour tenait aux qualitĂ©s de l'ĂÂąme; qu'elles seules pouvaient en causer l'excĂšs, et le justifier. Je sentis enfin qu'il m'Ă©tait Ă©galement impossible et de ne pas vous aimer, et d'en aimer une autre que vous. VoilĂ , Madame, quel est ce cĂ âur auquel vous craignez de vous livrer, et sur le sort de qui vous avez Ă prononcer mais quel que soit le destin que vous lui rĂ©servez, vous ne changerez rien aux sentiments qui l'attachent Ă vous; ils sont inaltĂ©rables comme les vertus qui les ont fait naĂtre. De ..., ce 3 septembre 17** LETTRE LIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai vu Danceny, mais je n'en ai obtenu qu'une demi-confidence; il s'est obstinĂ©, surtout, Ă me taire le nom de la petite Volanges, dont il ne m'a parlĂ© que comme d'une femme trĂšs sage, et mĂÂȘme un peu dĂ©vote Ă cela prĂšs, il m'a racontĂ© avec assez de vĂ©ritĂ© son aventure, et surtout le dernier Ă©vĂ©nement. Je l'ai Ă©chauffĂ© autant que j'ai pu, et l'ai beaucoup plaisantĂ© sur sa dĂ©licatesse et ses scrupules; mais il paraĂt qu'il y tient, et je ne puis pas rĂ©pondre de lui au reste, je pourrai vous en dire davantage aprĂšs-demain. Je le mĂšne demain Ă Versailles, et je m'occuperai Ă le scruter pendant la route. Le rendez-vous qui doit avoir eu lieu aujourd'hui me donne aussi quelque espĂ©rance il se pourrait que tout s'y fĂ»t passĂ© Ă notre satisfaction; et peut-ĂÂȘtre ne nous reste-t-il Ă prĂ©sent qu'Ă en arracher l'aveu, et Ă en recueillir les preuves. Cette besogne vous sera plus facile qu'Ă moi car la petite personne est plus confiante, ou, ce qui revient au mĂÂȘme, plus bavarde, que son discret Amoureux. Cependant j'y ferai mon possible. Adieu, ma belle amie, je suis fort pressĂ©; je ne vous verrai ni ce soir, ni demain si de votre cĂÂŽtĂ© vous avez su quelque chose, Ă©crivez-moi un mot pour mon retour. Je reviendrai sĂ»rement coucher Ă Paris. De ..., ce 3 septembre 17**, au soir. LETTRE LIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Oh! oui! c'est bien avec Danceny qu'il y a quelque chose Ă savoir! S'il vous l'a dit, il s'est vantĂ©. Je ne connais personne si bĂÂȘte en amour, et je me reproche de plus en plus les bontĂ©s que nous avons pour lui. Savez-vous que j'ai pensĂ© ĂÂȘtre compromise par rapport Ă lui! et que ce soit en pure perte! Oh! je m'en vengerai, je le promets. Quand j'arrivai hier pour prendre Madame de Volanges, elle ne voulait plus sortir; elle se sentait incommodĂ©e; il me fallut toute mon Ă©loquence pour la dĂ©cider, et je vis le moment que Danceny serait arrivĂ© avant notre dĂ©part; ce qui eĂ»t Ă©tĂ© d'autant plus gauche que Madame de Volanges lui avait dit la veille qu'elle ne serait pas chez elle. Sa fille et moi, nous Ă©tions sur les Ă©pines. Nous sortĂmes enfin; et la petite me serra la main si affectueusement en me disant adieu, que malgrĂ© son projet de rupture, dont elle croyait de bonne foi s'occuper encore, j'augurai des merveilles de la soirĂ©e. Je n'Ă©tais pas au bout de mes inquiĂ©tudes. Il y avait Ă peine une demi-heure que nous Ă©tions chez Madame de *** que Madame de Volanges se trouva mal en effet, mais sĂ©rieusement mal; et comme de raison, elle voulait rentrer chez elle moi, je le voulais d'autant moins que j'avais peur, si nous surprenions les jeunes gens, comme il y avait tout Ă parier, que mes instances auprĂšs de la mĂšre, pour la faire sortir, ne lui devinssent suspectes. Je pris le parti de l'effrayer sur sa santĂ©, ce qui heureusement n'est pas difficile; et je la tins une heure et demie, sans consentir Ă la ramener chez elle, dans la crainte que je feignis d'avoir du mouvement dangereux de la voiture. Nous ne rentrĂÂąmes enfin qu'Ă l'heure convenue. A l'air honteux que je remarquai en arrivant, j'avoue que j'espĂ©rai qu'au moins mes peines n'auraient pas Ă©tĂ© perdues. Le dĂ©sir que j'avais d'ĂÂȘtre instruite me fit rester auprĂšs de Madame de Volanges, qui se coucha aussitĂÂŽt, et aprĂšs avoir soupĂ© auprĂšs de son lit, nous la laissĂÂąmes de trĂšs bonne heure, sous le prĂ©texte qu'elle avait besoin de repos; et nous passĂÂąmes dans l'appartement de sa fille. Celle-ci a fait de son cĂÂŽtĂ© tout ce que j'attendais d'elle; scrupules Ă©vanouis, nouveaux serments d'aimer toujours, etc., elle s'est enfin exĂ©cutĂ©e de bonne grĂÂące mais le sot Danceny n'a pas passĂ© d'une ligne le point oĂÂč il Ă©tait auparavant. Oh! l'on peut se brouiller avec celui-lĂ ; les raccommodements ne sont pas dangereux. La petite assure pourtant qu'il voulait davantage, mais qu'elle a su se dĂ©fendre. Je parierais bien qu'elle se vante, ou qu'elle l'excuse; je m'en suis mĂÂȘme presque assurĂ©e. En effet, il m'a pris fantaisie de savoir Ă quoi m'en tenir sur la dĂ©fense dont elle Ă©tait capable; et moi, simple femme, de propos en propos, j'ai montĂ© sa tĂÂȘte au point... Enfin vous pouvez m'en croire, jamais personne ne fut plus susceptible d'une surprise des sens. Elle est vraiment aimable, cette chĂšre petite! Elle mĂ©ritait un autre Amant; elle aura au moins une bonne amie, car je m'attache sincĂšrement Ă elle. Je lui ai promis de la former et je crois que je lui tiendrai parole. Je me suis souvent aperçue du besoin d'avoir une femme dans ma confidence, et j'aimerais mieux celle-lĂ qu'une autre; mais je ne puis en rien faire, tant qu'elle ne sera pas ce qu'il faut qu'elle soit; et c'est une raison de plus d'en vouloir Ă Danceny. Adieu, Vicomte; ne venez pas chez moi demain, Ă moins que ce ne soit le matin. J'ai cĂ©dĂ© aux instances du Chevalier, pour une soirĂ©e de petite Maison. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Tu avais raison, ma chĂšre Sophie; tes prophĂ©ties rĂ©ussissent mieux que tes conseils. Danceny, comme tu l'avais prĂ©dit, a Ă©tĂ© plus fort que le Confesseur, que toi, que moi-mĂÂȘme; et nous voilĂ revenus exactement oĂÂč nous en Ă©tions. Ah! je ne m'en repens pas; et toi, si tu m'en grondes ce sera faute de savoir le plaisir qu'il y a Ă aimer Danceny. Il t'est bien aisĂ© de dire comme il faut faire, rien ne t'en empĂÂȘche; mais si tu avais Ă©prouvĂ© combien le chagrin de quelqu'un qu'on aime nous fait mal, comment sa joie devient la nĂÂŽtre, et comment il est difficile de dire non, quand c'est oui que l'on veut dire, tu ne t'Ă©tonnerais plus de rien moi-mĂÂȘme qui l'ai senti, bien vivement senti, je ne le comprends pas encore. Crois-tu, par exemple, que je puisse voir pleurer Danceny sans pleurer moi-mĂÂȘme? Je t'assure bien que cela m'est impossible; et quand il est content, je suis heureuse comme lui. Tu auras beau dire; ce qu'on dit ne change pas ce qui est, et je suis bien sĂ»re que c'est comme ça. Je voudrais te voir Ă ma place... Non, ce n'est pas lĂ ce que je veux dire, car sĂ»rement je ne voudrais cĂ©der ma place Ă personne mais je voudrais que tu aimasses aussi quelqu'un; ce ne serait pas seulement pour que tu m'entendisses mieux, et que tu me grondasses moins; car c'est qu'aussi tu serais plus heureuse, ou, pour mieux dire, tu commencerais seulement alors Ă le devenir. Nos amusements, nos rires, tout cela, vois-tu, ce ne sont que des jeux d'enfants; il n'en reste rien aprĂšs qu'ils sont passĂ©s. Mais l'Amour, ah! l'Amour!... un mot, un regard, seulement de le savoir lĂ , eh bien! c'est le bonheur. Quand je vois Danceny, je ne dĂ©sire plus rien; quand je ne le vois pas, je ne dĂ©sire que lui. Je ne sais comment cela se fait mais on dirait que tout ce qui me plaĂt lui ressemble. Quand il n'est pas avec moi, j'y songe; et quand je peux y songer tout Ă fait, sans distraction, quand je suis toute seule, par exemple, je suis encore heureuse; je ferme les yeux, et tout de suite je crois le voir; je me rappelle ses discours, et je crois l'entendre; cela me fait soupirer; et puis je sens un feu, une agitation... Je ne saurais tenir en place. C'est comme un tourment, et ce tourment-lĂ fait un plaisir inexprimable. Je crois mĂÂȘme que quand une fois on a de l'Amour, cela se rĂ©pand jusque sur l'amitiĂ©. Celle que j'ai pour toi n'a pourtant pas changĂ©; c'est toujours comme au Couvent mais ce que je te dis, je l'Ă©prouve avec Madame de Merteuil. Il me semble que je l'aime plus comme Danceny que comme toi, et quelquefois je voudrais qu'elle fĂ»t lui. Cela vient peut-ĂÂȘtre de ce que ce n'est pas une amitiĂ© d'enfant comme la nĂÂŽtre; ou bien de ce que je les vois si souvent ensemble, ce qui fait que je me trompe. Enfin, ce qu'il y a de vrai, c'est qu'Ă eux deux, ils me rendent bien heureuse; et aprĂšs tout, je ne crois pas qu'il y ait grand mal Ă ce que je fais. Aussi je ne demanderais qu'Ă rester comme je suis; et il n'y a que l'idĂ©e de mon mariage qui me fasse de la peine car si M. de Gercourt est comme on me l'a dit, et je n'en doute pas, je ne sais pas ce que je deviendrai. Adieu, ma Sophie; je t'aime toujours bien tendrement. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT A quoi vous servirait, Monsieur, la rĂ©ponse que vous me demandez? Croire Ă vos sentiments, ne serait-ce pas une raison de plus pour les craindre? et sans attaquer ni dĂ©fendre leur sincĂ©ritĂ©, ne me suffit-il pas, ne doit-il pas vous suffire Ă vous-mĂÂȘme, de savoir que je ne veux ni ne dois y rĂ©pondre? SupposĂ© que vous m'aimiez vĂ©ritablement et c'est seulement pour ne plus revenir sur cet objet que je consens Ă cette supposition, les obstacles qui nous sĂ©parent en seraient-ils moins insurmontables? et aurais-je autre chose Ă faire qu'Ă souhaiter que vous puissiez bientĂÂŽt vaincre cet amour, et surtout Ă vous y aider de tout mon pouvoir, en me hĂÂątant de vous ĂÂŽter toute espĂ©rance? Vous convenez vous-mĂÂȘme que ce sentiment est pĂ©nible quand l'objet qui l'inspire ne le partage point . Or, vous savez assez qu'il m'est impossible de le partager, et quand mĂÂȘme ce malheur m'arriverait, j'en serais plus Ă plaindre, sans que vous en fussiez plus heureux. J'espĂšre que vous m'estimez assez pour n'en pas douter un instant. Cessez donc, je vous en conjure, cessez de vouloir troubler un cĂ âur Ă qui la tranquillitĂ© est si nĂ©cessaire; ne me forcez pas Ă regretter de vous avoir connu. ChĂ©rie et estimĂ©e d'un mari que j'aime et respecte, mes devoirs et mes plaisirs se rassemblent dans le mĂÂȘme objet. Je suis heureuse, je dois l'ĂÂȘtre. S'il existe des plaisirs plus vifs, je ne les dĂ©sire pas; je ne veux point les connaĂtre. En est-il de plus doux que d'ĂÂȘtre en paix avec soi-mĂÂȘme, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'Ă©veiller sans remords? Ce que vous appelez le bonheur n'est qu'un tumulte des sens, un orage des passions dont le spectacle est effrayant, mĂÂȘme Ă le regarder du rivage. Eh! comment affronter ces tempĂÂȘtes? comment oser s'embarquer sur une mer couverte des dĂ©bris de mille et mille naufrages? Et avec qui? Non, Monsieur, je reste Ă terre; je chĂ©ris les liens qui m'y attachent. Je pourrais les rompre, que je ne le voudrais pas; si je ne les avais, je me hĂÂąterais de les prendre. Pourquoi vous attacher Ă mes pas? pourquoi vous obstiner Ă me suivre? Vos Lettres, qui devaient ĂÂȘtre rares, se succĂšdent avec rapiditĂ©. Elles devaient ĂÂȘtre sages, et vous ne m'y parlez que de votre fol amour. Vous m'entourez de votre idĂ©e, plus que vous ne le faisiez de votre personne. EcartĂ© sous une forme, vous vous reproduisez sous une autre. Les choses qu'on vous demande de ne plus dire, vous les redites seulement d'une autre maniĂšre. Vous vous plaisez Ă m'embarrasser par des raisonnements captieux; vous Ă©chappez aux miens. Je ne veux plus vous rĂ©pondre, je ne vous rĂ©pondrai plus... Comme vous traitez les femmes que vous avez sĂ©duites! avec quel mĂ©pris vous en parlez! Je veux croire que quelques-unes le mĂ©ritent mais toutes sont-elles donc si mĂ©prisables? Ah! sans doute, puisqu'elles ont trahi leurs devoirs pour se livrer Ă un amour criminel. De ce moment, elles ont tout perdu, jusqu'Ă l'estime de celui Ă qui elles ont tout sacrifiĂ©. Ce supplice est juste, mais l'idĂ©e seule en fait frĂ©mir. Que m'importe, aprĂšs tout? pourquoi m'occuperais-je d'elles ou de vous? de quel droit venez-vous troubler ma tranquillitĂ©? Laissez-moi, ne me voyez plus; ne m'Ă©crivez plus, je vous en prie; je l'exige. Cette Lettre est la derniĂšre que vous recevrez de moi. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai trouvĂ© votre Lettre hier Ă mon arrivĂ©e. Votre colĂšre m'a tout Ă fait rĂ©joui. Vous ne sentiriez pas plus vivement les torts de Danceny, quand il les aurait eus vis-Ă -vis de vous. C'est sans doute par vengeance, que vous accoutumez sa MaĂtresse Ă lui faire de petites infidĂ©litĂ©s; vous ĂÂȘtes un bien mauvais sujet! Oui, vous ĂÂȘtes charmante, et je ne m'Ă©tonne pas qu'on vous rĂ©siste moins qu'Ă Danceny. Enfin je le sais par cĂ âur, ce beau hĂ©ros de Roman! il n'a plus de secret pour moi. Je lui ai tant dit que l'Amour honnĂÂȘte Ă©tait le bien suprĂÂȘme, qu'un sentiment valait mieux que dix intrigues, que j'Ă©tais moi-mĂÂȘme, dans ce moment, amoureux et timide; il m'a trouvĂ© enfin une façon de penser si conforme Ă la sienne, que dans l'enchantement oĂÂč il Ă©tait de ma candeur, il m'a tout dit, et m'a jurĂ© une amitiĂ© sans rĂ©serve. Nous n'en sommes guĂšre plus avancĂ©s pour notre projet. D'abord, il m'a paru que son systĂšme Ă©tait qu'une demoiselle mĂ©rite beaucoup plus de mĂ©nagements qu'une femme, comme ayant plus Ă perdre. Il trouve, surtout, que rien ne peut justifier un homme de mettre une fille dans la nĂ©cessitĂ© de l'Ă©pouser ou de vivre dĂ©shonorĂ©e, quand la fille est infiniment plus riche que l'homme, comme dans le cas oĂÂč il se trouve. La sĂ©curitĂ© de la mĂšre, la candeur de la fille, tout l'intimide et l'arrĂÂȘte. L'embarras ne serait point de combattre ses raisonnements, quelque vrais qu'ils soient. Avec un peu d'adresse et aidĂ© par la passion, on les aurait bientĂÂŽt dĂ©truits; d'autant qu'ils prĂÂȘtent au ridicule, et qu'on aurait pour soi l'autoritĂ© de l'usage. Mais ce qui empĂÂȘche qu'il n'y ait de prise sur lui, c'est qu'il se trouve heureux comme il est. En effet, si les premiers amours paraissent, en gĂ©nĂ©ral, plus honnĂÂȘtes, et comme on dit plus purs; s'ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n'est pas, comme on le pense, dĂ©licatesse ou timiditĂ©, c'est que le cĂ âur, Ă©tonnĂ© par un sentiment inconnu, s'arrĂÂȘte pour ainsi dire Ă chaque pas, pour jouir du charme qu'il Ă©prouve, et que ce charme est si puissant sur un cĂ âur neuf, qu'il l'occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir. Cela est si vrai, qu'un libertin amoureux, si un libertin peut l'ĂÂȘtre, devient de ce moment mĂÂȘme moins pressĂ© de jouir; et qu'enfin, entre la conduite de Danceny avec la petite Volanges, et la mienne avec la prude Madame de Tourvel, il n'y a que la diffĂ©rence du plus au moins. Il aurait fallu, pour Ă©chauffer notre jeune homme, plus d'obstacles qu'il n'en a rencontrĂ©s; surtout qu'il eĂ»t eu besoin de plus de mystĂšre, car le mystĂšre mĂšne Ă l'audace. Je ne suis pas Ă©loignĂ© de croire que vous nous avez nui en le servant si bien; votre conduite eĂ»t Ă©tĂ© excellente avec un homme usagĂ© , qui n'eĂ»t eu que des dĂ©sirs mais vous auriez pu prĂ©voir que pour un homme jeune, honnĂÂȘte et amoureux, le plus grand prix des faveurs est d'ĂÂȘtre la preuve de l'Amour; et que par consĂ©quent, plus il serait sĂ»r d'ĂÂȘtre aimĂ©, moins il serait entreprenant. Que faire Ă prĂ©sent? Je n'en sais rien; mais je n'espĂšre pas que la petite soit prise avant le mariage, et nous en serons pour nos frais; j'en suis fĂÂąchĂ©, mais je n'y vois pas de remĂšde. Pendant que je disserte ici, vous faites mieux avec votre Chevalier. Cela me fait songer que vous m'avez promis une infidĂ©litĂ© en ma faveur, j'en ai votre promesse par Ă©crit et je ne veux pas en faire un billet de la ChĂÂątre. Je conviens que l'Ă©chĂ©ance n'est pas encore arrivĂ©e mais il serait gĂ©nĂ©reux Ă vous de ne pas l'attendre; et de mon cĂÂŽtĂ©, je vous tiendrais compte des intĂ©rĂÂȘts. Qu'en dites-vous, ma belle amie? est-ce que vous n'ĂÂȘtes pas fatiguĂ©e de votre constance? Ce Chevalier est donc bien merveilleux? Oh! laissez-moi faire; je veux vous forcer de convenir que si vous lui avez trouvĂ© quelque mĂ©rite, c'est que vous m'aviez oubliĂ©. Adieu, ma belle amie; je vous embrasse comme je vous dĂ©sire; je dĂ©fie tous les baisers du Chevalier d'avoir autant d'ardeur. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Par oĂÂč ai-je donc mĂ©ritĂ©, Madame, et les reproches que vous me faites, et la colĂšre que vous me tĂ©moignez? L'attachement le plus vif et pourtant le plus respectueux, la soumission la plus entiĂšre Ă vos moindres volontĂ©s; voilĂ en deux mots l'histoire de mes sentiments et de ma conduite. AccablĂ© par les peines d'un amour malheureux, je n'avais d'autre consolation que celle de vous voir vous m'avez ordonnĂ© de m'en priver; j'ai obĂ©i sans me permettre un murmure. Pour prix de ce sacrifice, vous m'avez permis de vous Ă©crire, et aujourd'hui vous voulez m'ĂÂŽter cet unique plaisir. Me le laisserai-je ravir, sans essayer de le dĂ©fendre? Non, sans doute eh! comment ne serait-il pas cher Ă mon cĂ âur? c'est le seul qui me reste, et je le tiens de vous. Mes Lettres, dites-vous, sont trop frĂ©quentes! Songez donc, je vous prie, que depuis dix jours que dure mon exil, je n'ai passĂ© aucun moment sans m'occuper de vous, et que cependant vous n'avez reçu que deux Lettres de moi. Je ne vous y parle que de mon amour ! eh! que puis-je dire, que ce que je pense? tout ce que j'ai pu faire a Ă©tĂ© d'en affaiblir l'expression; et vous pouvez m'en croire, je ne vous en ai laissĂ© voir que ce qu'il m'a Ă©tĂ© impossible d'en cacher. Vous me menacez enfin de ne plus me rĂ©pondre. Ainsi l'homme qui vous prĂ©fĂšre Ă tout et qui vous respecte encore plus qu'il ne vous aime, non contente de le traiter avec rigueur, vous voulez y joindre le mĂ©pris! Et pourquoi ces menaces et ce courroux? qu'en avez-vous besoin? n'ĂÂȘtes-vous pas sĂ»re d'ĂÂȘtre obĂ©ie, mĂÂȘme dans vos ordres injustes? m'est-il donc possible de contrarier aucun de vos dĂ©sirs, et ne l'ai-je pas dĂ©jĂ prouvĂ©? Mais abuserez- vous de cet empire que vous avez sur moi? AprĂšs m'avoir rendu malheureux, aprĂšs ĂÂȘtre devenue injuste, vous sera-t-il donc bien facile de jouir de cette tranquillitĂ© que vous assurez vous ĂÂȘtre si nĂ©cessaire? ne vous direz-vous jamais Il m'a laissĂ©e maĂtresse de son sort, et j'ai fait son malheur? il implorait mes secours, et je l'ai regardĂ© sans pitiĂ©? Savez-vous jusqu'oĂÂč peut aller mon dĂ©sespoir? non. Pour calculer mes maux, il faudrait savoir Ă quel point je vous aime, et vous ne connaissez pas mon cĂ âur. A quoi me sacrifiez-vous? Ă des craintes chimĂ©riques. Et qui vous les inspire? un homme qui vous adore; un homme sur qui vous ne cesserez jamais d'avoir un empire absolu. Que craignez-vous, que pouvez-vous craindre d'un sentiment que vous serez toujours maĂtresse de diriger Ă votre grĂ©? Mais votre imagination se crĂ©e des monstres, et l'effroi qu'ils vous causent, vous l'attribuez Ă l'Amour. Un peu de confiance, et ces fantĂÂŽmes disparaĂtront. Un Sage a dit que pour dissiper ses craintes il suffisait presque toujours d'en approfondir la cause [On croit que c'est Rousseau dans Emile, mais la citation n'est pas exacte, et l'application qu'en fait Valmont est bien fausse; et puis, Madame de Tourvel avait-elle lu Emile?]. C'est surtout en amour que cette vĂ©ritĂ© trouve son application. Aimez, et vos craintes s'Ă©vanouiront. A la place des objets qui vous effrayent, vous trouverez un sentiment dĂ©licieux, un Amant tendre et soumis; et tous vos jours, marquĂ©s par le bonheur, ne vous laisseront d'autre regret que d'en avoir perdu quelques-uns dans l'indiffĂ©rence. Moi-mĂÂȘme, depuis que, revenu de mes erreurs, je n'existe plus que pour l'Amour, je regrette un temps que je croyais avoir passĂ© dans les plaisirs; et je sens que c'est Ă vous seule qu'il appartient de me rendre heureux. Mais, je vous en supplie, que le plaisir que je trouve Ă vous Ă©crire ne soit plus troublĂ© par la crainte de vous dĂ©plaire. Je ne veux pas vous dĂ©sobĂ©ir; mais je suis Ă vos genoux, j'y rĂ©clame le bonheur que vous voulez me ravir, le seul que vous m'avez laissĂ©; je vous crie Ă©coutez mes priĂšres, et voyez mes larmes; ah! Madame, me refuserez-vous? De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Apprenez-moi, si vous savez, ce que signifie ce radotage de Danceny. Qu'est- il donc arrivĂ©, et qu'est-ce qu'il a perdu? Sa Belle s'est peut-ĂÂȘtre fĂÂąchĂ©e de son respect Ă©ternel? Il faut ĂÂȘtre juste, on se fĂÂącherait Ă moins. Que lui dirai-je ce soir, au rendez-vous qu'il me demande, et que je lui ai donnĂ© Ă tout hasard? AssurĂ©ment je ne perdrai pas mon temps Ă Ă©couter ses dolĂ©ances, si cela ne doit nous mener Ă rien. Les complaintes amoureuses ne sont bonnes Ă entendre qu'en rĂ©citatifs obligĂ©s, ou en grandes ariettes. Instruisez-moi donc de ce qui est et de ce que je dois faire; ou bien je dĂ©serte, pour Ă©viter l'ennui que je prĂ©vois. Pourrai-je causer avec vous ce matin? Si vous ĂÂȘtes occupĂ©e , au moins Ă©crivez-moi un mot, et donnez-moi les rĂ©clames de mon rĂÂŽle. OĂÂč Ă©tiez-vous donc hier? Je ne parviens plus Ă vous voir. En vĂ©ritĂ©, ce n'Ă©tait pas la peine de me retenir Ă Paris au mois de Septembre. DĂ©cidez-vous pourtant, car je viens de recevoir une invitation fort pressante de la Comtesse de B**, pour aller la voir Ă la campagne; et, comme elle me le mande assez plaisamment, " son mari a le plus beau bois du monde, qu'il conserve soigneusement pour les plaisirs de ses amis " . Or, vous savez que j'ai bien quelques droits, sur ce bois-lĂ ; et j'irai le revoir si je ne vous suis pas utile. Adieu, songez que Danceny sera chez moi sur les quatre heures. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LX LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT INCLUSE DANS LA PRECEDENTE. Ah! Monsieur, je suis dĂ©sespĂ©rĂ©, j'ai tout perdu. Je n'ose confier au papier le secret de mes peines mais j'ai besoin de les rĂ©pandre dans le sein d'un ami fidĂšle et sĂ»r. A quelle heure pourrais-je vous voir, et aller chercher auprĂšs de vous des consolations et des conseils? J'Ă©tais si heureux le jour oĂÂč je vous ouvris mon ĂÂąme! A prĂ©sent, quelle diffĂ©rence! tout est changĂ© pour moi. Ce que je souffre pour mon compte n'est encore que la moindre partie de mes tourments; mon inquiĂ©tude sur un objet bien plus cher, voilĂ ce que je ne puis supporter. Plus heureux que moi, vous pourrez la voir, et j'attends de votre amitiĂ© que vous ne me refuserez pas cette dĂ©marche mais il faut que je vous parle, que je vous instruise. Vous me plaindrez, vous me secourrez; je n'ai d'espoir qu'en vous. Vous ĂÂȘtes sensible, vous connaissez l'Amour, et vous ĂÂȘtes le seul Ă qui je puisse me confier; ne me refusez pas vos secours. Adieu, Monsieur; le seul soulagement que j'Ă©prouve dans ma douleur est de songer qu'il me reste un ami tel que vous. Faites-moi savoir, je vous prie, Ă quelle heure je pourrai vous trouver. Si ce n'est pas ce matin, je dĂ©sirerais que ce fĂ»t de bonne heure dans l'aprĂšs-midi. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LXI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ma chĂšre Sophie, plains ta CĂ©cile, ta pauvre CĂ©cile; elle est bien malheureuse! Maman sait tout. Je ne conçois pas comment elle a pu se douter de quelque chose, et pourtant elle a tout dĂ©couvert. Hier au soir, Maman me parut bien avoir un peu d'humeur; mais je n'y fis pas grande attention; et mĂÂȘme en attendant que sa partie fĂ»t finie, je causai trĂšs gaiement avec Madame de Merteuil qui avait soupĂ© ici, et nous parlĂÂąmes beaucoup de Danceny. Je ne crois pourtant pas qu'on ait pu nous entendre. Elle s'en alla, et je me retirai dans mon appartement. Je me dĂ©shabillais, quand Maman entra et fit sortir ma Femme de chambre; elle me demanda la clef de mon secrĂ©taire. Le ton dont elle me fit cette demande me causa un tremblement si fort que je pouvais Ă peine me soutenir. Je faisais semblant de ne la pas trouver, mais enfin il fallut obĂ©ir. Le premier tiroir qu'elle ouvrit fut justement celui oĂÂč Ă©taient les Lettres du Chevalier Danceny. J'Ă©tais si troublĂ©e, que quand elle me demanda ce que c'Ă©tait, je ne sus lui rĂ©pondre autre chose, sinon que ce n'Ă©tait rien; mais quand je la vis commencer Ă lire celle qui se prĂ©sentait la premiĂšre, je n'eus que le temps de gagner un fauteuil, et je me trouvai mal au point que je perdis connaissance. AussitĂÂŽt que je revins Ă moi, ma mĂšre, qui avait appelĂ© ma Femme de chambre, se retira, en me disant de me coucher. Elle a emportĂ© toutes les Lettres de Danceny. Je frĂ©mis toutes les fois que je songe qu'il me faudra reparaĂtre devant elle. Je n'ai fait que pleurer toute la nuit. Je t'Ă©cris au point du jour, dans l'espoir que JosĂ©phine viendra. Si je peux lui parler seule, je la prierai de remettre chez Madame de Merteuil un petit billet que je vas lui Ă©crire; sinon, je le mettrai dans ta Lettre, et tu voudras bien l'envoyer comme de toi. Ce n'est que d'elle que je puis recevoir quelque consolation. Au moins, nous parlerons de lui, car je n'espĂšre plus le voir. Je suis bien malheureuse! Elle aura peut-ĂÂȘtre la bontĂ© de se charger d'une Lettre pour Danceny. Je n'ose pas me confier Ă JosĂ©phine pour cet objet, et encore moins Ă ma Femme de chambre; car c'est peut-ĂÂȘtre elle qui aura dit Ă ma mĂšre que j'avais des Lettres dans mon secrĂ©taire. Je ne t'Ă©crirai pas plus longuement, parce que je veux avoir le temps d'Ă©crire Ă Madame de Merteuil, et aussi Ă Danceny, pour avoir ma Lettre toute prĂÂȘte, si elle veut bien s'en charger. AprĂšs cela, je me recoucherai, pour qu'on me trouve au lit quand on entrera dans ma chambre. Je dirai que je suis malade, pour me dispenser de passer chez Maman. Je ne mentirai pas beaucoup; sĂ»rement je souffre plus que si j'avais la fiĂšvre. Les yeux me brĂ»lent Ă force d'avoir pleurĂ©; et j'ai un poids sur l'estomac, qui m'empĂÂȘche de respirer. Quand je songe que je ne verrai plus Danceny, je voudrais ĂÂȘtre morte. Adieu, ma chĂšre Sophie. Je ne peux t'en dire davantage; les larmes me suffoquent. De ..., ce 7 septembre 17** Nota. On a supprimĂ© la Lettre de CĂ©cile Volanges Ă la Marquise, parce qu'elle ne contenait que les mĂÂȘmes faits de la Lettre prĂ©cĂ©dente, et avec moins de dĂ©tails. Celle au Chevalier Danceny ne s'est point retrouvĂ©e on en verra la raison dans la Lettre LXIII, de Madame de Merteuil au Vicomte. LETTRE LXII MADAME DE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY AprĂšs avoir abusĂ©, Monsieur, de la confiance d'une mĂšre et de l'innocence d'un enfant, vous ne serez pas surpris, sans doute, de ne plus ĂÂȘtre reçu dans une maison oĂÂč vous n'avez rĂ©pondu aux preuves de l'amitiĂ© la plus sincĂšre, que par l'oubli de tous les procĂ©dĂ©s. Je prĂ©fĂšre de vous prier de ne plus venir chez moi, Ă donner des ordres Ă ma porte, qui nous compromettraient tous Ă©galement, par les remarques que les Valets ne manqueraient pas de faire. J'ai droit d'espĂ©rer que vous ne me forcerez pas de recourir Ă ce moyen. Je vous prĂ©viens aussi que si vous faites Ă l'avenir la moindre tentative pour entretenir ma fille dans l'Ă©garement oĂÂč vous l'avez plongĂ©e, une retraite austĂšre et Ă©ternelle la soustraira Ă vos poursuites. C'est Ă vous de voir, Monsieur, si vous craindrez aussi peu de causer son infortune, que vous avez peu craint de tenter son dĂ©shonneur. Quant Ă moi, mon choix est fait, et je l'en ai instruite. Vous trouverez ci-joint le paquet de vos Lettres. Je compte que vous me renverrez en Ă©change toutes celles de ma fille; et que vous vous prĂÂȘterez Ă ne laisser aucune trace d'un Ă©vĂ©nement dont nous ne pourrions garder le souvenir, moi sans indignation, elle sans honte, et vous sans remords. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Vraiment, oui, je vous expliquerai le billet de Danceny. L'Ă©vĂ©nement qui le lui a fait Ă©crire est mon ouvrage, et c'est, je crois, mon chef-d'Ă âuvre. Je n'ai pas perdu mon temps depuis votre derniĂšre lettre, et j'ai dit comme l'Architecte AthĂ©nien " Ce qu'il a dit, je le ferai. " Il lui faut donc des obstacles Ă ce beau HĂ©ros de Roman, et il s'endort dans la fĂ©licitĂ©! oh! qu'il s'en rapporte Ă moi, je lui donnerai de la besogne; et je me trompe, ou son sommeil ne sera plus tranquille. Il fallait bien lui apprendre le prix du temps, et je me flatte qu'Ă prĂ©sent il regrette celui qu'il a perdu. Il fallait, dites-vous aussi, qu'il eĂ»t besoin de plus de mystĂšre; eh bien! ce besoin-lĂ ne lui manquera plus. J'ai cela de bon, moi, c'est qu'il ne faut que me faire apercevoir de mes fautes; je ne prends point de repos que je n'aie tout rĂ©parĂ©. Apprenez donc ce que j'ai fait. En rentrant chez moi avant-hier matin, je lus votre Lettre; je la trouvai lumineuse. PersuadĂ©e que vous aviez trĂšs bien indiquĂ© la cause du mal, je ne m'occupai plus qu'Ă trouver le moyen de le guĂ©rir. Je commençai pourtant par me coucher; car l'infatigable Chevalier ne m'avait pas laissĂ©e dormir un moment, et je croyais avoir sommeil mais point du tout; tout entiĂšre Ă Danceny, le dĂ©sir de le tirer de son indolence, ou de l'en punir, ne me permit pas de fermer l'oeil, et ce ne fut qu'aprĂšs avoir bien concertĂ© mon plan, que je pus trouver deux heures de repos. J'allai le soir mĂÂȘme chez Madame de Volanges, et, suivant mon projet, je lui fis confidence que je me croyais sĂ»re qu'il existait entre sa fille et Danceny une liaison dangereuse. Cette femme, si clairvoyante contre vous, Ă©tait aveuglĂ©e au point qu'elle me rĂ©pondit d'abord qu'Ă coup sĂ»r je me trompais; que sa fille Ă©tait un enfant, etc. Je ne pouvais pas lui dire tout ce que j'en savais; mais je citai des regards, des propos, dont ma vertu et mon amitiĂ© s'alarmaient . Je parlai enfin presque aussi bien qu'aurait pu faire une DĂ©vote, et, pour frapper le coup dĂ©cisif, j'allai jusqu'Ă dire que je croyais avoir vu donner et recevoir une Lettre. Cela me rappelle, ajoutai-je, qu'un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrĂ©taire, dans lequel je vis beaucoup de papiers, que sans doute elle conserve. Lui connaissez-vous quelque correspondance frĂ©quente? Ici la figure de Madame de Volanges changea, et je vis quelques larmes rouler dans ses yeux. Je vous remercie, ma digne amie, me dit-elle, en me serrant la main, je m'en Ă©claircirai. AprĂšs cette conversation, trop courte pour ĂÂȘtre suspecte, je me rapprochai de la jeune personne. Je la quittai bientĂÂŽt aprĂšs, pour demander Ă la mĂšre de ne pas me compromettre vis-Ă -vis de sa fille, ce qu'elle me promit d'autant plus volontiers, que je lui fis observer combien il serait heureux que cet enfant prĂt assez de confiance en moi pour m'ouvrir son cĂ âur et me mettre Ă portĂ©e de lui donner mes sages conseils. Ce qui m'assure qu'elle tiendra sa promesse, c'est que je ne doute pas qu'elle ne veuille se faire honneur de sa pĂ©nĂ©tration auprĂšs de sa fille. Je me trouvais, par lĂ , autorisĂ©e Ă garder mon ton d'amitiĂ© avec la petite, sans paraĂtre fausse aux yeux de Madame de Volanges; ce que je voulais Ă©viter. J'y gagnais encore d'ĂÂȘtre, par la suite, aussi longtemps et aussi secrĂštement que je voudrais, avec la jeune personne, sans que la mĂšre en prĂt jamais d'ombrage. J'en profitai dĂšs le soir mĂÂȘme; et aprĂšs ma partie finie, je chambrai la petite dans un coin, et la mis sur le chapitre de Danceny, sur lequel elle ne tarit jamais. Je m'amusais Ă lui monter la tĂÂȘte sur le plaisir qu'elle aurait Ă le voir le lendemain; il n'est sorte de folies que je ne lui aie fait dire. Il fallait bien lui rendre en espĂ©rance ce que je lui ĂÂŽtais en rĂ©alitĂ©; et puis, tout cela devait lui rendre le coup plus sensible, et je suis persuadĂ©e que plus elle aura souffert, plus elle sera pressĂ©e de s'en dĂ©dommager Ă la premiĂšre occasion. Il est bon, d'ailleurs, d'accoutumer aux grands Ă©vĂ©nements quelqu'un qu'on destine aux grandes aventures. AprĂšs tout, ne peut-elle pas payer de quelques larmes le plaisir d'avoir son Danceny? elle en raffole! eh bien, je lui promets qu'elle l'aura, et plus tĂÂŽt mĂÂȘme qu'elle ne l'aurait eu sans cet orage. C'est un mauvais rĂÂȘve dont le rĂ©veil sera dĂ©licieux; et, Ă tout prendre, il me semble qu'elle me doit de la reconnaissance au fait, quand j'y aurais mis un peu de malice, il faut bien s'amuser Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs. [Gresset. Le MĂ©chant, ComĂ©die] Je me retirai enfin, fort contente de moi. Ou Danceny, me disais-je, animĂ© par les obstacles, va redoubler d'amour, et alors je le servirai de tout mon pouvoir; ou si ce n'est qu'un sot comme je suis tentĂ©e quelquefois de le croire, il sera dĂ©sespĂ©rĂ©, et se tiendra pour battu or, dans ce cas, au moins me serai-je vengĂ©e de lui, autant qu'il Ă©tait en moi; chemin faisant j'aurai augmentĂ© pour moi l'estime de la mĂšre, l'amitiĂ© de la fille, et la confiance de toutes deux. Quant Ă Gercourt, premier objet de mes soins, je serais bien malheureuse ou bien maladroite, si, maĂtresse de l'esprit de sa femme, comme je le suis et vas l'ĂÂȘtre plus encore, je ne trouvais pas mille moyens d'en faire ce que je veux qu'il soit. Je me couchai dans ces douces idĂ©es aussi je dormis, et me rĂ©veillai fort tard. A mon rĂ©veil, je trouvai deux billets, un de la mĂšre, et un de la fille; et je ne pus m'empĂÂȘcher de rire, en trouvant dans tous deux littĂ©ralement cette mĂÂȘme phrase C'est de vous seule que j'attends quelque consolation . N'est-il pas plaisant, en effet, de consoler pour et contre, et d'ĂÂȘtre le seul agent de deux intĂ©rĂÂȘts directement contraires? Me voilĂ comme la DivinitĂ©; recevant les vĂ âux opposĂ©s des aveugles mortels, et ne changeant rien Ă mes dĂ©crets immuables. J'ai quittĂ© pourtant ce rĂÂŽle auguste, pour prendre celui d'Ange consolateur; et j'ai Ă©tĂ©, suivant le prĂ©cepte, visiter mes amis dans leur affliction. J'ai commencĂ© par la mĂšre; je l'ai trouvĂ©e d'une tristesse, qui dĂ©jĂ vous venge en partie des contrariĂ©tĂ©s qu'elle vous a fait Ă©prouver de la part de votre belle Prude. Tout a rĂ©ussi Ă merveille ma seule inquiĂ©tude Ă©tait que Madame de Volanges ne profitĂÂąt de ce moment pour gagner la confiance de sa fille; ce qui eĂ»t Ă©tĂ© bien facile, en n'employant, avec elle, que le langage de la douceur et de l'amitiĂ©; et en donnant aux conseils de la raison, l'air et le ton de la tendresse indulgente. Par bonheur, elle s'est armĂ©e de sĂ©vĂ©ritĂ©; elle s'est enfin si mal conduite, que je n'ai eu qu'Ă applaudir. Il est vrai qu'elle a pensĂ© rompre tous nos projets, par le parti qu'elle avait pris de faire rentrer sa fille au Couvent mais j'ai parĂ© ce coup; et je l'ai engagĂ©e Ă en faire seulement la menace, dans le cas oĂÂč Danceny continuerait ses poursuites afin de les forcer tous deux Ă une circonspection que je crois nĂ©cessaire pour le succĂšs. Ensuite j'ai Ă©tĂ© chez la fille. Vous ne sauriez croire combien la douleur l'embellit! Pour peu qu'elle prenne de coquetterie, je vous garantis qu'elle pleurera souvent pour cette fois, elle pleurait sans malice... FrappĂ©e de ce nouvel agrĂ©ment que je ne lui connaissais pas, et que j'Ă©tais bien aise d'observer, je ne lui donnai d'abord que de ces consolations gauches, qui augmentent plus les peines qu'elles ne les soulagent; et, par ce moyen, je l'amenai au point d'ĂÂȘtre vĂ©ritablement suffoquĂ©e. Elle ne pleurait plus, et je craignis un moment les convulsions. Je lui conseillai de se coucher, ce qu'elle accepta; je lui servis de Femme de chambre elle n'avait point fait de toilette, et bientĂÂŽt ses cheveux Ă©pars tombĂšrent sur ses Ă©paules et sur sa gorge entiĂšrement dĂ©couvertes; je l'embrassai; elle se laissa aller dans mes bras, et ses larmes recommencĂšrent Ă couler sans effort. Dieu! qu'elle Ă©tait belle! Ah! si Madeleine Ă©tait ainsi, elle dut ĂÂȘtre bien plus dangereuse pĂ©nitente que pĂ©cheresse. Quand la belle dĂ©solĂ©e fut au lit, je me mis Ă la consoler de bonne foi. Je la rassurai d'abord sur la crainte du Couvent. Je fis naĂtre en elle l'espoir de voir Danceny en secret; et m'asseyant sur le lit " S'il Ă©tait lĂ " , lui dis-je; puis brodant sur ce thĂšme, je la conduisis, de distraction en distraction, Ă ne plus se souvenir du tout qu'elle Ă©tait affligĂ©e. Nous nous serions sĂ©parĂ©es parfaitement contentes l'une et l'autre, si elle n'avait voulu me charger d'une Lettre pour Danceny; ce que j'ai constamment refusĂ©. En voici les raisons, que vous approuverez sans doute. D'abord, celle que c'Ă©tait me compromettre vis-Ă -vis de Danceny; et si c'Ă©tait la seule dont je pus me servir avec la petite, il y en avait beaucoup d'autres de vous Ă moi. Ne serait-ce pas risquer le fruit de mes travaux que de donner sitĂÂŽt Ă nos jeunes gens un moyen si facile d'adoucir leurs peines? Et puis, je ne serais pas fĂÂąchĂ©e de les obliger Ă mĂÂȘler quelques domestiques dans cette aventure; car enfin si elle se conduit Ă bien, comme je l'espĂšre, il faudra qu'elle se sache immĂ©diatement aprĂšs le mariage; et il y a peu de moyens plus sĂ»rs pour la rĂ©pandre; ou, si par miracle ils ne parlaient pas, nous parlerions, nous, et il sera plus commode de mettre l'indiscrĂ©tion sur leur compte. Il faudra donc que vous donniez aujourd'hui cette idĂ©e Ă Danceny; et comme je ne suis pas sĂ»re de la Femme de chambre de la petite Volanges, dont elle- mĂÂȘme paraĂt se dĂ©fier, indiquez-lui la mienne, ma fidĂšle Victoire. J'aurai soin que la dĂ©marche rĂ©ussisse. Cette idĂ©e me plaĂt d'autant plus, que la confidence ne sera utile qu'Ă nous, et point Ă eux car je ne suis pas Ă la fin de mon rĂ©cit. Pendant que je me dĂ©fendais de me charger de la Lettre de la petite, je craignais Ă tout moment qu'elle ne me proposĂÂąt de la mettre Ă la Petite-Poste; ce que je n'aurais guĂšre pu refuser. Heureusement, soit trouble, soit ignorance de sa part, ou encore qu'elle tĂnt moins Ă la Lettre qu'Ă la RĂ©ponse, qu'elle n'aurait pas pu avoir par ce moyen, elle ne m'en a point parlĂ© mais pour Ă©viter que cette idĂ©e ne lui vĂnt, ou au moins qu'elle ne pĂ»t s'en servir, j'ai pris mon parti sur-le-champ; et en rentrant chez la mĂšre, je l'ai dĂ©cidĂ©e Ă Ă©loigner sa fille pour quelque temps, Ă la mener Ă la Campagne... Et oĂÂč? Le cĂ âur ne vous bat pas de joie?... Chez votre tante, chez la vieille Rosemonde. Elle doit l'en prĂ©venir aujourd'hui ainsi vous voilĂ autorisĂ© Ă aller retrouver votre DĂ©vote qui n'aura plus Ă vous objecter le scandale du tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte, et grĂÂące Ă mes soins, Madame de Volanges rĂ©parera elle-mĂÂȘme le tort qu'elle vous a fait. Mais Ă©coutez-moi, et ne vous occupez pas si vivement de vos affaires, que vous perdiez celle-ci de vue; songez qu'elle m'intĂ©resse. Je veux que vous vous rendiez le correspondant et le conseil des deux jeunes gens. Apprenez donc ce voyage Ă Danceny, et offrez-lui vos services. Ne trouvez de difficultĂ© qu'Ă faire parvenir entre les mains de la Belle votre Lettre de crĂ©ance; et levez cet obstacle sur-le-champ, en lui indiquant la voie de ma Femme de chambre. Il n'y a point de doute qu'il n'accepte; et vous aurez pour prix de vos peines la confidence d'un cĂ âur neuf, qui est toujours intĂ©ressante. La pauvre petite! comme elle rougira en vous remettant sa premiĂšre Lettre! Au vrai, ce rĂÂŽle de confident, contre lequel il s'est Ă©tabli des prĂ©jugĂ©s, me paraĂt un trĂšs joli dĂ©lassement, quand on est occupĂ© d'ailleurs; et c'est le cas oĂÂč vous serez. C'est de vos soins que va dĂ©pendre le dĂ©nouement de cette intrigue. Jugez du moment oĂÂč il faudra rĂ©unir les Acteurs. La Campagne offre mille moyens; et Danceny Ă coup sĂ»r, sera prĂÂȘt Ă s'y rendre Ă votre premier signal. Une nuit, un dĂ©guisement, une fenĂÂȘtre... que sais-je, moi? Mais enfin, si la petite fille en revient telle qu'elle y aura Ă©tĂ©, je m'en prendrai Ă vous. Si vous jugez qu'elle ait besoin de quelque encouragement de ma part, mandez-le-moi. Je crois lui avoir donnĂ© une assez bonne leçon sur le danger de garder des Lettres, pour oser lui Ă©crire Ă prĂ©sent; et je suis toujours dans le dessein d'en faire mon Ă©lĂšve. Je crois avoir oubliĂ© de vous dire que ses soupçons au sujet de sa correspondance trahie s'Ă©taient portĂ©s d'abord sur sa Femme de chambre, et que je les ai dĂ©tournĂ©s sur le Confesseur. C'est faire d'une pierre deux coups. Adieu, Vicomte; voilĂ bien longtemps que je suis Ă vous Ă©crire, et mon dĂner en a Ă©tĂ© retardĂ© mais l'amour-propre et l'amitiĂ© dictaient ma Lettre, et tous deux sont bavards. Au reste, elle sera chez vous Ă trois heures, et c'est tout ce qu'il vous faut. Plaignez-vous de moi Ă prĂ©sent, si vous l'osez; et allez revoir, si vous en ĂÂȘtes tentĂ©, le bois du Comte de B***. Vous dites qu'il le garde pour le plaisir de ses amis! Cet homme est donc l'ami de tout le monde? Mais adieu, j'ai faim. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXIV LE CHEVALIER DANCENY A MADAME DE VOLANGES MINUTE JOINTE A LA LETTRE LXVI DU VICOMTE A LA MARQUISE. Sans chercher, Madame, Ă justifier ma conduite, et sans me plaindre de la vĂÂŽtre, je ne puis que m'affliger d'un Ă©vĂ©nement qui fait le malheur de trois personnes, toutes trois dignes d'un sort plus heureux. Plus sensible encore au chagrin d'en ĂÂȘtre la cause qu'Ă celui d'en ĂÂȘtre victime, j'ai souvent essayĂ©, depuis hier, d'avoir l'honneur de vous rĂ©pondre sans pouvoir en trouver la force. J'ai cependant tant de choses Ă vous dire qu'il faut bien faire un effort sur soi-mĂÂȘme; et si cette Lettre a peu d'ordre et de suite, vous devez sentir assez combien ma situation est douloureuse, pour m'accorder quelque indulgence. Permettez-moi d'abord de rĂ©clamer contre la premiĂšre phrase de votre Lettre. Je n'ai abusĂ©, j'ose le dire, ni de votre confiance ni de l'innocence de Mademoiselle de Volanges; j'ai respectĂ© l'une et l'autre dans mes actions. Elles seules dĂ©pendaient de moi; et quand vous me rendriez responsable d'un sentiment involontaire, je ne crains pas d'ajouter que celui que m'a inspirĂ© Mademoiselle votre fille est tel qu'il peut vous dĂ©plaire, mais non vous offenser. Sur cet objet qui me touche plus que je ne puis vous dire, je ne veux que vous pour juge, et mes Lettres pour tĂ©moins. Vous me dĂ©fendez de me prĂ©senter chez vous Ă l'avenir, et sans doute je me soumettrai Ă tout ce qu'il vous plaira d'ordonner Ă ce sujet mais cette absence subite et totale ne donnera-t-elle donc pas autant de prise aux remarques que vous voulez Ă©viter, que l'ordre que, par cette raison mĂÂȘme, vous n'avez point voulu donner Ă votre porte? J'insisterai d'autant plus sur ce point, qu'il est bien plus important pour Mademoiselle de Volanges que pour moi. Je vous supplie donc de peser attentivement toutes choses, et de ne pas permettre que votre sĂ©vĂ©ritĂ© altĂšre votre prudence. PersuadĂ© que l'intĂ©rĂÂȘt seul de Mademoiselle votre fille dictera vos rĂ©solutions, j'attendrai de nouveaux ordres de votre part. Cependant, dans le cas oĂÂč vous me permettriez de vous faire ma cour quelquefois, je m'engage, Madame et vous pouvez compter sur ma promesse, Ă ne point abuser de ces occasions pour tenter de parler en particulier Ă Mademoiselle de Volanges, ou de lui faire tenir aucune Lettre. La crainte de ce qui pourrait compromettre sa rĂ©putation m'engage Ă ce sacrifice; et le bonheur de la voir quelquefois m'en dĂ©dommagera. Cet article de ma Lettre est aussi la seule rĂ©ponse que je puisse faire Ă ce que vous me dites sur le sort que vous destinez Ă Mademoiselle de Volanges, et que vous voulez rendre dĂ©pendant de ma conduite. Ce serait vous tromper que de vous promettre davantage. Un vil sĂ©ducteur peut plier ses projets aux circonstances, et calculer avec les Ă©vĂ©nements mais l'Amour qui m'anime ne me permet que deux sentiments le courage et la constance. Qui, moi! consentir Ă ĂÂȘtre oubliĂ© de Mademoiselle de Volanges, Ă l'oublier moi-mĂÂȘme? non, non jamais! Je lui serai fidĂšle; elle en a reçu le serment, et je le renouvelle en ce jour. Pardon, Madame, je m'Ă©gare, il faut revenir. Il me reste un autre objet Ă traiter avec vous, celui des Lettres que vous me demandez. Je suis vraiment peinĂ© d'ajouter un refus aux torts que vous me trouvez dĂ©jĂ mais, je vous en supplie, Ă©coutez mes raisons, et daignez vous souvenir, pour les apprĂ©cier, que la seule consolation au malheur d'avoir perdu votre amitiĂ© est l'espoir de conserver votre estime. Les Lettres de Mademoiselle de Volanges, toujours si prĂ©cieuses pour moi, me le deviennent bien plus dans ce moment. Elles sont l'unique bien qui me reste; elles seules me retracent encore un sentiment qui fait tout le charme de ma vie. Cependant, vous pouvez m'en croire, je ne balancerais pas un instant Ă vous en faire le sacrifice, et le regret d'en ĂÂȘtre privĂ© cĂ©derait au dĂ©sir de vous prouver ma dĂ©fĂ©rence respectueuse; mais des considĂ©rations puissantes me retiennent, et je m'assure que vous-mĂÂȘme ne pourrez les blĂÂąmer. Vous avez, il est vrai, le secret de Mademoiselle de Volanges; mais permettez- moi de le dire, je suis autorisĂ© Ă croire que c'est l'effet de la surprise, et non de la confiance. Je ne prĂ©tends pas blĂÂąmer une dĂ©marche qu'autorise, peut-ĂÂȘtre, la sollicitude maternelle. Je respecte vos droits, mais ils ne vont pas jusqu'Ă me dispenser de mes devoirs. Le plus sacrĂ© de tous est de ne jamais trahir la confiance qu'on nous accorde. Ce serait y manquer, que d'exposer aux yeux d'un autre les secrets d'un cĂ âur qui n'a voulu les dĂ©voiler qu'aux miens. Si Mademoiselle votre fille consent Ă vous les confier, qu'elle parle; ses Lettres vous sont inutiles. Si elle veut, au contraire, renfermer son secret en elle- mĂÂȘme, vous n'attendez pas, sans doute, que ce soit moi qui vous en instruise. Quant au mystĂšre dans lequel vous dĂ©sirez que cet Ă©vĂ©nement reste enseveli, soyez tranquille, Madame; sur tout ce qui intĂ©resse Mademoiselle de Volanges, je peux dĂ©fier le cĂ âur mĂÂȘme d'une mĂšre. Pour achever de vous ĂÂŽter toute inquiĂ©tude, j'ai tout prĂ©vu. Ce dĂ©pĂÂŽt prĂ©cieux, qui portait jusqu'ici pour suscription papiers Ă brĂ»ler porte Ă prĂ©sent papiers appartenant Ă Madame de Volanges . Ce parti que je prends doit vous prouver ainsi que mes refus ne portent pas sur la crainte que vous trouviez dans ces lettres un seul sentiment dont vous ayez personnellement Ă vous plaindre. VoilĂ , Madame, une bien longue Lettre. Elle ne le serait pas encore assez, si elle vous laissait le moindre doute de l'honnĂÂȘtetĂ© de mes sentiments, du regret bien sincĂšre de vous avoir dĂ©plu, et du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 9 septembre17** LETTRE LXV LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES ENVOYEE OUVERTE A LA MARQUISE DE MERTEUIL DANS LA LETTRE LXVI DU VICOMTE. Ăâ ma CĂ©cile, qu'allons-nous devenir? quel Dieu nous sauvera des malheurs qui nous menacent? Que l'Amour nous donne au moins le courage de les supporter! Comment vous peindre mon Ă©tonnement, mon dĂ©sespoir Ă la vue de mes Lettres, Ă la lecture du billet de Madame de Volanges? qui a pu nous trahir? sur qui tombent vos soupçons? auriez-vous commis quelque imprudence? que faites-vous Ă prĂ©sent? que vous a-t-on dit? Je voudrais tout savoir, et j'ignore tout. Peut-ĂÂȘtre vous-mĂÂȘme n'ĂÂȘtes-vous pas plus instruite que moi. Je vous envoie le billet de votre maman, et la copie de ma RĂ©ponse. J'espĂšre que vous approuverez ce que je lui dis. J'ai bien besoin que vous approuviez aussi les dĂ©marches que j'ai faites depuis ce fatal Ă©vĂ©nement, elles ont toutes pour but d'avoir de vos nouvelles, de vous donner des miennes; et, que sait- on? peut-ĂÂȘtre de vous revoir encore, et plus librement que jamais. Concevez-vous, ma CĂ©cile, quel plaisir de nous retrouver ensemble, de pouvoir nous jurer de nouveau un amour Ă©ternel, et de voir dans nos yeux, de sentir dans nos ĂÂąmes que ce serment ne sera pas trompeur? Quelles peines un moment si doux ne ferait-il pas oublier? HĂ© bien! j'ai l'espoir de le voir naĂtre, et je le dois Ă ces mĂÂȘmes dĂ©marches que je vous supplie d'approuver. Que dis-je? je le dois aux soins consolateurs de l'ami le plus tendre; et mon unique demande est que vous permettiez que cet ami soit aussi le vĂÂŽtre. Peut-ĂÂȘtre ne devais-je pas donner votre confiance sans votre aveu? mais j'ai pour excuse le malheur et la nĂ©cessitĂ©. C'est l'amour qui m'a conduit; c'est lui qui rĂ©clame votre indulgence, qui vous demande de pardonner une confidence nĂ©cessaire, et sans laquelle nous restions peut-ĂÂȘtre Ă jamais sĂ©parĂ©s [M. Danceny n'accuse pas vrai. Il avait dĂ©jĂ fait sa confidence Ă M. de Valmont avant cet Ă©vĂ©nement. Voyez la Lettre LVII]. Vous connaissez l'ami dont je vous parle; il est celui de la femme que vous aimez le mieux. C'est le Vicomte de Valmont. Mon projet, en m'adressant Ă lui, Ă©tait d'abord de le prier d'engager Madame de Merteuil Ă se charger d'une Lettre pour vous. Il n'a pas cru que ce moyen pĂ»t rĂ©ussir; mais au dĂ©faut de la MaĂtresse, il rĂ©pond de la Femme de chambre, qui lui a des obligations. Ce sera elle qui vous remettra cette Lettre, et vous pourrez lui donner votre RĂ©ponse. Ce secours ne nous sera guĂšre utile, si, comme le croit M. de Valmont, vous partez incessamment pour la campagne. Mais alors c'est lui-mĂÂȘme qui veut nous servir. La femme chez qui vous allez est sa parente. Il profitera de ce prĂ©texte pour s'y rendre dans le mĂÂȘme temps que vous; et ce sera par lui que passera notre correspondance mutuelle. Il assure mĂÂȘme que, si vous voulez vous laisser conduire, il nous procurera les moyens de nous y voir sans risquer de vous compromettre en rien. A prĂ©sent, ma CĂ©cile, si vous m'aimez, si vous plaignez mon malheur, si, comme je l'espĂšre, vous partagez mes regrets, refuserez-vous votre confiance Ă un homme qui sera notre ange tutĂ©laire? Sans lui, je serais rĂ©duit au dĂ©sespoir de ne pouvoir mĂÂȘme adoucir les chagrins que je vous cause. Ils finiront, je l'espĂšre mais, ma tendre amie, promettez-moi de ne pas trop vous y livrer, de ne point vous en laisser abattre. L'idĂ©e de votre douleur m'est un tourment insupportable. Je donnerais ma vie pour vous rendre heureuse! Vous le savez bien. Puisse la certitude d'ĂÂȘtre adorĂ©e porter quelque consolation dans votre ĂÂąme! La mienne a besoin que vous m'assuriez que vous pardonnez Ă l'amour les maux qu'il vous fait souffrir. Adieu, ma CĂ©cile, adieu, ma tendre amie. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous verrez, ma belle amie, en lisant les deux Lettres ci-jointes, si j'ai bien rempli votre projet. Quoique toutes deux soient datĂ©es d'aujourd'hui, elles ont Ă©tĂ© Ă©crites hier, chez moi, et sous mes yeux celle Ă la petite fille dit tout ce que nous voulions. On ne peut que s'humilier devant la profondeur de vos vues, si on en juge par le succĂšs de vos dĂ©marches. Danceny est tout de feu; et sĂ»rement Ă la premiĂšre occasion, vous n'aurez plus de reproches Ă lui faire. Si sa belle ingĂ©nue veut ĂÂȘtre docile, tout sera terminĂ© peu de temps aprĂšs son arrivĂ©e Ă la campagne; j'ai cent moyens tout prĂÂȘts. GrĂÂące Ă vos soins me voilĂ bien dĂ©cidĂ©ment l'ami de Danceny ; il ne lui manque plus que d'ĂÂȘtre Prince [Expression relative Ă un passage d'un PoĂšme de M. de Voltaire]. Il est encore bien jeune, ce Danceny! croiriez-vous que je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il promĂt Ă la mĂšre de renoncer Ă son amour; comme s'il Ă©tait bien gĂÂȘnant de promettre, quand on est dĂ©cidĂ© Ă ne pas tenir! Ce serait tromper, me rĂ©pĂ©tait-il sans cesse ce scrupule n'est-il pas Ă©difiant, surtout en voulant sĂ©duire la fille? VoilĂ bien les hommes! tous Ă©galement scĂ©lĂ©rats dans leurs projets, ce qu'ils mettent de faiblesse dans l'exĂ©cution, ils l'appellent probitĂ©. C'est votre affaire d'empĂÂȘcher que Madame de Volanges ne s'effarouche des petites Ă©chappĂ©es que notre jeune homme s'est permises dans sa Lettre; prĂ©servez-nous du Couvent; tĂÂąchez aussi de faire abandonner la demande des Lettres de la petite. D'abord il ne les rendra point, il ne le veut pas, et je suis de son avis; ici l'amour et la raison sont d'accord. Je les ai lues ces Lettres, j'en ai dĂ©vorĂ© l'ennui. Elles peuvent devenir utiles. Je m'explique. MalgrĂ© la prudence que nous y mettrons, il peut arriver un Ă©clat; il ferait manquer le mariage, n'est-il pas vrai, et Ă©chouer tous nos projets Gercourt? Mais comme, pour mon compte, j'ai aussi Ă me venger de la mĂšre, je me rĂ©serve en ce cas de dĂ©shonorer la fille. En choisissant bien dans cette correspondance, et n'en produisant qu'une partie, la petite Volanges paraĂtrait avoir fait toutes les premiĂšres dĂ©marches, et s'ĂÂȘtre absolument jetĂ©e Ă la tĂÂȘte. Quelques-unes des Lettres pourraient mĂÂȘme compromettre la mĂšre, et l'entacheraient au moins d'une nĂ©gligence impardonnable. Je sens bien que le scrupuleux Danceny se rĂ©volterait d'abord; mais comme il serait personnellement attaquĂ©, je crois qu'on en viendrait Ă bout. Il y a mille Ă parier contre un que la chance ne tournera pas ainsi; mais il faut tout prĂ©voir. Adieu, ma belle amie; vous seriez bien aimable de venir souper demain chez la MarĂ©chale de ***; je n'ai pas pu refuser. J'imagine que je n'ai pas besoin de vous recommander le secret, vis-Ă -vis de Madame de Volanges, sur mon projet de Campagne; elle aurait bientĂÂŽt celui de rester Ă la Ville au lieu qu'une fois arrivĂ©e, elle ne repartira pas le lendemain; et si elle nous donne seulement huit jours, je rĂ©ponds de tout. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je ne voulais plus vous rĂ©pondre, Monsieur, et peut-ĂÂȘtre l'embarras que j'Ă©prouve en ce moment est-il lui-mĂÂȘme une preuve qu'en effet je ne le devrais pas. Cependant je ne veux vous laisser aucun sujet de plainte contre moi; je veux vous convaincre que j'ai fait pour vous tout ce que je pouvais faire. Je vous ai permis de m'Ă©crire, dites-vous? j'en conviens; mais quand vous me rappelez cette permission, croyez-vous que j'oublie Ă quelles conditions elle vous fut donnĂ©e? Si j'y eusse Ă©tĂ© aussi fidĂšle que vous l'avez Ă©tĂ© peu, auriez- vous reçu une seule rĂ©ponse de moi? VoilĂ pourtant la troisiĂšme; et quand vous faites tout ce qu'il faut pour m'obliger Ă rompre cette correspondance, c'est moi qui m'occupe des moyens de l'entretenir. Il en est un, mais c'est le seul; et si vous refusez de le prendre, ce sera, quoi que vous puissiez dire, me prouver assez combien peu vous y mettez de prix. Quittez donc un langage que je ne puis ni ne veux entendre; renoncez Ă un sentiment qui m'offense et m'effraie, et auquel, peut-ĂÂȘtre, vous devriez ĂÂȘtre moins attachĂ© en songeant qu'il est l'obstacle qui nous sĂ©pare. Ce sentiment est-il donc le seul que vous puissiez connaĂtre, et l'amour aura-t-il ce tort de plus Ă mes yeux, d'exclure l'amitiĂ©? vous-mĂÂȘme, auriez-vous celui de ne pas vouloir pour votre amie celle en qui vous avez dĂ©sirĂ© des sentiments plus tendres? Je ne veux pas le croire cette idĂ©e humiliante me rĂ©volterait, m'Ă©loignerait de vous sans retour. En vous offrant mon amitiĂ©, Monsieur, je vous donne tout ce qui est Ă moi, tout ce dont je puis disposer. Que pouvez-vous dĂ©sirer davantage? Pour me livrer Ă ce sentiment si doux, si bien fait pour mon cĂ âur, je n'attends que votre aveu; et la parole que j'exige de vous, que cette amitiĂ© suffira Ă votre bonheur. J'oublierai tout ce qu'on a pu me dire; je me reposerai sur vous du soin de justifier mon choix. Vous voyez ma franchise, elle doit vous prouver ma confiance; il ne tiendra qu'Ă vous de l'augmenter encore mais je vous prĂ©viens que le premier mot d'amour la dĂ©truit Ă jamais, et me rend toutes mes craintes; que surtout il deviendra pour moi le signal d'un silence Ă©ternel vis-Ă -vis de vous. Si, comme vous le dites, vous ĂÂȘtes revenu de vos erreurs , n'aimerez-vous pas mieux ĂÂȘtre l'objet de l'amitiĂ© d'une femme honnĂÂȘte, que celui des remords d'une femme coupable? Adieu, Monsieur; vous sentez qu'aprĂšs avoir parlĂ© ainsi je ne puis plus rien dire que vous ne m'ayez rĂ©pondu. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Comment rĂ©pondre, Madame, Ă votre derniĂšre Lettre? Comment oser ĂÂȘtre vrai, quand ma sincĂ©ritĂ© peut me perdre auprĂšs de vous? N'importe, il le faut; j'en aurai le courage. Je me dis, je me rĂ©pĂšte, qu'il vaut mieux vous mĂ©riter que vous obtenir; et dussiez-vous me refuser toujours un bonheur que je dĂ©sirerai sans cesse, il faut vous prouver au moins que mon cĂ âur en est digne. Quel dommage que, comme vous le dites, je sois revenu de mes erreurs ! avec quels transports de joie j'aurais lu cette mĂÂȘme Lettre Ă laquelle je tremble de rĂ©pondre aujourd'hui! Vous m'y parlez avec franchise , vous me tĂ©moignez de la confiance , vous m'offrez enfin votre amitiĂ© que de biens, Madame, et quels regrets de ne pouvoir en profiter! Pourquoi ne suis-je plus le mĂÂȘme? Si je l'Ă©tais en effet; si je n'avais pour vous qu'un goĂ»t ordinaire, que ce goĂ»t lĂ©ger, enfant de la sĂ©duction et du plaisir, qu'aujourd'hui pourtant on nomme amour, je me hĂÂąterais de tirer avantage de tout ce que je pourrais obtenir. Peu dĂ©licat sur les moyens, pourvu qu'ils me procurassent le succĂšs, j'encouragerais votre franchise par le besoin de vous deviner; je dĂ©sirerais votre confiance, dans le dessein de la trahir; j'accepterais votre amitiĂ© dans l'espoir de l'Ă©garer. Quoi! Madame, ce tableau vous effraie? hĂ© bien! il serait pourtant tracĂ© d'aprĂšs moi, si je vous disais que je consens Ă n'ĂÂȘtre que votre ami. Qui, moi! je consentirais Ă partager avec quelqu'un un sentiment Ă©manĂ© de votre ĂÂąme? Si jamais je vous le dis, ne me croyez plus. De ce moment je chercherai Ă vous tromper; je pourrai vous dĂ©sirer encore, mais Ă coup sĂ»r je ne vous aimerai plus. Ce n'est pas que l'aimable franchise, la douce confiance, la sensible amitiĂ©, soient sans prix Ă mes yeux... Mais l'amour! l'amour vĂ©ritable, et tel que vous l'inspirez, en rĂ©unissant tous ces sentiments, en leur donnant plus d'Ă©nergie, ne saurait se prĂÂȘter, comme eux, Ă cette tranquillitĂ©, Ă cette froideur de l'ĂÂąme, qui permet des comparaisons, qui souffre mĂÂȘme des prĂ©fĂ©rences. Non, Madame, je ne serai point votre ami; je vous aimerai de l'amour le plus tendre, et mĂÂȘme le plus ardent, quoique le plus respectueux. Vous pourrez le dĂ©sespĂ©rer, mais non l'anĂ©antir. De quel droit prĂ©tendez-vous disposer d'un cĂ âur dont vous refusez l'hommage? Par quel raffinement de cruautĂ©, m'enviez-vous jusqu'au bonheur de vous aimer? Celui-lĂ est Ă moi, il est indĂ©pendant de vous; je saurai le dĂ©fendre. S'il est la source de mes maux, il en est aussi le remĂšde. Non, encore une fois, non. Persistez dans vos refus cruels; mais laissez-moi mon amour. Vous vous plaisez Ă me rendre malheureux! eh bien! soit; essayez de lasser mon courage, je saurai vous forcer au moins Ă dĂ©cider de mon sort; et peut-ĂÂȘtre, quelque jour, vous me rendrez plus de justice. Ce n'est pas que j'espĂšre vous rendre jamais sensible mais sans ĂÂȘtre persuadĂ©e, vous serez convaincue, vous vous direz Je l'avais mal jugĂ©. Disons mieux, c'est Ă vous que vous faites injustice. Vous connaĂtre sans vous aimer, vous aimer sans ĂÂȘtre constant, sont tous deux Ă©galement impossibles; et malgrĂ© la modestie qui vous pare, il doit vous ĂÂȘtre plus facile de vous plaindre, que de vous Ă©tonner de sentiments que vous faites naĂtre. Pour moi, dont le seul mĂ©rite est d'avoir su vous apprĂ©cier, je ne veux pas le perdre; et loin de consentir Ă vos offres insidieuses, je renouvelle Ă vos pieds le serment de vous aimer toujours. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY BILLET ECRIT AU CRAYON, ET RECOPIE PAR DANCENY. Vous me demandez ce que je fais; je vous aime, et je pleure. Ma mĂšre ne me parle plus; elle m'a ĂÂŽtĂ© papier, plumes et encre; je me sers d'un crayon, qui par bonheur m'est restĂ©, et je vous Ă©cris sur un morceau de votre Lettre. Il faut bien que j'approuve tout ce que vous avez fait; je vous aime trop pour ne pas prendre tous les moyens d'avoir de vos nouvelles et de vous donner des miennes. Je n'aimais pas M. de Valmont, et je ne le croyais pas tant votre ami; je tĂÂącherai de m'accoutumer Ă lui, et je l'aimerai Ă cause de vous. Je ne sais pas qui est-ce qui nous a trahis; ce ne peut ĂÂȘtre que ma Femme de chambre ou mon Confesseur. Je suis bien malheureuse nous partons demain pour la campagne; j'ignore pour combien de temps. Mon Dieu! ne plus vous voir! Je n'ai plus de place. Adieu; tĂÂąchez de me lire. Ces mots tracĂ©s au crayons effaceront peut-ĂÂȘtre, mais jamais les sentiments gravĂ©s dans mon cĂ âur. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai un avis important Ă vous donner, ma chĂšre amie. Je soupai hier, comme vous savez, chez la MarĂ©chale de ***, on y parla de vous, et j'en dis, non pas tout le bien que j'en pense, mais tout celui que je n'en pense pas. Tout le monde paraissait ĂÂȘtre de mon avis, et la conversation languissait, comme il arrive toujours, quand on ne dit que du bien de son prochain, lorsqu'il s'Ă©leva un contradicteur c'Ă©tait PrĂ©van. " A Dieu ne plaise, dit-il en se levant, que je doute de la sagesse de Madame de Merteuil! mais j'oserais croire qu'elle la doit plus Ă sa lĂ©gĂšretĂ© qu'Ă ses principes. Il est peut-ĂÂȘtre plus difficile de la suivre que de lui plaire; et comme on ne manque guĂšre, en courant aprĂšs une femme, d'en rencontrer d'autres sur son chemin, comme, Ă tout prendre, ces autres-lĂ peuvent valoir autant et plus qu'elle; les uns sont distraits par un goĂ»t nouveau, les autres s'arrĂÂȘtent de lassitude; et c'est peut-ĂÂȘtre la femme de Paris qui a eu le moins Ă se dĂ©fendre. Pour moi, ajouta-t-il encouragĂ© par le sourire de quelques femmes, je ne croirai Ă la vertu de Madame de Merteuil, qu'aprĂšs avoir crevĂ© six chevaux Ă lui faire ma cour. " Cette mauvaise plaisanterie rĂ©ussit, comme toutes celles qui tiennent Ă la mĂ©disance; et pendant le rire qu'elle excitait, PrĂ©van reprit sa place, et la conversation gĂ©nĂ©rale changea. Mais les deux Comtesses de P. , auprĂšs de qui Ă©tait notre incrĂ©dule, en firent avec lui leur conversation particuliĂšre, qu'heureusement je me trouvais Ă portĂ©e d'entendre. Le dĂ©fi de vous rendre sensible a Ă©tĂ© acceptĂ©; la parole de tout dire a Ă©tĂ© donnĂ©e; et de toutes celles qui se donneraient dans cette aventure, ce serait sĂ»rement la plus religieusement gardĂ©e. Mais vous voilĂ bien avertie, et vous savez le proverbe. Il me reste Ă vous dire que ce PrĂ©van, que vous ne connaissez pas, est infiniment aimable, et encore plus adroit. Que si quelquefois vous m'avez entendu dire le contraire, c'est seulement que je ne l'aime pas, que je me plais Ă contrarier ses succĂšs et que je n'ignore pas de quel poids est mon suffrage auprĂšs d'une trentaine de nos femmes les plus Ă la mode. En effet, je l'ai empĂÂȘchĂ© longtemps, par ce moyen, de paraĂtre sur ce que nous appelons le grand thĂ©ĂÂątre; et il faisait des prodiges, sans en avoir plus de rĂ©putation. Mais l'Ă©clat de sa triple aventure, en fixant les yeux sur lui, lui a donnĂ© cette confiance qui lui manquait jusque-lĂ , et l'a rendu vraiment redoutable. C'est enfin aujourd'hui le seul homme, peut-ĂÂȘtre, que je craindrais de rencontrer sur mon chemin; et votre intĂ©rĂÂȘt Ă part, vous me rendrez un vrai service de lui donner quelque ridicule chemin faisant. Je le laisse en bonnes mains; et j'ai l'espoir qu'Ă mon retour, ce sera un homme noyĂ©. Je vous promets, en revanche, de mener Ă bien l'aventure de votre pupille, et de m'occuper d'elle autant que de ma belle Prude. Celle-ci vient de m'envoyer un projet de capitulation. Toute sa Lettre annonce le dĂ©sir d'ĂÂȘtre trompĂ©e. Il est impossible d'en offrir un moyen plus commode et aussi plus usĂ©. Elle veut que je sois son ami . Mais moi, qui aime les mĂ©thodes nouvelles et difficiles, je ne prĂ©tends pas l'en tenir quitte Ă si bon marchĂ©; et assurĂ©ment je n'aurai pas pris tant de peine auprĂšs d'elle, pour terminer par une sĂ©duction ordinaire. Mon projet, au contraire, est qu'elle sente, qu'elle sente bien la valeur et l'Ă©tendue de chacun des sacrifices qu'elle me fera; de ne pas la conduire si vite que le remords ne puisse la suivre; de faire expirer sa vertu dans une lente agonie; de la fixer sans cesse sur ce dĂ©solant spectacle; et de ne lui accorder le bonheur de m'avoir dans ses bras, qu'aprĂšs l'avoir forcĂ©e Ă n'en plus dissimuler le dĂ©sir. Au fait, je vaux bien peu, si je ne vaux pas la peine d'ĂÂȘtre demandĂ©. Et puis-je me venger moins d'une femme hautaine, qui semble rougir d'avouer qu'elle adore? J'ai donc refusĂ© la prĂ©cieuse amitiĂ©, et m'en suis tenu Ă mon titre d'Amant. Comme je ne me dissimule point que ce titre, qui ne paraĂt d'abord qu'une dispute de mots, est pourtant d'une importance rĂ©elle Ă obtenir, j'ai mis beaucoup de soin Ă ma Lettre, et j'ai tĂÂąchĂ© d'y rĂ©pandre ce dĂ©sordre, qui peut seul peindre le sentiment. J'ai enfin dĂ©raisonnĂ© le plus qu'il m'a Ă©tĂ© possible car sans dĂ©raisonnement, point de tendresse; et c'est, je crois, par cette raison que les femmes nous sont si supĂ©rieures dans les Lettres d'Amour. J'ai fini la mienne par une cajolerie, et c'est encore une suite de mes profondes observations. AprĂšs que le cĂ âur d'une femme a Ă©tĂ© exercĂ© quelque temps, il a besoin de repos; et j'ai remarquĂ© qu'une cajolerie Ă©tait, pour toutes, l'oreiller le plus doux Ă leur offrir. Adieu, ma belle amie. Je pars demain. Si vous avez des ordres Ă me donner pour la Comtesse de ***, je m'arrĂÂȘterai chez elle, au moins pour dĂner. Je suis fĂÂąchĂ© de partir sans vous voir. Faites-moi passer vos sublimes instructions, et aidez-moi de vos sages conseils, dans ce moment dĂ©cisif. Surtout, dĂ©fendez-vous de PrĂ©van; et puissĂ©-je un jour vous dĂ©dommager de ce sacrifice! Adieu. De ..., ce 11 septembre 17** LETTRE LXXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon Ă©tourdi de Chasseur n'a-t-il pas laissĂ© mon portefeuille Ă Paris! Les lettres de ma Belle, celles de Danceny pour la petite Volanges, tout est restĂ©, et j'ai besoin de tout. Il va partir pour rĂ©parer sa sottise; et tandis qu'il selle son cheval, je vous raconterai mon histoire de cette nuit car je vous prie de croire que je ne perds pas mon temps. L'aventure, par elle-mĂÂȘme, est bien peu de chose; ce n'est qu'un rĂ©chauffĂ© avec la Vicomtesse de M... Mais elle m'a intĂ©ressĂ© par les dĂ©tails. Je suis bien aise d'ailleurs de vous faire voir que si j'ai le talent de perdre les femmes, je n'ai pas moins, quand je veux, celui de les sauver. Le parti le plus difficile, ou le plus gai, est toujours celui que je prends; et je ne me reproche pas une bonne action, pourvu qu'elle m'exerce ou m'amuse. J'ai donc trouvĂ© la Vicomtesse ici, et comme elle joignait ses instances aux persĂ©cutions qu'on me faisait pour passer la nuit au chĂÂąteau " Eh bien! j'y consens, lui dis-je, Ă condition que je la passerai avec vous. " - " Cela m'est impossible, me rĂ©pondit-elle, Vressac est ici. " Jusque-lĂ je n'avais cru que lui dire une honnĂÂȘtetĂ© mais ce mot d'impossible, me rĂ©volta comme de coutume. Je me sentis humiliĂ© d'ĂÂȘtre sacrifiĂ© Ă Vressac, et je rĂ©solus de ne le pas souffrir j'insistai donc. Les circonstances ne m'Ă©taient pas favorables. Ce Vressac a eu la gaucherie de donner de l'ombrage au Vicomte; en sorte que la Vicomtesse ne peut plus le recevoir chez elle et ce voyage chez la bonne Comtesse avait Ă©tĂ© concertĂ© entre eux, pour tĂÂącher d'y dĂ©rober quelques nuits. Le Vicomte avait mĂÂȘme d'abord montrĂ© de l'humeur d'y rencontrer Vressac; mais comme il est encore plus Chasseur que jaloux, il n'en est pas moins restĂ© et la Comtesse, toujours telle que vous la connaissez, aprĂšs avoir logĂ© la femme dans le grand corridor, a mis le mari d'un cĂÂŽtĂ© et l'Amant de l'autre, et les a laissĂ©s s'arranger entre eux. Le mauvais destin de tous deux a voulu que je fusse logĂ© vis-Ă -vis. Ce jour-lĂ mĂÂȘme, c'est-Ă -dire hier, Vressac, qui, comme vous pouvez croire, cajole le Vicomte, chassait avec lui, malgrĂ© son peu de goĂ»t pour la chasse, et comptait bien se consoler la nuit, entre les bras de la femme, de l'ennui que le mari lui causait tout le jour mais moi, je jugeai qu'il aurait besoin de repos, et je m'occupai des moyens de dĂ©cider sa MaĂtresse Ă lui laisser le temps d'en prendre. Je rĂ©ussis, et j'obtins qu'elle lui ferait une querelle de cette mĂÂȘme partie de chasse, Ă laquelle, bien Ă©videmment, il n'avait consenti que pour elle. On ne pouvait prendre un plus mauvais prĂ©texte mais nulle femme n'a mieux que la Vicomtesse ce talent, commun Ă toutes, de mettre l'humeur Ă la place de la raison, et de n'ĂÂȘtre jamais si difficile Ă apaiser que quand elle a tort. Le moment d'ailleurs n'Ă©tait pas commode pour les explications; et ne voulant qu'une nuit, je consentais qu'ils se raccommodassent le lendemain. Vressac fut donc boudĂ© Ă son retour. Il voulut en demander la cause, on le querella. Il essaya de se justifier; le mari qui Ă©tait prĂ©sent, servit de prĂ©texte pour rompre la conversation; il tenta enfin de profiter d'un moment oĂÂč le mari Ă©tait absent, pour demander qu'on voulĂ»t bien l'entendre le soir ce fut alors que la Vicomtesse devint sublime. Elle s'indigna contre l'audace des hommes qui, parce qu'ils ont Ă©prouvĂ© les bontĂ©s d'une femme, croient avoir le droit d'en abuser encore, mĂÂȘme alors qu'elle a Ă se plaindre d'eux; et ayant changĂ© de thĂšse par cette adresse, elle parla si bien dĂ©licatesse et sentiment, que Vressac resta muet et confus; et que moi-mĂÂȘme je fus tentĂ© de croire qu'elle avait raison car vous saurez que comme ami de tous deux, j'Ă©tais en tiers dans cette conversation. Enfin, elle dĂ©clara positivement qu'elle n'ajouterait pas les fatigues de l'amour Ă celles de la chasse, et qu'elle se reprocherait de troubler d'aussi doux plaisirs. Le mari rentra. Le dĂ©solĂ© Vressac, qui n'avait plus la libertĂ© de rĂ©pondre, s'adressa Ă moi; et aprĂšs m'avoir fort longuement contĂ© ses raisons, que je savais aussi bien que lui, il me pria de parler Ă la Vicomtesse, et je le lui promis. Je lui parlai en effet; mais ce fut pour la remercier, et convenir avec elle de l'heure et des moyens de notre rendez-vous. Elle me dit que logĂ©e entre son mari et son Amant elle avait trouvĂ© plus prudent d'aller chez Vressac, que de le recevoir dans son appartement; et que, puisque je logeais vis-Ă -vis d'elle, elle croyait plus sĂ»r aussi de venir chez moi; qu'elle s'y rendrait aussitĂÂŽt que sa Femme de chambre l'aurait laissĂ©e seule; que je n'avais qu'Ă tenir ma porte entrouverte, et l'attendre. Tout s'exĂ©cuta comme nous en Ă©tions convenus; et elle arriva chez moi vers une heure du matin ... dans le simple appareil D'une beautĂ© qu'on vient d'arracher au sommeil [Racine. TragĂ©die de Britannicus]. Comme je n'ai point de vanitĂ©, je ne m'arrĂÂȘte pas aux dĂ©tails de la nuit mais vous me connaissez, et j'ai Ă©tĂ© content de moi. Au point du jour, il a fallu se sĂ©parer. C'est ici que l'intĂ©rĂÂȘt commence. L'Ă©tourdie avait cru laisser sa porte entrouverte, nous la trouvĂÂąmes fermĂ©e, et la clef Ă©tait restĂ©e en dedans vous n'avez pas d'idĂ©e de l'expression de dĂ©sespoir avec laquelle la Vicomtesse me dit aussitĂÂŽt " Ah! je suis perdue. " Il faut convenir qu'il eĂ»t Ă©tĂ© plaisant de la laisser dans cette situation mais pouvais-je souffrir qu'une femme fĂ»t perdue pour moi, sans l'ĂÂȘtre par moi? Et devais-je, comme le commun des hommes, me laisser maĂtriser par les circonstances? Il fallait donc trouver un moyen. Qu'eussiez-vous fait, ma belle amie? Voici ma conduite, et elle a rĂ©ussi. J'eus bientĂÂŽt reconnu que la porte en question pouvait s'enfoncer, en se permettant de faire beaucoup de bruit. J'obtins donc de la Vicomtesse, non sans peine, qu'elle jetterait des cris perçants et d'effroi, comme au voleur, Ă l'assassin, etc. Et nous convĂnmes qu'au premier cri, j'enfoncerais la porte, et qu'elle courrait Ă son lit. Vous ne sauriez croire combien il fallut de temps pour la dĂ©cider, mĂÂȘme aprĂšs qu'elle eut consenti. Il fallut pourtant finir par lĂ , et au premier coup de pied la porte cĂ©da. La Vicomtesse fit bien de ne pas perdre de temps; car au mĂÂȘme instant, le Vicomte et Vressac furent dans le corridor; et la Femme de chambre accourut aussi Ă la chambre de sa MaĂtresse. J'Ă©tais seul de sang-froid, et j'en profitai pour aller Ă©teindre une veilleuse qui brĂ»lait encore et la renverser par terre; car jugez combien il eĂ»t Ă©tĂ© ridicule de feindre cette terreur panique, en ayant de la lumiĂšre dans sa chambre. Je querellai ensuite le mari et l'Amant sur leur sommeil lĂ©thargique, en les assurant que les cris auxquels j'Ă©tais accouru, et mes efforts pour enfoncer la porte, avaient durĂ© au moins cinq minutes. La Vicomtesse qui avait retrouvĂ© son courage dans son lit, me seconda assez bien, et jura ses grands Dieux qu'il y avait un voleur dans son appartement; elle protesta avec plus de sincĂ©ritĂ© que de la vie elle n'avait eu tant de peur. Nous cherchions partout et nous ne trouvions rien, lorsque je fis apercevoir la veilleuse renversĂ©e, et conclus que, sans doute, un rat avait causĂ© le dommage et la frayeur; mon avis passa tout d'une voix, et aprĂšs quelques plaisanteries rebattues sur les rats, le Vicomte s'en alla le premier regagner sa chambre et son lit, en priant sa femme d'avoir Ă l'avenir des rats plus tranquilles. Vressac, restĂ© seul avec nous, s'approcha de la Vicomtesse pour lui dire tendrement que c'Ă©tait une vengeance de l'Amour; Ă quoi elle rĂ©pondit en me regardant " Il Ă©tait donc bien en colĂšre, car il s'est beaucoup vengĂ©, mais, ajouta-t-elle, je suis rendue de fatigue et je veux dormir. " J'Ă©tais dans un moment de bontĂ©; en consĂ©quence, avant de nous sĂ©parer, je plaidai la cause de Vressac, et j'amenai le raccommodement. Les deux Amants s'embrassĂšrent, et je fus, Ă mon tour, embrassĂ© par tous deux. Je ne me souciais plus des baisers de la Vicomtesse mais j'avoue que celui de Vressac me fit plaisir. Nous sortĂmes ensemble; et aprĂšs avoir reçu ses longs remerciements, nous allĂÂąmes chacun nous remettre au lit. Si vous trouvez cette histoire plaisante, je ne vous en demande pas le secret. A prĂ©sent que je m'en suis amusĂ©, il est juste que le Public ait son tour. Pour le moment, je ne parle que de l'histoire, peut-ĂÂȘtre bientĂÂŽt en dirons-nous autant de l'hĂ©roĂÂŻne? Adieu, il y a une heure que mon Chasseur attend; je ne prends plus que le moment de vous embrasser, et de vous recommander surtout de vous garder de PrĂ©van. Du ChĂÂąteau de ..., ce 13 septembre 17** LETTRE LXXII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES REMISE SEULEMENT LE 14. Ăâ ma CĂ©cile! que j'envie le sort de Valmont! demain il vous verra. C'est lui qui vous remettra cette Lettre; et moi, languissant loin de vous, je traĂnerai ma pĂ©nible existence entre les regrets et le malheur. Mon amie, ma tendre amie, plaignez-moi de mes maux; surtout plaignez-moi des vĂÂŽtres; c'est contre eux que le courage m'abandonne. Qu'il m'est affreux de causer votre malheur! sans moi, vous seriez heureuse et tranquille. Me pardonnez-vous? dites! ah! dites que vous me pardonnez; dites-moi aussi que vous m'aimez, que vous m'aimerez toujours. J'ai besoin que vous me le rĂ©pĂ©tiez. Ce n'est pas que j'en doute mais il me semble que plus on en est sĂ»r, et plus il est doux de se l'entendre dire. Vous m'aimez, n'est-ce pas? oui, vous m'aimez de toute votre ĂÂąme. Je n'oublie pas que c'est la derniĂšre parole que je vous ai entendue prononcer. Comme je l'ai recueillie dans mon cĂ âur! comme elle s'y est profondĂ©ment gravĂ©e! et avec quels transports le mien y a rĂ©pondu! HĂ©las! dans ce moment de bonheur, j'Ă©tais loin de prĂ©voir le sort affreux qui nous attendait. Occupons-nous, ma CĂ©cile, des moyens de l'adoucir. Si j'en crois mon ami il suffira, pour y parvenir, que vous preniez en lui une confiance qu'il mĂ©rite. J'ai Ă©tĂ© peinĂ©, je l'avoue, de l'idĂ©e dĂ©savantageuse que vous paraissez avoir de lui. J'y ai reconnu les prĂ©ventions de votre Maman c'Ă©tait pour m'y soumettre que j'avais nĂ©gligĂ©, depuis quelque temps, cet homme vraiment aimable, qui aujourd'hui fait tout pour moi; qui enfin travaille Ă nous rĂ©unir, lorsque votre Maman nous a sĂ©parĂ©s. Je vous en conjure, ma chĂšre amie, voyez-le d'un oeil plus favorable. Songez qu'il est mon ami, qu'il veut ĂÂȘtre le vĂÂŽtre, qu'il peut me rendre le bonheur de vous voir. Si ces raisons ne vous ramĂšnent pas, ma CĂ©cile, vous ne m'aimez pas autant que je vous aime, vous ne m'aimez plus autant que vous m'aimiez. Ah! si jamais vous deviez m'aimer moins... Mais non, le cĂ âur de ma CĂ©cile est Ă moi; il y est pour la vie; et si j'ai Ă craindre les peines d'un amour malheureux, sa constance au moins me sauvera des tourments d'un amour trahi. Adieu, ma charmante amie; n'oubliez pas que je souffre, et qu'il ne tient qu'Ă vous de me rendre heureux, parfaitement heureux. Ecoutez le vĂ âu de mon cĂ âur, et recevez les plus tendres baisers de l'amour. Paris, ce 11 septembre 17**. LETTRE LXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Jointe Ă la prĂ©cĂ©dente. L'ami qui vous sert a su que vous n'aviez rien de ce qu'il vous fallait pour Ă©crire, et il y a dĂ©jĂ pourvu. Vous trouverez dans l'antichambre de l'appartement que vous occupez, sous la grande armoire Ă main gauche, une provision de papier, de plumes et d'encre, qu'il renouvellera quand vous voudrez, et qu'il lui semble que vous pouvez laisser Ă cette mĂÂȘme place si vous n'en trouvez pas de plus sĂ»re. Il vous demande de ne pas vous offenser, s'il a l'air de ne faire aucune attention Ă vous dans le cercle, et de ne vous y regarder que comme un enfant. Cette conduite lui paraĂt nĂ©cessaire pour inspirer la sĂ©curitĂ© dont il a besoin, et pouvoir travailler plus efficacement au bonheur de son ami et au vĂÂŽtre. Il tĂÂąchera de faire naĂtre les occasions de vous parler, quand il aura quelque chose Ă vous apprendre ou Ă vous remettre; et il espĂšre y parvenir, si vous mettez du zĂšle Ă le seconder. Il vous conseille aussi de lui rendre, Ă mesure, les Lettres que vous aurez reçues, afin de risquer moins de vous compromettre. Il finit par vous assurer que si vous voulez lui donner votre confiance, il mettra tous ses soins Ă adoucir la persĂ©cution qu'une mĂšre trop cruelle fait Ă©prouver Ă deux personnes, dont l'une est dĂ©jĂ son meilleur ami et l'autre lui paraĂt mĂ©riter l'intĂ©rĂÂȘt le plus tendre. Du ChĂÂąteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Eh! depuis quand, mon ami, vous effrayez-vous si facilement? ce PrĂ©van est donc bien redoutable? Mais voyez combien je suis simple et modeste! Je l'ai rencontrĂ© souvent, ce superbe vainqueur; Ă peine l'avais-je regardĂ©! Il ne fallait pas moins que votre Lettre pour m'y faire faire attention. J'ai rĂ©parĂ© mon injustice hier. Il Ă©tait Ă l'OpĂ©ra, presque vis-Ă -vis de moi, et je m'en suis occupĂ©e. Il est joli au moins, mais trĂšs joli; des traits fins et dĂ©licats! il doit gagner Ă ĂÂȘtre vu de prĂšs. Et vous dites qu'il veut m'avoir! assurĂ©ment il me fera honneur et plaisir. SĂ©rieusement, j'en ai fantaisie, et je vous confie ici que j'ai fait les premiĂšres dĂ©marches. Je ne sais pas si elles rĂ©ussiront. VoilĂ le fait. Il Ă©tait Ă deux pas de moi, Ă la sortie de l'OpĂ©ra, et j'ai donnĂ©, trĂšs haut, rendez-vous Ă la Marquise de *** pour souper le Vendredi chez la MarĂ©chale. C'est, je crois, la seule maison oĂÂč je peux le rencontrer. Je ne doute pas qu'il m'ait entendue. Si l'ingrat allait n'y pas venir? Mais, dites-moi donc, croyez- vous qu'il vienne? Savez-vous que, s'il n'y vient pas, j'aurai de l'humeur toute la soirĂ©e? Vous voyez qu'il ne trouvera pas tant de difficultĂ© Ă me suivre; et ce qui vous Ă©tonnera davantage, c'est qu'il en trouvera moins encore Ă me plaire. Il veut, dit-il, crever six chevaux Ă me faire sa cour! Oh! je sauverai la vie Ă ces chevaux-lĂ . Je n'aurai jamais la patience d'attendre si longtemps. Vous savez qu'il n'est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis dĂ©cidĂ©e, et je le suis pour lui. Oh! ça, convenez qu'il y a plaisir Ă me parler raison! Votre avis important n'a-t-il pas un grand succĂšs? Mais que voulez-vous? je vĂ©gĂšte depuis si longtemps! il y a plus de six semaines que je ne me suis pas permis une gaietĂ©. Celle-lĂ se prĂ©sente; puis-je me la refuser? le sujet n'en vaut-il pas la peine? en est-il de plus agrĂ©able, dans quelque sens que vous preniez ce mot? Vous-mĂÂȘme, vous ĂÂȘtes forcĂ© de lui rendre justice; vous faites plus que le louer, vous en ĂÂȘtes jaloux. Eh bien! je m'Ă©tablis juge entre vous deux mais d'abord, il faut s'instruire, et c'est ce que je veux faire. Je serai juge intĂšgre, et vous serez pesĂ©s tous deux dans la mĂÂȘme balance. Pour vous, j'ai dĂ©jĂ vos mĂ©moires, et votre affaire est parfaitement instruite. N'est-il pas juste que je m'occupe Ă prĂ©sent de votre adversaire? Allons, exĂ©cutez-vous de bonne grĂÂące; et, pour commencer, apprenez-moi je vous prie, quelle est cette triple aventure dont il est le hĂ©ros. Vous m'en parlez, comme si je ne connaissais autre chose, et je n'en sais pas le premier mot. Apparemment elle se sera passĂ©e pendant mon voyage Ă GenĂšve, et votre jalousie vous aura empĂÂȘchĂ© de me l'Ă©crire. RĂ©parez cette faute au plus tĂÂŽt; songez que rien de ce qui l'intĂ©resse ne m'est Ă©tranger . Il me semble bien qu'on en parlait encore Ă mon retour mais j'Ă©tais occupĂ©e d'autre chose, et j'Ă©coute rarement en ce genre tout ce qui n'est pas du jour ou de la veille. Quand ce que je vous demande vous contrarierait un peu, n'est-ce pas le moindre prix que vous deviez aux soins que je me suis donnĂ©s pour vous? ne sont-ce pas eux qui vous ont rapprochĂ© de votre PrĂ©sidente, quand vos sottises vous en avaient Ă©loignĂ©? n'est-ce pas encore moi qui ai remis entre vos mains de quoi vous venger du zĂšle amer de Madame de Volanges? Vous vous ĂÂȘtes plaint si souvent du temps que vous perdiez Ă aller chercher vos aventures. A prĂ©sent vous les avez sous la main. L'amour, la haine, vous n'avez qu'Ă choisir, tout couche sous le mĂÂȘme toit; et vous pouvez, doublant, votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre. C'est mĂÂȘme encore Ă moi que vous devez l'aventure de la Vicomtesse. J'en suis assez contente mais, comme vous dites, il faut qu'on en parle car si l'occasion a pu vous engager, comme je le conçois, Ă prĂ©fĂ©rer pour le moment le mystĂšre Ă l'Ă©clat, il faut convenir pourtant que cette femme ne mĂ©ritait pas un procĂ©dĂ© si honnĂÂȘte. J'ai d'ailleurs Ă m'en plaindre. Le Chevalier de Belleroche la trouve plus jolie que je ne voudrais; et par beaucoup de raisons, je serai bien aise d'avoir un prĂ©texte pour rompre avec elle or, il n'en est pas de plus commode, que d'avoir Ă dire On ne peut plus voir cette femme-lĂ . Adieu, Vicomte; songez que, placĂ© oĂÂč vous ĂÂȘtes, le temps est prĂ©cieux je vais employer le mien Ă m'occuper du bonheur de PrĂ©van. Paris, ce 15 septembre l7**. LETTRE LXXV Nota Dans cette Lettre, CĂ©cile Volanges rend compte avec le plus grand dĂ©tail de tout ce qui est relatif Ă elle dans les Ă©vĂ©nements que le Lecteur a vus Lettre LIX et suivantes. On a cru devoir supprimer cette rĂ©pĂ©tition. Elle parle enfin du Vicomte de Valmont, et elle exprime ainsi CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je t'assure que c'est un homme bien extraordinaire. Maman en dit beaucoup de mal; mais le Chevalier Danceny en dit beaucoup de bien, et je crois que c'est lui qui a raison. Je n'ai jamais vu d'homme aussi adroit. Quand il m'a rendu la Lettre de Danceny, c'Ă©tait au milieu de tout le monde, et personne n'en a rien vu; il est vrai que j'ai eu bien peur parce que je n'Ă©tais prĂ©venue de rien mais Ă prĂ©sent je m'y attendrai. J'ai dĂ©jĂ fort bien compris comment il voulait que je fisse pour lui remettre ma RĂ©ponse. Il est bien facile de s'entendre avec lui, car il a un regard qui dit tout ce qu'il veut. Je ne sais pas comment il fait il me disait dans le billet dont je t'ai parlĂ© qu'il n'aurait pas l'air de s'occuper de moi devant Maman en effet, on dirait toujours qu'il n'y songe pas; et pourtant toutes les fois que je cherche ses yeux, je suis sĂ»re de les rencontrer tout de suite. Il y a ici une bonne amie de Maman, que je ne connaissais pas, qui a aussi l'air de ne guĂšre aimer M. de Valmont, quoiqu'il ait bien des attentions pour elle. J'ai peur qu'il ne s'ennuie bientĂÂŽt de la vie qu'on mĂšne ici, et qu'il ne s'en retourne Ă Paris; cela serait bien fĂÂącheux. Il faut qu'il ait bien bon cĂ âur d'ĂÂȘtre venu exprĂšs pour rendre service Ă son ami et Ă moi! Je voudrais bien lui en tĂ©moigner ma reconnaissance, mais je ne sais comment faire pour lui parler; et quand j'en trouverais l'occasion, je serais si honteuse, que je ne saurais peut-ĂÂȘtre que lui dire. Il n'y a que Madame de Merteuil avec qui je parle librement, quand je parle de mon amour. Peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme qu'avec toi, Ă qui je dis tout, si c'Ă©tait en causant, je serais embarrassĂ©e. Avec Danceny lui-mĂÂȘme, j'ai souvent senti, comme malgrĂ© moi, une certaine crainte qui m'empĂÂȘchait de lui dire tout ce que je pensais. Je me le reproche bien Ă prĂ©sent, et je donnerais tout au monde pour trouver le moment de lui dire une fois, une seule fois, combien je l'aime. M. de Valmont lui a promis que, si je me laissais conduire, il nous procurerait l'occasion de nous revoir. Je ferai bien assez ce qu'il voudra; mais je ne peux pas concevoir que cela soit possible. Adieu, ma bonne amie, je n'ai plus de place [Mademoiselle de Volanges ayant, peu de temps aprĂšs, changĂ© de confidente, comme on le verra par la suite de ces Lettres, on ne trouvera plus dans ce Recueil aucune de celles qu'elle a continuĂ© d'Ă©crire Ă son amie du Couvent, elles n'apprendraient rien au Lecteur]. Du ChĂÂąteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ou votre Lettre est un persiflage, que je n'ai pas compris; ou vous Ă©tiez, en me l'Ă©crivant, dans un dĂ©lire trĂšs dangereux. Si je vous connaissais moins, ma belle amie, je serais vraiment trĂšs effrayĂ©; et quoi que vous en puissiez dire, je ne m'effraierais pas trop facilement. J'ai beau vous lire et vous relire, je n'en suis pas plus avancĂ©; car, de prendre votre Lettre dans le sens naturel qu'elle prĂ©sente, il n'y a pas moyen. Qu'avez- vous donc voulu dire? Est-ce seulement qu'il Ă©tait inutile de se donner tant de soins contre un ennemi si peu redoutable? mais, dans ce cas, vous pourriez avoir tort. PrĂ©van est rĂ©ellement aimable; il l'est plus que vous ne le croyez; il a surtout le talent trĂšs utile d'occuper beaucoup de son amour, par l'adresse qu'il a d'en parler dans le cercle, et devant tout le monde, en se servant de la premiĂšre conversation qu'il trouve. Il est peu de femmes qui se sauvent alors du piĂšge d'y rĂ©pondre, parce que toutes ayant des prĂ©tentions Ă la finesse, aucune ne veut perdre l'occasion d'en montrer. Or, vous savez assez que femme qui consent Ă parler d'amour, finit bientĂÂŽt par en prendre, ou au moins par se conduire comme si elle en avait. Il gagne encore Ă cette mĂ©thode, qu'il a rĂ©ellement perfectionnĂ©e, d'appeler souvent les femmes elles-mĂÂȘmes en tĂ©moignage de leur dĂ©faite; et cela, je vous en parle pour l'avoir vu. Je n'Ă©tais dans le secret que de la seconde main; car jamais je n'ai Ă©tĂ© liĂ© avec PrĂ©van mais enfin nous y Ă©tions six et la Comtesse de P***, tout en se croyant bien fine, et ayant l'air en effet, pour tout ce qui n'Ă©tait pas instruit, de tenir une conversation gĂ©nĂ©rale, nous raconta dans le plus grand dĂ©tail, et comme quoi elle s'Ă©tait rendue Ă PrĂ©van, et tout ce qui s'Ă©tait passĂ© entre eux. Elle faisait ce rĂ©cit avec une telle sĂ©curitĂ©, qu'elle ne fut pas mĂÂȘme troublĂ©e par un fou rire qui nous prit Ă tous six en mĂÂȘme temps; et je me souviendrai toujours qu'un de nous ayant voulu, pour s'excuser, feindre de douter de ce qu'elle disait, ou plutĂÂŽt de ce qu'elle avait l'air de dire, elle rĂ©pondit gravement qu'Ă coup sĂ»r nous n'Ă©tions aucun aussi bien instruits qu'elle; et elle ne craignit pas mĂÂȘme de s'adresser Ă PrĂ©van, pour lui demander si elle s'Ă©tait trompĂ©e d'un mot. J'ai donc pu croire cet homme dangereux pour tout le monde mais pour vous, Marquise, ne suffisait-il pas qu'il fĂ»t joli, trĂšs joli , comme vous le dites vous-mĂÂȘme? ou qu'il vous fĂt une de ces attaques, que vous vous plaisiez quelquefois Ă rĂ©compenser, sans autre motif que de les trouver bien faites ? ou que vous eussiez trouvĂ© plaisant de vous rendre par une raison quelconque? ou que sais-je? puis-je deviner les mille caprices qui gouvernent la tĂÂȘte d'une femme, et par qui seuls vous tenez encore Ă votre sexe? A prĂ©sent que vous ĂÂȘtes avertie du danger, je ne doute pas que vous ne vous en sauviez facilement mais pourtant fallait-il vous avertir. Je reviens donc Ă mon texte; qu'avez-vous voulu dire? Si ce n'est qu'un persiflage sur PrĂ©van, outre qu'il est bien long, ce n'Ă©tait pas vis-Ă -vis de moi qu'il Ă©tait utile; c'est dans le monde qu'il faut lui donner quelque bon ridicule, et je vous renouvelle ma priĂšre Ă ce sujet. Ah! je crois tenir le mot de l'Ă©nigme! votre Lettre est une prophĂ©tie, non de ce que vous ferez, mais de ce qu'il vous croira prĂÂȘte Ă faire au moment de la chute que vous lui prĂ©parez. J'approuve assez ce projet; il exige pourtant de grands mĂ©nagements. Vous savez comme moi que, pour l'effet public, avoir un homme ou recevoir ses soins, est absolument la mĂÂȘme chose, Ă moins que cet homme ne soit un sot; et PrĂ©van ne l'est pas, Ă beaucoup prĂšs. S'il peut gagner seulement une apparence, il se vantera, et tout sera dit. Les sots y croiront, les mĂ©chants auront l'air d'y croire quelles seront vos ressources? Tenez, j'ai peur. Ce n'est pas que je doute de votre adresse mais ce sont les bons nageurs qui se noient. Je ne me crois pas plus bĂÂȘte qu'un autre; des moyens de dĂ©shonorer une femme, j'en ai trouvĂ© cent, j'en ai trouvĂ© mille mais quand je me suis occupĂ© de chercher comment elle pourrait s'en sauver, je n'en ai jamais vu la possibilitĂ©. Vous-mĂÂȘme, ma belle amie, dont la conduite est un chef-d'Ă âuvre, cent fois j'ai cru vous voir plus de bonheur que de bien jouĂ©. Mais aprĂšs tout, je cherche peut-ĂÂȘtre une raison Ă ce qui n'en a point. J'admire comment, depuis une heure, je traite sĂ©rieusement ce qui n'est, Ă coup sĂ»r, qu'une plaisanterie de votre part. Vous allez vous moquer de moi! HĂ© bien! soit; mais dĂ©pĂÂȘchez-vous, et parlons d'autre chose. D'autre chose! je me trompe, c'est toujours de la mĂÂȘme; toujours des femmes Ă avoir ou Ă perdre, et souvent tous les deux. J'ai ici, comme vous l'avez fort bien remarquĂ©, de quoi m'exercer dans les deux genres, mais non pas avec la mĂÂȘme facilitĂ©. Je prĂ©vois que la vengeance ira plus vite que l'amour. La petite Volanges est rendue, j'en rĂ©ponds; elle ne dĂ©pend plus que de l'occasion, et je me charge de la faire naĂtre. Mais il n'en est pas de mĂÂȘme de Madame de Tourvel cette femme est dĂ©solante, je ne la conçois pas; j'ai cent preuves de son amour, mais j'en ai mille de sa rĂ©sistance; et en vĂ©ritĂ©, je crains qu'elle ne m'Ă©chappe. Le premier effet qu'avait produit mon retour me faisait espĂ©rer davantage. Vous devinez que je voulais en juger par moi-mĂÂȘme; et pour m'assurer de voir les premiers mouvements, je ne m'Ă©tais fait prĂ©cĂ©der par personne, et j'avais calculĂ© ma route pour arriver pendant qu'on serait Ă table. En effet, je tombai des nues, comme une DivinitĂ© d'OpĂ©ra qui vient faire un dĂ©nouement. Ayant fait assez de bruit en entrant pour fixer les regards sur moi, je pus voir du mĂÂȘme coup d'oeil la joie de ma vieille tante, le dĂ©pit de Madame de Volanges, et le plaisir dĂ©contenancĂ© de sa fille. Ma Belle, par la place qu'elle occupait, tournait le dos Ă la porte. OccupĂ©e dans ce moment Ă couper quelque chose, elle ne tourna seulement pas la tĂÂȘte mais j'adressai la parole Ă Madame de Rosemonde; et au premier mot, la sensible DĂ©vote ayant reconnu ma voix, il lui Ă©chappa un cri dans lequel je crus reconnaĂtre plus d'amour que de surprise et d'effroi. Je m'Ă©tais alors assez avancĂ© pour voir sa figure le tumulte de son ĂÂąme, le combat de ses idĂ©es et de ses sentiments, s'y peignirent de vingt façons diffĂ©rentes. Je me mis Ă table Ă cĂÂŽtĂ© d'elle; elle ne savait exactement rien de ce qu'elle faisait ni de ce qu'elle disait. Elle essaya de continuer de manger; il n'y eut pas moyen enfin, moins d'un quart d'heure aprĂšs, son embarras et son plaisir devenant plus forts qu'elle, elle n'imagina rien de mieux que de demander permission de sortir de table, et elle se sauva dans le parc, sous le prĂ©texte d'avoir besoin de prendre l'air. Madame de Volanges voulut l'accompagner; la tendre Prude ne le permit pas trop heureuse, sans doute, de trouver un prĂ©texte pour ĂÂȘtre seule, et se livrer sans contrainte Ă la douce Ă©motion de son cĂ âur. J'abrĂ©geai le dĂner le plus qu'il me fut possible. A peine avait-on servi le dessert, que l'infernale Volanges, pressĂ©e apparemment du besoin de me nuire, se leva de sa place pour aller trouver la charmante malade mais j'avais prĂ©vu ce projet, et je le traversai. Je feignis donc de prendre ce mouvement particulier pour le mouvement gĂ©nĂ©ral; et m'Ă©tant levĂ© en mĂÂȘme temps, la petite Volanges et le CurĂ© du lieu se laissĂšrent entraĂner par ce double exemple; en sorte que Madame de Rosemonde se trouva seule Ă table avec le vieux Commandeur de T. , et tous deux prirent aussi le parti d'en sortir. Nous allĂÂąmes donc tous rejoindre ma Belle, que nous trouvĂÂąmes dans le bosquet prĂšs du ChĂÂąteau; et comme elle avait besoin de solitude et non de promenade, elle aima autant revenir avec nous, que nous faire rester avec elle. DĂšs que je fus assurĂ© que Madame de Volanges n'aurait pas l'occasion de lui parler seule, je songeai Ă exĂ©cuter vos ordres, et je m'occupai des intĂ©rĂÂȘts de votre pupille. AussitĂÂŽt aprĂšs le cafĂ©, je montai chez moi, et j'entrai aussi chez les autres, pour reconnaĂtre le terrain; je fis mes dispositions pour assurer la correspondance de la petite; et aprĂšs ce premier bienfait, j'Ă©crivis un mot pour l'en instruire et lui demander sa confiance; je joignis mon billet Ă la Lettre de Danceny. Je revins au salon. J'y trouvai ma Belle Ă©tablie sur une chaise longue dans un abandon dĂ©licieux. Ce spectacle, en Ă©veillant mes dĂ©sirs, anima mes regards; je sentis qu'ils devaient ĂÂȘtre tendres et pressants, et je me plaçai de maniĂšre Ă pouvoir en faire usage. Leur premier effet fut de faire baisser les grands yeux modestes de la cĂ©leste Prude. Je considĂ©rai quelque temps cette figure angĂ©lique; puis, parcourant toute sa personne je m'amusais Ă deviner les contours et les formes Ă travers un vĂÂȘtement lĂ©ger, mais toujours importun. AprĂšs ĂÂȘtre descendu de la tĂÂȘte aux pieds, je remontais des pieds Ă la tĂÂȘte. Ma belle amie, le doux regard Ă©tait fixĂ© sur moi; sur-le-champ il se baissa de nouveau, mais voulant en favoriser le retour, je dĂ©tournai mes yeux. Alors s'Ă©tablit entre nous cette convention tacite, premier traitĂ© de l'amour timide, qui, pour satisfaire le besoin mutuel de se voir, permet aux regards de se succĂ©der en attendant qu'ils se confondent. PersuadĂ© que ce nouveau plaisir occupait ma Belle tout entiĂšre, je me chargeai de veiller Ă notre commune sĂ»retĂ© mais aprĂšs m'ĂÂȘtre assurĂ© qu'une conversation assez vive nous sauvait des remarques du cercle, je tĂÂąchai d'obtenir de ses yeux qu'ils parlassent franchement leur langage. Pour cela je surpris d'abord quelques regards; mais avec tant de rĂ©serve, que la modestie n'en pouvait ĂÂȘtre alarmĂ©e; et pour mettre la timide personne plus Ă son aise, je paraissais moi-mĂÂȘme aussi embarrassĂ© qu'elle. Peu Ă peu nos yeux, accoutumĂ©s Ă se rencontrer, se fixĂšrent plus longtemps; enfin ils ne se quittĂšrent plus, et j'aperçus dans les siens cette douce langueur, signal heureux de l'amour et du dĂ©sir; mais ce ne fut qu'un moment; et bientĂÂŽt revenue Ă elle-mĂÂȘme, elle changea, non sans quelque honte, son maintien et son regard. Ne voulant pas qu'elle pĂ»t douter que j'eusse remarquĂ© ses divers mouvements, je me levai avec vivacitĂ©, en lui demandant, avec l'air de l'effroi, si elle se trouvait mal. AussitĂÂŽt tout le monde vint l'entourer. Je les laissai tous passer devant moi; et comme la petite Volanges, qui travaillait Ă la tapisserie auprĂšs d'une fenĂÂȘtre, eut besoin de quelque temps pour quitter son mĂ©tier, je saisis ce moment pour lui remettre la Lettre de Danceny. J'Ă©tais un peu loin d'elle; je jetai l'EpĂtre sur ses genoux. Elle ne savait en vĂ©ritĂ© qu'en faire. Vous auriez trop ri de son air de surprise et d'embarras; pourtant, je ne riais point, car je craignais que tant de gaucherie ne nous trahĂt. Mais un coup d'oeil et un geste fortement prononcĂ©s lui firent enfin comprendre qu'il fallait mettre le paquet dans sa poche. Le reste de la journĂ©e n'eut rien d'intĂ©ressant. Ce qui s'est passĂ© depuis amĂšnera peut-ĂÂȘtre des Ă©vĂ©nements dont vous serez contente, au moins pour ce qui regarde votre pupille; mais il vaut mieux employer son temps Ă exĂ©cuter ses projets qu'Ă les raconter. VoilĂ d'ailleurs la huitiĂšme page que j'Ă©cris, et j'en suis fatiguĂ©; ainsi, adieu. Vous vous doutez bien, sans que je vous le dise, que la petite a rĂ©pondu Ă Danceny [Cette Lettre ne s'est pas retrouvĂ©e]. J'ai eu aussi une RĂ©ponse de ma Belle, Ă qui j'avais Ă©crit le lendemain de mon arrivĂ©e. Je vous envoie les deux Lettres. Vous les lirez ou vous ne les lirez pas car ce perpĂ©tuel rabĂÂąchage, qui dĂ©jĂ ne m'amuse pas trop, doit ĂÂȘtre bien insipide, pour toute personne dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Encore une fois, adieu. Je vous aime toujours beaucoup; mais je vous en prie, si vous me reparlez de PrĂ©van, faites en sorte que je vous entende. Du ChĂÂąteau de ..., ce 17 septembre 17** LETTRE LXXVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL D'oĂÂč peut venir, Madame, le soin cruel que vous mettez Ă me fuir? comment se peut-il que l'empressement le plus tendre de ma part n'obtienne de la vĂÂŽtre que des procĂ©dĂ©s qu'on se permettrait Ă peine envers l'homme dont on aurait le plus Ă se plaindre? Quoi! l'amour me ramĂšne Ă vos pieds; et quand un heureux hasard me place Ă cĂÂŽtĂ© de vous, vous aimez mieux feindre une indisposition, alarmer vos amis, que de consentir Ă rester prĂšs de moi! Combien de fois hier n'avez-vous pas dĂ©tournĂ© vos yeux pour me priver de la faveur d'un regard? et si un seul instant j'ai pu y voir moins de sĂ©vĂ©ritĂ©, ce moment a Ă©tĂ© si court qu'il semble que vous ayez voulu moins m'en faire jouir que me faire sentir ce que je perdais Ă en ĂÂȘtre privĂ©. Ce n'est lĂ , j'ose le dire, ni le traitement que mĂ©rite l'amour, ni celui que peut se permettre l'amitiĂ©; et toutefois, de ces deux sentiments, vous savez si l'un m'anime, et j'Ă©tais, ce me semble, autorisĂ© Ă croire que vous ne vous refusiez pas Ă l'autre. Cette amitiĂ© prĂ©cieuse, dont sans doute vous m'avez cru digne, puisque vous avez bien voulu me l'offrir, qu'ai-je donc fait pour l'avoir perdue depuis? me serais-je nui par ma confiance, et me puniriez-vous de ma franchise? ne craignez-vous pas au moins d'abuser de l'une et de l'autre? En effet, n'est-ce pas dans le sein de mon amie, que j'ai dĂ©posĂ© le secret de mon cĂ âur? n'est-ce pas vis-Ă -vis d'elle seule, que j'ai pu me croire obligĂ© de refuser des conditions qu'il me suffisait d'accepter, pour me donner la facilitĂ© de ne les pas tenir, et peut-ĂÂȘtre celle d'en abuser utilement? Voudriez-vous enfin, par une rigueur si peu mĂ©ritĂ©e, me forcer Ă croire qu'il n'eĂ»t fallu que vous tromper pour obtenir plus d'indulgence? Je ne me repens point d'une conduite que je vous devais, que je me devais Ă moi-mĂÂȘme; mais par quelle fatalitĂ©, chaque action louable devient-elle pour moi le signal d'un malheur nouveau? C'est aprĂšs avoir donnĂ© lieu au seul Ă©loge que vous ayez encore daignĂ© faire de ma conduite, que j'ai eu, pour la premiĂšre fois, Ă gĂ©mir du malheur de vous avoir dĂ©plu. C'est aprĂšs vous avoir prouvĂ© ma soumission parfaite, en me privant du bonheur de vous voir, uniquement pour rassurer votre dĂ©licatesse, que vous avez voulu rompre toute correspondance avec moi, m'ĂÂŽter ce faible dĂ©dommagement d'un sacrifice que vous aviez exigĂ©, et me ravir jusqu'Ă l'amour qui seul avait pu vous en donner le droit. C'est enfin aprĂšs vous avoir parlĂ© avec une sincĂ©ritĂ© que l'intĂ©rĂÂȘt mĂÂȘme de cet amour n'a pu affaiblir, que vous me fuyez aujourd'hui comme un sĂ©ducteur dangereux, dont vous auriez reconnu la perfidie. Ne vous lasserez-vous donc jamais d'ĂÂȘtre injuste? Apprenez-moi du moins quels nouveaux torts ont pu vous porter Ă tant de sĂ©vĂ©ritĂ©, et ne refusez pas de me dicter les ordres que vous voulez que je suive; quand je m'engage Ă les exĂ©cuter, est-ce trop prĂ©tendre que de demander Ă les connaĂtre? De ..., ce 15 septembre 17** LETTRE LXXVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Vous paraissez, Monsieur, surpris de ma conduite, et peu s'en faut mĂÂȘme que vous ne m'en demandiez compte, comme ayant le droit de la blĂÂąmer. J'avoue que je me serais crue plus autorisĂ©e que vous Ă m'Ă©tonner et Ă me plaindre; mais depuis le refus contenu dans votre derniĂšre rĂ©ponse, j'ai pris le parti de me renfermer dans une indiffĂ©rence qui ne laisse plus lieu aux remarques ni aux reproches. Cependant, comme vous me demandez des Ă©claircissements, et que, grĂÂąces au Ciel, je ne sens rien en moi qui puisse m'empĂÂȘcher de vous les donner, je veux bien entrer encore une fois en explication avec vous. Qui lirait vos Lettres me croirait injuste ou bizarre. Je crois mĂ©riter que personne n'ait cette idĂ©e de moi; il me semble surtout que vous Ă©tiez moins qu'un autre dans le cas de la prendre. Sans doute, vous avez senti qu'en nĂ©cessitant ma justification vous me forciez Ă rappeler tout ce qui s'est passĂ© entre nous. Apparemment vous avez cru n'avoir qu'Ă gagner Ă cet examen comme, de mon cĂÂŽtĂ©, je ne crois pas avoir Ă y perdre, au moins Ă vos yeux, je ne crains pas de m'y livrer. Peut-ĂÂȘtre est-ce, en effet, le seul moyen de connaĂtre qui de nous deux a le droit de se plaindre de l'autre. A compter, Monsieur, du jour de votre arrivĂ©e dans ce ChĂÂąteau, vous avouerez, je crois, qu'au moins votre rĂ©putation m'autorisait Ă user de quelque rĂ©serve avec vous, et que j'aurais pu, sans craindre d'ĂÂȘtre taxĂ©e d'un excĂšs de pruderie, m'en tenir aux seules expressions de la politesse la plus froide. Vous-mĂÂȘme m'eussiez traitĂ©e avec indulgence, et vous eussiez trouvĂ© simple qu'une femme aussi peu formĂ©e n'eĂ»t pas mĂÂȘme le mĂ©rite nĂ©cessaire pour apprĂ©cier le vĂÂŽtre. C'Ă©tait sĂ»rement lĂ le parti de la prudence; et il m'eĂ»t d'autant moins coĂ»tĂ© Ă suivre, que je ne vous cacherai pas que, quand Madame de Rosemonde vint me faire part de votre arrivĂ©e, j'eus besoin de me rappeler mon amitiĂ© pour elle, et celle qu'elle a pour vous, pour ne pas lui laisser voir combien cette nouvelle me contrariait. Je conviens volontiers que vous vous ĂÂȘtes montrĂ© d'abord sous un aspect plus favorable que je ne l'avais imaginĂ©; mais vous conviendrez Ă votre tour qu'il a bien peu durĂ©, et que vous vous ĂÂȘtes bientĂÂŽt lassĂ© d'une contrainte, dont apparemment vous ne vous ĂÂȘtes pas cru suffisamment dĂ©dommagĂ© par l'idĂ©e avantageuse qu'elle m'avait fait prendre de vous. C'est alors qu'abusant de ma bonne foi, de ma sĂ©curitĂ©, vous n'avez pas craint de m'entretenir d'un sentiment dont vous ne pouviez pas douter que je ne me trouvasse offensĂ©e; et moi, tandis que vous ne vous occupiez qu'Ă aggraver vos torts en les multipliant, je cherchais un motif pour les oublier, en vous offrant l'occasion de les rĂ©parer, au moins en partie. Ma demande Ă©tait si juste que vous-mĂÂȘme ne crĂ»tes pas devoir vous y refuser mais vous faisant un droit de mon indulgence, vous en profitĂÂątes pour me demander une permission, que, sans doute, je n'aurais pas dĂ» accorder, et que pourtant vous avez obtenue. Des conditions qui y furent mises, vous n'en avez tenu aucune; et votre correspondance a Ă©tĂ© telle, que chacune de vos Lettres me faisait un devoir de ne plus vous rĂ©pondre. C'est dans le moment mĂÂȘme oĂÂč votre obstination me forçait Ă vous Ă©loigner de moi que, par une condescendance peut-ĂÂȘtre blĂÂąmable, j'ai tentĂ© le seul moyen qui pouvait me permettre de vous en rapprocher mais de quel prix est Ă vos yeux un sentiment honnĂÂȘte? Vous mĂ©prisez l'amitiĂ©; et dans votre folle ivresse, comptant pour rien les malheurs et la honte, vous ne cherchez que des plaisirs et des victimes. Aussi lĂ©ger dans vos dĂ©marches qu'inconsĂ©quent dans vos reproches, vous oubliez vos promesses, ou plutĂÂŽt vous vous faites un jeu de les violer, et aprĂšs avoir consenti Ă vous Ă©loigner de moi, vous revenez ici sans y ĂÂȘtre rappelĂ©; sans Ă©gard pour mes priĂšres, pour mes raisons, sans avoir mĂÂȘme l'attention de m'en prĂ©venir, vous n'avez pas craint de m'exposer Ă une surprise dont l'effet, quoique bien simple assurĂ©ment, aurait pu ĂÂȘtre interprĂ©tĂ© dĂ©favorablement pour moi, par les personnes qui nous entouraient. Ce moment d'embarras que vous aviez fait naĂtre, loin de chercher Ă en distraire, ou Ă le dissiper, vous avez paru mettre tous vos soins Ă l'augmenter encore. A table, vous choisissez prĂ©cisĂ©ment votre place Ă cĂÂŽtĂ© de la mienne une lĂ©gĂšre indisposition me force d'en sortir avant les autres; et au lieu de respecter ma solitude, vous engagez tout le monde Ă venir la troubler. RentrĂ©e au salon, si je fais un pas, je vous trouve Ă cĂÂŽtĂ© de moi; si je dis une parole, c'est toujours vous qui me rĂ©pondez. Le mot le plus indiffĂ©rent vous sert de prĂ©texte pour ramener une conversation que je ne voulais pas entendre, qui pouvait mĂÂȘme me compromettre car enfin, Monsieur, quelque adresse que vous y mettiez, ce que je comprends, je crois que les autres peuvent aussi le comprendre. ForcĂ©e ainsi par vous Ă l'immobilitĂ© et au silence, vous n'en continuez pas moins de me poursuivre; je ne puis lever les yeux sans rencontrer les vĂÂŽtres. Je suis sans cesse obligĂ©e de dĂ©tourner mes regards; et par une inconsĂ©quence bien incomprĂ©hensible, vous fixez sur moi ceux du cercle, dans un moment oĂÂč j'aurais voulu pouvoir mĂÂȘme me dĂ©rober aux miens. Et vous vous plaignez de mes procĂ©dĂ©s! et vous vous Ă©tonnez de mon empressement Ă vous fuir! Ah! blĂÂąmez-moi plutĂÂŽt de mon indulgence, Ă©tonnez-vous que je ne sois pas partie au moment de votre arrivĂ©e. Je l'aurais dĂ» peut-ĂÂȘtre, et vous me forcerez Ă ce parti violent mais nĂ©cessaire, si vous ne cessez enfin des poursuites offensantes. Non, je n'oublie point, je n'oublierai jamais ce que je me dois, ce que je dois Ă des nĂ âuds que j'ai formĂ©s, que je respecte et que je chĂ©ris; et je vous prie de croire que, si jamais je me trouvais rĂ©duite Ă ce choix malheureux de les sacrifier ou de me sacrifier moi-mĂÂȘme, je ne balancerais pas un instant. Adieu, Monsieur. De ..., ce 16 septembre l7**. LETTRE LXXIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je comptais aller Ă la chasse ce matin mais il fait un temps dĂ©testable. Je n'ai pour toute lecture qu'un Roman nouveau, qui ennuierait mĂÂȘme une Pensionnaire. On dĂ©jeunera au plus tĂÂŽt dans deux heures ainsi malgrĂ© ma longue Lettre d'hier, je vais encore causer avec vous. Je suis bien sĂ»r de ne pas vous ennuyer, car je vous parlerai du trĂšs joli PrĂ©van . Comment n'avez-vous pas su sa fameuse aventure, celle qui a sĂ©parĂ© les insĂ©parables . Je parie que vous vous la rappellerez au premier mot. La voici pourtant, puisque vous la dĂ©sirez. Vous vous souvenez que tout Paris s'Ă©tonnait que trois femmes, toutes trois jolies, ayant toutes trois les mĂÂȘmes talents, et pouvant avoir les mĂÂȘmes prĂ©tentions, restassent intimement liĂ©es entre elles depuis le moment de leur entrĂ©e dans le monde. On crut d'abord en trouver la raison dans leur extrĂÂȘme timiditĂ© mais bientĂÂŽt, entourĂ©es d'une cour nombreuse dont elles partageaient les hommages, et Ă©clairĂ©es sur leur valeur par l'empressement et les soins dont elles Ă©taient l'objet, leur union n'en devint pourtant que plus forte; et l'on eĂ»t dit que le triomphe de l'une Ă©tait toujours celui des deux autres. On espĂ©rait au moins que le moment de l'amour amĂšnerait quelque rivalitĂ©. Nos agrĂ©ables se disputaient l'honneur d'ĂÂȘtre la pomme de discorde; et moi-mĂÂȘme, je me serais mis alors sur les rangs, si la grande faveur oĂÂč la Comtesse de ... s'Ă©leva dans ce mĂÂȘme temps, m'eĂ»t permis de lui ĂÂȘtre infidĂšle avant d'avoir obtenu l'agrĂ©ment que je demandais. Cependant nos trois BeautĂ©s, dans le mĂÂȘme carnaval, firent leur choix comme de concert; et loin qu'il excitĂÂąt les orages qu'on s'en Ă©tait promis, il ne fit que rendre leur amitiĂ© plus intĂ©ressante, par le charme des confidences. La foule des prĂ©tendants malheureux se joignit alors Ă celle des femmes jalouses, et la scandaleuse constance fut soumise Ă la censure publique. Les uns prĂ©tendaient que dans cette sociĂ©tĂ© des insĂ©parables ainsi la nommait-on alors, la loi fondamentale Ă©tait la communautĂ© de biens, et que l'amour mĂÂȘme y Ă©tait soumis; d'autres assuraient que les trois Amants, exempts de rivaux, ne l'Ă©taient pas de rivales on alla mĂÂȘme jusqu'Ă dire qu'ils n'avaient Ă©tĂ© admis que par dĂ©cence, et n'avaient obtenu qu'un titre sans fonction. Ces bruits, vrais ou faux, n'eurent pas l'effet qu'on s'en Ă©tait promis. Les trois couples, au contraire, sentirent qu'ils Ă©taient perdus s'ils se sĂ©paraient dans ce moment; ils prirent le parti de faire tĂÂȘte Ă l'orage. Le public, qui se lasse de tout, se lassa bientĂÂŽt d'une satire infructueuse. EmportĂ© par sa lĂ©gĂšretĂ© naturelle, il s'occupa d'autres objets puis, revenant Ă celui-ci avec son inconsĂ©quence ordinaire, il changea la critique en Ă©loge. Comme ici tout est de mode, l'enthousiasme gagna; il devenait un vrai dĂ©lire, lorsque PrĂ©van entreprit de vĂ©rifier ces prodiges, et de fixer sur eux l'opinion publique et la sienne. Il rechercha donc ces modĂšles de perfection. Admis facilement dans leur sociĂ©tĂ©, il en tira un favorable augure. Il savait assez que les gens heureux ne sont pas d'un accĂšs si facile. Il vit bientĂÂŽt, en effet, que ce bonheur si vantĂ© Ă©tait, comme celui des Rois, plus enviĂ© que dĂ©sirable. Il remarqua que, parmi ces prĂ©tendus insĂ©parables, on commençait Ă rechercher les plaisirs du dehors, qu'on s'y occupait mĂÂȘme de distraction; et il en conclut que les liens d'amour ou d'amitiĂ© Ă©taient dĂ©jĂ relĂÂąchĂ©s ou rompus, et que ceux de l'amour- propre et de l'habitude conservaient seuls quelque force. Cependant les femmes, que le besoin rassemblait, conservaient entre elles l'apparence de la mĂÂȘme intimitĂ© mais les hommes, plus libres dans leurs dĂ©marches, retrouvaient des devoirs Ă remplir ou des affaires Ă suivre; ils s'en plaignaient encore, mais ne s'en dispensaient plus, et rarement les soirĂ©es Ă©taient complĂštes. Cette conduite de leur part fut profitable Ă l'assidu PrĂ©van, qui, placĂ© naturellement auprĂšs de la dĂ©laissĂ©e du jour, trouvait Ă offrir alternativement, et selon les circonstances, le mĂÂȘme hommage aux trois amies. Il sentit facilement que faire un choix entre elles, c'Ă©tait se perdre; que la fausse honte de se trouver la premiĂšre infidĂšle effaroucherait la prĂ©fĂ©rĂ©e; que la vanitĂ© blessĂ©e des deux autres les rendrait ennemies du nouvel Amant, et qu'elles ne manqueraient pas de dĂ©ployer contre lui la sĂ©vĂ©ritĂ© des grands principes; enfin, que la jalousie ramĂšnerait Ă coup sĂ»r les soins d'un rival qui pouvait ĂÂȘtre encore Ă craindre. Tout fĂ»t devenu obstacle; tout devenait facile dans son triple projet; chaque femme Ă©tait indulgente, parce qu'elle y Ă©tait intĂ©ressĂ©e, chaque homme, parce qu'il croyait ne pas l'ĂÂȘtre. PrĂ©van, qui n'avait alors qu'une seule femme Ă sacrifier, fut assez heureux pour qu'elle prĂt de la cĂ©lĂ©britĂ©. Sa qualitĂ© d'Ă©trangĂšre et l'hommage d'un grand Prince assez adroitement, refusĂ© avaient fixĂ© sur elle l'attention de la Cour et de la Ville; son Amant en partageait l'honneur, et en profita auprĂšs de ses nouvelles MaĂtresses. La seule difficultĂ© Ă©tait de mener de front ces trois intrigues, dont la marche devait forcĂ©ment se rĂ©gler sur la plus tardive; en effet, je tiens d'un de ses confidents que sa plus grande peine fut d'en arrĂÂȘter une, qui se trouva prĂÂȘte Ă Ă©clore prĂšs de quinze jours avant les autres. Enfin le grand jour arriva. PrĂ©van, qui avait obtenu les trois aveux, se trouvait dĂ©jĂ maĂtre des dĂ©marches, et les rĂ©gla comme vous allez voir. Des trois maris, l'un Ă©tait absent, l'autre partait le lendemain au point du jour, le troisiĂšme Ă©tait Ă la Ville. Les insĂ©parables amies devaient souper chez la veuve future; mais le nouveau MaĂtre n'avait pas permis que les anciens Serviteurs y fussent invitĂ©s. Le matin mĂÂȘme de ce jour, il fait trois lots des Lettres de sa Belle, il accompagne l'un du portrait qu'il avait reçu d'elle le second d'un chiffre amoureux qu'elle-mĂÂȘme avait peint, le troisiĂšme d'une boucle de ses cheveux; chacune reçut pour complet ce tiers de sacrifice, et consentit, en Ă©change, Ă envoyer Ă l'Amant disgraciĂ© une Lettre Ă©clatante de rupture. C'Ă©tait beaucoup; ce n'Ă©tait pas assez. Celle dont le mari Ă©tait Ă la Ville ne pouvait disposer que de la journĂ©e; il fut convenu qu'une feinte indisposition la dispenserait d'aller souper chez son amie, et que la soirĂ©e serait toute Ă PrĂ©van la nuit fut accordĂ©e par celle dont le mari fut absent et le point du jour, moment du dĂ©part du troisiĂšme Ă©poux, fut marquĂ© par la derniĂšre, pour l'heure du Berger. PrĂ©van qui ne nĂ©glige rien, court ensuite chez la belle Ă©trangĂšre, y porte et y fait naĂtre l'humeur dont il avait besoin, et n'en sort qu'aprĂšs avoir Ă©tabli une querelle qui lui assure vingt-quatre heures de libertĂ©. Ses dispositions ainsi faites, il rentra chez lui, comptant prendre quelque repos; d'autres affaires l'y attendaient. Les Lettres de rupture avaient Ă©tĂ© un coup de lumiĂšre pour les Amants disgraciĂ©s chacun d'eux ne pouvait douter qu'il n'eĂ»t Ă©tĂ© sacrifiĂ© Ă PrĂ©van; et le dĂ©pit d'avoir Ă©tĂ© jouĂ©, se joignant Ă l'humeur que donne presque toujours la petite humiliation d'ĂÂȘtre quittĂ©, tous trois, sans se communiquer, mais comme de concert, avaient rĂ©solu d'en avoir raison, et pris le parti de la demander Ă leur fortunĂ© rival. Celui-ci trouva donc chez lui les trois cartels; il les accepta loyalement mais ne voulant perdre ni les plaisirs, ni l'Ă©clat de cette aventure, il fixa les rendez- vous au lendemain matin, et les assigna tous les trois au mĂÂȘme lieu et Ă la mĂÂȘme heure. Ce fut Ă une des portes du bois de Boulogne. Le soir venu, il courut sa triple carriĂšre avec un succĂšs Ă©gal; au moins s'est-il vantĂ© depuis que chacune de ses nouvelles MaĂtresses avait reçu trois fois le gage et le serment de son amour. Ici, comme vous le jugez bien, les preuves manquent Ă l'histoire; tout ce que peut faire l'Historien impartial, c'est de faire remarquer au Lecteur incrĂ©dule que la vanitĂ© et l'imagination exaltĂ©es peuvent enfanter des prodiges, et de plus, que la matinĂ©e qui devait suivre une si brillante nuit, paraissait devoir dispenser de mĂ©nagement pour l'avenir. Quoi qu'il en soit, les faits suivants ont plus de certitude. PrĂ©van se rendit exactement au rendez-vous qu'il avait indiquĂ©; il y trouva ses trois rivaux, un peu surpris de leur rencontre, et peut-ĂÂȘtre chacun d'eux dĂ©jĂ consolĂ© en partie, en se voyant des compagnons d'infortune. Il les aborda d'un air affable et cavalier, et leur tint ce discours, qu'on m'a rendu fidĂšlement " Messieurs, leur dit-il, en vous trouvant rassemblĂ©s ici, vous avez devinĂ© sans doute que vous aviez tous trois le mĂÂȘme sujet de plainte contre moi. Je suis prĂÂȘt Ă vous rendre raison. Que le sort dĂ©cide, entre vous, qui des trois tentera le premier une vengeance Ă laquelle vous avez tous un droit Ă©gal. Je n'ai amenĂ© ici ni second, ni tĂ©moins. Je n'en ai point pris pour l'offense; je n'en demande point pour la rĂ©paration. " Puis cĂ©dant Ă son caractĂšre joueur " Je sais, ajouta-t-il, qu'on gagne rarement le sept et le va ; mais quel que soit le sort qui m'attend, on a toujours assez vĂ©cu, quand on a eu le temps d'acquĂ©rir l'amour des femmes et l'estime des hommes. " Pendant que ses adversaires Ă©tonnĂ©s se regardaient en silence, et que leur dĂ©licatesse calculait peut-ĂÂȘtre que ce triple combat ne laissait pas la partie Ă©gale, PrĂ©van reprit la parole " Je ne vous cache pas, continua-t-il donc, que la nuit que je viens de passer m'a cruellement fatiguĂ©. Il serait gĂ©nĂ©reux Ă vous de me permettre de rĂ©parer mes forces. J'ai donnĂ© mes ordres pour qu'on tĂnt ici un dĂ©jeuner prĂÂȘt; faites-moi l'honneur de l'accepter. DĂ©jeunons ensemble, et surtout dĂ©jeunons gaiement. On peut se battre pour de semblables bagatelles; mais elles ne doivent pas, je crois, altĂ©rer notre humeur. " Le dĂ©jeuner fut acceptĂ©. Jamais, dit-on, PrĂ©van ne fut plus aimable. Il eut l'adresse de n'humilier aucun de ses rivaux; de leur persuader que tous eussent eu facilement les mĂÂȘmes succĂšs, et surtout de les faire convenir qu'ils n'en eussent pas plus que lui laissĂ© Ă©chapper l'occasion. Ces faits une fois avouĂ©s, tout s'arrangeait de soi-mĂÂȘme. Aussi le dĂ©jeuner n'Ă©tait-il pas fini, qu'on y avait dĂ©jĂ rĂ©pĂ©tĂ© dix fois que de pareilles femmes ne mĂ©ritaient pas que d'honnĂÂȘtes gens se battissent pour elles. Cette idĂ©e amena la cordialitĂ©; le vin la fortifia; si bien que peu de moments aprĂšs, ce ne fut pas assez de n'avoir plus de rancune, on se jura amitiĂ© sans rĂ©serve. PrĂ©van, qui sans doute aimait bien autant ce dĂ©nouement que l'autre, ne voulait pourtant y rien perdre de sa cĂ©lĂ©britĂ©. En consĂ©quence, pliant adroitement ses projets aux circonstances " En effet, dit-il aux trois offensĂ©s, ce n'est pas de moi, mais de vos infidĂšles MaĂtresses que vous avez Ă vous venger. Je vous en offre l'occasion. DĂ©jĂ je ressens, comme vous-mĂÂȘmes, une injure que bien tĂÂŽt je partagerai car si chacun de vous n'a pu parvenir Ă en fixer une seule, puis-je espĂ©rer de les fixer toutes trois? Votre querelle devient la mienne. Acceptez pour ce soir un souper dans ma petite maison, et j'espĂšre ne pas diffĂ©rer plus long temps votre vengeance. " On voulut le faire expliquer mais lui, avec ce ton de supĂ©rioritĂ© que la circonstance l'autorisait Ă prendre " Messieurs, rĂ©pondit-il, je crois vous avoir prouvĂ© que j'avais quelque esprit de conduite; reposez-vous sur moi. " Tous consentirent; et aprĂšs avoir embrassĂ© leur nouvel ami, ils se sĂ©parĂšrent jusqu'au soir, en attendant l'effet de ses promesses. Celui-ci, sans perdre de temps, retourne Ă Paris, et va, suivant l'usage, visiter ses nouvelles conquĂÂȘtes. Il obtint de toutes trois qu'elles viendraient le soir mĂÂȘme souper en tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte Ă sa petite maison. Deux d'entre elles firent bien quelques difficultĂ©s, mais que reste-t-il Ă refuser le lendemain? Il donna le rendez-vous Ă une heure de distance, temps nĂ©cessaire Ă ses projets. AprĂšs ces prĂ©paratifs, il se retira, fit avertir les trois autres conjurĂ©s, et tous quatre allĂšrent gaiement attendre leurs victimes. On entend arriver la premiĂšre. PrĂ©van se prĂ©sente seul, la reçoit avec l'air de l'empressement, la conduit jusque dans le sanctuaire dont elle se croyait la DivinitĂ©; puis, disparaissant sur un lĂ©ger prĂ©texte, il se fait remplacer aussitĂÂŽt par l'Amant outragĂ©. Vous jugez que la confusion d'une femme qui n'a point encore l'usage des aventures rendait, en ce moment, le triomphe bien facile tout reproche qui ne fut pas fait fut comptĂ© pour une grĂÂące; et l'esclave fugitive, livrĂ©e de nouveau Ă son ancien maĂtre, fut trop heureuse de pouvoir espĂ©rer son pardon, en reprenant sa premiĂšre chaĂne. Le traitĂ© de paix se ratifia dans un lieu plus solitaire, et la scĂšne, restĂ©e vide, fut alternativement remplie par les autres Acteurs, Ă peu prĂšs de la mĂÂȘme maniĂšre, et surtout avec le mĂÂȘme dĂ©nouement. Chacune des femmes pourtant se croyait encore seule en jeu. Leur Ă©tonnement et leur embarras augmentĂšrent, quand, au moment du souper, les trois couples se rĂ©unirent; mais la confusion fut au comble, quand PrĂ©van, qui reparut au milieu de tous, eut la cruautĂ© de faire aux trois infidĂšles des excuses, qui, en livrant leur secret, leur apprenaient entiĂšrement jusqu'Ă quel point elles avaient Ă©tĂ© jouĂ©es. Cependant on se mit Ă table, et peu aprĂšs la contenance revint les hommes se livrĂšrent, les femmes se soumirent. Tous avaient la haine dans le cĂ âur; mais les propos n'en Ă©taient pas moins tendres la gaietĂ© Ă©veilla le dĂ©sir, qui, Ă son tour, lui prĂÂȘta de nouveaux charmes. Cette Ă©tonnante orgie dura jusqu'au matin; et quand on se sĂ©para, les femmes durent se croire pardonnĂ©es mais les hommes, qui avaient conservĂ© leur ressentiment, firent dĂšs le lendemain une rupture qui n'eut point de retour; et non contents de quitter leurs lĂ©gĂšres MaĂtresses, ils achevĂšrent leur vengeance, en publiant leur aventure. Depuis ce temps, une d'elles est au Couvent, et les deux autres languissent exilĂ©es dans leurs Terres. VoilĂ l'histoire de PrĂ©van; c'est Ă vous de voir si vous voulez ajouter Ă sa gloire, et vous atteler Ă son char de triomphe. Votre Lettre m'a vraiment donnĂ© de l'inquiĂ©tude, et j'attends avec impatience une rĂ©ponse plus sage et plus claire Ă la derniĂšre que je vous ai Ă©crite. Adieu, ma belle amie, mĂ©fiez-vous des idĂ©es plaisantes ou bizarres qui vous sĂ©duisent toujours trop facilement. Songez que, dans la carriĂšre que vous courez, l'esprit ne suffit pas, qu'une seule imprudence y devient un mal sans remĂšde. Souffrez enfin que la prudente amitiĂ© soit quelquefois le guide de vos plaisirs. Adieu. Je vous aime pourtant comme si vous Ă©tiez raisonnable. De ..., ce 18 septembre 17** LETTRE LXXX LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES CĂ©cile, ma chĂšre CĂ©cile, quand viendra le temps de nous revoir? qui m'apprendra Ă vivre loin de vous? qui m'en donnera la force et le courage? Jamais, non, jamais, je ne pourrai supporter cette fatale absence. Chaque jour ajoute Ă mon malheur et n'y point voir de terme! Valmont qui m'avait promis des secours, des consolations, Valmont me nĂ©glige, et peut-ĂÂȘtre m'oublie. Il est auprĂšs de ce qu'il aime; il ne sait plus ce qu'on souffre quand on en est Ă©loignĂ©. En me faisant passer votre derniĂšre Lettre, il ne m'a point Ă©crit. C'est lui pourtant qui doit m'apprendre quand je pourrai vous voir et par quel moyen. N'a-t-il donc rien Ă me dire? Vous-mĂÂȘme, vous ne m'en parlez pas, serait-ce que vous n'en partagez plus le dĂ©sir? Ah! CĂ©cile, CĂ©cile, je suis bien malheureux. Je vous aime plus que jamais mais cet amour, qui fait le charme de ma vie, en devient le tourment. Non, je ne peux plus vivre ainsi, il faut que je vous voie, il le faut, ne fĂ»t-ce qu'un moment. Quand je me lĂšve, je me dis; " Je ne la verrai pas. " Je me couche en disant " Je ne l'ai point vue. " Les journĂ©es si longues n'ont pas un moment pour le bonheur. Tout est privation, tout est regret, tout est dĂ©sespoir; et tous ces maux me viennent d'oĂÂč j'attendais tous mes plaisirs! Ajoutez Ă ces peines mortelles mon inquiĂ©tude sur les vĂÂŽtres, et vous aurez une idĂ©e de ma situation. Je pense Ă vous sans cesse, et n'y pense jamais sans trouble. Si je vous vois affligĂ©e, malheureuse, je souffre de tous vos chagrins; si je vous vois tranquille et consolĂ©e, ce sont les miens qui redoublent. Partout je trouve le malheur. Ah! qu'il n'en Ă©tait pas ainsi, quand vous habitiez les mĂÂȘmes lieux que moi! Tout alors Ă©tait plaisir. La certitude de vous voir embellissait mĂÂȘme les moments de l'absence; le temps qu'il fallait passer loin de vous m'approchait de vous en s'Ă©coulant. L'emploi que j'en faisais ne vous Ă©tait jamais Ă©tranger. Si je remplissais des devoirs, ils me rendaient plus digne de vous; si je cultivais quelque talent, j'espĂ©rais vous plaire davantage. Lors mĂÂȘme que les distractions du monde m'emportaient loin de vous, je n'en Ă©tais point sĂ©parĂ©. Au Spectacle, je cherchais Ă deviner ce qui vous aurait plu; un concert me rappelait vos talents et nos si douces occupations. Dans le cercle, comme aux promenades, je saisissais la plus lĂ©gĂšre ressemblance. Je vous comparais Ă tout; partout vous aviez l'avantage. Chaque moment du jour Ă©tait marquĂ© par un hommage nouveau, et chaque soir j'en apportais le tribut Ă vos pieds. A prĂ©sent, que me reste-t-il? des regrets douloureux, des privations Ă©ternelles, et un lĂ©ger espoir que le silence de Valmont diminue, que le vĂÂŽtre change en inquiĂ©tude. Dix lieues seulement nous sĂ©parent, et cet espace si facile Ă franchir devient pour moi seul un obstacle insurmontable! et quand, pour m'aider Ă le vaincre, j'implore mon ami, ma MaĂtresse, tous deux restent froids et tranquilles! Loin de me secourir, ils ne me rĂ©pondent mĂÂȘme pas. Qu'est donc devenue l'amitiĂ© active de Valmont? que sont devenus, surtout, vos sentiments si tendres, et qui vous rendaient si ingĂ©nieuse pour trouver les moyens de nous voir tous les jours? Quelquefois, je m'en souviens, sans cesser d'en avoir le dĂ©sir, je me trouvais forcĂ© de le sacrifier Ă des considĂ©rations, Ă des devoirs; que ne me disiez-vous pas alors? par combien de prĂ©textes ne combattiez-vous pas mes raisons! Et qu'il vous en souvienne, ma CĂ©cile, toujours mes raisons cĂ©daient Ă vos dĂ©sirs. Je ne m'en fais point un mĂ©rite! je n'avais pas mĂÂȘme celui du sacrifice. Ce que vous dĂ©siriez d'obtenir, je brĂ»lais de l'accorder. Mais enfin je demande Ă mon tour et quelle est cette demande? de vous voir un moment, de vous renouveler et de recevoir le serment d'un amour Ă©ternel. N'est-ce donc plus votre bonheur comme le mien? Je repousse cette idĂ©e dĂ©sespĂ©rante, qui mettrait le comble Ă mes maux. Vous m'aimez, vous m'aimerez toujours; je le crois, j'en suis sĂ»r, je ne veux jamais en douter mais ma situation est affreuse et je ne puis la soutenir plus longtemps. Adieu, CĂ©cile. Paris, ce 18 septembre 17** LETTRE LXXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Que vos craintes me causent de pitiĂ©! Combien elles me prouvent ma supĂ©rioritĂ© sur vous! et vous voulez m'enseigner, me conduire? Ah! mon pauvre Valmont, quelle distance il y a encore de vous Ă moi! Non, tout l'orgueil de votre sexe ne suffirait pas pour remplir l'intervalle qui nous sĂ©pare. Parce que vous ne pourriez exĂ©cuter mes projets, vous les jugez impossibles! Etre orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir calculer mes moyens et juger de mes ressources! Au vrai, Vicomte, vos conseils m'ont donnĂ© de l'humeur, et je ne puis vous le cacher. Que pour masquer votre incroyable gaucherie auprĂšs de votre PrĂ©sidente, vous m'Ă©taliez comme un triomphe d'avoir dĂ©concertĂ© un moment cette femme timide et qui vous aime, j'y consens; d'en avoir obtenu un regard, un seul regard, je souris et vous le passe. Que sentant, malgrĂ© vous, le peu de valeur de votre conduite, vous espĂ©riez la dĂ©rober Ă mon attention, en me flattant de l'effort sublime de rapprocher deux enfants qui, tous deux, brĂ»lent de se voir, et qui, soit dit en passant, doivent Ă moi seule l'ardeur de ce dĂ©sir, je le veux bien encore. Qu'enfin vous vous autorisiez de ces actions d'Ă©clat, pour me dire d'un ton doctoral qu'il vaut mieux employer son temps Ă exĂ©cuter ses projets qu'Ă les raconter ; cette vanitĂ© ne me nuit pas, et je la pardonne. Mais que vous puissiez croire que j'aie besoin de votre prudence, que je m'Ă©garerais en ne dĂ©fĂ©rant pas Ă vos avis, que je dois leur sacrifier un plaisir, une fantaisie en vĂ©ritĂ©, Vicomte, c'est aussi vous trop enorgueillir de la confiance que je veux bien avoir en vous! Et qu'avez-vous donc fait que je n'aie surpassĂ© mille fois? Vous avez sĂ©duit, perdu mĂÂȘme beaucoup de femmes mais quelles difficultĂ©s avez-vous eues Ă vaincre? quels obstacles Ă surmonter? oĂÂč est le mĂ©rite qui soit vĂ©ritablement Ă vous? Une belle figure, pur effet du hasard; des grĂÂąces, que l'usage donne presque toujours, de l'esprit Ă la vĂ©ritĂ©, mais auquel du jargon supplĂ©erait au besoin; une impudence assez louable, mais peut-ĂÂȘtre uniquement due Ă la facilitĂ© de vos premiers succĂšs; si je ne me trompe, voilĂ tous vos moyens car, pour la cĂ©lĂ©britĂ© que vous avez pu acquĂ©rir, vous n'exigerez pas, je crois, que je compte pour beaucoup l'art de faire naĂtre ou de saisir l'occasion d'un scandale. Quant Ă la prudence, Ă la finesse, je ne parle pas de moi mais quelle femme n'en aurait pas plus que vous? Eh! votre PrĂ©sidente vous mĂšne comme un enfant. Croyez-moi, Vicomte, on acquiert rarement les qualitĂ©s dont on peut se passer. Combattant sans risque, vous devez agir sans prĂ©caution. Pour vous autres hommes, les dĂ©faites ne sont que des succĂšs de moins. Dans cette partie si inĂ©gale, notre fortune est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner. Quand je vous accorderais autant de talents qu'Ă nous, de combien encore ne devrions-nous pas vous surpasser, par la nĂ©cessitĂ© oĂÂč nous sommes d'en faire un continuel usage! Supposons, j'y consens, que vous mettiez autant d'adresse Ă nous vaincre, que nous Ă nous dĂ©fendre ou Ă cĂ©der, vous conviendrez au moins qu'elle vous devient inutile aprĂšs le succĂšs. Uniquement occupĂ© de votre nouveau goĂ»t, vous vous y livrez sans crainte, sans rĂ©serve ce n'est pas Ă vous que sa durĂ©e importe. En effet, ces liens rĂ©ciproquement donnĂ©s et reçus, pour parler le jargon de l'amour, vous seul pouvez, Ă votre choix, les resserrer ou les rompre heureuses encore, si dans votre lĂ©gĂšretĂ©, prĂ©fĂ©rant le mystĂšre Ă l'Ă©clat, vous vous contentez d'un abandon humiliant, et ne faites pas de l'idole de la veille la victime du lendemain. Mais qu'une femme infortunĂ©e sente la premiĂšre le poids de sa chaĂne, quels risques n'a-t-elle pas Ă courir, si elle tente de s'y soustraire, si elle ose seulement la soulever? Ce n'est qu'en tremblant qu'elle essaie d'Ă©loigner d'elle l'homme que son cĂ âur repousse avec effort. S'obstine-t-il Ă rester, ce qu'elle accordait Ă l'amour, il faut le livrer Ă la crainte Ses bras s'ouvrent encor, quand son cĂ âur est fermĂ©. Sa prudence doit dĂ©nouer avec adresse ces mĂÂȘmes liens que vous auriez rompus. A la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s'il est sans gĂ©nĂ©rositĂ© et comment en espĂ©rer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d'en avoir, jamais pourtant on ne le blĂÂąme d'en manquer? Sans doute, vous ne nierez pas ces vĂ©ritĂ©s que leur Ă©vidence a rendues triviales. Si cependant vous m'avez vue, disposant des Ă©vĂ©nements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies; ĂÂŽter aux uns la volontĂ©, aux autres la puissance de me nuire; si j'ai su tour Ă tour, et suivant mes goĂ»ts mobiles, attacher Ă ma suite ou rejeter loin de moi Ces Tyrans dĂ©trĂÂŽnĂ©s devenus mes esclaves [On ne sait si ce vers, ainsi que celui qui se trouve plus haut, Ses bras s'ouvrent encor, quand son cĂ âur est fermĂ© , sont des citations d'Ouvrages peu connus; ou s'ils font partie de la prose de Madame de Merteuil. Ce qui le ferait croire, c'est la multitude de fautes de ce genre qui se trouvent dans toutes les Lettres de cette correspondance. Celles du Chevalier Danceny sont les seules qui en soient exemptes peut-ĂÂȘtre que, comme il s'occupait quelquefois de PoĂ©sie, son oreille plus exercĂ©e lui faisait Ă©viter plus facilement ce dĂ©faut.] si, au milieu de ces rĂ©volutions frĂ©quentes, ma rĂ©putation s'est pourtant conservĂ©e pure; n'avez-vous pas dĂ» en conclure que, nĂ©e pour venger mon sexe et maĂtriser le vĂÂŽtre, j'avais su me crĂ©er des moyens inconnus jusqu'Ă moi? Ah! gardez vos conseils et vos craintes pour ces femmes Ă dĂ©lire, et qui se disent Ă sentiment; dont l'imagination exaltĂ©e ferait croire que la nature a placĂ© leurs sens dans leur tĂÂȘte; qui, n'ayant jamais rĂ©flĂ©chi, confondent sans cesse l'amour et l'Amant; qui, dans leur folle illusion, croient que celui-lĂ seul avec qui elles ont cherchĂ© le plaisir en est l'unique dĂ©positaire; et vraies superstitieuses, ont pour le PrĂÂȘtre le respect et la foi qui n'est dĂ» qu'Ă la DivinitĂ©. Craignez encore pour celles qui, plus vaines que prudentes, ne savent pas au besoin consentir Ă se faire quitter. Tremblez surtout pour ces femmes actives dans leur oisivetĂ©, que vous nommez sensibles, et dont l'amour s'empare si facilement et avec tant de puissance; qui sentent le besoin de s'en occuper encore, mĂÂȘme lorsqu'elles n'en jouissent pas; et s'abandonnant sans rĂ©serve Ă la fermentation de leurs idĂ©es, enfantent par elles ces Lettres si douces, mais si dangereuses Ă Ă©crire; et ne craignent pas de confier ces preuves de leur faiblesse Ă l'objet qui les cause imprudentes, qui, dans leur Amant actuel, ne savent pas voir leur ennemi futur. Mais moi, qu'ai-je de commun avec ces femmes inconsidĂ©rĂ©es? quand m'avez-vous vue m'Ă©carter des rĂšgles que je me suis prescrites, et manquer Ă mes principes? je dis mes principes, et je le dis Ă dessein car ils ne sont pas comme ceux des autres femmes, donnĂ©s au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes rĂ©flexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage. EntrĂ©e dans le monde dans le temps oĂÂč, fille encore, j'Ă©tais vouĂ©e par Ă©tat au silence et Ă l'inaction, j'ai su en profiter pour observer et rĂ©flĂ©chir. Tandis qu'on me croyait Ă©tourdie ou distraite, Ă©coutant peu Ă la vĂ©ritĂ© les discours qu'on s'empressait Ă me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on cherchait Ă me cacher. Cette utile curiositĂ©, en servant Ă m'instruire, m'apprit encore Ă dissimuler forcĂ©e souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui m'entouraient, j'essayai de guider les miens Ă mon grĂ©; j'obtins dĂšs lors de prendre Ă volontĂ© ce regard distrait que vous avez louĂ© si souvent. EncouragĂ©e par ce premier succĂšs, je tĂÂąchai de rĂ©gler de mĂÂȘme les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m'Ă©tudiais Ă prendre l'air de la sĂ©rĂ©nitĂ©, mĂÂȘme celui de la joie; j'ai portĂ© le zĂšle jusqu'Ă me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l'expression du plaisir. Je me suis travaillĂ©e avec le mĂÂȘme soin et plus de peine, pour rĂ©primer les symptĂÂŽmes d'une joie inattendue. C'est ainsi que j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si Ă©tonnĂ©. J'Ă©tais bien jeune encore, et presque sans intĂ©rĂÂȘt mais je n'avais Ă moi que ma pensĂ©e, et je m'indignais qu'on pĂ»t me la ravir ou me la surprendre contre ma volontĂ©. Munie de ces premiĂšres armes, j'en essayai l'usage non contente de ne plus me laisser pĂ©nĂ©trer, je m'amusais Ă me montrer sous des formes diffĂ©rentes; sĂ»re de mes gestes, j'observais mes discours; je rĂ©glai les uns et les autres, suivant les circonstances, ou mĂÂȘme seulement suivant mes fantaisies dĂšs ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu'il m'Ă©tait utile de laisser voir. Ce travail sur moi-mĂÂȘme avait fixĂ© mon attention sur l'expression des figures et le caractĂšre des physionomies; et j'y gagnai ce coup d'oeil pĂ©nĂ©trant, auquel l'expĂ©rience m'a pourtant appris Ă ne pas me fier entiĂšrement; mais qui, en tout, m'a rarement trompĂ©e. Je n'avais pas quinze ans, je possĂ©dais dĂ©jĂ les talents auxquels la plus grande partie de nos Politiques doivent leur rĂ©putation, et je ne me trouvais encore qu'aux premiers Ă©lĂ©ments de la science que je voulais acquĂ©rir. Vous jugez bien que, comme toutes les jeunes filles, je cherchais Ă deviner l'amour et ses plaisirs mais n'ayant jamais Ă©tĂ© au Couvent, n'ayant point de bonne amie, et surveillĂ©e par une mĂšre vigilante, je n'avais que des idĂ©es vagues et que je ne pouvais fixer; la nature mĂÂȘme, dont assurĂ©ment je n'ai eu qu'Ă me louer depuis, ne me donnait encore aucun indice. On eĂ»t dit qu'elle travaillait en silence Ă perfectionner son ouvrage. Ma tĂÂȘte seule fermentait; je ne dĂ©sirais pas de jouir, je voulais savoir; le dĂ©sir de m'instruire m'en suggĂ©ra les moyens. Je sentis que le seul homme avec qui je pouvais parler sur cet objet, sans me compromettre, Ă©tait mon Confesseur. AussitĂÂŽt je pris mon parti; je surmontai ma petite honte; et me vantant d'une faute que je n'avais pas commise, je m'accusai d'avoir fait tout ce que font les femmes . Ce fut mon expression; mais en parlant ainsi je ne savais en vĂ©ritĂ© quelle idĂ©e j'exprimais. Mon espoir ne fut ni tout Ă fait trompĂ©, ni entiĂšrement rempli, la crainte de me trahir m'empĂÂȘchait de m'Ă©clairer mais le bon PĂšre me fit le mal si grand que j'en conclus que le plaisir devait ĂÂȘtre extrĂÂȘme; et au dĂ©sir de le connaĂtre succĂ©da celui de le goĂ»ter. Je ne sais oĂÂč ce dĂ©sir m'aurait conduite; et alors dĂ©nuĂ©e d'expĂ©rience, peut- ĂÂȘtre une seule occasion m'eĂ»t perdue heureusement pour moi, ma mĂšre m'annonça peu de jours aprĂšs que j'allais me marier; sur-le-champ la certitude de savoir Ă©teignit ma curiositĂ©, et j'arrivai vierge entre les bras de M. de Merteuil. J'attendais avec sĂ©curitĂ© le moment qui devait m'instruire, et j'eus besoin de rĂ©flexion pour montrer de l'embarras et de la crainte. Cette premiĂšre nuit, dont on se fait pour l'ordinaire une idĂ©e si cruelle ou si douce ne me prĂ©sentait qu'une occasion d'expĂ©rience douleur et plaisir, j'observai tout exactement, et ne voyais dans ces diverses sensations que des faits Ă recueillir et Ă mĂ©diter. Ce genre d'Ă©tude parvint bientĂÂŽt Ă me plaire mais fidĂšle Ă mes principes, et sentant peut-ĂÂȘtre par instinct, que nul ne devait ĂÂȘtre plus loin de ma confiance que mon mari, je rĂ©solus, par cela seul que j'Ă©tais sensible, de me montrer impassible Ă ses yeux. Cette froideur apparente fut par la suite le fondement inĂ©branlable de son aveugle confiance j'y joignis, par une seconde rĂ©flexion, l'air d'Ă©tourderie qu'autorisait mon ĂÂąge; et jamais il ne me jugea plus enfant que dans les moments oĂÂč je le jouais avec plus d'audace. Cependant, je l'avouerai, je me laissai d'abord entraĂner par le tourbillon du monde, et je me livrai tout entiĂšre Ă ses distractions futiles. Mais au bout de quelques mois, M. de Merteuil m'ayant menĂ©e Ă sa triste campagne, la crainte de l'ennui fit revenir le goĂ»t de l'Ă©tude; et ne m'y trouvant entourĂ©e que de gens dont la distance avec moi me mettait Ă l'abri de tout soupçon, j'en profitai pour donner un champ plus vaste Ă mes expĂ©riences. Ce fut lĂ , surtout, que je m'assurai que l'amour que l'on nous vante comme la cause de nos plaisirs n'en est au plus que le prĂ©texte. La maladie de M. de Merteuil vint interrompre de si douces occupations; il fallut le suivre Ă la Ville, oĂÂč il venait chercher des secours. Il mourut, comme vous savez, peu de temps aprĂšs; et quoique Ă tout prendre, je n'eusse pas Ă me plaindre de lui, je n'en sentis pas moins vivement le prix de la libertĂ© qu'allait me donner mon veuvage, et je me promis bien d'en profiter. Ma mĂšre comptait que j'entrerais au Couvent, ou reviendrais vivre avec elle. Je refusai l'un et l'autre parti; et tout ce que j'accordai Ă la dĂ©cence fut de retourner dans cette mĂÂȘme campagne oĂÂč il me restait bien encore quelques observations Ă faire. Je les fortifiai par le secours de la lecture mais ne croyez pas qu'elle fĂ»t toute du genre que vous la supposez. J'Ă©tudiai nos mĂ âurs dans les Romans; nos opinions dans les Philosophes; je cherchai mĂÂȘme dans les Moralistes les plus sĂ©vĂšres ce qu'ils exigeaient de nous, et je m'assurai ainsi de ce qu'on pouvait faire, de ce qu'on devait penser et de ce qu'il fallait paraĂtre. Une fois fixĂ©e sur ces trois objets, le dernier seul prĂ©sentait quelques difficultĂ©s dans son exĂ©cution; j'espĂ©rai les vaincre et j'en mĂ©ditai les moyens. Je commençais Ă m'ennuyer de mes plaisirs rustiques, trop peu variĂ©s pour ma tĂÂȘte active; je sentais un besoin de coquetterie qui me raccommoda avec l'amour; non pour le ressentir Ă la vĂ©ritĂ©, mais pour l'inspirer et le feindre. En vain m'avait-on dit et avais-je lu qu'on ne pouvait feindre ce sentiment, je voyais pourtant que, pour y parvenir, il suffisait de joindre Ă l'esprit d'un Auteur le talent d'un ComĂ©dien. Je m'exerçai dans les deux genres, et peut- ĂÂȘtre avec quelque succĂšs mais au lieu de rechercher les vains applaudissements du ThĂ©ĂÂątre, je rĂ©solus d'employer Ă mon bonheur ce que tant d'autres sacrifiaient Ă la vanitĂ©. Un an se passa dans ces occupations diffĂ©rentes. Mon deuil me permettant alors de reparaĂtre, je revins Ă la Ville avec mes grands projets; je ne m'attendais pas au premier obstacle que j'y rencontrai. Cette longue solitude, cette austĂšre retraite avaient jetĂ© sur moi un vernis de pruderie qui effrayait nos plus agrĂ©ables; ils se tenaient Ă l'Ă©cart, et me laissaient livrĂ©e Ă une foule d'ennuyeux, qui tous prĂ©tendaient Ă ma main. L'embarras n'Ă©tait pas de les refuser; mais plusieurs de ces refus dĂ©plaisaient Ă ma famille, et je perdais dans ces tracasseries intĂ©rieures le temps dont je m'Ă©tais promis un si charmant usage. Je fus donc obligĂ©e, pour rappeler les uns et Ă©loigner les autres, d'afficher quelques inconsĂ©quences, et d'employer Ă nuire Ă ma rĂ©putation le soin que je comptais mettre Ă la conserver. Je rĂ©ussis facilement, comme vous pouvez croire. Mais n'Ă©tant emportĂ©e par aucune passion, je ne fis que ce que je jugeai nĂ©cessaire et mesurai avec prudence les doses de mon Ă©tourderie. DĂšs que j'eus touchĂ© le but que je voulais atteindre, je revins sur mes pas, et fis honneur de mon amendement Ă quelques-unes de ces femmes qui, dans l'impuissance d'avoir des prĂ©tentions Ă l'agrĂ©ment, se rejettent sur celles du mĂ©rite et de la vertu. Ce fut un coup de partie qui me valut plus que je n'avais espĂ©rĂ©. Ces reconnaissantes DuĂšgnes s'Ă©tablirent mes apologistes; et leur zĂšle aveugle pour ce qu'elles appelaient leur ouvrage fut portĂ© au point qu'au moindre propos qu'on se permettait sur moi, tout le parti Prude criait au scandale et Ă l'injure. Le mĂÂȘme moyen me valut encore le suffrage de nos femmes Ă prĂ©tentions, qui, persuadĂ©es que je renonçais Ă courir la mĂÂȘme carriĂšre qu'elles, me choisirent pour l'objet de leurs Ă©loges, toutes les fois qu'elles voulaient prouver qu'elles ne mĂ©disaient pas de tout le monde. Cependant ma conduite prĂ©cĂ©dente avait ramenĂ© les Amants; et pour me mĂ©nager entre eux et mes fidĂšles protectrices, je me montrai comme une femme sensible, mais difficile, Ă qui l'excĂšs de sa dĂ©licatesse fournissait des armes contre l'amour. Alors je commençai Ă dĂ©ployer sur le grand ThĂ©ĂÂątre les talents que je m'Ă©tais donnĂ©s. Mon premier soin fut d'acquĂ©rir le renom d'invincible. Pour y parvenir, les hommes qui ne me plaisaient point furent toujours les seuls dont j'eus l'air d'accepter les hommages. Je les employais utilement Ă me procurer les honneurs de la rĂ©sistance, tandis que je me livrais sans crainte Ă l'Amant prĂ©fĂ©rĂ©. Mais, celui-lĂ , ma feinte timiditĂ© ne lui a jamais permis de me suivre dans le monde; et les regards du cercle ont Ă©tĂ©, ainsi, toujours fixĂ©s sur l'Amant malheureux. Vous savez combien je me dĂ©cide vite c'est pour avoir observĂ© que ce sont presque toujours les soins antĂ©rieurs qui livrent le secret des femmes. Quoi qu'on puisse faire, le ton n'est jamais le mĂÂȘme, avant ou aprĂšs le succĂšs. Cette diffĂ©rence n'Ă©chappe point Ă l'observateur attentif et j'ai trouvĂ© moins dangereux de me tromper dans le choix, que de le laisser pĂ©nĂ©trer. Je gagne encore par lĂ d'ĂÂŽter les vraisemblances, sur lesquelles seules on peut nous juger. Ces prĂ©cautions et celle de ne jamais Ă©crire, de ne livrer jamais aucune preuve de ma dĂ©faite, pouvaient paraĂtre excessives, et ne m'ont jamais paru suffisantes. Descendue dans mon cĂ âur, j'y ai Ă©tudiĂ© celui des autres. J'y ai vu qu'il n'est personne qui n'y conserve un secret qu'il lui importe qui ne soit point dĂ©voilĂ© vĂ©ritĂ© que l'AntiquitĂ© paraĂt avoir mieux connue que nous, et dont l'histoire de Samson pourrait n'ĂÂȘtre qu'un ingĂ©nieux emblĂšme. Nouvelle Dalila, j'ai toujours, comme elle, employĂ© ma puissance Ă surprendre ce secret important. HĂ©! de combien de nos Samsons modernes, ne tiens-je pas la chevelure sous le ciseau! et ceux-lĂ , j'ai cessĂ© de les craindre; ce sont les seuls que je me sois permis d'humilier quelquefois. Plus souple avec les autres, l'art de les rendre infidĂšles pour Ă©viter de leur paraĂtre volage, une feinte amitiĂ©, une apparente confiance, quelques procĂ©dĂ©s gĂ©nĂ©reux, l'idĂ©e flatteuse et que chacun conserve d'avoir Ă©tĂ© mon seul Amant, m'ont obtenu leur discrĂ©tion. Enfin, quand ces moyens m'ont manquĂ©, j'ai su, prĂ©voyant mes ruptures, Ă©touffer d'avance, sous le ridicule ou la calomnie, la confiance que ces hommes dangereux auraient pu obtenir. Ce que je vous dis lĂ , vous me le voyez pratiquer sans cesse; et vous doutez de ma prudence! HĂ© bien! rappelez-vous le temps oĂÂč vous me rendĂtes vos premiers soins jamais hommage ne me flatta autant; je vous dĂ©sirais avant de vous avoir vu. SĂ©duite par votre rĂ©putation, il me semblait que vous manquiez Ă ma gloire; je brĂ»lais de vous combattre corps Ă corps. C'est le seul de mes goĂ»ts qui ait jamais pris un moment d'empire sur moi. Cependant, si vous eussiez voulu me perdre; quels moyens eussiez-vous trouvĂ©s? de vains discours qui ne laissent aucune trace aprĂšs eux, que votre rĂ©putation mĂÂȘme eĂ»t aidĂ© Ă rendre suspects, et une suite de faits sans vraisemblance, dont le rĂ©cit sincĂšre aurait eu l'air d'un Roman mal tissu. A la vĂ©ritĂ©, je vous ai depuis livrĂ© tous mes secrets mais vous savez quels intĂ©rĂÂȘts nous unissent, et si de nous deux, c'est moi qu'on doit taxer d'imprudence. [On saura dans la suite, Lettre CLII, non pas le secret de M. de Valmont Ă peu prĂšs de quel genre il Ă©tait; et le Lecteur sentira qu'on n'a pas pu l'Ă©claircir davantage sur cet objet] Puisque je suis en train de vous rendre compte, je veux le faire exactement. Je vous entends d'ici me dire que je suis au moins Ă la merci de ma Femme de chambre; en effet, si elle n'a pas le secret de mes sentiments, elle a celui de mes actions. Quand vous m'en parlĂÂątes jadis, je vous rĂ©pondis seulement que j'Ă©tais sĂ»re d'elle; et la preuve que cette rĂ©ponse suffit alors Ă votre tranquillitĂ©, c'est que vous lui avez confiĂ© depuis, et pour votre compte, des secrets assez dangereux. Mais Ă prĂ©sent que PrĂ©van vous donne de l'ombrage, et que la tĂÂȘte vous en tourne, je me doute bien que vous ne me croyez plus sur parole. Il faut donc vous Ă©difier. PremiĂšrement, cette fille est ma sĂ âur de lait, et ce lien qui ne nous en paraĂt pas un, n'est pas sans force pour les gens de cet Ă©tat de plus, j'ai son secret, et mieux encore; victime d'une folie de l'amour, elle Ă©tait perdue si je ne l'eusse sauvĂ©e. Ses parents, tout hĂ©rissĂ©s d'honneur, ne voulaient pas moins que la faire enfermer. Ils s'adressĂšrent Ă moi. Je vis, d'un coup d'oeil, combien leur courroux pouvait m'ĂÂȘtre utile. Je le secondai, et sollicitai l'ordre, que j'obtins. Puis passant tout Ă coup au parti de la clĂ©mence auquel j'amenai ses parents, et profitant de mon crĂ©dit auprĂšs du vieux Ministre, je les fis tous consentir Ă me laisser dĂ©positaire de cet ordre, et maĂtresse d'en arrĂÂȘter ou demander l'exĂ©cution, suivant que je jugerais du mĂ©rite de la conduite future de cette fille. Elle sait donc que j'ai son sort entre les mains, et quand, par impossible, ces moyens puissants ne l'arrĂÂȘteraient point, n'est-il pas Ă©vident que sa conduite dĂ©voilĂ©e et sa punition authentique ĂÂŽteraient bientĂÂŽt toute crĂ©ance Ă ses discours? A ces prĂ©cautions que j'appelle fondamentales, s'en joignent mille autres, ou locales ou d'occasion, que la rĂ©flexion et l'habitude font trouver au besoin; dont le dĂ©tail serait minutieux, mais dont la pratique est importante, et qu'il faut vous donner la peine de recueillir dans l'ensemble de ma conduite, si vous voulez parvenir Ă les connaĂtre. Mais de prĂ©tendre que je me sois donnĂ© tant de soins pour n'en pas retirer de fruits; qu'aprĂšs m'ĂÂȘtre autant Ă©levĂ©e au-dessus des autres femmes par mes travaux pĂ©nibles, je consente Ă ramper comme elles dans ma marche, entre l'imprudence et la timiditĂ©; que surtout je pusse redouter un homme au point de ne plus voir mon salut que dans la fuite? Non, Vicomte; jamais. Il faut vaincre ou pĂ©rir. Quant Ă PrĂ©van, je veux l'avoir et je l'aurai; il veut le dire, et il ne le dira pas en deux mots, voilĂ notre Roman. Adieu. De ..., ce 20 septembre 17** LETTRE LXXXII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Mon Dieu, que votre Lettre m'a fait de peine! J'avais bien besoin d'avoir tant d'impatience de la recevoir! J'espĂ©rais y trouver de la consolation, et voilĂ que je suis plus affligĂ©e qu'avant de l'avoir reçue. J'ai bien pleurĂ© en la lisant ce n'est pas cela que je vous reproche; j'ai dĂ©jĂ bien pleurĂ© des fois Ă cause de vous, sans que ça me fasse de la peine. Mais cette fois-ci, ce n'est pas la mĂÂȘme chose. Qu'est-ce donc que vous voulez dire, que votre amour devient un tourment pour vous, que vous ne pouvez plus vivre ainsi, ni soutenir plus longtemps votre situation? Est-ce que vous allez cesser de m'aimer, parce que cela n'est pas si agrĂ©able qu'autrefois? Il me semble que je ne suis pas plus heureuse que vous, bien au contraire; et pourtant je ne vous aime que davantage. Si M. de Valmont ne vous a pas Ă©crit, ce n'est pas ma faute; je n'ai pas pu l'en prier, parce que je n'ai pas Ă©tĂ© seule avec lui, et que nous sommes convenus que nous ne nous parlerions jamais devant le monde et ça, c'est encore pour vous; afin qu'il puisse faire le plus tĂÂŽt ce que vous dĂ©sirez. Je ne dis pas que je ne le dĂ©sire pas aussi, et vous devez en ĂÂȘtre bien sĂ»r mais comment voulez- vous que je fasse? Si vous croyez que c'est facile, trouvez donc le moyen, je ne demande pas mieux. Croyez-vous qu'il me soit bien agrĂ©able d'ĂÂȘtre grondĂ©e tous les jours par Maman, elle qui auparavant ne me disait jamais rien, bien au contraire? A prĂ©sent, c'est pis que si j'Ă©tais au Couvent. Je m'en consolais pourtant en songeant que c'Ă©tait pour vous; il y avait mĂÂȘme des moments oĂÂč je trouvais que j'en Ă©tais bien aise; mais quand je vois que vous ĂÂȘtes fĂÂąchĂ© aussi, et ça sans qu'il y ait du tout de ma faute, je deviens plus chagrine que pour tout ce qui vient de m'arriver jusqu'ici. Rien que pour recevoir vos Lettres, c'est un embarras, que si M. de Valmont n'Ă©tait pas aussi complaisant et aussi adroit qu'il l'est, je ne saurais comment faire; et pour vous Ă©crire, c'est plus difficile encore. De toute la matinĂ©e, je n'ose pas, parce que Maman est tout prĂšs de moi, et qu'elle vient Ă tout moment dans ma chambre. Quelquefois je le peux l'aprĂšs-midi; sous prĂ©texte de chanter ou de jouer de la harpe; encore faut-il que j'interrompe Ă chaque ligne pour qu'on entende que j'Ă©tudie. Heureusement ma Femme de chambre s'endort quelquefois le soir, et je lui dis que je me coucherai bien toute seule, afin qu'elle s'en aille et me laisse de la lumiĂšre. Et puis, il faut que je me mette sous mon rideau, pour qu'on ne puisse pas voir de clartĂ©, et puis que j'Ă©coute au moindre bruit pour pouvoir tout cacher dans mon lit, si on venait. Je voudrais que vous y fussiez, pour voir! Vous verriez bien qu'il faut bien aimer pour faire ça. Enfin, il est bien vrai que je fais tout ce que je peux, et que je voudrais en pouvoir faire davantage. AssurĂ©ment, je ne refuse pas de vous dire que je vous aime et que je vous aimerai toujours; jamais je ne l'ai dit de meilleur cĂ âur; et vous ĂÂȘtes fĂÂąchĂ©! Vous m'aviez pourtant bien assurĂ©, avant que je vous l'eusse dit, que cela suffisait pour vous rendre heureux. Vous ne pouvez pas le nier c'est dans vos Lettres. Quoique je ne les aie plus, je m'en souviens comme quand je les lisais tous les jours. Et parce que nous voilĂ absents, vous ne pensez plus de mĂÂȘme! Mais cette absence ne durera pas toujours, peut-ĂÂȘtre? Mon Dieu, que je suis malheureuse! et c'est bien vous qui en ĂÂȘtes cause! A propos de vos Lettres, j'espĂšre que vous avez gardĂ© celles que Maman m'a prises, et qu'elle vous a renvoyĂ©es; il faudra bien qu'il vienne un temps oĂÂč je ne serai plus si gĂÂȘnĂ©e qu'Ă prĂ©sent, et vous me les rendrez toutes. Comme je serai heureuse, quand je pourrai les garder toujours, sans que personne ait rien Ă y voir! A prĂ©sent, je les remets Ă M. de Valmont, parce qu'il y aurait trop Ă risquer autrement malgrĂ© cela je ne lui en rends jamais, que cela ne me fasse bien de la peine. Adieu, mon cher ami. Je vous aime de tout mon cĂ âur. Je vous aimerai toute ma vie. J'espĂšre qu'Ă prĂ©sent vous n'ĂÂȘtes plus fĂÂąchĂ©; et si j'en Ă©tais sĂ»re, je ne le serais plus moi-mĂÂȘme. Ecrivez-moi le plus tĂÂŽt que vous pourrez, car je sens que jusque-lĂ je serai toujours triste. Du ChĂÂąteau de ce 21 septembre 17** LETTRE LXXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL De grĂÂące, Madame, renouons cet entretien si malheureusement rompu! Que je puisse achever de vous prouver combien je diffĂšre de l'odieux portrait qu'on vous avait fait de moi; que je puisse, surtout, jouir encore de cette aimable confiance que vous commenciez Ă me tĂ©moigner! Que de charmes vous savez prĂÂȘter Ă la vertu! comme vous embellissez et faites chĂ©rir tous les sentiments honnĂÂȘtes! Ah! c'est lĂ votre sĂ©duction; c'est la plus forte; c'est la seule qui soit, Ă la fois, puissante et respectable. Sans doute il suffit de vous voir, pour dĂ©sirer de vous plaire; de vous entendre dans le cercle, pour que ce dĂ©sir augmente. Mais celui qui a le bonheur de vous connaĂtre davantage, qui peut quelquefois lire dans votre ĂÂąme, cĂšde bientĂÂŽt Ă un plus noble enthousiasme, et pĂ©nĂ©trĂ© de vĂ©nĂ©ration comme d'amour, adore en vous l'image de toutes les vertus. Plus fait qu'un autre, peut-ĂÂȘtre, pour les aimer et les suivre, entraĂnĂ© par quelques erreurs qui m'avaient Ă©loignĂ© d'elles, c'est vous qui m'en avez rapprochĂ©, qui m'en avez de nouveau fait sentir tout le charme me ferez-vous un crime de ce nouvel amour? blĂÂąmerez-vous votre ouvrage? Vous reprocheriez-vous mĂÂȘme l'intĂ©rĂÂȘt que vous pourriez y prendre? Quel mal peut-on craindre d'un sentiment si pur, et quelles douceurs n'y aurait-il pas Ă le goĂ»ter? Mon amour vous effraie, vous le trouvez violent, effrĂ©nĂ©? TempĂ©rez-le par un amour plus doux; ne refusez pas l'empire que je vous offre, auquel je jure de ne jamais me soustraire, et qui, j'ose le croire, ne serait pas entiĂšrement perdu pour la vertu. Quel sacrifice pourrait me paraĂtre pĂ©nible, sĂ»r que votre cĂ âur m'en garderait le prix? Quel est donc l'homme assez malheureux pour ne pas savoir jouir des privations qu'il s'impose; pour ne pas prĂ©fĂ©rer un mot, un regard accordĂ©s, Ă toutes les jouissances qu'il pourrait ravir ou surprendre! et vous avez cru que j'Ă©tais cet homme-lĂ ! et vous m'avez craint! Ah! pourquoi votre bonheur ne dĂ©pend-il pas de moi? comme je me vengerais de vous, en vous rendant heureuse! Mais ce doux empire, la stĂ©rile amitiĂ© ne le produit pas; il n'est dĂ» qu'Ă l'amour. Ce mot vous intimide! et pourquoi? un attachement plus tendre, une union plus forte, une seule pensĂ©e; le mĂÂȘme bonheur comme les mĂÂȘmes peines, qu'y a-t-il donc lĂ d'Ă©tranger Ă votre ĂÂąme? Tel est pourtant l'amour! tel est au moins celui que vous inspirez et que je ressens! C'est lui surtout, qui, calculant sans intĂ©rĂÂȘt, sait apprĂ©cier les actions sur leur mĂ©rite et non sur leur valeur; trĂ©sor inĂ©puisable des ĂÂąmes sensibles, tout devient prĂ©cieux, fait par lui ou pour lui. Ces vĂ©ritĂ©s si faciles Ă saisir, si douces Ă pratiquer, qu'ont-elles donc d'effrayant? Quelles craintes peut aussi vous causer un homme sensible, Ă qui l'amour ne permet plus un autre bonheur que le vĂÂŽtre? C'est aujourd'hui l'unique vĂ âu que je forme je sacrifierai tout pour le remplir, exceptĂ© le sentiment qui l'inspire; et ce sentiment lui-mĂÂȘme, consentez Ă le partager, et vous le rĂ©glerez Ă votre choix. Mais ne souffrons plus qu'il nous divise, lorsqu'il devrait nous rĂ©unir. Si l'amitiĂ© que vous m'avez offerte n'est pas un vain mot; si, comme vous me le disiez hier, c'est le sentiment le plus doux que votre ĂÂąme connaisse; que ce soit elle qui stipule entre nous, je ne la rĂ©cuserai point mais juge de l'amour, qu'elle consente Ă l'Ă©couter; le refus de l'entendre deviendrait une injustice, et l'amitiĂ© n'est point injuste. Un second entretien n'aura pas plus d'inconvĂ©nients que le premier le hasard peut encore en fournir l'occasion; vous pourriez vous-mĂÂȘme en indiquer le moment. Je veux croire que j'ai tort; n'aimerez-vous pas mieux me ramener que me combattre, et doutez-vous de ma docilitĂ©? Si ce tiers importun ne fĂ»t pas venu nous interrompre, peut-ĂÂȘtre serais-je dĂ©jĂ entiĂšrement revenu Ă votre avis; qui sait jusqu'oĂÂč peut aller votre pouvoir? Vous le dirai-je? cette puissance invincible, Ă laquelle je me livre sans oser la calculer, ce charme irrĂ©sistible, qui vous rend souveraine de mes pensĂ©es comme de mes actions, il m'arrive quelquefois de les craindre. HĂ©las! cet entretien que je vous demande, peut-ĂÂȘtre est-ce Ă moi Ă le redouter! peut-ĂÂȘtre aprĂšs, enchaĂnĂ© par mes promesses, me verrai-je rĂ©duit Ă brĂ»ler d'un amour que je sens bien qui ne pourra s'Ă©teindre, sans oser mĂÂȘme implorer votre secours! Ah! Madame, de grĂÂące, n'abusez pas de votre empire! Mais quoi! si vous devez en ĂÂȘtre plus heureuse, si je dois vous en paraĂtre plus digne de vous, quelles peines ne sont pas adoucies par ces idĂ©es consolantes! Oui, je le sens; vous parler encore, c'est vous donner contre moi de plus fortes armes; c'est me soumettre plus entiĂšrement Ă votre volontĂ©. Il est plus aisĂ© de se dĂ©fendre contre vos Lettres; ce sont bien vos mĂÂȘmes discours, mais vous n'ĂÂȘtes pas lĂ pour leur prĂÂȘter des forces. Cependant, le plaisir de vous entendre m'en fait braver le danger au moins aurai-je ce bonheur d'avoir tout fait pour vous, mĂÂȘme contre moi; et mes sacrifices deviendront un hommage. Trop heureux de vous prouver de mille maniĂšres, comme je le sens de mille façons, que, sans m'en excepter, vous ĂÂȘtes, vous serez toujours l'objet le plus cher Ă mon cĂ âur. Du ChĂÂąteau de ce 23 septembre 17** LETTRE LXXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Vous avez vu combien nous avons Ă©tĂ© contrariĂ©s hier. De toute la journĂ©e je n'ai pas pu vous remettre la Lettre que j'avais pour vous; j'ignore si j'y trouverai plus de facilitĂ© aujourd'hui. Je crains de vous compromettre, en y mettant plus de zĂšle que d'adresse; et je ne me pardonnerais pas une imprudence qui vous deviendrait si fatale, et causerait le dĂ©sespoir de mon ami, en vous rendant Ă©ternellement malheureuse. Cependant je connais les impatiences de l'amour; je sens combien il doit ĂÂȘtre pĂ©nible, dans votre situation, d'Ă©prouver quelque retard Ă la seule consolation que vous puissiez goĂ»ter dans ce moment. A force de m'occuper des moyens d'Ă©carter les obstacles, j'en ai trouvĂ© un dont l'exĂ©cution sera aisĂ©e, si vous y mettez quelque soin. Je crois avoir remarquĂ© que la clef de la porte de votre Chambre, qui donne sur le corridor, est toujours sur la cheminĂ©e de votre Maman. Tout deviendrait facile avec cette clef, vous devez bien le sentir; mais Ă son dĂ©faut, je vous en procurerai une semblable, et qui la supplĂ©era. Il me suffira, pour y parvenir, d'avoir l'autre une heure ou deux Ă ma disposition. Vous devez trouver aisĂ©ment l'occasion de la prendre, et pour qu'on ne s'aperçoive pas qu'elle manque, j'en joins ici une Ă moi, qui est assez semblable, pour qu'on n'en voie pas la diffĂ©rence, Ă moins qu'on ne l'essaie; ce qu'on ne tentera pas. Il faudra seulement que vous ayez soin d'y mettre un ruban, bleu et passĂ©, comme celui qui est Ă la vĂÂŽtre. Il faudrait tĂÂącher d'avoir cette clef pour demain ou aprĂšs-demain, Ă l'heure du dĂ©jeuner; parce qu'il vous sera plus facile de me la donner alors, et qu'elle pourra ĂÂȘtre remise Ă sa place pour le soir, temps oĂÂč votre Maman pourrait y faire plus d'attention. Je pourrai vous la rendre au moment du dĂner, si nous nous entendons bien. Vous savez que quand on passe du salon Ă la salle Ă manger, c'est toujours Madame de Rosemonde qui marche la derniĂšre. Je lui donnerai la main. Vous n'aurez qu'Ă quitter votre mĂ©tier de tapisserie lentement, ou bien laisser tomber quelque chose, de façon Ă rester en arriĂšre vous saurez bien alors prendre la clef, que j'aurai soin de tenir derriĂšre moi. Il ne faudra pas nĂ©gliger, aussitĂÂŽt aprĂšs l'avoir prise, de rejoindre ma vieille tante, et de lui faire quelques caresses. Si par hasard vous laissiez tomber cette clef, n'allez pas vous dĂ©concerter; je feindrai que c'est moi, et je vous rĂ©ponds de tout. Le peu de confiance que vous tĂ©moigne votre Maman et ses procĂ©dĂ©s si durs envers vous autorisent de reste cette petite supercherie. C'est au surplus le seul moyen de continuer Ă recevoir les Lettres de Danceny, et Ă lui faire passer les vĂÂŽtres; tout autre est rĂ©ellement trop dangereux, et pourrait vous perdre tous deux sans ressource aussi ma prudente amitiĂ© se reprocherait-elle de les employer davantage. Une fois maĂtres de la clef, il nous restera quelques prĂ©cautions Ă prendre contre le bruit de la porte et de la serrure mais elles sont bien faciles. Vous trouverez, sous la mĂÂȘme armoire oĂÂč j'avais mis votre papier, de l'huile et une plume. Vous allez quelquefois chez vous Ă des heures oĂÂč vous y ĂÂȘtes seule il faut en profiter pour huiler la serrure et les gonds. La seule attention Ă avoir, est de prendre garde aux taches qui dĂ©poseraient contre vous. Il faudra aussi attendre que la nuit soit venue, parce que, si cela se fait avec l'intelligence dont vous ĂÂȘtes capable, il n'y paraĂtra plus le lendemain matin. Si pourtant on s'en aperçoit, n'hĂ©sitez pas Ă dire que c'est le Frotteur du ChĂÂąteau. Il faudrait, dans ce cas, spĂ©cifier le temps, mĂÂȘme les discours qu'il vous aura tenus comme par exemple, qu'il prend ce soin contre la rouille, pour toutes les serrures dont on ne fait pas usage. Car vous sentez qu'il ne serait pas vraisemblable que vous eussiez Ă©tĂ© tĂ©moin de ce tracas sans en demander la cause. Ce sont ces petits dĂ©tails qui donnent la vraisemblance, et la vraisemblance rend les mensonges sans consĂ©quence, en ĂÂŽtant le dĂ©sir de les vĂ©rifier. AprĂšs que vous aurez lu cette Lettre, je vous prie de la relire, et mĂÂȘme de vous en occuper d'abord, c'est qu'il faut bien savoir ce qu'on veut bien faire; ensuite, pour vous assurer que je n'ai rien omis. Peu accoutumĂ© Ă employer la finesse pour mon compte, je n'en ai pas grand usage; il n'a pas mĂÂȘme fallu moins que ma vive amitiĂ© pour Danceny, et l'intĂ©rĂÂȘt que vous inspirez, pour me dĂ©terminer Ă me servir de ces moyens, quelque innocents qu'ils soient. Je hais tout ce qui a l'air de la tromperie; c'est lĂ mon caractĂšre. Mais vos malheurs m'ont touchĂ© au point que je tenterai tout pour les adoucir. Vous pensez bien que, cette communication une fois Ă©tablie entre nous, il me sera bien plus facile de vous procurer, avec Danceny, l'entretien qu'il dĂ©sire. Cependant ne lui parlez pas encore de tout ceci; vous ne feriez qu'augmenter son impatience, et le moment de la satisfaire n'est pas encore tout Ă fait venu. Vous lui devez, je crois, de la calmer plutĂÂŽt que de l'aigrir. Je m'en rapporte lĂ - dessus Ă votre dĂ©licatesse. Adieu, ma belle pupille car vous ĂÂȘtes ma pupille. Aimez un peu votre tuteur, et surtout ayez avec lui de la docilitĂ©; vous vous en trouverez bien. Je m'occupe de votre bonheur, et soyez sĂ»re que j'y trouverai le mien. De ..., ce 24 septembre 17** LETTRE LXXXV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Enfin vous serez tranquille et surtout vous me rendrez justice. Ecoutez, et ne me confondez plus avec les autres femmes. J'ai mis Ă fin mon aventure avec PrĂ©van; Ă fin ! entendez-vous bien ce que cela veut dire? A prĂ©sent vous allez juger qui de lui ou de moi pourra se vanter. Le rĂ©cit ne sera pas si plaisant que l'action aussi ne serait-il pas juste que, tandis que vous n'avez fait que raisonner bien ou mal sur cette affaire, il vous en revĂnt autant de plaisir qu'Ă moi, qui y donnais mon temps et ma peine. Cependant, si vous avez quelque grand coup Ă faire, si vous devez tenter quelque entreprise oĂÂč ce Rival dangereux vous paraisse Ă craindre, arrivez. Il vous laisse le champ libre, au moins pour quelque temps; peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme ne se relĂšvera-t-il jamais du coup que je lui ai portĂ©. Que vous ĂÂȘtes heureux de m'avoir pour amie! Je suis pour vous une FĂ©e bienfaisante. Vous languissez loin de la BeautĂ© qui vous engage; je dis un mot, et vous vous retrouvez auprĂšs d'elle. Vous voulez vous venger d'une femme qui vous nuit; je vous marque l'endroit oĂÂč vous devez frapper et la livre Ă votre discrĂ©tion. Enfin, pour Ă©carter de la lice un concurrent redoutable, c'est encore moi que vous invoquez, et je vous exauce. En vĂ©ritĂ©, si vous ne passez pas votre vie Ă me remercier, c'est que vous ĂÂȘtes un ingrat. Je reviens Ă mon aventure et la reprends d'origine. Le rendez-vous, donnĂ© si haut, Ă la sortie de l'OpĂ©ra [Voyez la Lettre LXXIV], fut entendu comme je l'avais espĂ©rĂ©. PrĂ©van s'y rendit; et quand la MarĂ©chale lui dit obligeamment qu'elle se fĂ©licitait de le voir deux fois de suite Ă ses jours, il eut soin de rĂ©pondre que depuis Mardi soir il avait dĂ©fait mille arrangements, pour pouvoir ainsi disposer de cette soirĂ©e. A bon entendeur, salut! Comme je voulais pourtant savoir, avec plus de certitude, si j'Ă©tais ou non le vĂ©ritable objet de cet empressement flatteur, je voulus forcer le soupirant nouveau de choisir entre moi et son goĂ»t dominant. Je dĂ©clarai que je ne jouerais point; en effet, il trouva, de son cĂÂŽtĂ©, mille prĂ©textes pour ne pas jouer; et mon premier triomphe fut sur le lansquenet. Je m'emparai de l'EvĂÂȘque de ... pour ma conversation; je le choisis Ă cause de sa liaison avec le hĂ©ros du jour, Ă qui je voulais donner toute facilitĂ© de m'aborder. J'Ă©tais bien aise aussi d'avoir un tĂ©moin respectable qui pĂ»t, au besoin, dĂ©poser de ma conduite et de mes discours. Cet arrangement rĂ©ussit. AprĂšs les propos vagues et d'usage, PrĂ©van, s'Ă©tant bientĂÂŽt rendu maĂtre de la conversation, prit tour Ă tour diffĂ©rents tons, pour essayer celui qui pourrait me plaire. Je refusai celui du sentiment, comme n'y croyant pas; j'arrĂÂȘtai par mon sĂ©rieux sa gaietĂ© qui me parut trop lĂ©gĂšre pour un dĂ©but; il se rabattit sur la dĂ©licate amitiĂ©; et ce fut sous ce drapeau banal que nous commençĂÂąmes notre attaque rĂ©ciproque. Au moment du souper, l'EvĂÂȘque, ne descendait pas; PrĂ©van me donna donc la main, et se trouva naturellement placĂ© Ă table Ă cĂÂŽtĂ© de moi. Il faut ĂÂȘtre juste; il soutint avec beaucoup d'adresse notre conversation particuliĂšre, en ne paraissant s'occuper que de la conversation gĂ©nĂ©rale, dont il eut l'air de faire tous les frais. Au dessert, on parla d'une PiĂšce nouvelle qu'on devait donner le Lundi suivant aux Français. Je tĂ©moignai quelques regrets de n'avoir pas ma loge; il m'offrit la sienne que je refusai d'abord, comme cela se pratique Ă quoi il rĂ©pondit assez plaisamment que je ne l'entendais pas, qu'Ă coup sĂ»r il ne ferait pas le sacrifice de sa loge Ă quelqu'un qu'il ne connaissait pas, mais qu'il m'avertissait seulement que Madame la MarĂ©chale en disposerait. Elle se prĂÂȘta Ă cette plaisanterie, et j'acceptai. RemontĂ© au salon, il demanda, comme vous pouvez croire, une place dans cette loge; et comme la MarĂ©chale, qui le traite avec beaucoup de bontĂ©, la lui promit s'il Ă©tait sage , il en prit l'occasion d'une de ces conversations Ă double entente, pour lesquelles vous m'avez vantĂ© son talent. En effet, s'Ă©tant mis Ă ses genoux, comme un enfant soumis, disait-il, sous prĂ©texte de lui demander ses avis et d'implorer sa raison, il dit beaucoup de choses flatteuses et assez tendres, dont il m'Ă©tait facile de me faire l'application. Plusieurs personnes ne s'Ă©tant pas remises au jeu l'aprĂšs-souper, la conversation fut plus gĂ©nĂ©rale et moins intĂ©ressante mais nos yeux parlĂšrent beaucoup. Je dis nos yeux je devrais dire les siens; car les miens n'eurent qu'un langage, celui de la surprise. Il dut penser que je m'Ă©tonnais et m'occupais excessivement de l'effet prodigieux qu'il faisait sur moi. Je crois que je le laissai fort satisfait; je n'Ă©tais pas moins contente. Le Lundi suivant, je fus aux Français, comme nous en Ă©tions convenus. MalgrĂ© votre curiositĂ© littĂ©raire, je ne puis vous rien dire du Spectacle, sinon que PrĂ©van a un talent merveilleux pour la cajolerie, et que la PiĂšce est tombĂ©e voilĂ tout ce que j'y ai appris. Je voyais avec peine finir cette soirĂ©e, qui rĂ©ellement me plaisait beaucoup; et pour la prolonger, j'offris Ă la MarĂ©chale de venir souper chez moi ce qui me fournit le prĂ©texte de le proposer Ă l'aimable Cajoleur, qui ne demanda que le temps de courir, pour se dĂ©gager, jusque chez les Comtesses de P. [Voyez la lettre LXX]. Ce nom me rendit toute ma colĂšre; je vis clairement qu'il allait commencer les confidences je me rappelai vos sages conseils et me promis bien de poursuivre l'aventure; sĂ»re que je le guĂ©rirais de cette dangereuse indiscrĂ©tion. Etranger dans ma sociĂ©tĂ©, qui ce soir-lĂ Ă©tait peu nombreuse, il me devait les soins d'usage; aussi, quand on alla souper, m'offrit-il la main. J'eus la malice, en l'acceptant, de mettre dans la mienne un lĂ©ger frĂ©missement, et d'avoir, pendant ma marche, les yeux baissĂ©s et la respiration haute. J'avais l'air de pressentir ma dĂ©faite, et de redouter mon vainqueur. Il le remarqua Ă merveille; aussi le traĂtre changea-t-il sur-le-champ de ton et de maintien. Il Ă©tait galant, il devint tendre. Ce n'est pas que les propos ne fussent Ă peu prĂšs les mĂÂȘmes; la circonstance y forçait mais son regard, devenu moins vif, Ă©tait plus caressant; l'inflexion de sa voix plus douce; son sourire n'Ă©tait plus celui de la finesse, mais du contentement. Enfin dans ses discours, Ă©teignant peu Ă peu le feu de la saillie, l'esprit fit place Ă la dĂ©licatesse. Je vous le demande, qu'eussiez-vous fait de mieux? De mon cĂÂŽtĂ©, je devins rĂÂȘveuse, Ă tel point qu'on fut forcĂ© de s'en apercevoir, et quand on m'en fit le reproche, j'eus l'adresse de m'en dĂ©fendre maladroitement, et de jeter sur PrĂ©van un coup d'oeil prompt, mais timide et dĂ©concertĂ©, et propre Ă lui faire croire que toute ma crainte Ă©tait qu'il ne devinĂÂąt la cause de mon trouble. AprĂšs souper, je profitai du temps oĂÂč la bonne MarĂ©chale contait une de ces histoires qu'elle conte toujours, pour me placer sur mon Ottomane, dans cet abandon que donne une tendre rĂÂȘverie. Je n'Ă©tais pas fĂÂąchĂ©e que PrĂ©van me vĂt ainsi; il m'honora, en effet, d'une attention toute particuliĂšre. Vous jugez bien que mes timides regards n'osaient chercher les yeux de mon vainqueur mais dirigĂ©s vers lui d'une maniĂšre plus humble, ils m'apprirent bientĂÂŽt que j'obtenais l'effet que je voulais produire. Il fallait encore lui persuader que je le partageais aussi, quand la MarĂ©chale annonça qu'elle allait se retirer, je m'Ă©criai d'une voix molle et tendre " Ah Dieu! j'Ă©tais si bien lĂ ! " Je me levai pourtant mais avant de me sĂ©parer d'elle, je lui demandai ses projets, pour avoir un prĂ©texte de dire les miens et de faire savoir que je resterais chez moi le surlendemain. LĂ -dessus tout le monde se sĂ©para. Alors je me mis Ă rĂ©flĂ©chir. Je ne doutais pas que PrĂ©van ne profitĂÂąt de l'espĂšce de rendez-vous que je venais de lui donner; qu'il n'y vĂnt d'assez bonne heure pour me trouver seule, et que l'attaque ne fĂ»t vive mais j'Ă©tais bien sĂ»re aussi, d'aprĂšs ma rĂ©putation, qu'il ne me traiterait pas avec cette lĂ©gĂšretĂ© que, pour peu qu'on ait d'usage, on n'emploie qu'avec les femmes Ă aventures, ou celles qui n'ont aucune expĂ©rience; et je voyais mon succĂšs certain s'il prononçait le mot d'amour, s'il avait la prĂ©tention, surtout, de l'obtenir de moi. Qu'il est commode d'avoir affaire Ă vous autres gens Ă principes ! quelquefois un brouillon d'Amoureux vous dĂ©concerte par sa timiditĂ© ou vous embarrasse par ses fougueux transports; c'est une fiĂšvre qui, comme l'autre, a ses frissons et son ardeur, et quelquefois varie dans ses symptĂÂŽmes. Mais votre marche rĂ©glĂ©e se devine si facilement! L'arrivĂ©e, le maintien, le ton, les discours, je savais tout dĂšs la veille. Je ne vous rendrai donc pas notre conversation que vous supplĂ©erez aisĂ©ment. Observez seulement que, dans ma feinte dĂ©fense, je l'aidais de tout mon pouvoir embarras, pour lui donner le temps de parler; mauvaises raisons, pour ĂÂȘtre combattues; crainte et mĂ©fiance, pour ramener les protestations; et ce refrain perpĂ©tuel de sa part, je ne vous demande qu'un mot ; et ce silence de la mienne, qui semble ne le laisser attendre que pour le faire dĂ©sirer davantage; au travers de tout cela, une main cent fois prise, qui se retire toujours et ne se refuse jamais. On passerait ainsi tout un jour; nous y passĂÂąmes une mortelle heure nous y serions peut-ĂÂȘtre encore si nous n'avions entendu entrer un carrosse dans ma cour. Cet heureux contretemps rendit, comme de raison, ses instances plus vives; et moi, voyant le moment arrivĂ©, oĂÂč j'Ă©tais Ă l'abri de toute surprise, aprĂšs m'ĂÂȘtre prĂ©parĂ©e par un long soupir, j'accordai le mot prĂ©cieux. On annonça, et peu de temps aprĂšs, j'eus un cercle assez nombreux. PrĂ©van me demanda de venir le lendemain matin, et j'y consentis mais soigneuse de me dĂ©fendre, j'ordonnai Ă ma Femme de chambre de rester tout le temps de cette visite dans ma chambre Ă coucher, d'oĂÂč vous savez qu'on voit tout ce qui se passe dans mon cabinet de toilette, et ce fut lĂ que je le reçus. Libres dans notre conversation, et ayant tous deux le mĂÂȘme dĂ©sir, nous fĂ»mes bientĂÂŽt d'accord mais il fallait se dĂ©faire de ce spectateur importun; c'Ă©tait oĂÂč je l'attendais. Alors, lui faisant Ă mon grĂ© le tableau de ma vie intĂ©rieure, je lui persuadai aisĂ©ment que nous ne trouverions jamais un moment de libertĂ©; et qu'il fallait regarder comme une espĂšce de miracle, celle dont nous avions joui hier, qui mĂÂȘme laisserait encore des dangers trop grands pour m'y exposer, puisque Ă tout moment on pouvait entrer dans mon salon. Je ne manquai pas d'ajouter que tous ces usages s'Ă©taient Ă©tablis, parce que, jusqu'Ă ce jour, ils ne m'avaient jamais contrariĂ©e; et j'insistai en mĂÂȘme temps sur l'impossibilitĂ© de les changer, sans me compromettre aux yeux de mes Gens. Il essaya de s'attrister, de prendre de l'humeur, de me dire que j'avais peu d'amour; et vous devinez combien tout cela me touchait! Mais voulant frapper le coup dĂ©cisif, j'appelai les larmes Ă mon secours. Ce fut exactement le ZaĂÂŻre, vous pleurez . Cet empire qu'il se crut sur moi, et l'espoir qu'il en conçut de me perdre Ă son grĂ©, lui tinrent lieu de tout l'amour d'Orosmane. Ce coup de thĂ©ĂÂątre passĂ©, nous revĂnmes aux arrangements. Au dĂ©faut du jour, nous nous occupĂÂąmes de la nuit mais mon Suisse devenait un obstacle insurmontable, et je ne permettais pas qu'on essayĂÂąt de le gagner. Il me proposa la petite porte de mon jardin mais je l'avais prĂ©vu, et j'y crĂ©ai un chien qui, tranquille et silencieux le jour, Ă©tait un vrai dĂ©mon la nuit. La facilitĂ© avec laquelle j'entrai dans tous ces dĂ©tails Ă©tait bien propre Ă l'enhardir; aussi vint-il Ă me proposer l'expĂ©dient le plus ridicule, et ce fut celui que j'acceptai. D'abord, son Domestique Ă©tait sĂ»r comme lui-mĂÂȘme en cela il ne trompait guĂšre, l'un l'Ă©tait bien autant que l'autre. J'aurais un grand souper chez moi; il y serait, il prendrait son temps pour sortir seul. L'adroit confident appellerait la voiture, ouvrirait la portiĂšre; et lui PrĂ©van, au lieu de monter, s'esquiverait adroitement. Son cocher ne pouvait s'en apercevoir en aucune façon; ainsi sorti pour tout le monde, et cependant restĂ© chez moi, il s'agissait de savoir s'il pourrait parvenir Ă mon appartement. J'avoue que d'abord mon embarras fut de trouver, contre ce projet, d'assez mauvaises raisons pour qu'il pĂ»t avoir l'air de les dĂ©truire; il y rĂ©pondit par des exemples. A l'entendre, rien n'Ă©tait plus ordinaire que ce moyen; lui-mĂÂȘme s'en Ă©tait beaucoup servi; c'Ă©tait mĂÂȘme celui dont il faisait le plus d'usage, comme le moins dangereux. SubjuguĂ©e par ces autoritĂ©s irrĂ©cusables, je convins, avec candeur, que j'avais bien un escalier dĂ©robĂ© qui conduisait trĂšs prĂšs de mon boudoir; que je pouvais y laisser la clef, et qu'il lui serait possible de s'y enfermer, et d'attendre, sans beaucoup de risques, que mes Femmes fussent retirĂ©es; et puis, pour donner plus de vraisemblance Ă mon consentement, le moment d'aprĂšs je ne voulais plus, je ne revenais Ă consentir qu'Ă condition d'une soumission parfaite, d'une sagesse... Ah! quelle sagesse! Enfin je voulais bien lui prouver mon amour, mais non pas satisfaire le sien. La sortie, dont j'oubliais de vous parler, devait se faire par la petite porte du jardin il ne s'agissait que d'attendre le point du jour, le CerbĂšre ne dirait plus mot. Pas une ĂÂąme ne passe Ă cette heure-lĂ , et les gens sont dans le plus fort du sommeil. Si vous vous Ă©tonnez de ce tas de mauvais raisonnements, c'est que vous oubliez notre situation rĂ©ciproque. Qu'avions-nous besoin d'en faire de meilleurs? Il ne demandait pas mieux que tout cela se sĂ»t, et moi, j'Ă©tais bien sĂ»re qu'on ne le saurait pas. Le jour fixĂ© fut au surlendemain. Remarquez que voilĂ une affaire arrangĂ©e, et que personne n'a encore vu PrĂ©van dans ma sociĂ©tĂ©. Je le rencontre Ă souper chez une de mes amies, il lui offre sa loge pour une piĂšce nouvelle, et j'y accepte une place. J'invite cette femme Ă souper, pendant le Spectacle et devant PrĂ©van; je ne puis presque pas me dispenser de lui proposer d'en ĂÂȘtre. Il accepte et me fait, deux jours aprĂšs, une visite que l'usage exige. Il vient, Ă la vĂ©ritĂ©, me voir le lendemain matin mais, outre que les visites du matin ne marquent plus, il ne tient qu'Ă moi de trouver celle-ci trop leste; et je le mets en effet dans la classe des gens moins liĂ©s avec moi, par une invitation Ă©crite, pour un souper de cĂ©rĂ©monie. Je puis bien dire comme Annette Mais voilĂ tout, pourtant! Le jour fatal arrivĂ©, ce jour oĂÂč je devais perdre ma vertu et ma rĂ©putation, je donnai mes instructions Ă ma fidĂšle Victoire, et elle les exĂ©cuta comme vous le verrez bientĂÂŽt. Cependant le soir vint. J'avais dĂ©jĂ beaucoup de monde chez moi, quand on y annonça PrĂ©van. Je le reçus avec une politesse marquĂ©e, qui constatait mon peu de liaison avec lui; et je le mis Ă la partie de la MarĂ©chale, comme Ă©tant celle par qui j'avais fait cette connaissance. La soirĂ©e ne produisit rien qu'un trĂšs petit billet, que le discret Amoureux trouva moyen de me remettre, et que j'ai brĂ»lĂ© suivant ma coutume. Il m'y annonçait que je pouvais compter sur lui; et ce mot essentiel Ă©tait entourĂ© de tous les mots parasites, d'amour, de bonheur, etc., qui ne manquent jamais de se trouver Ă pareille fĂÂȘte. A minuit, les parties Ă©tant finies, je proposai une courte macĂ©doine [Quelques personnes ignorent peut-ĂÂȘtre qu'une macĂ©doine est un assemblage de plusieurs jeux de hasard, parmi lesquels chaque Coupeur a droit de choisir lorsque c'est Ă lui Ă tenir la main. C'est une des inventions du siĂšcle.]. J'avais le double projet de favoriser l'Ă©vasion de PrĂ©van, et en mĂÂȘme temps de la faire remarquer; ce qui ne pouvait pas manquer d'arriver, vu sa rĂ©putation de Joueur. J'Ă©tais bien aise aussi qu'on pĂ»t se rappeler au besoin que je n'avais pas Ă©tĂ© pressĂ©e de rester seule. Le jeu dura plus que je n'avais pensĂ©. Le Diable me tentait, et je succombai au dĂ©sir d'aller consoler l'impatient prisonnier. Je m'acheminais ainsi Ă ma perte, quand je rĂ©flĂ©chis qu'une fois rendue tout Ă fait, je n'aurais plus sur lui l'empire de le tenir dans le costume de dĂ©cence nĂ©cessaire Ă mes projets. J'eus la force de rĂ©sister. Je rebroussai chemin, et revins, non sans humeur, reprendre place Ă ce jeu Ă©ternel. Il finit pourtant, et chacun s'en alla. Pour moi, je sonnai mes femmes, je me dĂ©shabillai fort vite, et les renvoyai de mĂÂȘme. Me voyez-vous, Vicomte, dans ma toilette lĂ©gĂšre, marcher d'un pas timide et circonspect, et d'une main mal assurĂ©e ouvrir la porte Ă mon vainqueur? Il m'aperçut, l'Ă©clair n'est pas plus prompt. Que vous dirai-je? je fus vaincue, tout Ă fait vaincue, avant d'avoir pu dire un mot pour l'arrĂÂȘter ou me dĂ©fendre. Il voulut ensuite prendre une situation plus commode et plus convenable aux circonstances. Il maudissait sa parure, qui, disait-il, l'Ă©loignait de moi, il voulait me combattre Ă armes Ă©gales mais mon extrĂÂȘme timiditĂ© s'opposa Ă ce projet, et mes tendres caresses ne lui en laissĂšrent pas le temps. Il s'occupa d'autre chose. Ses droits Ă©taient doublĂ©s, et ses prĂ©tentions revinrent; mais alors " Ecoutez- moi, lui dis-je; vous aurez jusqu'ici un assez agrĂ©able rĂ©cit Ă faire aux deux Comtesses de P***, et Ă mille autres mais je suis curieuse de savoir comment vous raconterez la fin de l'aventure. " En parlant ainsi, je sonnais de toutes mes forces. Pour le coup j'eus mon tour, et mon action fut plus vive que sa parole. Il n'avait encore que balbutiĂ©, quand j'entendis Victoire accourir, et appeler les Gens qu'elle avait gardĂ©s chez elle, comme je le lui avais ordonnĂ©. LĂ , prenant mon ton de Reine, et Ă©levant la voix " Sortez, Monsieur, continuai-je, et ne reparaissez jamais devant moi. " LĂ -dessus, la foule de mes gens entra. Le pauvre PrĂ©van perdit la tĂÂȘte, et croyant voir un guet-apens dans ce qui n'Ă©tait au fond qu'une plaisanterie, il se jeta sur son Ă©pĂ©e. Mal lui en prit car mon Valet de chambre, brave et vigoureux, le saisit au corps et le terrassa. J'eus, je l'avoue, une frayeur mortelle. Je criai qu'on arrĂÂȘtĂÂąt, et ordonnai qu'on laissĂÂąt sa retraite libre, en s'assurant seulement qu'il sortĂt de chez moi. Mes gens m'obĂ©irent mais la rumeur Ă©tait grande parmi eux ils s'indignaient qu'on eĂ»t osĂ© manquer Ă leur vertueuse MaĂtresse . Tous accompagnĂšrent le malheureux Chevalier, avec bruit et scandale, comme je le souhaitais. La seule Victoire resta, et nous nous occupĂÂąmes pendant ce temps Ă rĂ©parer le dĂ©sordre de mon lit. Mes gens remontĂšrent toujours en tumulte; et moi, encore tout Ă©mue , je leur demandai par quel bonheur ils s'Ă©taient encore trouvĂ©s levĂ©s; et Victoire me raconta qu'elle avait donnĂ© Ă souper Ă deux de ses amies, qu'on avait veillĂ© chez elle, et enfin tout ce dont nous Ă©tions convenues ensemble. Je les remerciai tous, et les fis retirer, en ordonnant pourtant Ă l'un d'eux d'aller sur- le-champ chercher mon MĂ©decin. Il me parut que j'Ă©tais autorisĂ©e Ă craindre l'effet de mon saisissement mortel ; et c'Ă©tait un moyen sĂ»r de donner du cours et de la cĂ©lĂ©britĂ© Ă cette nouvelle. Il vint en effet, me plaignit beaucoup, et ne m'ordonna que du repos. Moi, j'ordonnai de plus Ă Victoire d'aller le matin de bonne heure bavarder dans le voisinage. Tout a si bien rĂ©ussi qu'avant midi, et aussitĂÂŽt qu'il a Ă©tĂ© jour chez moi, ma dĂ©vote Voisine Ă©tait dĂ©jĂ au chevet de mon lit, pour savoir la vĂ©ritĂ© et les dĂ©tails de cette horrible aventure. J'ai Ă©tĂ© obligĂ©e de me dĂ©soler avec elle, pendant une heure, sur la corruption du siĂšcle. Un moment aprĂšs, j'ai reçu de la MarĂ©chale le billet que je joins ici. Enfin, avant cinq heures, j'ai vu arriver, Ă mon grand Ă©tonnement, M... [Le Commandant du corps dans lequel M. de PrĂ©van servait]. Il venait, m'a-t-il dit, me faire ses excuses, de ce qu'un Officier de son corps avait pu me manquer Ă ce point. Il ne l'avait appris qu'Ă dĂner chez la MarĂ©chale, et avait sur-le-champ envoyĂ© ordre Ă PrĂ©van de se rendre en prison. J'ai demandĂ© grĂÂące, et il me l'a refusĂ©e. Alors j'ai pensĂ© que, comme complice, il fallait m'exĂ©cuter de mon cĂÂŽtĂ©, et garder au moins de rigides arrĂÂȘts. J'ai fait fermer ma porte, et dire que j'Ă©tais incommodĂ©e. C'est Ă ma solitude que vous devez cette longue Lettre. J'en Ă©crirai une Ă Madame de Volanges, dont sĂ»rement elle fera lecture publique et oĂÂč vous verrez cette histoire telle qu'il faut la raconter. J'oubliais de vous dire que Belleroche est outrĂ©, et veut absolument se battre avec PrĂ©van. Le pauvre garçon! heureusement j'aurai le temps de calmer sa tĂÂȘte. En attendant, je vais reposer la mienne, qui est fatiguĂ©e d'Ă©crire. Adieu, Vicomte. Paris, ce 25 septembre 17**, au soir. LETTRE LXXXVI LA MARECHALE DE *** A LA MARQUISE DE MERTEUIL BILLET INCLUS DANS LA PRECEDENTE. Mon Dieu! qu'est-ce donc que j'apprends, ma chĂšre Madame? est-il possible que ce petit PrĂ©van fasse de pareilles abominations? et encore vis-Ă -vis de vous! A quoi on est exposĂ©! on ne sera donc plus en sĂ»retĂ© chez soi! En vĂ©ritĂ©, ces Ă©vĂ©nements-lĂ consolent d'ĂÂȘtre vieille. Mais de quoi je ne me consolerai jamais, c'est d'avoir Ă©tĂ© en partie cause de ce que vous avez reçu un pareil monstre chez vous. Je vous promets bien que si ce qu'on m'en a dit est vrai, il ne remettra plus les pieds chez moi; c'est le parti que tous les honnĂÂȘtes gens prendront avec lui, s'ils font ce qu'ils doivent. On m'a dit que vous vous Ă©tiez trouvĂ©e bien mal, et je suis inquiĂšte de votre santĂ©. Donnez-moi, je vous prie, de vos chĂšres nouvelles; ou faites-m'en donner par une de vos Femmes, si vous ne le pouvez pas vous-mĂÂȘme. Je ne vous demande qu'un mot pour me tranquilliser. Je serais accourue chez vous ce matin, sans mes bains que mon Docteur ne me permet pas d'interrompre; et il faut que j'aille cet aprĂšs-midi Ă Versailles, toujours pour l'affaire de mon neveu. Adieu, ma chĂšre Madame; comptez pour la vie sur ma sincĂšre amitiĂ©. Paris, ce 25 septembre 17** LETTRE LXXXVII LA MARQUISE DE MERTEUIL A MADAME DE VOLANGES Je vous Ă©cris de mon lit, ma chĂšre bonne amie. L'Ă©vĂ©nement le plus dĂ©sagrĂ©able et le plus impossible Ă prĂ©voir, m'a rendue malade de saisissement et de chagrin. Ce n'est pas qu'assurĂ©ment j'aie rien Ă me reprocher mais il est toujours si pĂ©nible pour une femme honnĂÂȘte et qui conserve la modestie convenable Ă son sexe, de fixer sur elle l'attention publique, que je donnerais tout au monde pour avoir pu Ă©viter cette malheureuse aventure, et que je ne sais encore si je ne prendrai pas le parti d'aller Ă la campagne, attendre qu'elle soit oubliĂ©e. Voici ce dont il s'agit. J'ai rencontrĂ© chez la MarĂ©chale de ... un M. de PrĂ©van que vous connaissez sĂ»rement de nom, et que je ne connaissais pas autrement. Mais en le trouvant dans cette maison, j'Ă©tais bien autorisĂ©e, ce me semble, Ă le croire bonne compagnie. Il est assez bien fait de sa personne, et m'a paru ne pas manquer d'esprit. Le hasard et l'ennui du jeu me laissĂšrent seule de femme entre lui et l'EvĂÂȘque de ... , tandis que tout le monde Ă©tait occupĂ© au lansquenet. Nous causĂÂąmes tous trois jusqu'au moment du souper. A table, une nouveautĂ© dont on parla lui donna l'occasion d'offrir sa loge Ă la MarĂ©chale, qui l'accepta; et il fut convenu que j'y aurais une place. C'Ă©tait pour Lundi dernier, aux Français. Comme la MarĂ©chale venait souper chez moi au sortir du Spectacle, je proposai Ă ce Monsieur de l'y accompagner, et il y vint. Le surlendemain il me fit une visite qui se passa en propos d'usage, et sans qu'il y eĂ»t du tout rien de marquĂ©. Le lendemain il vint me voir le matin, ce qui me parut bien un peu leste mais je crus qu'au lieu de le lui faire sentir par ma façon de le recevoir, il valait mieux l'avertir par une politesse, que nous n'Ă©tions pas encore aussi intimement liĂ©s qu'il paraissait le croire. Pour cela je lui envoyai, le jour mĂÂȘme, une invitation bien sĂšche et bien cĂ©rĂ©monieuse, pour un souper que je donnais avant-hier. Je ne lui adressai pas la parole quatre fois dans toute la soirĂ©e; et lui de son cĂÂŽtĂ© se retira aussitĂÂŽt sa partie finie. Vous conviendrez que jusque-lĂ rien n'a moins l'air de conduire Ă une aventure on fit, aprĂšs les parties, une macĂ©doine qui nous mena jusqu'Ă prĂšs de deux heures; et enfin je me mis au lit. Il y avait au moins une mortelle demi-heure que mes femmes Ă©taient retirĂ©es, quand j'entendis du bruit dans mon appartement. J'ouvris mon rideau avec beaucoup de frayeur, et vis un homme entrer par la porte qui conduit Ă mon boudoir. Je jetai un cri perçant; et je reconnus, Ă la clartĂ© de ma veilleuse, ce M. de PrĂ©van, qui, avec une effronterie inconcevable, me dit de ne pas m'alarmer; qu'il allait m'Ă©claircir le mystĂšre de sa conduite, et qu'il me suppliait de ne faire aucun bruit. En parlant ainsi, il allumait une bougie; j'Ă©tais saisie au point que je ne pouvais parler. Son air aisĂ© et tranquille me pĂ©trifiait, je crois, encore davantage. Mais il n'eut pas dit deux mots, que je vis quel Ă©tait ce prĂ©tendu mystĂšre; et ma seule rĂ©ponse fut, comme vous pouvez le croire, de me pendre Ă ma sonnette. Par un bonheur incroyable, tous les Gens de l'office avaient veillĂ© chez une de mes Femmes, et n'Ă©taient pas encore couchĂ©s. Ma Femme de chambre, qui, en venant chez moi, m'entendit parler avec beaucoup de chaleur, fut effrayĂ©e, et appela tout ce monde-lĂ . Vous jugez quel scandale! Mes Gens Ă©taient furieux; je vis le moment oĂÂč mon Valet de chambre tuait PrĂ©van. J'avoue que, pour l'instant, je fus fort aise de me voir en force en y rĂ©flĂ©chissant aujourd'hui, j'aimerais mieux qu'il ne fĂ»t venu que ma Femme de chambre; elle aurait suffi, et j'aurais peut-ĂÂȘtre Ă©vitĂ© cet Ă©clat qui m'afflige. Au lieu de cela, le tumulte a rĂ©veillĂ© les voisins, les Gens ont parlĂ©, et c'est depuis hier la nouvelle de tout Paris. M. de PrĂ©van est en prison par ordre du Commandant de son corps, qui a eu l'honnĂÂȘtetĂ© de passer chez moi, pour me faire des excuses, m'a-t-il dit. Cette prison va encore augmenter le bruit mais je n'ai jamais pu obtenir que cela fĂ»t autrement. La Ville et la Cour se sont fait Ă©crire Ă ma porte, que j'ai fermĂ©e Ă tout le monde. Le peu de personnes que j'ai vues m'a dit qu'on me rendait justice, et que l'indignation publique Ă©tait au comble contre M. de PrĂ©van assurĂ©ment, il le mĂ©rite bien, mais cela n'ĂÂŽte pas le dĂ©sagrĂ©ment de cette aventure. De plus, cet homme a sĂ»rement quelques amis, et ses amis doivent ĂÂȘtre mĂ©chants qui sait, qui peut savoir ce qu'ils inventeront pour me nuire? Mon Dieu, qu'une jeune femme est malheureuse! elle n'a rien fait encore, quand elle s'est mise Ă l'abri de la mĂ©disance; il faut qu'elle en impose mĂÂȘme Ă la calomnie. Mandez-moi, je vous prie, ce que vous auriez fait, ce que vous feriez Ă ma place; enfin tout ce que vous pensez. C'est toujours de vous que j'ai reçu les consolations les plus douces et les avis les plus sages; c'est de vous aussi que j'aime le mieux Ă en recevoir. Adieu, ma chĂšre et bonne amie; vous connaissez les sentiments qui m'attachent Ă vous pour jamais. J'embrasse votre aimable fille. Paris, ce 26 septembre 17** TROISIEME PARTIE LETTRE LXXXVIII CECILE VOLANGES AU VICOMTE DE VALMONT MalgrĂ© tout le plaisir que j'ai, Monsieur, Ă recevoir les Lettres de M. le Chevalier Danceny, et quoique je ne dĂ©sire pas moins que lui que nous puissions nous voir encore, sans qu'on puisse nous en empĂÂȘcher, je n'ai pas osĂ© cependant faire ce que vous me proposez. PremiĂšrement, c'est trop dangereux; cette clef que vous voulez que je mette Ă la place de l'autre lui ressemble bien assez Ă la vĂ©ritĂ© mais pourtant, il ne laisse pas d'y avoir encore de la diffĂ©rence, et Maman regarde Ă tout, et s'aperçoit de tout. De plus, quoiqu'on ne s'en soit pas encore servi depuis que nous sommes ici, il ne faut qu'un malheur; et si on s'en apercevait, je serais perdue pour toujours. Et puis, il me semble aussi que ce serait bien mal; faire comme cela une double clef c'est bien fort! Il est vrai que c'est vous qui auriez la bontĂ© de vous en charger; mais malgrĂ© cela, si on le savait, je n'en porterais pas moins le blĂÂąme et la faute, puisque ce serait pour moi que vous l'auriez faite. Enfin, j'ai voulu essayer deux fois de la prendre, et certainement cela serait bien facile, si c'Ă©tait toute autre chose mais je ne sais pas pourquoi je me suis toujours mise Ă trembler, et n'en ai jamais eu le courage. Je crois donc qu'il vaut mieux rester comme nous sommes. Si vous avez toujours la bontĂ© d'ĂÂȘtre aussi complaisant que jusqu'ici, vous trouverez toujours bien le moyen de me remettre une Lettre. MĂÂȘme pour la derniĂšre, sans le malheur qui a voulu que vous vous retourniez tout de suite dans un certain moment, nous aurions eu bien aisĂ©. Je sens bien que vous ne pouvez pas, comme moi, ne songer qu'à ça; mais j'aime mieux avoir plus de patience et ne pas tant risquer. Je suis sĂ»re que M. Danceny dirait comme moi car toutes les fois qu'il voulait quelque chose qui me faisait trop de peine, il consentait toujours que cela ne fĂ»t pas. Je vous remettrai, Monsieur, en mĂÂȘme temps que cette Lettre, la vĂÂŽtre, celle de M. Danceny, et votre clef. Je n'en suis pas moins reconnaissante de toutes vos bontĂ©s et je vous prie bien de me les continuer. Il est bien vrai que je suis bien malheureuse, et que sans vous je le serais encore bien davantage mais, aprĂšs tout, c'est ma mĂšre; il faut bien prendre patience. Et pourvu que M. Danceny m'aime toujours, et que vous ne m'abandonniez pas, il viendra peut- ĂÂȘtre un temps plus heureux. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, Monsieur, avec bien de la reconnaissance, votre trĂšs humble et trĂšs obĂ©issante servante. De ..., ce 26 septembre 17** LETTRE LXXXIX LE VICOMTE DE VALMONT AU CHEVALIER DANCENY Si vos affaires ne vont pas toujours aussi vite que vous le voudriez, mon ami, ce n'est pas tout Ă fait Ă moi qu'il faut vous en prendre. J'ai ici plus d'un obstacle Ă vaincre. La vigilance et la sĂ©vĂ©ritĂ© de Madame de Volanges ne sont pas les seuls; votre jeune amie m'en oppose aussi quelques-uns. Soit froideur, ou timiditĂ©, elle ne fait pas toujours ce que je lui conseille; et je crois cependant savoir mieux qu'elle ce qu'il faut faire. J'avais trouvĂ© un moyen simple, commode et sĂ»r de lui remettre vos Lettres, et mĂÂȘme de faciliter, par la suite, les entrevues que vous dĂ©sirez mais je n'ai pu la dĂ©cider Ă s'en servir. J'en suis d'autant plus affligĂ©, que je n'en vois pas d'autre pour vous rapprocher d'elle; et que mĂÂȘme pour votre correspondance, je crains sans cesse de nous compromettre tous trois. Or, vous jugez que je ne veux ni courir ce risque-lĂ , ni vous y exposer l'un et l'autre. Je serais pourtant vraiment peinĂ© que le peu de confiance de votre petite amie m'empĂÂȘchĂÂąt de vous ĂÂȘtre utile; peut-ĂÂȘtre feriez-vous bien de lui en Ă©crire. Voyez ce que vous voulez faire, c'est Ă vous seul Ă dĂ©cider; car ce n'est pas assez de servir ses amis, il faut encore les servir Ă leur maniĂšre. Ce pourrait ĂÂȘtre aussi une façon de plus de vous assurer de ses sentiments pour vous; car la femme qui garde une volontĂ© Ă elle n'aime pas autant qu'elle le dit. Ce n'est pas que je soupçonne votre MaĂtresse d'inconstance mais elle est bien jeune elle a grand-peur de sa Maman, qui, comme vous le savez, ne cherche qu'Ă vous nuire; et peut-ĂÂȘtre serait-il dangereux de rester trop longtemps sans l'occuper de vous. N'allez pas cependant vous inquiĂ©ter Ă un certain point de ce que je vous dis lĂ . Je n'ai dans le fond nulle raison de mĂ©fiance; c'est uniquement la sollicitude de l'amitiĂ©. Je ne vous Ă©cris pas plus longuement, parce que j'ai bien aussi quelques affaires pour mon compte. Je ne suis pas aussi avancĂ© que vous mais j'aime autant, et cela console; et quand je ne rĂ©ussirais pas pour moi, si je parviens Ă vous ĂÂȘtre utile, je trouverai que j'ai bien employĂ© mon temps. Adieu, mon ami. Du ChĂÂąteau de ..., ce 26 septembre 17** LETTRE XC LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je dĂ©sire beaucoup, Monsieur, que cette Lettre ne vous fasse aucune peine; ou, si elle doit vous en causer, qu'au moins elle puisse ĂÂȘtre adoucie par celle que j'Ă©prouve en vous l'Ă©crivant. Vous devez me connaĂtre assez Ă prĂ©sent pour ĂÂȘtre bien sĂ»r que ma volontĂ© n'est pas de vous affliger; mais vous, sans doute, vous ne voudriez pas non plus me plonger dans un dĂ©sespoir Ă©ternel. Je vous conjure donc, au nom de l'amitiĂ© tendre que je vous ai promise, au nom mĂÂȘme des sentiments peut-ĂÂȘtre plus vifs, mais Ă coup sĂ»r pas plus sincĂšres, que vous avez pour moi, ne nous voyons plus; partez; et, jusque-lĂ , fuyons surtout ces entretiens particuliers et trop dangereux, oĂÂč, par une inconcevable puissance, sans jamais parvenir Ă vous dire ce que je veux, je passe mon temps Ă Ă©couter ce que je ne devrais pas entendre. Hier encore, quand vous vĂntes me joindre dans le parc, j'avais bien pour unique objet de vous dire ce que je vous Ă©cris aujourd'hui; et cependant qu'ai- je fait? que m'occuper de votre amour;... de votre amour, auquel jamais je ne dois rĂ©pondre! Ah! de grĂÂące, Ă©loignez-vous de moi. Ne craignez pas que votre absence altĂšre jamais mes sentiments pour vous; comment parviendrais-je Ă les vaincre, quand je n'ai plus le courage de les combattre? Vous le voyez, je vous dis tout, je crains moins d'avouer ma faiblesse, que d'y succomber mais cet empire que j'ai perdu sur mes sentiments, je le conserverai sur mes actions; oui, je le conserverai, j'y suis rĂ©solue; fĂ»t-ce aux dĂ©pens de ma vie. HĂ©las! le temps n'est pas loin, oĂÂč je me croyais bien sĂ»re de n'avoir jamais de pareils combats Ă soutenir. Je m'en fĂ©licitais; je m'en glorifiais peut-ĂÂȘtre trop. Le Ciel a puni, cruellement puni cet orgueil mais plein de misĂ©ricorde au moment mĂÂȘme qu'il nous frappe, il m'avertit encore avant ma chute; et je serais doublement coupable, si je continuais Ă manquer de prudence, dĂ©jĂ prĂ©venue que je n'ai plus de force. Vous m'avez dit cent fois que vous ne voudriez pas d'un bonheur achetĂ© par mes larmes. Ah! ne parlons plus de bonheur, mais laissez-moi reprendre quelque tranquillitĂ©. En accordant ma demande, quels nouveaux droits n'acquerrez-vous pas sur mon cĂ âur? Et ceux-lĂ , fondĂ©s sur la vertu, je n'aurai point Ă m'en dĂ©fendre. Combien je me plairai dans ma reconnaissance! Je vous devrai la douceur de goĂ»ter sans remords un sentiment dĂ©licieux. A prĂ©sent, au contraire, effrayĂ©e de mes sentiments, de mes pensĂ©es, je crains Ă©galement de m'occuper de vous et de moi; votre idĂ©e mĂÂȘme m'Ă©pouvante quand je ne peux la fuir, je la combats; je ne l'Ă©loigne pas, mais je la repousse. Ne vaut-il pas mieux pour tous deux faire cesser cet Ă©tat de trouble et d'anxiĂ©tĂ©? Ăâ vous, dont l'ĂÂąme toujours sensible, mĂÂȘme au milieu de ses erreurs, est restĂ©e amie de la vertu, vous aurez Ă©gard Ă ma situation douloureuse, vous ne rejetterez pas ma priĂšre! Un intĂ©rĂÂȘt plus doux, mais non moins , ces agitations violentes alors respirant par vos bienfaits, je chĂ©rirai mon existence, et je dirai dans la joie de mon cĂ âur " Ce calme que je ressens, je le dois Ă mon ami " . En vous soumettant Ă quelques privations lĂ©gĂšres, que je ne vous impose point, mais que je vous demande, croirez-vous donc acheter trop cher la fin de mes tourments? Ah! si, pour vous rendre heureux, il ne fallait que consentir Ă ĂÂȘtre malheureuse, vous pouvez m'en croire, je n'hĂ©siterais pas un moment... Mais devenir coupable!... non, mon ami, non, plutĂÂŽt mourir mille fois. DĂ©jĂ assaillie par la honte, Ă la veille des remords, je redoute et les autres et moi-mĂÂȘme; je rougis dans le cercle, et frĂ©mis dans la solitude; je n'ai plus qu'une vie de douleur; je n'aurai de tranquillitĂ© que par votre consentement. Mes rĂ©solutions les plus louables ne suffisent pas pour me rassurer; j'ai formĂ© celle-ci dĂšs hier, et cependant j'ai passĂ© la nuit dans les larmes. Voyez votre amie, celle que vous aimez, confuse et suppliante, vous demander le repos et l'innocence. Ah Dieu! sans vous, eĂ»t-elle jamais Ă©tĂ© rĂ©duite Ă cette humiliante demande? Je ne vous reproche rien; je sens trop par moi-mĂÂȘme combien il est difficile de rĂ©sister Ă un sentiment impĂ©rieux. Une plainte n'est pas un murmure. Faites par gĂ©nĂ©rositĂ© ce que je fais par devoir; et Ă tous les sentiments que vous m'avez inspirĂ©s, je joindrai celui d'une Ă©ternelle reconnaissance. Adieu, adieu, Monsieur. De ..., ce 27 septembre 17** LETTRE XCI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL ConsternĂ© par votre Lettre, j'ignore encore, Madame, comment je pourrai y rĂ©pondre. Sans doute, s'il faut choisir entre votre malheur et le mien, c'est Ă moi Ă me sacrifier, et je ne balance pas; mais de si grands intĂ©rĂÂȘts mĂ©ritent bien, ce me semble, d'ĂÂȘtre avant tout discutĂ©s et Ă©claircis; et comment y parvenir, si nous ne devons plus nous parler ni nous voir? Quoi! tandis que les sentiments les plus doux nous unissent, une vaine terreur suffira pour nous sĂ©parer, peut-ĂÂȘtre sans retour! En vain l'amitiĂ© tendre, l'ardent amour, rĂ©clameront leurs droits; leurs voix ne seront point entendues et pourquoi? quel est donc ce danger pressant qui vous menace? Ah! croyez- moi, de pareilles craintes, et si lĂ©gĂšrement conçues, sont dĂ©jĂ , ce me semble, d'assez puissants motifs de sĂ©curitĂ©. Permettez-moi de vous le dire, je retrouve ici la trace des impressions dĂ©favorables qu'on vous a donnĂ©es sur moi. On ne tremble point auprĂšs de l'homme qu'on estime; on n'Ă©loigne pas, surtout, celui qu'on a jugĂ© digne de quelque amitiĂ© c'est l'homme dangereux qu'on redoute et qu'on fuit. Cependant, qui fut jamais plus respectueux et plus soumis que moi? DĂ©jĂ , vous le voyez, je m'observe dans mon langage; je ne me permets plus ces noms si doux, si chers Ă mon cĂ âur, et qu'il ne cesse de vous donner en secret. Ce n'est plus l'amant fidĂšle et malheureux, recevant les conseils et les consolations d'une amie tendre et sensible; c'est l'accusĂ© devant son juge, l'esclave devant son maĂtre. Ces nouveaux titres imposent sans doute de nouveaux devoirs; je m'engage Ă les remplir tous. Ecoutez-moi, et si vous me condamnez, j'y souscris et je pars. Je promets davantage; prĂ©fĂ©rez-vous ce despotisme qui juge sans entendre? vous sentez-vous le courage d'ĂÂȘtre injuste? ordonnez et j'obĂ©is encore. Mais ce jugement, ou cet ordre, que je l'entende de votre bouche. Et pourquoi? m'allez-vous dire Ă votre tour. Ah! que si vous faites cette question, vous connaissez peu l'amour et mon cĂ âur! N'est-ce donc rien que de vous voir encore une fois? Eh! quand vous porterez le dĂ©sespoir dans mon ĂÂąme, peut-ĂÂȘtre un regard consolateur l'empĂÂȘchera d'y succomber. Enfin s'il me faut renoncer Ă l'amour, Ă l'amitiĂ©, pour qui seuls j'existe, au moins vous verrez votre ouvrage, et votre pitiĂ© me restera cette faveur lĂ©gĂšre, quand mĂÂȘme je ne la mĂ©riterais pas, je me soumets, ce me semble, Ă la payer assez cher, pour espĂ©rer de l'obtenir. Quoi! vous allez m'Ă©loigner de vous! Vous consentez donc Ă ce que nous devenions Ă©trangers l'un Ă l'autre! que dis-je? vous le dĂ©sirez; et tandis que vous m'assurez que mon absence n'altĂ©rera point vos sentiments, vous ne pressez mon dĂ©part que pour travailler plus facilement Ă les dĂ©truire. DĂ©jĂ , vous me parlez de les remplacer par de la reconnaissance. Ainsi le sentiment qu'obtiendrait de vous un inconnu pour le plus lĂ©ger service, votre ennemi mĂÂȘme en cessant de vous nuire, voilĂ ce que vous m'offrez! et vous voulez que mon cĂ âur s'en contente! Interrogez le vĂÂŽtre si votre amant, si votre ami, venaient un jour vous parler de leur reconnaissance, ne leur diriez-vous pas avec indignation " Retirez-vous, vous ĂÂȘtes des ingrats " ? Je m'arrĂÂȘte et rĂ©clame votre indulgence. Pardonnez l'expression d'une douleur que vous faites naĂtre elle ne nuira point Ă ma soumission parfaite. Mais je vous en conjure Ă mon tour, au nom de ces sentiments si doux, que vous- mĂÂȘme vous rĂ©clamez, ne refusez pas de m'entendre; et par pitiĂ© du moins pour le trouble mortel oĂÂč vous m'avez plongĂ©, n'en Ă©loignez pas le moment. Adieu, Madame. De ..., ce 27 septembre 17**, au soir. LETTRE XCII LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT Ăâ mon ami! votre Lettre m'a glacĂ© d'effroi. CĂ©cile... Ăâ Dieu! est-il possible? CĂ©cile ne m'aime plus. Oui, je vois cette affreuse vĂ©ritĂ© Ă travers le voile dont votre amitiĂ© l'entoure. Vous avez voulu me prĂ©parer Ă recevoir ce coup mortel. Je vous remercie de vos soins, mais peut-on en imposer Ă l'amour? Il court au-devant de ce qui l'intĂ©resse; il n'apprend pas son sort, il le devine. Je ne doute plus du mien parlez-moi sans dĂ©tour, vous le pouvez, et je vous en prie. Mandez-moi tout; ce qui a fait naĂtre vos soupçons, ce qui les a confirmĂ©s. Les moindres dĂ©tails sont prĂ©cieux. TĂÂąchez, surtout, de vous rappeler ses paroles. Un mot pour l'autre peut changer toute une phrase; le mĂÂȘme a quelquefois deux sens... Vous pouvez vous ĂÂȘtre trompĂ© hĂ©las, je cherche Ă me flatter encore. Que vous a-t-elle dit? me fait-elle quelque reproche? au moins ne se dĂ©fend-elle pas de ses torts? J'aurais dĂ» prĂ©voir ce changement, par les difficultĂ©s que, depuis un temps, elle trouve Ă tout. L'amour ne connaĂt pas tant d'obstacles. Quel parti dois-je prendre? que me conseillez-vous? Si je tentais de la voir? cela est-il donc impossible? L'absence est si cruelle, si funeste... et elle a refusĂ© un moyen de me voir! Vous ne me dites pas quel il Ă©tait; s'il y avait en effet trop de danger, elle sait bien que je ne veux pas qu'elle se risque trop. Mais aussi je connais votre prudence; et pour mon malheur, je ne peux pas ne pas y croire. Que vais-je faire Ă prĂ©sent? comment lui Ă©crire? Si je lui laisse voir mes soupçons, ils la chagrineront peut-ĂÂȘtre; et s'ils sont injustes, me pardonnerais- je de l'avoir affligĂ©e? Si je les lui cache, c'est la tromper, et je ne sais point dissimuler avec elle. Oh! si, elle pouvait savoir ce que je souffre, ma peine la toucherait. Je la connais sensible; elle a le cĂ âur excellent et j'ai mille preuves de son amour. Trop de timiditĂ©, quelque embarras, elle est si jeune! et sa mĂšre la traite avec tant de sĂ©vĂ©ritĂ©! Je vais lui Ă©crire; je me contiendrai; je lui demanderai seulement de s'en remettre entiĂšrement Ă vous. Quand mĂÂȘme elle refuserait encore, elle ne pourra pas au moins se fĂÂącher de ma priĂšre, et peut-ĂÂȘtre elle consentira. Vous, mon ami, je vous fais mille excuses, et pour elle et pour moi. Je vous assure qu'elle sent le prix de vos soins, qu'elle en est reconnaissante. Ce n'est pas mĂ©fiance, c'est timiditĂ©. Ayez de l'indulgence; c'est le plus beau caractĂšre de l'amitiĂ©. La vĂÂŽtre m'est bien prĂ©cieuse, et je ne sais comment reconnaĂtre tout ce que vous faites pour moi. Adieu, je vais Ă©crire tout de suite. Je sens toutes mes craintes revenir; qui m'eĂ»t dit que jamais il m'en coĂ»terait de lui Ă©crire! HĂ©las! hier encore, c'Ă©tait mon plaisir le plus doux. Adieu, mon ami; continuez-moi vos soins, et plaignez-moi beaucoup. Paris, ce 27 septembre 17** LETTRE XCIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES JOINTE A LA PRECEDENTE. Je ne puis vous dissimuler combien j'ai Ă©tĂ© affligĂ© en apprenant de Valmont le peu de confiance que vous continuez Ă avoir en lui. Vous n'ignorez pas qu'il est mon ami, qu'il est la seule personne qui puisse nous rapprocher l'un de l'autre j'avais cru que ces titres seraient suffisants auprĂšs de vous; je vois avec peine que je me suis trompĂ©. Puis-je espĂ©rer qu'au moins vous m'instruirez de vos raisons? Ne trouverez-vous pas encore quelques difficultĂ©s qui vous en empĂÂȘcheront? Je ne puis cependant deviner, sans vous, le mystĂšre de cette conduite. Je n'ose soupçonner votre amour, sans doute aussi vous n'oseriez trahir le mien. Ah! CĂ©cile!... Il est donc vrai que vous avez refusĂ© un moyen de me voir? un moyen simple, commode et sĂ»r [Danceny ne sait pas quel Ă©tait ce moyen; il rĂ©pĂšte seulement l'expression de Valmont]? Et c'est ainsi que vous m'aimez! Une si courte absence a bien changĂ© vos sentiments. Mais pourquoi me tromper? pourquoi me dire que vous m'aimez toujours, que vous m'aimez davantage? Votre Maman, en dĂ©truisant votre amour, a-t-elle aussi dĂ©truit votre candeur? Si au moins elle vous a laissĂ© quelque pitiĂ©, vous n'apprendrez pas sans peine les tourments affreux que vous me causez. Ah! je souffrirais moins pour mourir. Dites-moi donc, votre cĂ âur m'est-il fermĂ© sans retour? m'avez-vous entiĂšrement oubliĂ©? GrĂÂące Ă vos refus, je ne sais, ni quand vous entendrez mes plaintes, ni quand vous y rĂ©pondrez. L'amitiĂ© de Valmont avait assurĂ© notre correspondance mais vous, vous n'avez pas voulu; vous la trouviez pĂ©nible, vous avez prĂ©fĂ©rĂ© qu'elle fĂ»t rare. Non, je ne croirai plus Ă l'amour, Ă la bonne foi. Eh! qui peut-on croire, si CĂ©cile m'a trompĂ©? RĂ©pondez-moi donc est-il vrai que vous ne m'aimez plus? Non cela n'est pas possible; vous vous faites illusion; vous calomniez votre cĂ âur. Une crainte passagĂšre, un moment de dĂ©couragement, mais que l'amour a bientĂÂŽt fait disparaĂtre; n'est-il pas vrai, ma CĂ©cile? ah! sans doute, et j'ai tort de vous accuser. Que je serais heureux d'avoir tort! que j'aimerais Ă vous faire de tendres excuses, Ă rĂ©parer ce moment d'injustice par une Ă©ternitĂ© d'amour! CĂ©cile, CĂ©cile, ayez pitiĂ© de moi! Consentez Ă me voir, prenez-en tous les moyens! Voyez ce que produit l'absence! des craintes, des soupçons, peut- ĂÂȘtre de la froideur! un seul regard, un seul mot et nous serons heureux. Mais quoi! puis-je encore parler de bonheur? peut-ĂÂȘtre est-il perdu pour moi, perdu pour jamais. TourmentĂ© par la crainte, cruellement pressĂ© entre les soupçons injustes et la vĂ©ritĂ© plus cruelle, je ne puis m'arrĂÂȘter Ă aucune pensĂ©e; je ne conserve d'existence que pour souffrir et vous aimer. Ah! CĂ©cile! vous seule avez le droit de me la rendre chĂšre; et j'attends du premier mot que vous prononcerez le retour du bonheur ou la certitude d'un dĂ©sespoir Ă©ternel. Paris, ce 27 septembre 17** LETTRE XCIV CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Je ne conçois rien Ă votre Lettre, sinon la peine qu'elle me cause. Qu'est-ce que M. de Valmont vous a donc mandĂ©, et qu'est-ce qui a pu vous faire croire que je ne vous aimais plus? Cela serait peut-ĂÂȘtre bien heureux pour moi, car sĂ»rement j'en serais moins tourmentĂ©e; et il est bien dur, quand je vous aime comme je fais, de voir que vous croyez toujours que j'ai tort, et qu'au lieu de me consoler, ce soit de vous que me viennent toujours les peines qui me font le plus de chagrin. Vous croyez que je vous trompe, et que je vous dis ce qui n'est pas! vous avez lĂ une jolie idĂ©e de moi! Mais quand je serais menteuse comme vous me le reprochez, quel intĂ©rĂÂȘt y aurais-je? AssurĂ©ment, si je ne vous aimais plus je n'aurais qu'Ă le dire, et tout le monde m'en louerait; mais, par malheur, c'est plus fort que moi; et il faut que ce soit pour quelqu'un qui ne m'en a pas d'obligation du tout! Qu'est-ce que j'ai donc fait pour vous tant fĂÂącher? Je n'ai pas osĂ© prendre une clef, parce que je craignais que Maman ne s'en aperçût, et que cela ne me causĂÂąt encore du chagrin, et Ă vous aussi Ă cause de moi; et puis encore, parce qu'il me semble que c'est mal fait. Mais ce n'Ă©tait que M. de Valmont qui m'en avait parlĂ©; je ne pouvais pas savoir si vous le vouliez ou non, puisque vous n'en saviez rien. A prĂ©sent que je sais que vous le dĂ©sirez, est-ce que je refuse de la prendre, cette clef? je la prendrai dĂšs demain; et puis nous verrons ce que vous aurez, encore Ă dire. M. de Valmont a beau ĂÂȘtre votre ami, je crois que je vous aime bien autant qu'il peut vous aimer, pour le moins; et cependant c'est toujours lui qui a raison, et moi j'ai toujours tort. Je vous assure que je suis bien fĂÂąchĂ©e. ĂâĄa vous est bien Ă©gal, parce que vous savez que je m'apaise tout de suite mais Ă prĂ©sent que j'aurai la clef, je pourrai vous voir quand je voudrai; et je vous assure que je ne voudrai pas quand vous agirez comme ça. J'aime mieux avoir du chagrin qui me vienne de moi, que s'il me venait de vous voyez ce que vous voulez faire. Si vous vouliez, nous nous aimerions tant! et au moins n'aurions-nous de peines que celles qu'on nous fait! Je vous assure bien que si j'Ă©tais maĂtresse, vous n'auriez jamais Ă vous plaindre de moi mais si vous ne me croyez pas, nous serons toujours bien malheureux, et ce ne sera pas ma faute. J'espĂšre que bientĂÂŽt nous pourrons nous voir, et qu'alors nous n'aurons plus d'occasions de nous chagriner comme Ă prĂ©sent. Si j'avais pu prĂ©voir ça, j'aurais pris cette clef tout de suite mais, en vĂ©ritĂ©, je croyais bien faire. Ne m'en voulez donc pas, je vous en prie. Ne soyez plus triste, et aimez-moi toujours autant que je vous aime; alors je serai bien contente. Adieu, mon cher ami. Du ChĂÂąteau de ..., ce 28 septembre 17** LETTRE XCV CECILE VOLANGES AU VICOMTE DE VALMONT Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien avoir la bontĂ© de me remettre cette clef que vous m'aviez donnĂ©e pour mettre Ă la place de l'autre; puisque tout le monde le veut, il faut bien que j'y consente aussi. Je ne sais pas pourquoi vous avez mandĂ© Ă M. Danceny que je ne l'aimais plus je ne crois pas vous avoir jamais donnĂ© lieu de le penser; et cela lui a fait bien de la peine, et Ă moi aussi. Je sais bien que vous ĂÂȘtes son ami; mais ce n'est pas une raison pour le chagriner, ni moi non plus. Vous me feriez bien plaisir de lui mander le contraire, la premiĂšre fois que vous lui Ă©crirez, et que vous en ĂÂȘtes sĂ»r car c'est en vous qu'il a le plus confiance; et moi, quand j'ai dit une chose, et qu'on ne la croit pas, je ne sais plus comment faire. Pour ce qui est de la clef, vous pouvez ĂÂȘtre tranquille; j'ai bien retenu tout ce que vous me recommandiez dans votre Lettre. Cependant, si vous l'avez encore, et que vous vouliez me la donner en mĂÂȘme temps, je vous promets que j'y ferai bien attention. Si ce pouvait ĂÂȘtre demain en allant dĂner, je vous donnerais l'autre clef aprĂšs-demain Ă dĂ©jeuner, et vous me la remettriez de la mĂÂȘme façon que la premiĂšre. Je voudrais bien que cela ne fĂ»t pas long, parce qu'il y aurait moins de temps Ă risquer que Maman ne s'en aperçût. Et puis, quand une fois vous aurez cette clef-lĂ , vous aurez bien la bontĂ© de vous en servir aussi pour prendre mes Lettres; et comme cela, M. Danceny aura plus souvent de mes nouvelles. Il est vrai que ce sera bien plus commode qu'Ă prĂ©sent; mais c'est que d'abord, cela m'a fait trop peur je vous prie de m'excuser, et j'espĂšre que vous n'en continuerez pas moins d'ĂÂȘtre aussi complaisant que par le passĂ©. J'en serai aussi toujours bien reconnaissante. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, Monsieur, votre trĂšs humble et trĂšs obĂ©issante servante. De ..., ce 28 septembre 17**LETTRE XCVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je parie bien que, depuis votre aventure, vous attendez chaque jour mes compliments et mes Ă©loges; je ne doute mĂÂȘme pas que vous n'ayez pris un peu d'humeur de mon long silence mais que voulez-vous? j'ai toujours pensĂ© que quand il n'y avait plus que des louanges Ă donner Ă une femme, on pouvait s'en reposer sur elle, et s'occuper d'autre chose. Cependant je vous remercie pour mon compte, et vous fĂ©licite pour le vĂÂŽtre. Je veux bien mĂÂȘme, pour vous rendre parfaitement heureuse, convenir que pour cette fois vous avez surpassĂ© mon attente. AprĂšs cela, voyons si de mon cĂÂŽtĂ© j'aurai du moins rempli la vĂÂŽtre en partie. Ce n'est pas de Madame de Tourvel dont je veux vous parler; sa marche trop lente vous dĂ©plaĂt. Vous n'aimez que les affaires faites. Les scĂšnes filĂ©es vous ennuient; et moi, jamais je n'avais goĂ»tĂ© le plaisir que j'Ă©prouve dans ces lenteurs prĂ©tendues. Oui, j'aime Ă voir, Ă considĂ©rer cette femme prudente, engagĂ©e, sans s'en ĂÂȘtre aperçue, dans un sentier qui ne permet plus de retour, et dont la pente rapide et dangereuse l'entraĂne malgrĂ© elle, et la force Ă me suivre. LĂ , effrayĂ©e du pĂ©ril qu'elle court, elle voudrait s'arrĂÂȘter et ne peut se retenir. Ses soins et son adresse peuvent bien rendre ses pas moins grands; mais il faut qu'ils se succĂšdent. Quelquefois, n'osant fixer le danger, elle ferme les yeux, et se laissant aller, s'abandonne Ă mes soins. Plus souvent, une nouvelle crainte ranime ses efforts dans son effroi mortel, elle veut tenter encore de retourner en arriĂšre; elle Ă©puise ses forces pour gravir pĂ©niblement un court espace; et bientĂÂŽt un magique pouvoir la replace plus prĂšs de ce danger, que vainement elle avait voulu fuir. Alors n'ayant plus que moi pour guide et pour appui, sans songer Ă me reprocher davantage une chute inĂ©vitable, elle m'implore pour la retarder. Les ferventes priĂšres, les humbles supplications, tout ce que les mortels, dans leur crainte, offrent Ă la DivinitĂ©, c'est moi qui les reçois d'elle; et vous voulez que, sourd Ă ses vĂ âux, et dĂ©truisant moi-mĂÂȘme le culte qu'elle me rend, j'emploie Ă la prĂ©cipiter la puissance qu'elle invoque pour la soutenir! Ah! laissez-moi du moins le temps d'observer ces touchants combats entre l'amour et la vertu. Eh quoi! ce mĂÂȘme spectacle qui vous fait courir au ThĂ©ĂÂątre avec empressement, que vous y applaudissez avec fureur, le croyez-vous moins attachant dans la rĂ©alitĂ©? Ces sentiments d'une ĂÂąme pure et tendre, qui redoute le bonheur qu'elle dĂ©sire, et ne cesse pas de se dĂ©fendre, mĂÂȘme alors qu'elle cesse de rĂ©sister, vous les Ă©coutez avec enthousiasme ne seraient-ils sans prix que pour celui qui les fait naĂtre? VoilĂ pourtant, voilĂ les dĂ©licieuses jouissances que cette femme cĂ©leste m'offre chaque jour; et vous me reprochez d'en savourer les douceurs! Ah! le temps ne viendra que trop tĂÂŽt, oĂÂč, dĂ©gradĂ©e par sa chute, elle ne sera plus pour moi qu'une femme ordinaire. Mais j'oublie, en vous parlant d'elle, que je ne voulais pas vous en parler. Je ne sais quelle puissance m'y attache, m'y ramĂšne sans cesse, mĂÂȘme alors que je l'outrage. Ecartons sa dangereuse idĂ©e; que je redevienne moi-mĂÂȘme pour traiter un sujet plus gai. Il s'agit de votre pupille, Ă prĂ©sent devenue la mienne, et j'espĂšre qu'ici vous allez me reconnaĂtre. Depuis quelques jours, mieux traitĂ© par ma tendre DĂ©vote, et par consĂ©quent moins occupĂ© d'elle, j'avais remarquĂ© que la petite Volanges Ă©tait en effet fort jolie; et que s'il y avait de la sottise Ă en ĂÂȘtre amoureux comme Danceny, peut-ĂÂȘtre n'y en avait-il pas moins de ma part Ă ne pas chercher auprĂšs d'elle une distraction que ma solitude me rendait nĂ©cessaire. Il me parut juste aussi de me payer des soins que je me donnais pour elle je me rappelais en outre que vous me l'aviez offerte, avant que Danceny eĂ»t rien Ă y prĂ©tendre; et je me trouvais fondĂ© Ă rĂ©clamer quelques droits sur un bien qu'il ne possĂ©dait qu'Ă mon refus et par mon abandon. La jolie mine de la petite personne, sa bouche si fraĂche, son air enfantin, sa gaucherie mĂÂȘme fortifiaient ces sages rĂ©flexions; je rĂ©solus d'agir en consĂ©quence, et le succĂšs a couronnĂ© l'entreprise. DĂ©jĂ vous cherchez par quel moyen j'ai supplantĂ© si tĂÂŽt l'amant chĂ©ri; quelle sĂ©duction convient Ă cet ĂÂąge, Ă cette inexpĂ©rience. Epargnez-vous tant de peine, je n'en ai employĂ© aucune. Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse; moi, rendant Ă l'homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l'autoritĂ©. SĂ»r de saisir ma proie si je pouvais la joindre, je n'avais besoin de ruse que pour m'en approcher, et mĂÂȘme celle dont je me suis servi ne mĂ©rite presque pas ce nom. Je profitai de la premiĂšre lettre que je reçus de Danceny pour sa Belle, et aprĂšs l'en avoir avertie par le signal convenu entre nous, au lieu de mettre mon adresse Ă la lui rendre, je la mis Ă n'en pas trouver le moyen cette impatience que je faisais naĂtre, je feignais de la partager, et aprĂšs avoir causĂ© le mal, j'indiquai le remĂšde. La jeune personne habite une chambre dont une porte donne sur le corridor; mais comme de raison, la mĂšre en avait pris la clef. Il ne s'agissait que de s'en rendre maĂtre. Rien de plus facile dans l'exĂ©cution; je ne demandais que d'en disposer deux heures, et je rĂ©pondais d'en avoir une semblable. Alors correspondances, entrevues, rendez-vous nocturnes; tout devenait commode et sĂ»r cependant, le croiriez-vous? l'enfant timide prit peur et refusa. Un autre s'en serait dĂ©solĂ©; moi, je n'y vis que l'occasion d'un plaisir plus piquant. J'Ă©crivis Ă Danceny pour me plaindre de ce refus, et je fis si bien que notre Ă©tourdi n'eut de cesse qu'il n'eĂ»t obtenu, exigĂ© mĂÂȘme de sa craintive MaĂtresse, qu'elle accordĂÂąt ma demande et se livrĂÂąt toute Ă ma discrĂ©tion. J'Ă©tais bien aise, je l'avoue, d'avoir ainsi changĂ© de rĂÂŽle, et que le jeune homme fĂt pour moi ce qu'il comptait que je ferais pour lui. Cette idĂ©e doublait, Ă mes yeux, le prix de l'aventure aussi dĂšs que j'ai eu la prĂ©cieuse clef, me suis-je hĂÂątĂ© d'en faire usage, c'Ă©tait la nuit derniĂšre. AprĂšs m'ĂÂȘtre assurĂ© que tout Ă©tait tranquille dans le ChĂÂąteau; armĂ© de ma lanterne sourde, et dans la toilette que comportait l'heure et qu'exigeait la circonstance, j'ai rendu ma premiĂšre visite Ă votre pupille. J'avais tout fait prĂ©parer et cela par elle-mĂÂȘme, pour pouvoir entrer sans bruit. Elle Ă©tait dans son premier sommeil, et dans celui de son ĂÂąge; de façon que je suis arrivĂ© jusqu'Ă son lit, sans qu'elle se soit rĂ©veillĂ©e. J'ai d'abord Ă©tĂ© tentĂ© d'aller plus avant, et d'essayer de passer pour un songe; mais craignant l'effet de la surprise et le bruit qu'elle entraĂne, j'ai prĂ©fĂ©rĂ© d'Ă©veiller avec prĂ©caution la jolie dormeuse, et suis en effet parvenu Ă prĂ©venir le cri que je redoutais. AprĂšs avoir calmĂ© ses premiĂšres craintes, comme je n'Ă©tais pas venu lĂ pour causer, j'ai risquĂ© quelques libertĂ©s. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son Couvent Ă combien de pĂ©rils divers est exposĂ©e la timide innocence, et tout ce qu'elle a Ă garder pour n'ĂÂȘtre pas surprise car, portant toute son attention, toutes ses forces Ă se dĂ©fendre d'un baiser, qui n'Ă©tait qu'une fausse attaque, tout le reste Ă©tait laissĂ© sans dĂ©fense; le moyen de n'en pas profiter! J'ai donc changĂ© ma marche, et sur le champ j'ai pris poste. Ici nous avons pensĂ© ĂÂȘtre perdus tous deux la petite fille, tout effarouchĂ©e, a voulu crier de bonne foi; heureusement sa voix s'est Ă©teinte dans les pleurs. Elle s'Ă©tait jetĂ©e aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras Ă temps. " Que voulez-vous faire lui ai-je dit alors, vous perdre pour toujours? Qu'on vienne, et que m'importe? Ă qui persuaderez-vous que je ne sois pas ici de votre aveu? Quel autre que vous m'aura fourni le moyen de m'y introduire? et cette clef que je tiens de vous, que je n'ai pu avoir que par vous, vous chargerez-vous d'en indiquer l'usage? " Cette courte harangue n'a calmĂ© ni la douleur, ni la colĂšre, mais elle a amenĂ© la soumission. Je ne sais si j'avais le ton de l'Ă©loquence; au moins est-il vrai que je n'en avais pas le geste. Une main occupĂ©e pour la force, l'autre pour l'amour, quel Orateur pourrait prĂ©tendre Ă la grĂÂące en pareille situation? Si vous vous la peignez bien, vous conviendrez qu'au moins elle Ă©tait favorable Ă l'attaque mais moi, je n'entends rien Ă rien, et comme vous dites, la femme la plus simple, une pensionnaire, me mĂšne comme un enfant. Celle-ci, tout en se dĂ©solant, sentait qu'il fallait prendre un parti, et entrer en composition. Les priĂšres me trouvant inexorable, il a fallu passer aux offres. Vous croyez que j'ai vendu bien cher ce poste important non, j'ai tout promis pour un baiser. Il est vrai que, le baiser pris, je n'ai pas tenu ma promesse mais j'avais de bonnes raisons. Etions-nous convenus qu'il serait pris ou donnĂ©? A force de marchander, nous sommes tombĂ©s d'accord pour un second, et celui-lĂ , il Ă©tait dit qu'il serait reçu. Alors ayant guidĂ© ses bras timides autour de mon corps, et la pressant de l'un des miens plus amoureusement, le doux baiser a Ă©tĂ© reçu en effet; mais bien, mais parfaitement reçu tellement enfin que l'Amour n'aurait pas pu mieux faire. Tant de bonne foi mĂ©ritait rĂ©compense, aussi ai-je aussitĂÂŽt accordĂ© la demande. La main s'est retirĂ©e; mais je ne sais par quel hasard je me suis trouvĂ© moi-mĂÂȘme Ă sa place. Vous me supposez lĂ bien empressĂ©, bien actif, n'est-il pas vrai? point du tout. J'ai pris goĂ»t aux lenteurs, vous dis-je. Une fois sĂ»r d'arriver, pourquoi tant presser le voyage? SĂ©rieusement, j'Ă©tais bien aise d'observer une fois la puissance de l'occasion, et je la trouvais ici dĂ©nuĂ©e de tout secours Ă©tranger. Elle avait pourtant Ă combattre l'amour, et l'amour soutenu par la pudeur ou la honte, et fortifiĂ© surtout par l'humeur que j'avais donnĂ©e, et dont on avait beaucoup pris. L'occasion Ă©tait seule; mais elle Ă©tait lĂ , toujours offerte, toujours prĂ©sente, et l'Amour Ă©tait absent. Pour assurer mes observations, j'avais la malice de n'employer de force que ce qu'on en pouvait combattre. Seulement si ma charmante ennemie, abusant de ma facilitĂ©, se trouvait prĂÂȘte Ă m'Ă©chapper, je la contenais par cette mĂÂȘme crainte, dont j'avais dĂ©jĂ Ă©prouvĂ© les heureux effets. HĂ© bien! sans autre soin, la tendre amoureuse, oubliant ses serments, a cĂ©dĂ© d'abord et fini par consentir non pas qu'aprĂšs ce premier moment les reproches et les larmes ne soient revenus de concert; j'ignore s'ils Ă©taient vrais ou feints mais, comme il arrive toujours, ils ont cessĂ©, dĂšs que je me suis occupĂ© Ă y donner lieu de nouveau. Enfin, de faiblesse en reproche, et de reproche en faiblesse, nous ne nous sommes sĂ©parĂ©s que satisfaits l'un de l'autre, et Ă©galement d'accord pour le rendez-vous de ce soir. Je ne me suis retirĂ© chez moi qu'au point du jour, et j'Ă©tais rendu de fatigue et de sommeil cependant j'ai sacrifiĂ© l'un et l'autre au dĂ©sir de me trouver ce matin au dĂ©jeuner j'aime, de passion, les mines de lendemain. Vous n'avez pas d'idĂ©e de celle-ci. C'Ă©tait un embarras dans le maintien! une difficultĂ© dans la marche! des yeux toujours baissĂ©s, et si gros et si battus! Cette figure si ronde s'Ă©tait tant allongĂ©e! rien n'Ă©tait si plaisant. Et pour la premiĂšre fois, sa mĂšre, alarmĂ©e de ce changement extrĂÂȘme, lui tĂ©moignait un intĂ©rĂÂȘt assez tendre! et la PrĂ©sidente aussi, qui s'empressait autour d'elle! Oh! pour ces soins-lĂ ils ne sont que prĂÂȘtĂ©s; un jour viendra oĂÂč on pourra les lui rendre, et ce jour n'est pas loin. Adieu, ma belle amie. Du ChĂÂąteau de ..., ce 1er octobre 17** LETTRE XCVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ah! mon Dieu, Madame, que je suis affligĂ©e! que je suis malheureuse! Qui me consolera dans mes peines? qui me conseillera dans l'embarras oĂÂč je me trouve? Ce M. de Valmont... et Danceny! non, l'idĂ©e de Danceny me met au dĂ©sespoir... Comment vous raconter? comment vous dire?... Je ne sais comment faire. Cependant mon cĂ âur est plein... Il faut que je parle Ă quelqu'un, et vous ĂÂȘtes la seule Ă qui je puisse, Ă qui j'ose me confier. Vous avez tant de bontĂ© pour moi! Mais n'en ayez pas dans ce moment-ci; je n'en suis pas digne que vous dirai-je? je ne le dĂ©sire point. Tout le monde ici m'a tĂ©moignĂ© de l'intĂ©rĂÂȘt aujourd'hui... ils ont tous augmentĂ© ma peine. Je sentais tant que je ne le mĂ©ritais pas! Grondez-moi au contraire; grondez-moi bien, car je suis bien coupable mais aprĂšs, sauvez-moi; si vous n'avez pas la bontĂ© de me conseiller, je mourrai de chagrin. Apprenez donc... ma main tremble, comme vous voyez, je ne peux presque pas Ă©crire, je me sens le visage tout en feu... Ah! c'est bien le rouge de la honte. HĂ© bien! je la souffrirai; ce sera la premiĂšre punition de ma faute. Oui, je vous dirai tout. Vous saurez donc que M. de Valmont, qui m'a remis jusqu'ici les Lettres de M. Danceny, a trouvĂ© tout d'un coup que c'Ă©tait trop difficile; il a voulu avoir une clef de ma chambre. Je puis bien vous assurer que je ne voulais pas; mais il a Ă©tĂ© en Ă©crire Ă Danceny, et Danceny l'a voulu aussi; et moi, ça me fait tant de peine quand je lui refuse quelque chose, surtout depuis mon absence qui le rend si malheureux, que j'ai fini par y consentir. Je ne prĂ©voyais pas le malheur qui en arriverait. Hier, M. de Valmont s'est servi de cette clef pour venir dans ma chambre, comme j'Ă©tais endormie; je m'y attendais si peu, qu'il m'a fait bien peur en me rĂ©veillant; mais comme il m'a parlĂ© tout de suite, je l'ai reconnu, et je n'ai pas criĂ©; et puis l'idĂ©e m'est venue d'abord qu'il venait peut-ĂÂȘtre m'apporter une Lettre de Danceny. C'en Ă©tait bien loin. Un petit moment aprĂšs, il a voulu m'embrasser; et pendant que je me dĂ©fendais, comme c'est naturel, il a si bien fait, que je n'aurais pas voulu pour toute chose au monde... mais, lui voulait un baiser auparavant. Il a bien fallu, car comment faire? d'autant que j'avais essayĂ© d'appeler, mais outre que je n'ai pas pu, il a bien su me dire que, s'il venait quelqu'un, il saurait bien rejeter toute la faute sur moi; et, en effet, c'Ă©tait bien facile, Ă cause de cette clef. Ensuite il ne s'est pas retirĂ© davantage. Il en a voulu un second; et celui-lĂ , je ne savais pas ce qui en Ă©tait, mais il m'a toute troublĂ©e; et aprĂšs, c'Ă©tait encore pis qu'auparavant. Oh! par exemple, c'est bien mal ça. Enfin aprĂšs... , vous m'exempterez bien de dire le reste; mais je suis malheureuse autant qu'on puisse l'ĂÂȘtre. Ce que je me reproche le plus, et dont pourtant il faut que je vous parle, c'est que j'ai peur de ne pas m'ĂÂȘtre dĂ©fendue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment cela se faisait sĂ»rement, je n'aime pas M. de Valmont, bien au contraire; et il y avait des moments oĂÂč j'Ă©tais comme si je l'aimais... Vous jugez bien que ça ne m'empĂÂȘchait pas de lui dire toujours que non mais je sentais bien que je ne faisais pas comme je disais; et ça, c'Ă©tait comme malgrĂ© moi; et puis aussi, j'Ă©tais bien troublĂ©e! S'il est toujours aussi difficile que ça de se dĂ©fendre, il faut y ĂÂȘtre bien accoutumĂ©e! Il est vrai que M. de Valmont a des façons de dire, qu'on ne sait pas comment faire pour lui rĂ©pondre enfin, croiriez-vous que quand il s'en est allĂ©, j'en Ă©tais comme fĂÂąchĂ©e, et que j'ai eu la faiblesse de consentir qu'il revĂnt ce soir ça me dĂ©sole encore plus que tout le reste. Oh! malgrĂ© ça, je vous promets bien que je l'empĂÂȘcherai d'y venir. Il n'a pas Ă©tĂ© sorti, que j'ai bien senti que j'avais eu bien tort de lui promettre. Aussi, j'ai pleurĂ© tout le reste du temps. C'est surtout Danceny qui me faisait de la peine! toutes les fois que je songeais Ă lui, mes pleurs redoublaient que j'en Ă©tais suffoquĂ©e, et j'y songeais toujours... et Ă prĂ©sent encore, vous en voyez l'effet; voilĂ mon papier tout trempĂ©. Non, je ne me consolerai jamais, ne fĂ»t-ce qu'Ă cause de lui... Enfin, je n'en pouvais plus, et pourtant je n'ai pas pu dormir une minute. Et ce matin en me levant, quand je me suis regardĂ©e au miroir, je faisais peur, tant j'Ă©tais changĂ©e. Maman s'en est aperçue dĂšs qu'elle m'a vue et elle m'a demandĂ© ce que j'avais. Moi, je me suis mise Ă pleurer tout de suite. Je croyais qu'elle m'allait gronder, et peut-ĂÂȘtre ça m'aurait fait moins de peine mais, au contraire. Elle m'a parlĂ© avec douceur! Je ne le mĂ©ritais guĂšre. Elle m'a dit de ne pas m'affliger comme ça. Elle ne savait pas le sujet de mon affliction. Que je me rendrais malade! Il y a des moments oĂÂč je voudrais ĂÂȘtre morte. Je n'ai pas pu y tenir. Je me suis jetĂ©e dans ses bras en sanglotant, et en lui disant " Ah! Maman, votre fille est bien malheureuse! " Maman n'a pu s'empĂÂȘcher de pleurer un peu; et tout cela n'a fait qu'augmenter mon chagrin heureusement elle ne m'a pas demandĂ© pourquoi j'Ă©tais si malheureuse, car je n'aurais su que lui dire. Je vous en supplie, Madame, Ă©crivez-moi le plus tĂÂŽt que vous pourrez, et dites-moi ce que je dois faire, car je n'ai le courage de songer Ă rien, et je ne fais que m'affliger. Vous voudrez bien m'adresser votre Lettre par M. de Valmont; mais je vous en prie, si vous lui Ă©crivez en mĂÂȘme temps, ne lui parlez pas que je vous aie rien dit. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, Madame, avec toujours bien de l'amitiĂ©, votre trĂšs humble et trĂšs obĂ©issante servante... Je n'ose pas signer cette Lettre. Du ChĂÂąteau de ..., ce 1er octobre 17**. LETTRE XCVIII MADAME DE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il y a bien peu de jours, ma charmante amie, que c'Ă©tait vous qui me demandiez des consolations et des conseils aujourd'hui, c'est mon tour; et je vous fais pour moi la mĂÂȘme demande que vous me faisiez pour vous. Je suis bien rĂ©ellement affligĂ©e, et je crains de n'avoir pas pris les meilleurs moyens pour Ă©viter les chagrins que j'Ă©prouve. C'est ma fille qui cause mon inquiĂ©tude. Depuis mon dĂ©part je l'avais bien vue toujours triste et chagrine; mais je m'y attendais, et j'avais armĂ© mon cĂ âur d'une sĂ©vĂ©ritĂ© que je jugeais nĂ©cessaire. J'espĂ©rais que l'absence, les distractions dĂ©truiraient bientĂÂŽt un amour que je regardais plutĂÂŽt comme une erreur de l'enfance que comme une vĂ©ritable passion. Cependant, loin d'avoir rien gagnĂ© depuis mon sĂ©jour ici, je m'aperçois que cet enfant se livre de plus en plus Ă une mĂ©lancolie dangereuse; et je crains, tout de bon, que sa santĂ© ne s'altĂšre. ParticuliĂšrement depuis quelques jours elle change Ă vue d'oeil. Hier, surtout, elle me frappa, et tout le monde ici en fut vraiment alarmĂ©. Ce qui me prouve encore combien elle est affectĂ©e vivement, c'est que je la vois prĂÂȘte Ă surmonter la timiditĂ© qu'elle a toujours eue avec moi. Hier matin, sur la simple demande que je lui fis si elle Ă©tait malade, elle se prĂ©cipita dans mes bras en me disant qu'elle Ă©tait bien malheureuse; et elle pleura aux sanglots. Je ne puis vous rendre la peine qu'elle m'a faite; les larmes me sont venues aux yeux tout de suite et je n'ai eu que le temps de me dĂ©tourner, pour empĂÂȘcher qu'elle ne me vĂt. Heureusement j'ai eu la prudence de ne lui faire aucune question, et elle n'a pas osĂ© m'en dire davantage mais il n'en est pas moins clair que c'est cette malheureuse passion qui la tourmente. Quel parti prendre pourtant, si cela dure? ferai-je le malheur de ma fille? tournerai-je contre elle les qualitĂ©s les plus prĂ©cieuses de l'ĂÂąme, la sensibilitĂ© et la constance? est-ce pour cela que je suis sa mĂšre? et quand j'Ă©toufferais ce sentiment si naturel qui nous fait vouloir le bonheur de nos enfants; quand je regarderais comme une faiblesse ce que je crois, au contraire, le premier, le plus sacrĂ© de nos devoirs; si je force son choix, n'aurai-je pas Ă rĂ©pondre des suites funestes qu'il peut avoir? Quel usage Ă faire de l'autoritĂ© maternelle que de placer sa fille entre le crime et le malheur! Mon amie, je n'imiterai pas ce que j'ai blĂÂąmĂ© si souvent. J'ai pu, sans doute, tenter de faire un choix pour ma fille; je ne faisais en cela que l'aider de mon expĂ©rience ce n'Ă©tait pas un droit que j'exerçais, je remplissais un devoir. J'en trahirais un, au contraire, en disposant d'elle au mĂ©pris d'un penchant que je n'ai pas su empĂÂȘcher de naĂtre et dont ni elle, ni moi ne pouvons connaĂtre ni l'Ă©tendue ni la durĂ©e. Non, je ne souffrirai point qu'elle Ă©pouse celui-ci pour aimer celui-lĂ , et j'aime mieux compromettre mon autoritĂ© que sa vertu. Je crois donc que je vais prendre le parti le plus sage de retirer la parole que j'ai donnĂ©e Ă M. de Gercourt. Vous venez d'en voir les raisons; elles me paraissent devoir l'emporter sur mes promesses. Je dis plus dans l'Ă©tat oĂÂč sont les choses, remplir mon engagement, ce serait vĂ©ritablement le violer. Car enfin, si je dois Ă ma fille de ne pas livrer son secret Ă M. de Gercourt, je dois au moins Ă celui-ci de ne pas abuser de l'ignorance oĂÂč je le laisse, et de faire pour lui tout ce que je crois qu'il ferait lui-mĂÂȘme, s'il Ă©tait instruit. Irai-je, au contraire, le trahir indignement, quand il se livre Ă ma foi, et, tandis qu'il m'honore en me choisissant pour sa seconde mĂšre, le tromper dans le choix qu'il veut faire de la mĂšre de ses enfants? Ces rĂ©flexions si vraies et auxquelles je ne peux me refuser m'alarment plus que je ne puis vous dire. Aux malheurs qu'elles me font redouter, je compare ma fille, heureuse avec l'Ă©poux que son cĂ âur a choisi, ne connaissant ses devoirs que par la douceur qu'elle trouve Ă les remplir; mon gendre Ă©galement satisfait et se fĂ©licitant, chaque jour, de son choix; chacun d'eux ne trouvant de bonheur que dans le bonheur de l'autre, et celui de tous deux se rĂ©unissant pour augmenter le mien. L'espoir d'un avenir si doux doit-il ĂÂȘtre sacrifiĂ© Ă de vaines considĂ©rations? Et quelles sont celles qui me retiennent? uniquement des vues d'intĂ©rĂÂȘt. De quel avantage sera-t-il donc pour ma fille d'ĂÂȘtre nĂ©e riche, si elle n'en doit pas moins ĂÂȘtre esclave de la fortune? Je conviens que M. de Gercourt est un parti meilleur, peut-ĂÂȘtre, que je ne devais l'espĂ©rer pour ma fille; j'avoue mĂÂȘme que j'ai Ă©tĂ© extrĂÂȘmement flattĂ©e du choix qu'il a fait d'elle. Mais enfin, Danceny est d'une aussi bonne maison que lui; il ne lui cĂšde en rien pour les qualitĂ©s personnelles; il a sur M. de Gercourt l'avantage d'aimer et d'ĂÂȘtre aimĂ© il n'est pas riche Ă la vĂ©ritĂ©; mais ma fille ne l'est-elle pas assez pour eux deux? Ah! pourquoi lui ravir la satisfaction si douce d'enrichir ce qu'elle aime! Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et oĂÂč tout se convient en effet, hors les goĂ»ts et les caractĂšres, ne sont-ils pas la source la plus fĂ©conde de ces Ă©clats scandaleux qui deviennent tous les jours plus frĂ©quents? J'aime mieux diffĂ©rer au moins j'aurai le temps d'Ă©tudier ma fille que je ne connais pas. Je me sens bien le courage de lui causer un chagrin passager, si elle en doit recueillir un bonheur plus solide mais de risquer de la livrer Ă un dĂ©sespoir Ă©ternel, cela n'est pas dans mon cĂ âur. VoilĂ , ma chĂšre amie, les idĂ©es qui me tourmentent, et sur quoi je rĂ©clame vos conseils. Ces objets sĂ©vĂšres contrastent beaucoup avec votre aimable gaietĂ©, et ne paraissent guĂšre de votre ĂÂąge mais votre raison l'a tant devancĂ©! Votre amitiĂ© d'ailleurs aidera votre prudence; et je ne crains point que l'une ou l'autre se refusent Ă la sollicitude maternelle qui les implore. Adieu, ma charmante amie; ne doutez jamais de la sincĂ©ritĂ© de mes sentiments. Du ChĂÂąteau de ..., ce 2 octobre 17**. LETTRE XCIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Encore de petits Ă©vĂ©nements, ma belle amie; mais des scĂšnes seulement, point d'actions. Ainsi, armez-vous de patience; prenez-en mĂÂȘme beaucoup car tandis que ma PrĂ©sidente marche Ă si petits pas, votre pupille recule, et c'est bien pis encore. HĂ© bien! j'ai le bon esprit de m'amuser de ces misĂšres-lĂ . VĂ©ritablement je m'accoutume fort bien Ă mon sĂ©jour ici; et je puis dire que dans le triste ChĂÂąteau de ma vieille tante, je n'ai pas Ă©prouvĂ© un moment d'ennui. Au fait, n'y ai-je pas jouissances, privations, espoir, incertitude? Qu'a- t-on de plus sur un plus grand thĂ©ĂÂątre? des spectateurs? HĂ©! laissez faire, ils ne me manqueront pas. S'ils ne me voient pas Ă l'ouvrage, je leur montrerai ma besogne faite; ils n'auront plus qu'Ă admirer et applaudir. Oui, ils applaudiront; car je puis enfin prĂ©dire, avec certitude, le moment de la chute de mon austĂšre DĂ©vote. J'ai assistĂ© ce soir Ă l'agonie de la vertu. La douce faiblesse va rĂ©gner Ă sa place. Je n'en fixe pas l'Ă©poque plus tard qu'Ă notre premiĂšre entrevue mais dĂ©jĂ je vous entends crier Ă l'orgueil. Annoncer sa victoire, se vanter Ă l'avance. HĂ©, lĂ , lĂ , calmez-vous! Pour vous prouver ma modestie, je vais commencer par l'histoire de ma dĂ©faite. En vĂ©ritĂ©, votre pupille est une petite personne bien ridicule! C'est bien un enfant qu'il faudrait traiter comme tel, et Ă qui on ferait grĂÂące en ne le mettant qu'en pĂ©nitence! Croiriez-vous qu'aprĂšs ce qui s'est passĂ© avant-hier entre elle et moi, aprĂšs la façon amicale dont nous nous sommes quittĂ©s hier matin; lorsque j'ai voulu y retourner le soir, comme elle en Ă©tait convenue, j'ai trouvĂ© sa porte fermĂ©e en dedans? Qu'en dites-vous? on Ă©prouve quelquefois de ces enfantillages-lĂ la veille mais le lendemain! cela n'est-il pas plaisant? Je n'en ai pourtant pas ri d'abord, jamais je n'avais autant senti l'empire de mon caractĂšre. AssurĂ©ment j'allais Ă ce rendez-vous sans plaisir, et uniquement par procĂ©dĂ©. Mon lit, dont j'avais grand besoin, me semblait, pour le moment, prĂ©fĂ©rable Ă celui de tout autre, et je ne m'en Ă©tais Ă©loignĂ© qu'Ă regret. Cependant je n'ai pas eu plutĂÂŽt trouvĂ© un obstacle que je brĂ»lais de le franchir; j'Ă©tais humiliĂ©, surtout, qu'un enfant m'eĂ»t jouĂ©. Je me retirai donc avec beaucoup d'humeur et dans le projet de ne plus me mĂÂȘler de ce sot enfant, ni de ses affaires, je lui avais Ă©crit, sur-le-champ, un billet que je comptais lui remettre aujourd'hui, et oĂÂč je l'Ă©valuais Ă son juste prix. Mais, comme on dit, la nuit porte conseil; j'ai trouvĂ© ce matin que, n'ayant pas ici le choix des distractions, il fallait garder celle-lĂ ; j'ai donc supprimĂ© le sĂ©vĂšre billet. Depuis que j'y ai rĂ©flĂ©chi, je ne reviens pas d'avoir eu l'idĂ©e de finir une aventure, avant d'avoir en main de quoi en perdre l'HĂ©roĂÂŻne. OĂÂč nous mĂšne pourtant un premier mouvement! Heureux, ma belle amie, qui a su, comme vous, s'accoutumer Ă n'y jamais cĂ©der. Enfin j'ai diffĂ©rĂ© ma vengeance; j'ai fait ce sacrifice Ă vos vues sur Gercourt. A prĂ©sent que je ne suis plus en colĂšre, je ne vois plus que du ridicule dans la conduite de votre pupille. En effet, je voudrais bien savoir ce qu'elle espĂšre gagner par lĂ ! pour moi je m'y perds si ce n'est que pour se dĂ©fendre, il faut convenir qu'elle s'y prend un peu tard. Il faudra bien qu'un jour elle me dise le mot de cette Ă©nigme! J'ai grande envie de le savoir. C'est peut-ĂÂȘtre seulement qu'elle se trouvait fatiguĂ©e? franchement cela se pourrait; car sans doute elle ignore encore que les flĂšches de l'Amour, comme la lance d'Achille, portent avec elles le remĂšde aux blessures qu'elles font. Mais non, Ă sa petite grimace de toute la journĂ©e, je parierais qu'il entre lĂ -dedans du repentir... lĂ ... quelque chose... comme de la vertu... De la vertu!... c'est bien Ă elle qu'il convient d'en avoir! Ah! qu'elle la laisse Ă la femme vĂ©ritablement nĂ©e pour elle, la seule qui sache l'embellir, qui la ferait aimer!... Pardon, ma belle amie mais c'est ce soir mĂÂȘme que s'est passĂ©e, entre Madame de Tourvel et moi, la scĂšne dont j'ai Ă vous rendre compte, et j'en conserve encore quelque Ă©motion. J'ai besoin de me faire violence pour me distraire de l'impression qu'elle m'a faite, c'est mĂÂȘme pour m'y aider, que je me suis mis Ă vous Ă©crire. Il faut pardonner quelque chose Ă ce premier moment. Il y a dĂ©jĂ quelques jours que nous sommes d'accord, Madame de Tourvel et moi, sur nos sentiments; nous ne disputons plus que sur les mots. C'Ă©tait toujours, Ă la vĂ©ritĂ©, son amitiĂ© qui rĂ©pondait Ă mon amour mais ce langage de convention ne changeait pas le fond des choses; et quand nous serions restĂ©s ainsi, j'en aurais peut-ĂÂȘtre Ă©tĂ© moins vite, mais non pas moins sĂ»rement. DĂ©jĂ mĂÂȘme il n'Ă©tait plus question de m'Ă©loigner, comme elle le voulait d'abord; et pour les entretiens que nous avons journellement, si je mets mes soins Ă lui en offrir l'occasion, elle met les siens Ă la saisir. Comme c'est ordinairement Ă la promenade que se passent nos petits rendez- vous, le temps affreux qu'il a fait tout aujourd'hui ne me laissait rien espĂ©rer j'en Ă©tais mĂÂȘme vraiment contrariĂ©; je ne prĂ©voyais pas combien je devais gagner Ă ce contretemps. Ne pouvant se promener, on s'est mis Ă jouer en sortant de table; et comme je joue peu, et que je ne suis plus nĂ©cessaire, j'ai pris ce temps pour monter chez moi, sans autre projet que d'y attendre, Ă peu prĂšs, la fin de la partie. Je retournais joindre le cercle, quand j'ai trouvĂ© la charmante femme qui entrait dans son appartement, et qui, soit imprudence ou faiblesse, m'a dit de sa douce voix " OĂÂč allez-vous donc? Il n'y a personne au salon. " Il ne m'en a pas fallu davantage, comme vous pouvez croire, pour essayer d'entrer chez elle; j'y ai trouvĂ© moins de rĂ©sistance que je ne m'y attendais. Il est vrai que j'avais eu la prĂ©caution de commencer la conversation Ă la porte, et de la commencer indiffĂ©rente; mais Ă peine avons-nous Ă©tĂ© Ă©tablis, que j'ai ramenĂ© la vĂ©ritable, et que j'ai parlĂ© de mon amour Ă mon amie . Sa premiĂšre rĂ©ponse, quoique simple, m'a paru assez expressive " Oh! tenez, m'a-t-elle dit, ne parlons pas de cela ici " , et elle tremblait. La pauvre femme! elle se voit mourir. Pourtant elle avait tort de craindre. Depuis quelque temps, assurĂ© du succĂšs un jour ou l'autre, et la voyant user tant de force dans d'inutiles combats, j'avais rĂ©solu de mĂ©nager les miennes, et d'attendre sans effort qu'elle se rendĂt de lassitude. Vous sentez bien qu'ici il faut un triomphe complet, et que je ne veux rien devoir Ă l'occasion. C'Ă©tait mĂÂȘme d'aprĂšs ce plan formĂ©, et pour pouvoir ĂÂȘtre pressant, sans m'engager trop, que je suis revenu Ă ce mot d'amour, si obstinĂ©ment refusĂ©; sĂ»r qu'on me croyait assez d'ardeur, j'ai essayĂ© un ton plus tendre. Ce refus ne me fĂÂąchait plus, il m'affligeait; ma sensible amie ne me devait-elle pas quelques consolations? Tout en me consolant, une main Ă©tait restĂ©e dans la mienne; le joli corps Ă©tait appuyĂ© sur mon bras, et nous Ă©tions extrĂÂȘmement rapprochĂ©s. Vous avez sĂ»rement remarquĂ© combien, dans cette situation, Ă mesure que la dĂ©fense mollit, les demandes et les refus se passent de plus prĂšs; comment la tĂÂȘte se dĂ©tourne et les regards se baissent, tandis que les discours, toujours prononcĂ©s d'une voix faible, deviennent rares et entrecoupĂ©s. Ces symptĂÂŽmes prĂ©cieux annoncent, d'une maniĂšre non Ă©quivoque, le consentement de l'ĂÂąme mais rarement a-t-il encore passĂ© jusqu'aux sens; je crois mĂÂȘme qu'il est toujours dangereux de tenter alors quelque entreprise trop marquĂ©e; parce que cet Ă©tat d'abandon n'Ă©tant jamais sans un plaisir trĂšs doux, on ne saurait forcer d'en sortir, sans causer une humeur qui tourne infailliblement au profit de la dĂ©fense. Mais, dans le cas prĂ©sent, la prudence m'Ă©tait d'autant plus nĂ©cessaire, que j'avais surtout Ă redouter l'effroi que cet oubli d'elle-mĂÂȘme ne manquerait pas de causer Ă ma tendre rĂÂȘveuse. Aussi cet aveu que je demandais, je n'exigeais pas mĂÂȘme qu'il fĂ»t prononcĂ©; un regard pouvait suffire; un seul regard, et j'Ă©tais heureux. Ma belle amie, les beaux yeux se sont en effet levĂ©s sur moi, la bouche cĂ©leste a mĂÂȘme prononcĂ© " Eh bien! oui, je... " Mais tout Ă coup le regard s'est Ă©teint, la voix a manquĂ©, et cette femme adorable est tombĂ©e dans mes bras. A peine avais-je eu le temps de l'y recevoir, que se dĂ©gageant avec une force convulsive, la vue Ă©garĂ©e, et les mains Ă©levĂ©es vers le Ciel... " Dieu... ĂÂŽ mon Dieu, sauvez-moi " , s'est-elle Ă©criĂ©e; et sur-le-champ, plus prompte que l'Ă©clair, elle Ă©tait Ă genoux Ă dix pas de moi. Je l'entendais prĂÂȘte Ă suffoquer. Je me suis avancĂ© pour la secourir; mais elle, prenant mes mains qu'elle baignait de pleurs, quelquefois mĂÂȘme embrassant mes genoux " Oui, ce sera vous, disait-elle, ce sera vous qui me sauverez! Vous ne voulez pas ma mort, laissez-moi; sauvez-moi; laissez-moi; au nom de Dieu, laissez-moi! " Et ces discours peu suivis s'Ă©chappaient Ă peine Ă travers des sanglots redoublĂ©s. Cependant elle me tenait avec une force qui ne m'aurait pas permis de m'Ă©loigner; alors rassemblant les miennes, je l'ai soulevĂ©e dans mes bras. Au mĂÂȘme instant les pleurs ont cessĂ©; elle ne parlait plus; tous ses membres se sont roidis, et de violentes convulsions ont succĂ©dĂ© Ă cet orage. J'Ă©tais, je l'avoue, vivement Ă©mu, et je crois que j'aurais consenti Ă sa demande, quand les circonstances ne m'y auraient pas forcĂ©. Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'aprĂšs lui avoir donnĂ© quelques secours, je l'ai laissĂ©e comme elle m'en priait, et que je m'en fĂ©licite. DĂ©jĂ j'en ai presque reçu le prix. Je m'attendais qu'ainsi que le jour de ma premiĂšre dĂ©claration, elle ne se montrerait pas de la soirĂ©e. Mais vers les huit heures, elle est descendue au salon, et a seulement annoncĂ© au cercle qu'elle s'Ă©tait trouvĂ©e fort incommodĂ©e. Sa figure Ă©tait abattue, sa voix faible, et son maintien composĂ©; mais son regard Ă©tait doux, et souvent il s'est fixĂ© sur moi. Son refus de jouer m'ayant mĂÂȘme obligĂ© de prendre sa place, elle a pris la sienne Ă mon cĂÂŽtĂ©. Pendant le souper, elle est restĂ©e seule dans le salon. Quand on y est revenu, j'ai cru m'apercevoir qu'elle avait pleurĂ© pour m'en Ă©claircir, je lui ai dit qu'il me semblait qu'elle s'Ă©tait encore ressentie de son incommoditĂ©; Ă quoi elle m'a obligeamment rĂ©pondu " Ce mal-lĂ ne s'en va pas si vite qu'il vient! " Enfin quand on s'est retirĂ©, je lui ai donnĂ© la main; et Ă la porte de son appartement elle a serrĂ© la mienne avec force. Il est vrai que ce mouvement m'a paru avoir quelque chose d'involontaire mais tant mieux; c'est une preuve de plus de mon empire. Je parierais qu'Ă prĂ©sent elle est enchantĂ©e d'en ĂÂȘtre lĂ tous les frais sont faits; il ne reste plus qu'Ă jouir. Peut-ĂÂȘtre, pendant que je vous Ă©cris, s'occupe-t-elle dĂ©jĂ de cette douce idĂ©e! et quand mĂÂȘme elle s'occuperait, au contraire, d'un nouveau projet de dĂ©fense, ne savons-nous pas bien ce que deviennent tous ces projets-lĂ ? Je vous le demande, cela peut-il aller plus loin que notre prochaine entrevue? Je m'attends bien, par exemple, qu'il y aura quelques façons pour l'accorder, mais bon! le premier pas franchi, ces Prudes austĂšres savent-elles s'arrĂÂȘter? leur amour est une vĂ©ritable explosion; la rĂ©sistance y donne plus de force. Ma farouche DĂ©vote courrait aprĂšs moi, si je cessais de courir aprĂšs elle. Enfin, ma belle amie, incessamment j'arriverai chez vous, pour vous sommer de votre parole. Vous n'avez pas oubliĂ© sans doute ce que vous m'avez promis aprĂšs le succĂšs; cette infidĂ©litĂ© Ă votre Chevalier? ĂÂȘtes-vous prĂÂȘte? pour moi je le dĂ©sire comme si nous ne nous Ă©tions jamais connus. Au reste, vous connaĂtre est peut-ĂÂȘtre une raison pour le dĂ©sirer davantage Je suis juste, et ne suis point galant [VOLTAIRE, ComĂ©die de Nanine]. Aussi ce sera la premiĂšre infidĂ©litĂ© que je ferai Ă ma grave conquĂÂȘte; et je vous promets de profiter du premier prĂ©texte pour m'absenter vingt-quatre heures d'auprĂšs d'elle. Ce sera sa punition, de m'avoir tenu si longtemps Ă©loignĂ© de vous. Savez-vous que voilĂ plus de deux mois que cette aventure m'occupe? oui, deux mois et trois jours; il est vrai que je compte demain, puisqu'elle ne sera vĂ©ritablement consommĂ©e qu'alors. Cela me rappelle que Mademoiselle de B*** a rĂ©sistĂ© les trois mois complets. Je suis bien aise de voir que la franche coquetterie a plus de dĂ©fense que l'austĂšre vertu. Adieu, ma belle amie; il faut vous quitter, car il est fort tard. Cette Lettre m'a menĂ© plus loin que je ne comptais; mais comme j'envoie demain matin Ă Paris, j'ai voulu en profiter, pour vous faire partager un jour plus tĂÂŽt la joie de votre ami. Du ChĂÂąteau de ..., ce 2 octobre 17**, au soir. LETTRE C LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon amie, je suis jouĂ©, trahi, perdu; je suis au dĂ©sespoir Madame de Tourvel est partie. Elle est partie, et je ne l'ai pas su! et je n'Ă©tais pas lĂ pour m'opposer Ă son dĂ©part, pour lui reprocher son indigne trahison! Ah! ne croyez pas que je l'eusse laissĂ©e partir, elle serait restĂ©e; oui, elle serait restĂ©e, eussĂ©-je dĂ» employer la violence. Mais quoi! dans ma crĂ©dule sĂ©curitĂ©, je dormais tranquillement; je dormais, et la foudre est tombĂ©e sur moi. Non, je ne conçois rien Ă ce dĂ©part il faut renoncer Ă connaĂtre les femmes. Quand je me rappelle la journĂ©e d'hier! que dis-je? la soirĂ©e mĂÂȘme! Ce regard si doux, cette voix si tendre! et cette main serrĂ©e! et pendant ce temps, elle projetait de me fuir! Ăâ femmes, femmes! Plaignez-vous donc, si l'on vous trompe! Mais oui, toute perfidie qu'on emploie est un vol qu'on vous fait. Quel plaisir j'aurai Ă me venger! je la retrouverai, cette femme perfide; je reprendrai mon empire sur elle. Si l'amour m'a suffi pour en trouver les moyens, que ne fera-t-il pas, aidĂ© de la vengeance? Je la verrai encore Ă mes genoux, tremblante et baignĂ©e de pleurs, me criant merci de sa trompeuse voix; et moi, je serai sans pitiĂ©. Que fait-elle Ă prĂ©sent? que pense-t-elle? Peut-ĂÂȘtre elle s'applaudit de m'avoir trompĂ©; et fidĂšle aux goĂ»ts de son sexe, ce plaisir lui paraĂt le plus doux. Ce que n'a pu la vertu tant vantĂ©e, l'esprit de ruse l'a produit sans effort. InsensĂ©! je redoutais sa sagesse; c'Ă©tait sa mauvaise foi que je devais craindre. Et ĂÂȘtre obligĂ© de dĂ©vorer mon ressentiment! n'oser montrer qu'une tendre douleur, quand j'ai le cĂ âur rempli de rage! me voir rĂ©duit Ă supplier encore une femme rebelle, qui s'est soustraite Ă mon empire! devais-je donc ĂÂȘtre humiliĂ© Ă ce point? et par qui? par une femme timide, et qui jamais ne s'est exercĂ©e Ă combattre. A quoi me sert de m'ĂÂȘtre Ă©tabli dans son cĂ âur, de l'avoir embrasĂ© de tous les feux de l'amour, d'avoir portĂ© jusqu'au dĂ©lire le trouble de ses sens; si tranquille dans sa retraite, elle peut aujourd'hui s'enorgueillir de sa fuite plus que moi de mes victoires? Et je le souffrirais? mon amie, vous ne le croyez pas; vous n'avez pas de moi cette humiliante idĂ©e! Mais quelle fatalitĂ© m'attache Ă cette femme? cent autres ne dĂ©sirent-elles pas mes soins? ne s'empresseront-elles pas d'y rĂ©pondre? quand mĂÂȘme aucune ne vaudrait celle-ci, l'attrait de la variĂ©tĂ©, le charme des nouvelles conquĂÂȘtes, l'Ă©clat de leur nombre, n'offrent-ils pas des plaisirs assez doux? Pourquoi courir aprĂšs celui qui nous fuit, et nĂ©gliger ceux qui se prĂ©sentent? Ah! pourquoi?... Je l'ignore, mais je l'Ă©prouve fortement. Il n'est plus pour moi de bonheur, de repos, que par la possession de cette femme que je hais et que j'aime avec une Ă©gale fureur. Je ne supporterai mon sort que du moment oĂÂč je disposerai du sien. Alors tranquille et satisfait, je la verrai, Ă son tour, livrĂ©e aux orages que j'Ă©prouve en ce moment, j'en exciterai mille autres encore. L'espoir et la crainte, la mĂ©fiance et la sĂ©curitĂ©, tous les maux inventĂ©s par la haine, tous les biens accordĂ©s par l'amour, je veux qu'ils remplissent son cĂ âur, qu'ils s'y succĂšdent Ă ma volontĂ©. Ce temps viendra... Mais que de travaux encore! que j'en Ă©tais prĂšs hier, et qu'aujourd'hui je m'en vois Ă©loignĂ©! Comment m'en rapprocher? je n'ose tenter aucune dĂ©marche; je sens que pour prendre un parti il faudrait ĂÂȘtre plus calme, et mon sang bout dans mes veines. Ce qui redouble mon tourment, c'est le sang-froid avec lequel chacun rĂ©pond ici Ă mes questions sur cet Ă©vĂ©nement, sur sa cause, sur tout ce qu'il offre d'extraordinaire. Personne ne sait rien, personne ne dĂ©sire de rien savoir Ă peine en aurait-on parlĂ©, si j'avais consenti qu'on parlĂÂąt d'autre chose. Madame de Rosemonde, chez qui j'ai couru ce matin quand j'ai appris cette nouvelle, m'a rĂ©pondu avec le froid de son ĂÂąge que c'Ă©tait la suite naturelle de l'indisposition que Madame de Tourvel avait eue hier; qu'elle avait craint une maladie, et qu'elle avait prĂ©fĂ©rĂ© d'ĂÂȘtre chez elle elle trouve cela tout simple, elle en aurait fait autant, m'a-t-elle dit, comme s'il pouvait y avoir quelque chose de commun entre elles deux! entre elle, qui n'a plus qu'Ă mourir; et l'autre, qui fait le charme et le tourment de ma vie! Madame de Volanges, que d'abord j'avais soupçonnĂ©e d'ĂÂȘtre complice, ne paraĂt affectĂ©e que de n'avoir pas Ă©tĂ© consultĂ©e sur cette dĂ©marche. Je suis bien aise, je l'avoue, qu'elle n'ait pas eu le plaisir de me nuire. Cela me prouve encore qu'elle n'a pas, autant que je le craignais, la confiance de cette femme; c'est toujours une ennemie de moins. Comme elle se fĂ©liciterait, si elle savait que c'est moi qu'on a fui! comme elle se serait gonflĂ©e d'orgueil, si c'eĂ»t Ă©tĂ© par ses conseils! comme son importance en aurait redoublĂ©! Mon Dieu! que je la hais! Oh! je renouerai avec sa fille; je veux la travailler Ă ma fantaisie aussi bien, je crois que je resterai ici quelque temps; au moins, le peu de rĂ©flexions que j'ai pu faire me porte Ă ce parti. Ne croyez-vous pas, en effet, qu'aprĂšs une dĂ©marche aussi marquĂ©e, mon ingrate doit redouter ma prĂ©sence? Si donc l'idĂ©e lui est venue que je pourrais la suivre, elle n'aura pas manquĂ© de me fermer sa porte; et je ne veux pas plus l'accoutumer Ă ce moyen, qu'en souffrir l'humiliation. J'aime mieux lui annoncer au contraire que je reste ici; je lui ferai mĂÂȘme des instances pour qu'elle y revienne; et quand elle sera bien persuadĂ©e de mon absence, j'arriverai chez elle nous verrons comment elle supportera cette entrevue. Mais il faut la diffĂ©rer pour en augmenter l'effet, et je ne sais encore si j'en aurai la patience j'ai eu, vingt fois dans la journĂ©e, la bouche ouverte pour demander mes chevaux. Cependant je prendrai sur moi; je m'engage Ă recevoir votre rĂ©ponse ici; je vous demande seulement, ma belle amie, de ne pas me la faire attendre. Ce qui me contrarierait le plus serait de ne pas savoir ce qui se passe mais mon Chasseur, qui est Ă Paris, a des droits Ă quelque accĂšs auprĂšs de la Femme de chambre il pourra me servir. Je lui envoie une instruction et de l'argent. Je vous prie de trouver bon que je joigne l'un et l'autre Ă cette Lettre, et aussi d'avoir soin de les lui envoyer par un de vos gens, avec ordre de les lui remettre Ă lui-mĂÂȘme. Je prends cette prĂ©caution, parce que le drĂÂŽle a l'habitude de n'avoir jamais reçu les Lettres que je lui Ă©cris, quand elles lui prescrivent quelque chose qui le gĂÂȘne; et que, pour le moment, il ne me paraĂt pas aussi Ă©pris de sa conquĂÂȘte que je voudrais qu'il le fĂ»t. Adieu, ma belle amie; s'il vous vient quelque idĂ©e heureuse, quelque moyen de hĂÂąter ma marche, faites-m'en part. J'ai Ă©prouvĂ© plus d'une fois combien votre amitiĂ© pouvait ĂÂȘtre utile; je l'Ă©prouve encore en ce moment; car je me sens plus calme depuis que je vous Ă©cris; au moins, je parle Ă quelqu'un qui m'entend, et non aux automates prĂšs de qui je vĂ©gĂšte depuis ce matin. En vĂ©ritĂ©, plus je vais, et plus je suis tentĂ© de croire qu'il n'y a que vous et moi dans le monde, qui valions quelque chose. Du ChĂÂąteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CI LE VICOMTE DE VALMONT A AZOLAN, SON CHASSEUR. JOINTE A LA PRECEDENTE. Il faut que vous soyez bien imbĂ©cile, vous qui ĂÂȘtes parti d'ici ce matin, de n'avoir pas su que Madame de Tourvel en partait aussi; ou, si vous l'avez su, de n'ĂÂȘtre pas venu m'en avertir. A quoi sert-il donc que vous dĂ©pensiez mon argent Ă vous enivrer avec les Valets; que le temps que vous devriez employer Ă me servir, vous le passiez Ă faire l'agrĂ©able auprĂšs des Femmes de chambre, si je n'en suis pas mieux informĂ© de ce qui se passe? VoilĂ pourtant de vos nĂ©gligences! Mais je vous prĂ©viens que s'il vous en arrive une seule dans cette affaire-ci, ce sera la derniĂšre que vous aurez Ă mon service. Il faut que vous m'instruisiez de tout ce qui se passe chez Madame de Tourvel de sa santĂ©, si elle dort; si elle est triste ou gaie; si elle sort souvent, et chez qui elle va; si elle reçoit du monde chez elle, et qui y vient; Ă quoi elle passe son temps, si elle a de l'humeur avec ses Femmes, particuliĂšrement avec celle qu'elle avait amenĂ©e ici; ce qu'elle fait, quand elle est seule; si, quand elle lit, elle lit de suite, ou si elle interrompt sa lecture pour rĂÂȘver; de mĂÂȘme quand elle Ă©crit. Songez aussi Ă vous rendre l'ami de celui qui porte ses Lettres Ă la Poste. Offrez-vous souvent Ă lui pour faire cette commission Ă sa place et quand il acceptera, ne faites partir que celles qui vous paraĂtront indiffĂ©rentes, et envoyez-moi les autres, surtout celles Ă Madame de Volanges, si vous en rencontrez. Arrangez-vous pour ĂÂȘtre encore quelque temps l'amant heureux de votre Julie. Si elle en a un autre, comme vous l'avez cru, faites-la consentir Ă se partager; et n'allez pas vous piquer d'une ridicule dĂ©licatesse vous serez dans le cas de bien d'autres, qui valent mieux que vous. Si pourtant votre second se rendait trop importun; si vous vous aperceviez, par exemple, qu'il occupĂÂąt trop Julie pendant la journĂ©e, et qu'elle en fĂ»t moins souvent auprĂšs de sa MaĂtresse, Ă©cartez-le par quelque moyen, ou cherchez-lui querelle n'en craignez pas les suites, je vous soutiendrai. Surtout ne quittez pas cette maison. C'est par l'assiduitĂ© qu'on voit tout, et qu'on voit bien. Si mĂÂȘme le hasard faisait renvoyer quelqu'un des Gens, prĂ©sentez-vous pour le remplacer, comme n'Ă©tant plus Ă moi. Dites, dans ce cas, que vous m'avez quittĂ© pour chercher une maison plus tranquille et plus rĂ©glĂ©e. TĂÂąchez enfin de vous faire accepter. Je ne vous en garderai pas moins Ă mon service pendant ce temps; ce sera comme chez la Duchesse de ***; et par la suite, Madame de Tourvel vous en rĂ©compensera de mĂÂȘme. Si vous aviez assez d'adresse et de zĂšle, cette instruction devrait suffire; mais pour supplĂ©er Ă l'un et Ă l'autre, je vous envoie de l'argent. Le billet ci-joint vous autorise, comme vous verrez, Ă toucher vingt-cinq louis chez mon homme d'affaires; car je ne doute pas que vous ne soyez sans le sou. Vous emploierez de cette somme ce qui sera nĂ©cessaire pour dĂ©cider Julie Ă Ă©tablir une correspondance avec moi. Le reste servira Ă faire boire les Gens. Ayez soin, autant que cela se pourra, que ce soit chez le Suisse de la maison, afin qu'il aime Ă vous y voir venir. Mais n'oubliez pas que ce ne sont pas vos plaisirs que je veux payer, mais vos services. Accoutumez Julie Ă observer tout et Ă tout rapporter, mĂÂȘme ce qui lui paraĂtrait minutieux. Il vaut mieux qu'elle Ă©crive dix phrases inutiles, que d'en omettre une intĂ©ressante; et souvent ce qui paraĂt indiffĂ©rent ne l'est pas. Comme il faut que je puisse ĂÂȘtre instruit sur-le-champ, s'il arrivait quelque chose qui vous parĂ»t mĂ©riter attention, aussitĂÂŽt cette Lettre reçue, vous enverrez Philippe, sur le cheval de commission, s'Ă©tablir Ă ... [Village Ă moitiĂ© chemin de Paris au chĂÂąteau de Madame de Rosemonde]; il y restera jusqu'Ă nouvel ordre; ce sera un relais en cas de besoin. Pour la correspondance courante, la Poste suffira. Prenez garde de perdre cette Lettre. Relisez-la tous les jours, tant pour vous assurer de ne rien oublier, que pour ĂÂȘtre sĂ»r de l'avoir encore. Faites enfin tout ce qu'il faut faire, quand on est honorĂ© de ma confiance. Vous savez que, si je suis content de vous, vous le serez de moi. Du ChĂÂąteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Vous serez bien Ă©tonnĂ©e, Madame, en apprenant que je pars de chez vous aussi prĂ©cipitamment. Cette dĂ©marche va vous paraĂtre bien extraordinaire mais que votre surprise va redoubler encore quand vous en saurez les raisons! Peut-ĂÂȘtre trouverez-vous qu'en vous les confiant, je ne respecte pas assez la tranquillitĂ© nĂ©cessaire Ă votre ĂÂąge; que je m'Ă©carte mĂÂȘme des sentiments de vĂ©nĂ©ration qui vous sont dus Ă tant de titres? Ah! Madame, pardon mais mon cĂ âur est oppressĂ©; il a besoin d'Ă©pancher sa douleur dans le sein d'une amie Ă©galement douce et prudente quelle autre que vous pouvait-il choisir? Regardez-moi comme votre enfant. Ayez pour moi les bontĂ©s maternelles; je les implore. J'y ai peut-ĂÂȘtre quelques droits par mes sentiments pour vous. OĂÂč est le temps oĂÂč, tout entiĂšre Ă ces sentiments louables, je ne connaissais point ceux qui, portant dans l'ĂÂąme le trouble mortel que j'Ă©prouve, ĂÂŽtent la force de les combattre en mĂÂȘme temps qu'ils en imposent le devoir? Ah! ce fatal voyage m'a perdue... Que vous dirai-je enfin? j'aime, oui, j'aime Ă©perdument. HĂ©las! ce mot que j'Ă©cris pour la premiĂšre fois, ce mot si souvent demandĂ© sans ĂÂȘtre obtenu, je payerais de ma vie la douceur de pouvoir une fois seulement le faire entendre Ă celui qui l'inspire; et pourtant il faut le refuser sans cesse! Il va douter encore de mes sentiments; il croira avoir Ă s'en plaindre. Je suis bien malheureuse! Que ne lui est-il aussi facile de lire dans mon cĂ âur que d'y rĂ©gner? Oui, je souffrirais moins, s'il savait tout ce que je souffre; mais vous-mĂÂȘme, Ă qui je le dis, vous n'en aurez encore qu'une faible idĂ©e. Dans peu de moments, je vais le fuir et l'affliger. Tandis qu'il se croira encore prĂšs de moi, je serai dĂ©jĂ loin de lui Ă l'heure oĂÂč j'avais coutume de le voir chaque jour, je serai dans des lieux oĂÂč il n'est jamais venu, oĂÂč je ne dois pas permettre qu'il vienne. DĂ©jĂ tous mes prĂ©paratifs sont faits; tout est lĂ , sous mes yeux; je ne puis les reposer sur rien qui ne m'annonce ce cruel dĂ©part. Tout est prĂÂȘt, exceptĂ© moi!... et plus mon cĂ âur s'y refuse, plus il me prouve la nĂ©cessitĂ© de m'y soumettre. Je m'y soumettrai sans doute, il vaut mieux mourir que de vivre coupable. DĂ©jĂ , je le sens, je ne le suis que trop; je n'ai sauvĂ© que ma sagesse, la vertu s'est Ă©vanouie. Faut-il vous l'avouer, ce qui me reste encore, je le dois Ă sa gĂ©nĂ©rositĂ©. EnivrĂ©e du plaisir de le voir, de l'entendre, de la douceur de le sentir auprĂšs de moi, du bonheur plus grand de pouvoir faire le sien, j'Ă©tais sans puissance et sans force; Ă peine m'en restait-il pour combattre, je n'en avais plus pour rĂ©sister; je frĂ©missais de mon danger, sans pouvoir le fuir. HĂ© bien! il a vu ma peine, et il a eu pitiĂ© de moi. Comment ne le chĂ©rirais-je pas? Je lui dois bien plus que la vie. Ah! si en restant auprĂšs de lui je n'avais Ă trembler que pour elle, ne croyez pas que jamais je consentisse Ă m'Ă©loigner. Que m'est-elle sans lui, ne serais-je pas trop heureuse de la perdre? CondamnĂ©e Ă faire Ă©ternellement son malheur et le mien; Ă n'oser ni me plaindre, ni le consoler; Ă me dĂ©fendre chaque jour contre lui, contre moi-mĂÂȘme; Ă mettre mes soins Ă causer sa peine, quand je voudrais les consacrer tous Ă son bonheur. Vivre ainsi n'est-ce pas mourir mille fois? VoilĂ pourtant quel va ĂÂȘtre mon sort. Je le supporterai cependant, j'en aurai le courage. Ăâ vous, que je choisis pour ma mĂšre, recevez-en le serment! Recevez aussi celui que je fais de ne vous dĂ©rober aucune de mes actions; recevez-le, je vous en conjure; je vous le demande comme un secours dont j'ai besoin ainsi, engagĂ©e Ă vous dire tout, je m'accoutumerai Ă me croire toujours en votre prĂ©sence. Votre vertu remplacera la mienne. Jamais, sans doute, je ne consentirai Ă rougir Ă vos yeux; et retenue par ce frein puissant, tandis que je chĂ©rirai en vous l'indulgente amie, confidente de ma faiblesse, j'y honorerai encore l'Ange tutĂ©laire qui me sauvera de la honte. C'est bien en Ă©prouver assez que d'avoir Ă faire cette demande. Fatal effet d'une prĂ©somptueuse confiance! pourquoi n'ai-je pas redoutĂ© plus tĂÂŽt ce penchant que j'ai senti naĂtre? Pourquoi me suis-je flattĂ©e de pouvoir Ă mon grĂ© le maĂtriser ou le vaincre? InsensĂ©e! je connaissais bien peu l'amour! Ah! si je l'avais combattu avec plus de soin, peut-ĂÂȘtre eĂ»t-il pris moins d'empire! peut-ĂÂȘtre alors ce dĂ©part n'eĂ»t pas Ă©tĂ© nĂ©cessaire; ou mĂÂȘme, en me soumettant Ă ce parti douloureux, j'aurais pu ne pas rompre entiĂšrement une liaison qu'il eĂ»t suffi de rendre moins frĂ©quente! Mais tout perdre Ă la fois! et pour jamais! Ăâ mon amie!... Mais quoi! mĂÂȘme en vous Ă©crivant, je m'Ă©gare encore dans des vĂ âux criminels. Ah! partons, partons, et que du moins ces torts involontaires soient expiĂ©s par mes sacrifices. Adieu, ma respectable amie; aimez-moi comme votre fille, adoptez-moi pour telle; et soyez sĂ»re que, malgrĂ© ma faiblesse, j'aimerais mieux mourir que de me rendre indigne de votre choix. De ..., ce 3 octobre 17**, Ă une heure du matin. LETTRE CIII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL J'ai Ă©tĂ©, ma chĂšre Belle, plus affligĂ©e de votre dĂ©part que surprise de sa cause; une longue expĂ©rience et l'intĂ©rĂÂȘt que vous inspirez avaient suffi pour m'Ă©clairer sur l'Ă©tat de votre cĂ âur; et s'il faut tout dire, vous ne m'avez rien ou presque rien appris par votre Lettre. Si je n'avais Ă©tĂ© instruite que par elle, j'ignorerais encore quel est celui que vous aimez; car en me parlant de lui tout le temps, vous n'avez pas Ă©crit son nom une seule fois. Je n'en avais pas besoin; je sais bien qui c'est. Mais je le remarque, parce que je me suis rappelĂ© que c'est toujours lĂ le style de l'amour. Je vois qu'il en est encore comme au temps passĂ©. Je ne croyais guĂšre ĂÂȘtre jamais dans le cas de revenir sur des souvenirs si Ă©loignĂ©s de moi, et si Ă©trangers Ă mon ĂÂąge. Pourtant, depuis hier, je m'en suis vraiment beaucoup occupĂ©e, par le dĂ©sir que j'avais d'y trouver quelque chose qui pĂ»t vous ĂÂȘtre utile. Mais que puis-je faire, que vous admirer et vous plaindre? Je loue le parti sage que vous avez pris mais il m'effraie, parce que j'en conclus que vous l'avez jugĂ© nĂ©cessaire; et quand on en est lĂ , il est bien difficile de se tenir toujours Ă©loignĂ©e de celui dont notre cĂ âur nous rapproche sans cesse. Cependant ne vous dĂ©couragez pas. Rien ne doit ĂÂȘtre impossible Ă votre belle ĂÂąme; et quand vous devriez un jour avoir le malheur de succomber ce qu'Ă Dieu ne plaise!, croyez-moi, ma chĂšre Belle, rĂ©servez-vous au moins la consolation d'avoir combattu de toute votre puissance. Et puis, ce que ne peut la sagesse humaine, la grĂÂące divine l'opĂšre quand il lui plaĂt. Peut-ĂÂȘtre ĂÂȘtes- vous Ă la veille de ses secours; et votre vertu, Ă©prouvĂ©e dans ces combats terribles, en sortira plus pure, et plus brillante. La force que vous n'avez pas aujourd'hui, espĂ©rez que vous la recevrez demain. N'y comptez pas pour vous en reposer sur elle, mais pour vous encourager Ă user de toutes les vĂÂŽtres. En laissant Ă la Providence le soin de vous secourir dans un danger contre lequel je ne peux rien, je me rĂ©serve de vous soutenir et vous consoler autant qu'il sera en moi. Je ne soulagerai pas vos peines, mais je les partagerai. C'est Ă ce titre que je recevrai volontiers vos confidences. Je sens que votre cĂ âur doit avoir besoin de s'Ă©pancher. Je vous ouvre le mien; l'ĂÂąge ne l'a pas encore refroidi au point d'ĂÂȘtre insensible Ă l'amitiĂ©. Vous le trouverez toujours prĂÂȘt Ă vous recevoir. Ce sera un faible soulagement Ă vos douleurs, mais au moins vous ne pleurerez pas seule et quand ce malheureux amour, prenant trop d'empire sur vous, vous forcera d'en parler, il vaut mieux que ce soit avec moi qu'avec lui . VoilĂ que je parle comme vous; et je crois qu'Ă nous deux nous ne parviendrons pas Ă le nommer; au reste, nous nous entendons. Je ne sais si je fais bien de vous dire qu'il m'a paru vivement affectĂ© de votre dĂ©part; il serait peut-ĂÂȘtre plus sage de ne vous en pas parler mais je n'aime pas cette sagesse qui afflige ses amis. Je suis pourtant forcĂ©e de n'en pas parler plus longtemps. Ma vue dĂ©bile et ma main tremblante ne me permettent pas de longues Lettres, quand il faut les Ă©crire moi-mĂÂȘme. Adieu donc, ma chĂšre Belle; adieu, mon aimable enfant; oui, je vous adopte volontiers pour ma fille, et vous avez bien tout ce qu'il faut pour faire l'orgueil et le plaisir d'une mĂšre. Du ChĂÂąteau de ..., ce 3 octobre 17**. LETTRE CIV LA MARQUISE DE MERTEUIL A MADAME DE VOLANGES En vĂ©ritĂ©, ma chĂšre et bonne amie, j'ai eu peine Ă me dĂ©fendre d'un mouvement d'orgueil, en lisant votre Lettre. Quoi! vous m'honorez de votre entiĂšre confiance! vous allez mĂÂȘme jusqu'Ă me demander des conseils! Ah! je suis bien heureuse, si je mĂ©rite cette opinion favorable de votre part si je ne la dois pas seulement Ă la prĂ©vention de l'amitiĂ©. Au reste, quel qu'en soit le motif, elle n'en est pas moins prĂ©cieuse Ă mon cĂ âur; et l'avoir obtenue n'est Ă mes yeux qu'une raison de plus pour travailler davantage Ă la mĂ©riter. Je vais donc mais sans prĂ©tendre vous donner un avis vous dire librement ma façon de penser. Je m'en mĂ©fie, parce qu'elle diffĂšre de la vĂÂŽtre; mais quand je vous aurai exposĂ© mes raisons, vous les jugerez; et si vous les condamnez, je souscris d'avance Ă votre jugement. J'aurai au moins cette sagesse de ne pas me croire plus sage que vous. Si pourtant, et pour cette seule fois, mon avis se trouvait prĂ©fĂ©rable, il faudrait en chercher la cause dans les illusions de l'amour maternel. Puisque ce sentiment est louable, il doit se trouver en vous. Qu'il se reconnaĂt bien en effet dans le parti que vous ĂÂȘtes tentĂ©e de prendre! c'est ainsi que, s'il vous arrive d'errer quelquefois, ce n'est jamais que dans le choix des vertus. La prudence est, Ă ce qu'il me semble, celle qu'il faut prĂ©fĂ©rer, quand on dispose du sort des autres, et surtout quand il s'agit de le fixer par un lien indissoluble et sacrĂ©, tel que celui du mariage. C'est alors qu'une mĂšre, Ă©galement sage et tendre, doit comme vous le dites si bien, aider sa fille de son expĂ©rience . Or, je vous le demande, qu'a-t-elle Ă faire pour y parvenir? sinon de distinguer pour elle, entre ce qui plaĂt et ce qui convient. Ne serait-ce donc pas avilir l'autoritĂ© maternelle, ne serait-ce pas l'anĂ©antir, que de la subordonner Ă un goĂ»t frivole dont la puissance illusoire ne se fait sentir qu'Ă ceux qui la redoutent, et disparaĂt sitĂÂŽt qu'on la mĂ©prise? Pour moi, je l'avoue, je n'ai jamais cru Ă ces passions entraĂnantes et irrĂ©sistibles, dont il semble qu'on soit convenu de faire l'excuse gĂ©nĂ©rale de nos dĂ©rĂšglements. Je ne conçois point comment un goĂ»t, qu'un moment voit naĂtre et qu'un autre voit mourir, peut avoir plus de force que les principes inaltĂ©rables de pudeur, d'honnĂÂȘtetĂ© et de modestie; et je n'entends pas plus qu'une femme qui les trahit puisse ĂÂȘtre justifiĂ©e par sa passion prĂ©tendue, qu'un voleur ne le serait par la passion de l'argent, ou un assassin par celle de la vengeance. Eh! qui peut dire n'avoir jamais eu Ă combattre? Mais j'ai toujours cherchĂ© Ă me persuader que, pour rĂ©sister, il suffisait de le vouloir, et jusqu'alors au moins, mon expĂ©rience a confirmĂ© mon opinion. Que serait la vertu, sans les devoirs qu'elle impose? son culte est dans nos sacrifices, sa rĂ©compense dans nos cĂ âurs. Ces vĂ©ritĂ©s ne peuvent ĂÂȘtre niĂ©es que par ceux qui ont intĂ©rĂÂȘt de les mĂ©connaĂtre; et qui, dĂ©jĂ dĂ©pravĂ©s, espĂšrent faire un moment illusion, en essayant de justifier leur mauvaise conduite par de mauvaises raisons. Mais pourrait-on le craindre d'un enfant simple et timide; d'un enfant nĂ© de vous, et dont l'Ă©ducation modeste et pure n'a pu que fortifier l'heureux naturel? C'est pourtant Ă cette crainte, que j'ose dire humiliante pour votre fille, que vous voulez sacrifier le mariage avantageux que votre prudence avait mĂ©nagĂ© pour elle! J'aime beaucoup Danceny; et depuis longtemps, comme vous savez, je vois peu M. de Gercourt; mais mon amitiĂ© pour l'un, mon indiffĂ©rence pour l'autre, ne m'empĂÂȘchent point de sentir l'Ă©norme diffĂ©rence qui se trouve entre ces deux partis. Leur naissance est Ă©gale, j'en conviens; mais l'un est sans fortune, et celle de l'autre est telle que, mĂÂȘme sans naissance, elle aurait suffi pour le mener Ă tout. J'avoue bien que l'argent ne fait pas le bonheur; mais il faut avouer aussi qu'il le facilite beaucoup. Mademoiselle de Volanges est, comme vous le dites, assez riche pour deux cependant, soixante mille livres de rente dont elle va jouir ne sont pas dĂ©jĂ tant quand on porte le nom de Danceny, quand il faut monter et soutenir une maison qui y rĂ©ponde. Nous ne sommes plus au temps de Madame de SĂ©vignĂ©. Le luxe absorbe tout on le blĂÂąme, mais il faut l'imiter, et le superflu finit par priver du nĂ©cessaire. Quant aux qualitĂ©s personnelles que vous comptez pour beaucoup, et avec beaucoup de raison, assurĂ©ment M. de Gercourt est sans reproche de ce cĂÂŽtĂ©; et Ă lui, ses preuves sont faites. J'aime Ă croire, et je crois qu'en effet Danceny ne lui cĂšde en rien; mais en sommes-nous aussi sĂ»res? Il est vrai qu'il a paru jusqu'ici exempt des dĂ©fauts de son ĂÂąge, et que malgrĂ© le ton du jour il montre un goĂ»t pour la bonne compagnie qui fait augurer favorablement de lui mais qui sait si cette sagesse apparente, il ne la doit pas Ă la mĂ©diocritĂ© de sa fortune? Pour peu qu'on craigne d'ĂÂȘtre fripon ou crapuleux, il faut de l'argent pour ĂÂȘtre joueur et libertin, et l'on peut encore aimer les dĂ©fauts dont on redoute les excĂšs. Enfin il ne serait pas le milliĂšme qui aurait vu la bonne compagnie uniquement faute de pouvoir mieux faire. Je ne dis pas Ă Dieu ne plaise! que je croie tout cela de lui mais ce serait toujours un risque Ă courir; et quels reproches n'auriez-vous pas Ă vous faire, si l'Ă©vĂ©nement n'Ă©tait pas heureux! Que rĂ©pondriez-vous Ă votre fille, qui vous dirait " Ma mĂšre, j'Ă©tais jeune et sans expĂ©rience; j'Ă©tais mĂÂȘme sĂ©duite par une erreur pardonnable Ă mon ĂÂąge mais le Ciel, qui avait prĂ©vu ma faiblesse, m'avait accordĂ© une mĂšre sage, pour y remĂ©dier et m'en garantir. Pourquoi donc, oubliant votre prudence, avez-vous consenti Ă mon malheur? Ă©tait-ce Ă moi Ă me choisir un Ă©poux, quand je ne connaissais rien de l'Ă©tat du mariage? Quand je l'aurais voulu, n'Ă©tait-ce pas Ă vous Ă vous y opposer? Mais je n'ai jamais eu cette folle volontĂ©. DĂ©cidĂ©e Ă vous obĂ©ir, j'ai attendu votre choix avec une respectueuse rĂ©signation; jamais je ne me suis Ă©cartĂ©e de la soumission que je vous devais, et cependant je porte aujourd'hui la peine qui n'est due qu'aux enfants rebelles. Ah! votre faiblesse m'a perdue ... " Peut-ĂÂȘtre son respect Ă©toufferait-il ces plaintes; mais l'amour maternel les devinerait et les larmes de votre fille, pour ĂÂȘtre dĂ©robĂ©es, n'en couleraient pas moins sur votre cĂ âur. OĂÂč chercherez-vous alors vos consolations? Sera-ce dans ce fol amour, contre lequel vous auriez dĂ» l'armer, et par qui au contraire vous vous serez laissĂ© sĂ©duire? J'ignore, ma chĂšre amie, si j'ai contre cette passion une prĂ©vention trop forte; mais je la crois redoutable, mĂÂȘme dans le mariage. Ce n'est pas que je dĂ©sapprouve qu'un sentiment honnĂÂȘte et doux vienne embellir le lien conjugal, et adoucir en quelque sorte les devoirs qu'il impose; mais ce n'est pas Ă lui qu'il appartient de le former; ce n'est pas Ă l'illusion d'un moment Ă rĂ©gler le choix de notre vie. En effet, pour choisir, il faut comparer; et comment le pouvoir, quand un seul objet nous occupe; quand celui-lĂ mĂÂȘme on ne peut le connaĂtre, plongĂ© que l'on est dans l'ivresse et l'aveuglement? J'ai rencontrĂ©, comme vous pouvez croire, plusieurs femmes atteintes de ce mal dangereux; j'ai reçu les confidences de quelques-unes. A les entendre, il n'en est point dont l'Amant ne soit un ĂÂȘtre parfait mais ces perfections chimĂ©riques n'existent que dans leur imagination. Leur tĂÂȘte exaltĂ©e ne rĂÂȘve qu'agrĂ©ments et vertus; elles en parent Ă plaisir celui qu'elles prĂ©fĂšrent c'est la draperie d'un Dieu, portĂ©e souvent par un modĂšle abject mais quel qu'il soit, Ă peine l'en ont-elles revĂÂȘtu, que, dupes de leur propre ouvrage, elles se prosternent pour l'adorer. Ou votre fille n'aime pas Danceny, ou elle Ă©prouve cette mĂÂȘme illusion; elle est commune Ă tous deux, si leur amour est rĂ©ciproque. Ainsi votre raison pour les unir Ă jamais se rĂ©duit Ă la certitude qu'ils ne se connaissent pas, qu'ils ne peuvent se connaĂtre. Mais me direz-vous, M. de Gercourt et ma fille se connaissent-ils davantage? Non, sans doute; mais au moins ne s'abusent-ils pas, ils s'ignorent seulement. Qu'arrive-t-il dans ce cas entre deux Ă©poux que je suppose honnĂÂȘtes? c'est que chacun d'eux Ă©tudie l'autre, s'observe vis-Ă -vis de lui, cherche et reconnaĂt bientĂÂŽt ce qu'il faut qu'il cĂšde de ses goĂ»ts et de ses volontĂ©s, pour la tranquillitĂ© commune. Ces lĂ©gers sacrifices se font sans peine, parce qu'ils sont rĂ©ciproques et qu'on les a prĂ©vus bientĂÂŽt ils font naĂtre une bienveillance mutuelle; et l'habitude, qui fortifie tous les penchants qu'elle ne dĂ©truit pas, amĂšne peu Ă peu cette douce amitiĂ©, cette tendre confiance, qui, jointes Ă l'estime, forment, ce me semble, le vĂ©ritable, le solide bonheur des mariages. Les illusions de l'amour peuvent ĂÂȘtre plus douces; mais qui ne sait aussi qu'elles sont moins durables? et quels dangers n'amĂšne pas le moment qui les dĂ©truit! C'est alors que les moindres dĂ©fauts paraissent choquants et insupportables, par le contraste qu'ils forment avec l'idĂ©e de perfection qui nous avait sĂ©duits. Chacun des deux Ă©poux croit cependant que l'autre seul a changĂ©, et que lui vaut toujours ce qu'un moment d'erreur l'avait fait apprĂ©cier. Le charme qu'il n'Ă©prouve plus, il s'Ă©tonne de ne le plus faire naĂtre; il en est humiliĂ© la vanitĂ© blessĂ©e aigrit les esprits, augmente les torts, produit l'humeur, enfante la haine; et de frivoles plaisirs sont payĂ©s enfin par de longues infortunes. VoilĂ , ma chĂšre amie, ma façon de penser sur l'objet qui nous occupe; je ne la dĂ©fends pas, je l'expose seulement; c'est Ă vous Ă dĂ©cider. Mais si vous persistez dans votre avis, je vous demande de me faire connaĂtre les raisons qui auront combattu les miennes je serai bien aise de m'Ă©clairer auprĂšs de vous, et surtout d'ĂÂȘtre rassurĂ©e sur le sort de votre aimable enfant, dont je dĂ©sire bien ardemment le bonheur, et par mon amitiĂ© pour elle, et par celle qui m'unit Ă vous pour la vie. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CV LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES HĂ© bien! Petite, vous voilĂ donc bien fĂÂąchĂ©e, bien honteuse, et ce M. de Valmont est un mĂ©chant homme, n'est-ce pas? Comment! il ose vous traiter comme la femme qu'il aimerait le mieux! Il vous apprend ce que vous mouriez d'envie de savoir! En vĂ©ritĂ©, ces procĂ©dĂ©s-lĂ sont impardonnables. Et vous, de votre cĂÂŽtĂ©, vous voulez garder votre sagesse pour votre Amant qui n'en abuse pas; vous ne chĂ©rissez de l'amour que les peines, et non les plaisirs! Rien de mieux, et vous figurerez Ă merveille dans un Roman. De la passion, de l'infortune, de la vertu par-dessus tout, que de belles choses! Au milieu de ce brillant cortĂšge, on s'ennuie quelquefois Ă la vĂ©ritĂ©, mais on le rend bien. Voyez donc, la pauvre enfant, comme elle est Ă plaindre! Elle avait les yeux battus le lendemain! Et que diriez-vous donc, quand ce seront ceux de votre Amant? Allez, mon bel Ange, vous ne les aurez pas toujours ainsi; tous les hommes ne sont pas des Valmont. Et puis, ne plus oser lever ces yeux-lĂ ! Oh! par exemple, vous avez eu bien raison; tout le monde y aurait lu votre aventure. Croyez-moi cependant, s'il en Ă©tait ainsi, nos Femmes et mĂÂȘme nos Demoiselles auraient le regard plus modeste. MalgrĂ© les louanges que je suis forcĂ©e de vous donner, comme vous voyez, il faut convenir pourtant que vous avez manquĂ© votre chef-d'Ă âuvre; c'Ă©tait de tout dire Ă votre Maman. Vous aviez si bien commencĂ©! dĂ©jĂ vous vous Ă©tiez jetĂ©e dans ses bras, vous sanglotiez, elle pleurait aussi; quelle scĂšne pathĂ©tique! et quel dommage de ne l'avoir pas achevĂ©e! Votre tendre mĂšre, toute ravie d'aise, et pour aider Ă votre vertu, vous aurait cloĂtrĂ©e, pour toute votre vie; et lĂ vous auriez aimĂ© Danceny tant que vous auriez voulu, sans rivaux et sans pĂ©chĂ©; vous vous seriez dĂ©solĂ©e tout Ă votre aise; et Valmont, Ă coup sĂ»r, n'aurait pas Ă©tĂ© troubler votre douleur par de contrariants plaisirs. SĂ©rieusement peut-on, Ă quinze ans passĂ©s, ĂÂȘtre enfant comme vous l'ĂÂȘtes? Vous avez bien raison de dire que vous ne mĂ©ritez pas mes bontĂ©s. Je voulais pourtant ĂÂȘtre votre amie vous en avez besoin peut-ĂÂȘtre avec la mĂšre que vous avez, et le mari qu'elle veut vous donner! Mais si vous ne vous formez pas davantage, que voulez-vous qu'on fasse de vous? Que peut-on espĂ©rer, si ce qui fait venir l'esprit aux filles semble au contraire vous l'ĂÂŽter? Si vous pouviez prendre sur vous de raisonner un moment, vous trouveriez bientĂÂŽt que vous devez vous fĂ©liciter au lieu de vous plaindre. Mais vous ĂÂȘtes honteuse, et cela vous gĂÂȘne! HĂ©! tranquillisez-vous; la honte que cause l'amour est comme sa douleur on ne l'Ă©prouve qu'une fois. On peut encore la feindre aprĂšs; mais on ne la sent plus. Cependant le plaisir reste, et c'est bien quelque chose. Je crois mĂÂȘme avoir dĂ©mĂÂȘlĂ©, Ă travers votre petit bavardage, que vous pourriez le compter pour beaucoup. Allons, un peu de bonne foi. LĂ , ce trouble qui vous empĂÂȘchait de faire comme vous disiez , qui vous faisait trouver si difficile de se dĂ©fendre , qui vous rendait comme fĂÂąchĂ©e , quand Valmont s'en est allĂ©, Ă©tait-ce bien la honte qui le causait? ou si c'Ă©tait le plaisir? et ses façons de dire auxquelles on ne sait comment rĂ©pondre , cela ne viendrait-il pas de ses façons de faire? Ah! petite fille, vous mentez, et vous mentez Ă votre amie! Cela n'est pas bien. Mais brisons lĂ . Ce qui pour tout le monde serait un plaisir, et pourrait n'ĂÂȘtre que cela, devient dans votre situation un vĂ©ritable bonheur. En effet, placĂ©e entre une mĂšre dont il vous importe d'ĂÂȘtre aimĂ©e, et un Amant dont vous dĂ©sirez de l'ĂÂȘtre toujours, comment ne voyez-vous pas que le seul moyen d'obtenir ces succĂšs opposĂ©s est de vous occuper d'un tiers? Distraite par cette nouvelle aventure, tandis que vis-Ă -vis de votre Maman vous aurez l'air de sacrifier Ă votre soumission pour elle un goĂ»t qui lui dĂ©plaĂt, vous acquerrez vis-Ă -vis de votre Amant l'honneur d'une belle dĂ©fense. En l'assurant sans cesse de votre amour, vous ne lui en accorderez pas les derniĂšres preuves. Ces refus, si peu pĂ©nibles dans le cas oĂÂč vous serez, il ne manquera pas de les mettre sur le compte de votre vertu; il s'en plaindra peut-ĂÂȘtre, mais il vous en aimera davantage, et pour avoir le double mĂ©rite, aux yeux de l'un de sacrifier l'amour, Ă ceux de l'autre, d'y rĂ©sister, il ne vous en coĂ»tera que d'en goĂ»ter les plaisirs. Oh! combien de femmes ont perdu leur rĂ©putation, qui l'eussent conservĂ©e avec soin, si elles avaient pu la soutenir par de pareils moyens! Ce parti que je vous propose, ne vous paraĂt-il pas le plus raisonnable, comme le plus doux? Savez-vous ce que vous avez gagnĂ© Ă celui que vous avez pris? c'est que votre Maman a attribuĂ© votre redoublement de tristesse Ă un redoublement d'amour, qu'elle en est outrĂ©e, et que pour vous en punir elle n'attend que d'en ĂÂȘtre plus sĂ»re. Elle vient de m'en Ă©crire; elle tentera tout pour obtenir cet aveu de vous-mĂÂȘme. Elle ira, peut-ĂÂȘtre, me dit-elle, jusqu'Ă vous proposer Danceny pour Ă©poux; et cela pour vous engager Ă parler. Et si, vous laissant sĂ©duire par cette trompeuse tendresse, vous rĂ©pondiez, selon votre cĂ âur, bientĂÂŽt renfermĂ©e pour longtemps, peut-ĂÂȘtre pour toujours, vous pleureriez Ă loisir votre aveugle crĂ©dulitĂ©. Cette ruse qu'elle veut employer contre vous, il faut la combattre par une autre. Commencez donc, en lui montrant moins de tristesse, Ă lui faire croire que vous songez moins Ă Danceny. Elle se le persuadera d'autant plus facilement, que c'est l'effet ordinaire de l'absence; et elle vous en saura d'autant plus de grĂ©, qu'elle y trouvera une occasion de s'applaudir de sa prudence, qui lui a suggĂ©rĂ© ce moyen. Mais si, conservant quelque doute, elle persistait pourtant Ă vous Ă©prouver, et qu'elle vĂnt Ă vous parler de mariage, renfermez-vous, en fille bien nĂ©e, dans une parfaite soumission. Au fait, qu'y risquez-vous? Pour ce qu'on fait d'un mari, l'un vaut toujours bien l'autre; et le plus incommode est encore moins gĂÂȘnant qu'une mĂšre. Une fois plus contente de vous, votre Maman vous mariera enfin; et alors, plus libre dans vos dĂ©marches, vous pourrez, Ă votre choix, quitter Valmont pour prendre Danceny, ou mĂÂȘme les garder tous deux. Car, prenez-y garde, votre Danceny est gentil mais c'est un de ces hommes qu'on a quand on veut et tant qu'on veut; on peut donc se mettre Ă l'aise avec lui. Il n'en est pas de mĂÂȘme de Valmont on le garde difficilement; et il est dangereux de le quitter. Il faut avec lui beaucoup d'adresse, ou, quand on n'en a pas, beaucoup de docilitĂ©. Mais, aussi, si vous pouviez parvenir Ă vous l'attacher comme ami, ce serait lĂ un bonheur! il vous mettrait tout de suite au premier rang de nos femmes Ă la mode. C'est comme cela qu'on acquiert une consistance dans le monde, et non pas Ă rougir et Ă pleurer, comme quand vos Religieuses vous faisaient dĂner Ă genoux. Vous tĂÂącherez donc, si vous ĂÂȘtes sage, de vous raccommoder avec Valmont, qui doit ĂÂȘtre trĂšs en colĂšre contre vous; et comme il faut savoir rĂ©parer ses sottises, ne craignez pas de lui faire quelques avances; aussi bien apprendrez- vous bientĂÂŽt, que si les hommes nous font les premiĂšres, nous sommes presque toujours obligĂ©es de faire les secondes. Vous avez un prĂ©texte pour celles-ci car il ne faut pas que vous gardiez cette Lettre; et j'exige de vous de la remettre Ă Valmont aussitĂÂŽt que vous l'aurez lue. N'oubliez pas pourtant de la recacheter auparavant. D'abord, c'est qu'il faut vous laisser le mĂ©rite de la dĂ©marche que vous ferez vis-Ă -vis de lui, et qu'elle n'ait pas l'air de vous avoir Ă©tĂ© conseillĂ©e; et puis, c'est qu'il n'y a que vous au monde dont je sois assez l'amie pour vous parler comme je fais. Adieu, bel Ange, suivez mes conseils, et vous me manderez si vous vous en trouvez bien. A propos, j'oubliais... un mot encore. Voyez donc Ă soigner davantage votre style. Vous Ă©crivez toujours comme un enfant. Je vois bien d'oĂÂč cela vient; c'est que vous dites tout ce que vous pensez, et rien de ce que vous ne pensez pas. Cela peut passer ainsi de vous Ă moi, qui devons n'avoir rien de cachĂ© l'une pour l'autre mais avec tout le monde! avec votre Amant surtout! vous auriez toujours l'air d'une petite sotte. Vous voyez bien que, quand vous Ă©crivez Ă quelqu'un, c'est pour lui et non pas pour vous vous devez donc moins chercher Ă lui dire ce que vous pensez, que ce qui lui plaĂt davantage. Adieu, mon cĂ âur je vous embrasse au lieu de vous gronder dans l'espĂ©rance que vous serez plus raisonnable. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CVI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT A merveille, Vicomte, et pour le coup, je vous aime Ă la fureur! Au reste, aprĂšs la premiĂšre de vos deux Lettres, on pouvait s'attendre Ă la seconde aussi ne m'a-t-elle point Ă©tonnĂ©e; et tandis que dĂ©jĂ fier de vos succĂšs Ă venir, vous en sollicitiez la rĂ©compense, et que vous me demandiez si j'Ă©tais prĂÂȘte, je voyais bien que je n'avais pas tant besoin de me presser. Oui, d'honneur, en lisant le beau rĂ©cit de cette scĂšne tendre, et qui vous avait si vivement Ă©mu ; en voyant votre retenue, digne des plus beaux temps de notre Chevalerie, j'ai dit vingt fois " VoilĂ une affaire manquĂ©e! " Mais c'est que cela ne pouvait pas ĂÂȘtre autrement. Que voulez-vous que fasse une pauvre femme qui se rend et qu'on ne prend pas? Ma foi, dans ce cas-lĂ , il faut au moins sauver l'honneur; et c'est ce qu'a fait votre PrĂ©sidente. Je sais bien que pour moi, qui ai senti que la marche qu'elle a prise n'est vraiment pas sans quelque effet, je me propose d'en faire usage, pour mon compte, Ă la premiĂšre occasion un peu sĂ©rieuse qui se prĂ©sentera mais je promets bien que si celui pour qui j'en ferai les frais n'en profite pas mieux que vous, il peut assurĂ©ment renoncer Ă moi pour toujours. Vous voilĂ donc absolument rĂ©duit Ă rien et cela entre deux femmes, dont l'une Ă©tait dĂ©jĂ au lendemain, et l'autre ne demandait pas mieux que d'y ĂÂȘtre! HĂ© bien! vous allez croire que je me vante, et dire qu'il est facile de prophĂ©tiser aprĂšs l'Ă©vĂ©nement; mais je peux vous jurer que je m'y attendais. C'est que rĂ©ellement vous n'avez pas le gĂ©nie de votre Ă©tat; vous n'en savez que ce que vous en avez appris, et vous n'inventez rien. Aussi, dĂšs que les circonstances ne se prĂÂȘtent plus Ă vos formules d'usage, et qu'il vous faut sortir de la route ordinaire, vous restez court comme un Ecolier. Enfin, un enfantillage, d'une part; de l'autre, un retour de pruderie, parce qu'on ne les Ă©prouve pas tous les jours suffisent pour vous dĂ©concerter et vous ne savez ni les prĂ©venir, ni y remĂ©dier. Ah! Vicomte! Vicomte! vous m'apprenez Ă ne pas juger les hommes par leurs succĂšs; et bientĂÂŽt, il faudra dire de vous; " Il fut brave un tel jour. " Et quand vous avez fait sottises sur sottises, vous recourez Ă moi! Il semble que je n'aie rien autre chose Ă faire que de les rĂ©parer. Il est vrai que ce serait bien assez d'ouvrage. Quoi qu'il en soit, de ces deux aventures, l'une est entreprise contre mon grĂ©, et je ne m'en mĂÂȘle point; pour l'autre, comme vous y avez mis quelque complaisance pour moi, j'en fais mon affaire. La Lettre que je joins ici, que vous lirez d'abord, et que vous remettrez ensuite Ă la petite Volanges, est plus que suffisante pour vous la ramener mais, je vous en prie, donnez quelques soins Ă cet enfant, et faisons-en, de concert, le dĂ©sespoir de sa mĂšre et de Gercourt. Il n'y a pas Ă craindre de forcer les doses. Je vois clairement que la petite personne n'en sera point effrayĂ©e; et nos vues sur elle une fois remplies, elle deviendra ce qu'elle pourra. Je me dĂ©sintĂ©resse entiĂšrement sur son compte. J'avais eu quelque envie d'en faire au moins une intrigante subalterne, et de la prendre pour jouer les seconds sous moi mais je vois qu'il n'y a pas d'Ă©toffe; elle a une sotte ingĂ©nuitĂ© qui n'a pas cĂ©dĂ© mĂÂȘme au spĂ©cifique que vous avez employĂ©, lequel pourtant n'en manque guĂšre; et c'est selon moi la maladie la plus dangereuse que femme puisse avoir. Elle dĂ©note, surtout, une faiblesse de caractĂšre presque toujours incurable et qui s'oppose Ă tout; de sorte que, tandis que nous nous occuperions Ă former cette petite fille pour l'intrigue, nous n'en ferions qu'une femme facile. Or, je ne connais rien de si plat que cette facilitĂ© de bĂÂȘtise, qui se rend sans savoir ni comment ni pourquoi, uniquement parce qu'on l'attaque et qu'elle ne sait pas rĂ©sister. Ces sortes de femmes ne sont absolument que des machines Ă plaisir. Vous me direz qu'il n'y a qu'Ă n'en faire que cela, et que c'est assez pour nos projets. A la bonne heure! mais n'oublions pas que de ces machines-lĂ , tout le monde parvient bientĂÂŽt Ă en connaĂtre les ressorts et les moteurs; ainsi, que pour se servir de celle-ci sans danger, il faut se dĂ©pĂÂȘcher, s'arrĂÂȘter de bonne heure, et la briser ensuite. A la vĂ©ritĂ©, les moyens ne nous manqueront pas pour nous en dĂ©faire, et Gercourt la fera toujours bien enfermer quand nous voudrons. Au fait, quand il ne pourra plus douter de sa dĂ©convenue, quand elle sera bien publique et bien notoire, que nous importe qu'il se venge, pourvu qu'il ne se console pas? Ce que je dis du mari, vous le pensez sans doute de la mĂšre; ainsi cela vaut fait. Ce parti que je crois le meilleur, et auquel je me suis arrĂÂȘtĂ©e, m'a dĂ©cidĂ©e Ă mener la jeune personne un peu vite, comme vous verrez par ma Lettre; cela rend aussi trĂšs important de ne rien laisser entre ses mains qui puisse nous compromettre, et je vous prie d'y avoir attention. Cette prĂ©caution une fois prise, je me charge du moral, le reste vous regarde. Si pourtant nous voyons par la suite que l'ingĂ©nuitĂ© se corrige, nous serons toujours Ă temps de changer de projet. Il n'en aurait pas moins fallu, un jour ou l'autre, nous occuper de ce que nous allons faire dans aucun cas, nos soins ne seront perdus. Savez-vous que les miens ont risquĂ© de l'ĂÂȘtre, et que l'Ă©toile de Gercourt a pensĂ© l'emporter sur ma prudence? Madame de Volanges n'a-t-elle pas eu un moment de faiblesse maternelle? ne voulait-elle pas donner sa fille Ă Danceny? C'Ă©tait lĂ ce qu'annonçait cet intĂ©rĂÂȘt plus tendre, que vous aviez remarquĂ© le lendemain . C'est encore vous qui auriez Ă©tĂ© cause de ce beau chef-d'Ă âuvre! Heureusement la tendre mĂšre m'en a Ă©crit, et j'espĂšre que ma rĂ©ponse l'en dĂ©goĂ»tera. J'y parle tant de vertu, et surtout je la cajole tant, qu'elle doit trouver que j'ai raison. Je suis fĂÂąchĂ©e de n'avoir pas eu le temps de prendre copie de ma Lettre, pour vous Ă©difier sur l'austĂ©ritĂ© de ma morale. Vous verriez comme je mĂ©prise les femmes assez dĂ©pravĂ©es pour avoir un Amant! Il est si commode d'ĂÂȘtre rigoriste dans ses discours! cela ne nuit jamais qu'aux autres, et ne nous gĂÂȘne aucunement... Et puis je n'ignore pas que la bonne Dame a eu ses petites faiblesses comme une autre, dans son jeune temps, et je n'Ă©tais pas fĂÂąchĂ©e de l'humilier au moins dans sa conscience; cela me consolait un peu des louanges que je lui donnais contre la mienne. C'est ainsi que dans la mĂÂȘme Lettre, l'idĂ©e de nuire Ă Gercourt m'a donnĂ© le courage d'en dire du bien. Adieu, Vicomte; j'approuve beaucoup le parti que vous prenez de rester quelque temps oĂÂč vous ĂÂȘtes. Je n'ai point de moyens pour hĂÂąter votre marche; mais je vous invite Ă vous dĂ©sennuyer avec notre commune Pupille. Pour ce qui est de moi, malgrĂ© votre citation polie, vous voyez bien qu'il faut encore attendre; et vous conviendrez, sans doute, que ce n'est pas ma faute. Paris, ce 4 octobre 17**. LETTRE CVII AZOLAN AU VICOMTE DE VALMONT Monsieur, ConformĂ©ment Ă vos ordres, j'ai Ă©tĂ©, aussitĂÂŽt la rĂ©ception de votre Lettre, chez M. Bertrand, qui m'a remis les vingt-cinq louis, comme vous lui aviez ordonnĂ©. Je lui en avais demandĂ© deux de plus pour Philippe, Ă qui j'avais dit de partir sur-le-champ, comme Monsieur me l'avait mandĂ©, et qui n'avait pas d'argent; mais Monsieur votre homme d'affaires n'a pas voulu, en disant qu'il n'avait pas d'ordre de ça de vous. J'ai donc Ă©tĂ© obligĂ© de les donner de moi et Monsieur m'en tiendra compte, si c'est sa bontĂ©. Philippe est parti hier au soir. Je lui ai bien recommandĂ© de ne pas quitter le cabaret, afin qu'on puisse ĂÂȘtre sĂ»r de le trouver si on en a besoin. J'ai Ă©tĂ© tout de suite aprĂšs chez Madame la PrĂ©sidente pour voir Mademoiselle Julie mais elle Ă©tait sortie, et je n'ai parlĂ© qu'Ă La Fleur, de qui je n'ai pu rien savoir, parce que depuis son arrivĂ©e il n'avait Ă©tĂ© Ă l'hĂÂŽtel qu'Ă l'heure des repas. C'est le second qui a fait tout le service, et Monsieur sait bien que je ne connaissais pas celui-lĂ . Mais j'ai commencĂ© aujourd'hui. Je suis retournĂ© ce matin chez Mademoiselle Julie, et elle a paru bien aise de me voir. Je l'ai interrogĂ©e sur la cause du retour de sa MaĂtresse; mais elle m'a dit n'en rien savoir, et je crois qu'elle a dit vrai. Je lui ai reprochĂ© de ne pas m'avoir averti de son dĂ©part, et elle m'a assurĂ© qu'elle ne l'avait su que le soir mĂÂȘme en allant coucher Madame si bien qu'elle a passĂ© toute la nuit Ă ranger, et que la pauvre fille n'a pas dormi deux heures. Elle n'est sortie ce soir-lĂ de la chambre de sa MaĂtresse qu'Ă une heure passĂ©e, et elle l'a laissĂ©e qui se mettait seulement Ă Ă©crire. Le matin, Madame de Tourvel, en partant, a remis une Lettre au Concierge du ChĂÂąteau. Mademoiselle Julie ne sait pas pour qui elle dit que c'Ă©tait peut-ĂÂȘtre pour Monsieur; mais Monsieur ne m'en parle pas. Pendant tout le voyage, Madame a eu un grand capuchon sur sa figure, ce qui faisait qu'on ne pouvait la voir; mais Mademoiselle Julie croit ĂÂȘtre sĂ»re qu'elle a pleurĂ© souvent. Elle n'a pas dit une parole pendant la route, et elle n'a pas voulu s'arrĂÂȘter Ă ... [Toujours le mĂÂȘme village, Ă moitiĂ© chemin de la route], comme elle avait fait en allant, ce qui n'a pas fait trop de plaisir Ă Mademoiselle Julie, qui n'avait pas dĂ©jeunĂ©. Mais, comme je lui ai dit, les MaĂtres sont les MaĂtres. En arrivant, Madame s'est couchĂ©e; mais elle n'est restĂ©e au lit que deux heures. En se levant, elle a fait venir son Suisse, et lui a donnĂ© ordre de ne laisser entrer personne. Elle n'a point fait de toilette du tout. Elle s'est mise Ă table pour dĂner; mais elle n'a mangĂ© qu'un peu de potage, et elle en est sortie tout de suite. On lui a portĂ© son cafĂ© chez elle et Mademoiselle Julie est entrĂ©e en mĂÂȘme temps. Elle a trouvĂ© sa MaĂtresse qui rangeait des papiers dans son secrĂ©taire, et elle a vu que c'Ă©tait des Lettres. Je parierais bien que ce sont celles de Monsieur; et des trois qui lui sont arrivĂ©es dans l'aprĂšs-midi, il y en a une qu'elle avait encore devant elle tout au soir! Je suis bien sĂ»r que c'est encore une de Monsieur. Mais pourquoi donc est-ce qu'elle s'en est allĂ©e comme ça? ça m'Ă©tonne, moi! au reste, sĂ»rement que Monsieur le sait bien? Et ce ne sont pas mes affaires. Madame la PrĂ©sidente est allĂ©e l'aprĂšs-midi dans la BibliothĂšque, et elle y a pris deux Livres qu'elle a emportĂ©s dans son boudoir mais Mademoiselle Julie assure qu'elle n'a pas lu dedans un quart d'heure dans toute la journĂ©e, et qu'elle n'a fait que lire cette Lettre, rĂÂȘver et ĂÂȘtre appuyĂ©e sur sa main. Comme j'ai imaginĂ© que Monsieur serait bien aise de savoir quels sont ces Livres-lĂ , et que Mademoiselle Julie ne le savait pas, je me suis fait mener aujourd'hui dans la BibliothĂšque, sous prĂ©texte de la voir. Il n'y a de vide que pour deux livres l'un est le second volume des PensĂ©es chrĂ©tiennes et l'autre le premier d'un Livre qui a pour titre Clarisse . J'Ă©cris bien comme il y a Monsieur saura peut-ĂÂȘtre ce que c'est. Hier au soir, Madame n'a pas soupĂ©; elle n'a pris que du thĂ©. Elle a sonnĂ© de bonne heure ce matin; elle a demandĂ© ses chevaux tout de suite, et elle a Ă©tĂ© avant neuf heures aux Feuillants, oĂÂč elle a entendu la Messe. Elle a voulu se confesser; mais son Confesseur Ă©tait absent, et il ne reviendra pas de huit Ă dix jours. J'ai cru qu'il Ă©tait bon de mander cela Ă Monsieur. Elle est rentrĂ©e ensuite, elle a dĂ©jeunĂ©, et puis s'est mise Ă Ă©crire, et elle y est restĂ©e jusqu'Ă prĂšs d'une heure. J'ai trouvĂ© occasion de faire bientĂÂŽt ce que Monsieur dĂ©sirait le plus car c'est moi qui ai portĂ© les Lettres Ă la poste. Il n'y en avait pas pour Madame de Volanges; mais j'en envoie une Ă Monsieur, qui Ă©tait pour M. le PrĂ©sident il m'a paru que ça devait ĂÂȘtre la plus intĂ©ressante. Il y en avait une aussi pour Madame de Rosemonde; mais j'ai imaginĂ© que Monsieur la verrait toujours bien quand il voudrait, et je l'ai laissĂ©e partir. Au reste, Monsieur saura bien tout, puisque Madame la PrĂ©sidente lui Ă©crit aussi. J'aurai par la suite toutes celles qu'il voudra; car c'est presque toujours Mademoiselle Julie qui les remet aux Gens, et elle m'a assurĂ© que, par amitiĂ© pour moi, et puis aussi pour Monsieur, elle ferait volontiers ce que je voudrais. Elle n'a pas mĂÂȘme voulu de l'argent que je lui ai offert mais je pense bien que Monsieur voudra lui faire quelque petit prĂ©sent; et si c'est sa volontĂ©, et qu'il veuille m'en charger, je saurai aisĂ©ment ce qui lui fera plaisir. J'espĂšre que Monsieur ne trouvera pas que j'aie mis de la nĂ©gligence Ă le servir, et j'ai bien Ă cĂ âur de me justifier des reproches qu'il me fait. Si je n'ai pas su le dĂ©part de Madame la PrĂ©sidente, c'est au contraire mon zĂšle pour le service de Monsieur qui en est cause, puisque c'est lui qui m'a fait partir Ă trois heures du matin; ce qui fait que je n'ai pas vu Mademoiselle Julie la veille, au soir, comme de coutume, ayant Ă©tĂ© coucher au Tournebride, pour ne pas rĂ©veiller dans le ChĂÂąteau. Quant Ă ce que Monsieur me reproche d'ĂÂȘtre souvent sans argent, d'abord c'est que j'aime Ă me tenir proprement, comme Monsieur peut voir; et puis, il faut bien soutenir l'honneur de l'habit qu'on porte; je sais bien que je devrais peut-ĂÂȘtre un peu Ă©pargner pour la suite; mais je me confie entiĂšrement dans la gĂ©nĂ©rositĂ© de Monsieur, qui est si bon MaĂtre. Pour ce qui est d'entrer au service de Madame de Tourvel, en restant Ă celui de Monsieur, j'espĂšre que Monsieur ne l'exigera pas de moi. C'Ă©tait bien diffĂ©rent chez Madame la Duchesse; mais assurĂ©ment je n'irai pas porter la livrĂ©e, et encore une livrĂ©e de Robe, aprĂšs avoir eu l'honneur d'ĂÂȘtre Chasseur de Monsieur. Pour tout ce qui est du reste, Monsieur peut disposer de celui qui a l'honneur d'ĂÂȘtre, avec autant de respect que d'affection, son trĂšs humble. Serviteur. Roux Azolan, Chasseur. Paris, ce 5 octobre 17**, Ă onze heures du soir. LETTRE CVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Ăâ mon indulgente mĂšre! que j'ai de grĂÂąces Ă vous rendre, et que j'avais besoin de votre Lettre! Je l'ai lue et relue sans cesse; je ne pouvais pas m'en dĂ©tacher. Je lui dois les seuls moments moins pĂ©nibles que j'aie passĂ©s depuis mon dĂ©part. Comme vous ĂÂȘtes bonne! la sagesse, la vertu savent donc compatir Ă la faiblesse! vous avez pitiĂ© de mes maux! ah! si vous les connaissiez... ils sont affreux. Je croyais avoir Ă©prouvĂ© les peines de l'amour, mais le tourment inexprimable, celui qu'il faut avoir senti pour en avoir l'idĂ©e, c'est de se sĂ©parer de ce qu'on aime, de s'en sĂ©parer pour toujours!... Oui, la peine qui m'accable aujourd'hui reviendra demain, aprĂšs-demain, toute ma vie! Mon Dieu, que je suis jeune encore, et qu'il me reste de temps Ă souffrir! Etre soi-mĂÂȘme l'artisan de son malheur; se dĂ©chirer le cĂ âur de ses propres mains; et tandis qu'on souffre ces douleurs insupportables, sentir Ă chaque instant qu'on peut les faire cesser d'un mot et que ce mot soit un crime! ah! mon amie!... Quand j'ai pris ce parti si pĂ©nible de m'Ă©loigner de lui, j'espĂ©rais que l'absence augmenterait mon courage et mes forces combien je me suis trompĂ©e! il semble au contraire qu'elle ait achevĂ© de les dĂ©truire. J'avais plus Ă combattre, il est vrai mais mĂÂȘme en rĂ©sistant, tout n'Ă©tait pas privation; au moins je le voyais quelquefois; souvent mĂÂȘme, sans oser porter mes regards sur lui, je sentais les siens fixĂ©s sur moi oui, mon amie, je les sentais, il semblait qu'ils rĂ©chauffassent mon ĂÂąme; et sans passer par mes yeux, ils n'en arrivaient pas moins Ă mon cĂ âur. A prĂ©sent, dans ma pĂ©nible solitude, isolĂ©e de tout ce qui m'est cher, tĂÂȘte Ă tĂÂȘte avec mon infortune, tous les moments de ma triste existence sont marquĂ©s par mes larmes, et rien n'en adoucit l'amertume, nulle consolation ne se mĂÂȘle Ă mes sacrifices; et ceux que j'ai faits jusqu'Ă prĂ©sent n'ont servi qu'Ă me rendre plus douloureux ceux qui me restent Ă faire. Hier encore, je l'ai bien vivement senti. Dans les Lettres qu'on m'a remises, il y en avait une de lui; on Ă©tait encore Ă deux pas de moi, que je l'avais reconnue entre les autres. Je me suis levĂ©e involontairement je tremblais, j'avais peine Ă cacher mon Ă©motion; et cet Ă©tat n'Ă©tait pas sans plaisir. RestĂ©e seule le moment d'aprĂšs, cette trompeuse douceur s'est bientĂÂŽt Ă©vanouie, et ne m'a laissĂ© qu'un sacrifice de plus Ă faire. En effet, pouvais-je ouvrir cette Lettre, que pourtant je brĂ»lais de lire? Par la fatalitĂ© qui me poursuit, les consolations qui paraissent se prĂ©senter Ă moi ne font, au contraire, que m'imposer de nouvelles privations; et celles-ci deviennent plus cruelles encore, par l'idĂ©e que M. de Valmont les partage. Le voilĂ enfin, ce nom qui m'occupe sans cesse, et que j'ai eu tant de peine Ă Ă©crire; l'espĂšce de reproche que vous m'en faites m'a vĂ©ritablement alarmĂ©e. Je vous supplie de croire qu'une fausse honte n'a point altĂ©rĂ© ma confiance en vous; et pourquoi craindrais-je de le nommer? ah! je rougis de mes sentiments, et non de l'objet qui les cause. Quel autre que lui est plus digne de les inspirer! Cependant je ne sais pourquoi ce nom ne se prĂ©sente point naturellement sous ma plume; et cette fois encore, j'ai eu besoin de rĂ©flexion pour le placer. Je reviens Ă lui. Vous me mandez qu'il vous a paru vivement affectĂ© de mon dĂ©part . Qu'a- t-il donc fait? qu'a-t-il dit? a-t-il parlĂ© de revenir Ă Paris? Je vous prie de l'en dĂ©tourner autant que vous pourrez. S'il m'a bien jugĂ©e, il ne doit pas m'en vouloir de cette dĂ©marche mais il doit sentir aussi que c'est un parti pris sans retour. Un de mes plus grands tourments est de ne pas savoir ce qu'il pense. J'ai bien encore lĂ sa Lettre... , mais vous ĂÂȘtes sĂ»rement de mon avis, je ne dois pas l'ouvrir. Ce n'est que par vous, mon indulgente amie, que je puis ne pas ĂÂȘtre entiĂšrement sĂ©parĂ©e de lui. Je ne veux pas abuser de vos bontĂ©s; je sens Ă merveille que vos Lettres ne peuvent pas ĂÂȘtre longues mais vous ne refuserez pas deux mots Ă votre enfant; un pour soutenir son courage, et l'autre pour l'en consoler. Adieu, ma respectable amie. Paris, ce 5 octobre 17**. LETTRE CIX CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ce n'est que d'aujourd'hui, Madame, que j'ai remis Ă M. de Valmont la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'Ă©crire. Je l'ai gardĂ©e quatre jours, malgrĂ© les frayeurs que j'avais souvent qu'on ne la trouvĂÂąt, mais je la cachais avec bien du soin; et quand le chagrin me reprenait, je m'enfermais pour la relire. Je vois bien que ce que je croyais un si grand malheur n'en est presque pas un; et il faut avouer qu'il y a bien du plaisir; de façon que je ne m'afflige presque plus. Il n'y a que l'idĂ©e de M. Danceny qui me tourmente toujours quelquefois. Mais il y a dĂ©jĂ tout plein de moments oĂÂč je n'y songe pas du tout! aussi c'est que M. de Valmont est bien aimable! Je me suis raccommodĂ©e avec lui depuis deux jours ça m'a Ă©tĂ© bien facile; car je ne lui avais encore dit que deux paroles, qu'il m'a dit que si j'avais quelque chose Ă lui dire, il viendrait le soir dans ma chambre, et je n'ai eu qu'Ă rĂ©pondre que je le voulais bien. Et puis, dĂšs qu'il y a Ă©tĂ©, il n'a pas paru plus fĂÂąchĂ© que si je ne lui avais jamais rien fait. Il ne m'a grondĂ©e qu'aprĂšs, et encore bien doucement, et c'Ă©tait d'une maniĂšre... Tout comme vous; ce qui m'a prouvĂ© qu'il avait aussi bien de l'amitiĂ© pour moi. Je ne saurais vous dire combien il m'a racontĂ© de drĂÂŽles de choses et que je n'aurais jamais crues, particuliĂšrement sur Maman. Vous me feriez bien plaisir de me mander si tout cela est vrai. Ce qui est bien sĂ»r, c'est que je ne pouvais pas me retenir de rire; si bien qu'une fois j'ai ri aux Ă©clats, ce qui nous a fait bien peur; car Maman aurait pu entendre; et si elle Ă©tait venue voir, qu'est-ce que je serais devenue? C'est bien pour le coup qu'elle m'aurait remise au Couvent! Comme il faut ĂÂȘtre prudent, et que, comme M. de Valmont m'a dit lui-mĂÂȘme, pour rien au monde il ne voudrait risquer de me compromettre, nous sommes convenus que dorĂ©navant il viendrait seulement ouvrir la porte, et que nous irions dans sa chambre. Pour lĂ , il n'y a rien Ă craindre; j'y ai dĂ©jĂ Ă©tĂ© hier, et actuellement que je vous Ă©cris, j'attends encore qu'il vienne. A prĂ©sent, Madame, j'espĂšre que vous ne me gronderez plus. Il y a pourtant une chose qui m'a bien surprise dans votre Lettre; c'est ce que vous me mandez pour quand je serai mariĂ©e, au sujet de Danceny et de M. de Valmont. Il me semble qu'un jour Ă l'OpĂ©ra vous me disiez au contraire qu'une fois mariĂ©e, je ne pourrais plus aimer que mon mari, et qu'il me faudrait mĂÂȘme oublier Danceny au reste, peut-ĂÂȘtre que j'avais mal entendu, et j'aime bien mieux que cela soit autrement, parce qu'Ă prĂ©sent je ne craindrai plus tant le moment de mon mariage. Je le dĂ©sire mĂÂȘme, puisque j'aurai plus de libertĂ©; et j'espĂšre qu'alors je pourrai m'arranger de façon Ă ne plus songer qu'Ă Danceny. Je sens bien que je ne serai vĂ©ritablement heureuse qu'avec lui; car Ă prĂ©sent son idĂ©e me tourmente toujours et je n'ai de bonheur que quand je peux ne pas penser Ă lui, ce qui est bien difficile; et dĂšs que j'y pense, je redeviens chagrine tout de suite. Ce qui me console un peu c'est que vous m'assurez que Danceny m'en aimera davantage; mais en ĂÂȘtes-vous bien sĂ»re?... Oh! oui, vous ne voudriez pas me tromper. C'est pourtant plaisant que ce soit Danceny que j'aime et que M. de Valmont... Mais, comme vous dites, c'est peut-ĂÂȘtre un bonheur! Enfin, nous verrons. Je n'ai pas trop entendu ce que vous me marquez au sujet de ma façon d'Ă©crire. Il me semble que Danceny trouve mes Lettres bien comme elles sont. Je sens pourtant bien que je ne dois rien lui dire de tout ce qui se passe avec M. de Valmont; ainsi vous n'avez que faire de craindre. Maman ne m'a point encore parlĂ© de mon mariage mais laissez faire; quand elle m'en parlera, puisque c'est pour m'attraper, je vous promets que je saurai mentir. Adieu, ma bien bonne amie; je vous remercie bien, et je vous promets que je n'oublierai jamais toutes vos bontĂ©s pour moi. Il faut que je finisse, car il est prĂšs d'une heure; ainsi M. de Valmont ne doit pas tarder. Du ChĂÂąteau de .. , ce 10 octobre 17**. LETTRE CX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Puissances du Ciel, j'avais une ĂÂąme pour la douleur donnez-m'en une pour la fĂ©licitĂ© [Nouvelle HĂ©loĂÂŻse]! C'est, je crois, le tendre Saint-Preux qui s'exprime ainsi. Mieux partagĂ© que lui, je possĂšde Ă la fois les deux existences. Oui, mon amie, je suis, en mĂÂȘme temps, trĂšs heureux et trĂšs malheureux; et puisque vous avez mon entiĂšre confiance, je vous dois le double rĂ©cit de mes peines et de mes plaisirs. Sachez donc que mon ingrate DĂ©vote me tient toujours rigueur. J'en suis Ă ma quatriĂšme Lettre renvoyĂ©e. J'ai peut-ĂÂȘtre tort de dire la quatriĂšme; car ayant bien devinĂ© dĂšs le premier renvoi qu'il serait suivi de beaucoup d'autres, et ne voulant pas perdre ainsi mon temps, j'ai pris le parti de mettre mes dolĂ©ances en lieux communs, et de ne point dater et depuis le second Courrier, c'est toujours la mĂÂȘme Lettre qui va et vient; je ne fais que changer d'enveloppe. Si ma Belle finit comme finissent ordinairement les Belles, et s'attendrit un jour, au moins de lassitude, elle gardera enfin la missive, et il sera temps alors de me remettre au courant. Vous voyez qu'avec ce nouveau genre de correspondance, je ne peux pas ĂÂȘtre parfaitement instruit. J'ai dĂ©couvert pourtant que la lĂ©gĂšre personne a changĂ© de Confidente, au moins me suis-je assurĂ© que, depuis son dĂ©part du ChĂÂąteau, il n'y est venu aucune Lettre d'elle pour Madame de Volanges, tandis qu'il en est venu deux pour la vieille Rosemonde; et comme celle-ci ne nous en a rien dit, comme elle n'ouvre plus la bouche de sa chĂšre Belle , dont auparavant elle parlait sans cesse, j'en ai conclu que c'Ă©tait elle qui avait la confidence. Je prĂ©sume que d'une part, le besoin de parler de moi, et de l'autre, la petite honte de revenir vis-Ă -vis de Madame de Volanges sur un sentiment si longtemps dĂ©savouĂ©, ont produit cette grande rĂ©volution. Je crains d'avoir encore perdu au change car plus les femmes vieillissent, et plus elles deviennent rĂÂȘches et sĂ©vĂšres. La premiĂšre lui aurait dit bien plus de mal de moi; mais celle-ci lui en dira plus de l'amour; et la sensible Prude a bien plus de frayeur du sentiment que de la personne. Le seul moyen de me mettre au fait, est, comme vous voyez, d'intercepter le commerce clandestin. J'en ai dĂ©jĂ envoyĂ© l'ordre Ă mon Chasseur; et j'en attends l'exĂ©cution de jour en jour. Jusque-lĂ , je ne puis rien faire qu'au hasard aussi, depuis huit jours, je repasse inutilement tous les moyens connus, tous ceux des Romans et de mes MĂ©moires secrets; je n'en trouve aucun qui convienne, ni aux circonstances de l'aventure, ni au caractĂšre de l'HĂ©roĂÂŻne. La difficultĂ© ne serait pas de m'introduire chez elle, mĂÂȘme la nuit, mĂÂȘme encore de l'endormir, et d'en faire une nouvelle Clarisse mais aprĂšs plus de deux mois de soins et de peines, recourir Ă des moyens qui me soient Ă©trangers! me traĂner servilement sur la trace des autres, et triompher sans gloire!... Non, elle n'aura pas les plaisirs du vice et les honneurs de la vertu [Nouvelle HĂ©loĂÂŻse]. Ce n'est pas assez pour moi de la possĂ©der, je veux qu'elle se livre. Or, il faut pour cela non seulement pĂ©nĂ©trer jusqu'Ă elle, mais y arriver de son aveu; la trouver seule et dans l'intention de m'Ă©couter; surtout, lui fermer les yeux sur le danger, car si elle le voit, elle saura le surmonter ou mourir. Mais mieux je sais ce qu'il faut faire, plus j'en trouve l'exĂ©cution difficile; et dussiez-vous encore vous moquer de moi, je vous avouerai que mon embarras redouble Ă mesure que je m'en occupe davantage. La tĂÂȘte m'en tournerait, je crois, sans les heureuses distractions que me donne notre commune Pupille; c'est Ă elle que je dois d'avoir encore Ă faire autre chose que des ElĂ©gies. Croiriez-vous que cette petite fille Ă©tait tellement effarouchĂ©e, qu'il s'est passĂ© trois grands jours avant que votre Lettre ait produit tout son effet? VoilĂ comme une seule idĂ©e fausse peut gĂÂąter le plus heureux naturel! Enfin, ce n'est que Samedi qu'on est venu tourner autour de moi et me balbutier quelques mots; encore prononcĂ©s si bas et tellement Ă©touffĂ©s par la honte, qu'il Ă©tait impossible de les entendre. Mais la rougeur qu'ils causĂšrent m'en fit deviner le sens. Jusque-lĂ , je m'Ă©tais tenu fier mais flĂ©chi par un si plaisant repentir je voulus bien promettre d'aller trouver le soir mĂÂȘme la jolie PĂ©nitente; et cette grĂÂące de ma part fut reçue avec toute la reconnaissance due Ă un si grand bienfait. Comme je ne perds jamais de vue ni vos projets ni les miens, j'ai rĂ©solu de profiter de cette occasion pour connaĂtre au juste la valeur de cette enfant, et aussi pour accĂ©lĂ©rer son Ă©ducation. Mais pour suivre ce travail avec plus de libertĂ© j'avais besoin de changer le lieu de nos rendez-vous; car un simple cabinet, qui sĂ©pare la chambre de votre Pupille de celle de sa mĂšre, ne pouvait lui inspirer assez de sĂ©curitĂ©, pour la laisser se dĂ©ployer Ă l'aise. Je m'Ă©tais donc promis de faire innocemment quelque bruit, qui pĂ»t lui causer assez de crainte pour la dĂ©cider Ă prendre, Ă l'avenir, un asile plus sĂ»r; elle m'a encore Ă©pargnĂ© ce soin. La petite personne est rieuse; et, pour favoriser sa gaietĂ©, je m'avisai, dans nos entractes, de lui raconter toutes les aventures scandaleuses qui me passaient par la tĂÂȘte; et pour les rendre plus piquantes et fixer davantage son attention, je les mettais toutes sur le compte de sa Maman, que je me plaisais Ă chamarrer ainsi de vices et de ridicules. Ce n'Ă©tait pas sans motif que j'avais fait ce choix; il encourageait mieux que tout autre ma timide Ă©coliĂšre, et je lui inspirais en mĂÂȘme temps le plus profond mĂ©pris pour sa mĂšre. J'ai remarquĂ© depuis longtemps, que si ce moyen n'est pas toujours nĂ©cessaire Ă employer pour sĂ©duire une jeune fille, il est indispensable, et souvent mĂÂȘme le plus efficace, quand on veut la dĂ©praver; car celle qui ne respecte pas sa mĂšre ne se respectera pas elle-mĂÂȘme vĂ©ritĂ© morale que je crois si utile que j'ai Ă©tĂ© bien aise de fournir un exemple Ă l'appui du prĂ©cepte. Cependant votre Pupille, qui ne songeait pas Ă la morale, Ă©touffait de rire Ă chaque instant; et enfin, une fois, elle pensa Ă©clater. Je n'eus pas de peine Ă lui faire croire qu'elle avait fait un bruit affreux . Je feignis une grande frayeur, qu'elle partagea facilement. Pour qu'elle s'en ressouvĂnt mieux, je ne permis plus au plaisir de reparaĂtre, et la laissai seule trois heures plus tĂÂŽt que de coutume aussi convĂnmes-nous, en nous sĂ©parant, que dĂšs le lendemain ce serait dans ma chambre que nous nous rassemblerions. Je l'y ai dĂ©jĂ reçue deux fois, et dans ce court intervalle l'Ă©coliĂšre est devenue presque aussi savante que le maĂtre. Oui, en vĂ©ritĂ©, je lui ai tout appris, jusqu'aux complaisances! je n'ai exceptĂ© que les prĂ©cautions. Ainsi occupĂ© toute la nuit, j'y gagne de dormir une grande partie du jour; et, comme la sociĂ©tĂ© actuelle du ChĂÂąteau n'a rien qui m'attire, Ă peine parais-je une heure au salon dans la journĂ©e. J'ai mĂÂȘme, d'aujourd'hui, pris le parti de manger dans ma chambre, et je ne compte plus la quitter que pour de courtes promenades. Ces bizarreries passent sur le compte de ma santĂ©. J'ai dĂ©clarĂ© que j'Ă©tais perdu de vapeurs ; j'ai annoncĂ© aussi un peu de fiĂšvre. Il ne m'en coĂ»te que de parler d'une voix lente et Ă©teinte. Quant au changement de ma figure, fiez-vous-en Ă votre Pupille. L'amour y pourvoira . [Regnard, Folies amoureuses] J'occupe mon loisir en rĂÂȘvant aux moyens de reprendre sur mon ingrate les avantages que j'ai perdus, et aussi Ă composer une espĂšce de catĂ©chisme de dĂ©bauche, Ă l'usage de mon Ă©coliĂšre. Je m'amuse Ă n'y rien nommer que par le mot technique; et je ris d'avance de l'intĂ©ressante conversation que cela doit fournir entre elle et Gercourt la premiĂšre nuit de leur mariage. Rien n'est plus plaisant que l'ingĂ©nuitĂ© avec laquelle elle se sert dĂ©jĂ du peu qu'elle sait de cette langue! elle n'imagine pas qu'on puisse parler autrement. Cette enfant est rĂ©ellement sĂ©duisante! Ce contraste de la candeur naĂÂŻve avec le langage de l'effronterie ne laisse pas de faire de l'effet; et, je ne sais pourquoi, il n'y a plus que les choses bizarres qui me plaisent. Peut-ĂÂȘtre je me livre trop Ă celle-ci, puisque j'y compromets mon temps et ma santĂ© mais j'espĂšre que ma feinte maladie, outre qu'elle me sauvera de l'ennui du salon, pourra m'ĂÂȘtre encore de quelque utilitĂ© auprĂšs de l'austĂšre DĂ©vote, dont la vertu tigresse s'allie pourtant avec la douce sensibilitĂ©! Je ne doute pas qu'elle ne soit dĂ©jĂ instruite de ce grand Ă©vĂ©nement, et j'ai beaucoup d'envie de savoir ce qu'elle en pense; d'autant plus que je parierais bien qu'elle ne manquera pas de s'en attribuer l'honneur. Je rĂ©glerai l'Ă©tat de ma santĂ© sur l'impression qu'il fera sur elle. Vous voilĂ , ma belle amie, au courant de mes affaires comme moi-mĂÂȘme. Je dĂ©sire avoir bientĂÂŽt des nouvelles plus intĂ©ressantes Ă vous apprendre; et je vous prie de croire que, dans le plaisir que je m'en promets, je compte pour beaucoup la rĂ©compense que j'attends de vous. Du ChĂÂąteau de .. , ce 11 octobre 17**. LETTRE CXI LE COMTE DE GERCOURT A MADAME DE VOLANGES Tout paraĂt, Madame, devoir ĂÂȘtre tranquille dans ce pays; et nous attendons, de jour en jour, la permission de rentrer en France. J'espĂšre que vous ne douterez pas que je n'aie toujours le mĂÂȘme empressement Ă m'y rendre, et Ă y former les nĂ âuds qui doivent m'unir Ă vous et Ă Mademoiselle de Volanges. Cependant M. le Duc de ***, mon cousin, et Ă qui vous savez que j'ai tant d'obligations, vient de me faire part de son rappel de Naples. Il me mande qu'il compte passer par Rome, et voir, dans sa route, la partie d'Italie qui lui reste Ă connaĂtre. Il m'engage Ă l'accompagner dans ce voyage, qui sera environ de six semaines ou deux mois. Je ne vous cache pas qu'il me serait agrĂ©able de profiter de cette occasion; sentant bien qu'une fois mariĂ©, je prendrai difficilement le temps de faire d'autres absences que celles que mon service exigera. Peut-ĂÂȘtre aussi serait-il plus convenable d'attendre l'hiver pour ce mariage; puisque ce ne peut ĂÂȘtre qu'alors que tous mes parents seront rassemblĂ©s Ă Paris; et nommĂ©ment M. le Marquis de *** Ă qui je dois l'espoir de vous appartenir. MalgrĂ© ces considĂ©rations, mes projets Ă cet Ă©gard seront absolument subordonnĂ©s aux vĂÂŽtres; et pour peu que vous prĂ©fĂ©riez vos premiers arrangements, je suis prĂÂȘt Ă renoncer aux miens. Je vous prie seulement de me faire savoir le plus tĂÂŽt possible vos intentions Ă ce sujet. J'attendrai votre rĂ©ponse ici, et elle seule rĂ©glera ma conduite. Je suis avec respect, Madame, et avec tous les sentiments qui conviennent Ă un fils, votre trĂšs humble, etc, Le Comte de Gercourt. Bastia, ce 10 octobre 17**. LETTRE CXII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL DICTEE SEULEMENT. Je ne reçois qu'Ă l'instant mĂÂȘme, ma chĂšre Belle, votre Lettre du 11 [Cette Lettre ne s'est pas retrouvĂ©e] et les doux reproches qu'elle contient. Convenez que vous aviez bien envie de m'en faire davantage; et que si vous ne vous Ă©tiez pas ressouvenue que vous Ă©tiez ma fille , vous m'auriez rĂ©ellement grondĂ©e. Vous auriez Ă©tĂ© pourtant bien injuste! C'Ă©tait le dĂ©sir et l'espoir de pouvoir vous rĂ©pondre moi-mĂÂȘme, qui me faisait diffĂ©rer chaque jour, et vous voyez qu'encore aujourd'hui, je suis obligĂ©e d'emprunter la main de ma Femme de chambre. Mon malheureux rhumatisme m'a reprise, il, s'est nichĂ© cette fois sur le bras droit, et je suis absolument manchote. VoilĂ ce que c'est, jeune et fraĂche comme vous ĂÂȘtes, d'avoir une si vieille amie! on souffre de ses incommoditĂ©s. AussitĂÂŽt que mes douleurs me donneront un peu de relĂÂąche, je me promets bien de causer longuement avec vous. En attendant, sachez seulement que j'ai reçu vos deux Lettres; qu'elles auraient redoublĂ©, s'il Ă©tait possible, ma tendre amitiĂ© pour vous; et que je ne cesserai jamais de prendre part, bien vivement, Ă tout ce qui vous intĂ©resse. Mon neveu est aussi un peu indisposĂ©, mais sans aucun danger et sans qu'il faille en prendre aucune inquiĂ©tude; c'est une incommoditĂ© lĂ©gĂšre, qui, Ă ce qu'il me semble, affecte plus son humeur que sa santĂ©. Nous ne le voyons presque plus. Sa retraite et votre dĂ©part ne rendent pas notre petit cercle plus gai. La petite Volanges, surtout, vous trouve furieusement Ă dire, et baille, tant que la journĂ©e dure, Ă avaler ses poings. ParticuliĂšrement depuis quelques jours, elle nous fait l'honneur de s'endormir profondĂ©ment toutes les aprĂšs-dĂners. Adieu, ma chĂšre Belle; je suis pour toujours votre bien bonne amie, votre maman, votre sĂ âur mĂÂȘme, si mon grand ĂÂąge me permettait ce titre. Enfin je vous suis attachĂ©e par tous les plus tendres sentiments. SignĂ© AdĂ©laĂÂŻde, pour Madame de Rosemonde. Du ChĂÂąteau de .. , ce 14 octobre 17**. LETTRE CXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Je crois devoir vous prĂ©venir, Vicomte, qu'on commence Ă s'occuper de vous Ă Paris; qu'on y remarque votre absence, et que dĂ©jĂ on en devine la cause. J'Ă©tais hier Ă un souper fort nombreux; il y fut dit positivement que vous Ă©tiez retenu au Village par un amour romanesque et malheureux aussitĂÂŽt la joie se peignit sur le visage de tous les envieux de vos succĂšs et de toutes les femmes que vous avez nĂ©gligĂ©es. Si vous m'en croyez, vous ne laisserez pas prendre consistance Ă ces bruits dangereux, et vous viendrez sur-le-champ les dĂ©truire par votre prĂ©sence. Songez que si une fois vous laissez perdre l'idĂ©e qu'on ne vous rĂ©siste pas, vous Ă©prouverez bientĂÂŽt qu'on vous rĂ©sistera en effet plus facilement; que vos rivaux vont aussi perdre de leur respect pour vous, et oser vous combattre car lequel d'entre eux ne se croit pas plus fort que la vertu? Songez surtout que dans la multitude des femmes que vous avez affichĂ©es, toutes celles que vous n'avez pas eues vont tenter de dĂ©tromper le Public, tandis que les autres s'efforceront de l'abuser. Enfin, il faut vous attendre Ă ĂÂȘtre apprĂ©ciĂ© peut-ĂÂȘtre autant au-dessous de votre valeur, que vous l'avez Ă©tĂ© au-dessus jusqu'Ă prĂ©sent. Revenez donc, Vicomte, et ne sacrifiez pas votre rĂ©putation Ă un caprice puĂ©ril. Vous avez fait tout ce que nous voulions de la petite Volanges; et pour votre PrĂ©sidente, ce ne sera pas apparemment en restant Ă dix lieues d'elle, que vous vous en passerez la fantaisie. Croyez-vous qu'elle ira vous chercher? Peut-ĂÂȘtre ne songe-t-elle dĂ©jĂ plus Ă vous, ou ne s'en occupe-t-elle encore que pour se fĂ©liciter de vous avoir humiliĂ©. Au moins ici, pourrez-vous trouver quelque occasion de reparaĂtre avec Ă©clat, et vous en avez besoin; et quand vous vous obstineriez Ă votre ridicule aventure, je ne vois pas que votre retour y puisse nuire... ; au contraire. En effet, si votre PrĂ©sidente vous adore , comme vous me l'avez tant dit et si peu prouvĂ©, son unique consolation, son seul plaisir, doivent ĂÂȘtre Ă prĂ©sent de parler de vous, et de savoir ce que vous faites, ce que vous dites, ce que vous pensez, et jusqu'Ă la moindre des choses qui vous intĂ©ressent. Ces misĂšres-lĂ prennent du prix, en raison des privations qu'on Ă©prouve. Ce sont les miettes de pain tombantes de la table du riche celui-ci les dĂ©daigne; mais le pauvre les recueille avidement et s'en nourrit. Or, la pauvre PrĂ©sidente reçoit Ă prĂ©sent toutes ces miettes-lĂ et plus elle en aura, moins elle sera pressĂ©e de se livrer Ă l'appĂ©tit du reste. De plus, depuis que vous connaissez sa Confidente, vous ne doutez pas que chaque Lettre d'elle ne contienne au moins un petit sermon, et tout ce qu'elle croit propre Ă corroborer sa sagesse et fortifier sa vertu [On ne s'avise jamais de tout! ComĂ©die]. Pourquoi donc laisser Ă l'une des ressources pour se dĂ©fendre, et Ă l'autre pour vous nuire? Ce n'est pas que je sois du tout de votre avis sur la perte que vous croyez avoir faite au changement de Confidente. D'abord, Madame de Volanges vous hait, et la haine est toujours plus clairvoyante et plus ingĂ©nieuse que l'amitiĂ©. Toute la vertu de votre vieille tante ne l'engagera pas Ă mĂ©dire un seul instant de son cher neveu; car la vertu a aussi ses faiblesses. Ensuite vos craintes portent sur une remarque absolument fausse. Il n'est pas vrai que plus les femmes vieillissent, et plus elles deviennent rĂÂȘches et sĂ©vĂšres . C'est de quarante Ă cinquante ans que le dĂ©sespoir de voir leur figure se flĂ©trir, la rage de se sentir obligĂ©es d'abandonner des prĂ©tentions et des plaisirs auxquels elles tiennent encore, rendent presque toutes les femmes bĂ©gueules et acariĂÂątres. Il leur faut ce long intervalle pour faire en entier ce grand sacrifice mais dĂšs qu'il est consommĂ©, toutes se partagent en deux classes. La plus nombreuse, celle des femmes qui n'ont eu pour elles que leur figure et leur jeunesse, tombe dans une imbĂ©cile apathie, et n'en sort plus que pour le jeu et pour quelques pratiques de dĂ©votion; celle-lĂ est toujours ennuyeuse, souvent grondeuse, quelquefois un peu tracassiĂšre, mais rarement mĂ©chante. On ne peut pas dire non plus que ces femmes soient ou ne soient pas sĂ©vĂšres sans idĂ©es et sans existence, elles rĂ©pĂštent, sans le comprendre et indiffĂ©remment, tout ce qu'elles entendent dire, et restent par elles-mĂÂȘmes absolument nulles. L'autre classe, beaucoup plus rare, mais vĂ©ritablement prĂ©cieuse, est celle des femmes qui, ayant eu un caractĂšre et n'ayant pas nĂ©gligĂ© de nourrir leur raison, savent se crĂ©er une existence, quand celle de la nature leur manque, et prennent le parti de mettre Ă leur esprit les parures qu'elles employaient avant pour leur figure. Celles-ci ont pour l'ordinaire le jugement trĂšs sain, et l'esprit Ă la fois solide, gai et gracieux. Elles remplacent les charmes sĂ©duisants par l'attachante bontĂ©, et encore par l'enjouement dont le charme augmente en proportion de l'ĂÂąge c'est ainsi qu'elles parviennent en quelque sorte Ă se rapprocher de la jeunesse en s'en faisant aimer. Mais alors, loin d'ĂÂȘtre, comme vous le dites, rĂÂȘches et sĂ©vĂšres , l'habitude de l'indulgence, leurs longues rĂ©flexions sur la faiblesse humaine, et surtout les souvenirs de leur jeunesse, par lesquels seuls elles tiennent encore Ă la vie, les placeraient plutĂÂŽt peut-ĂÂȘtre trop prĂšs de la facilitĂ©. Ce que je peux vous dire enfin, c'est qu'ayant toujours recherchĂ© les vieilles femmes, dont j'ai reconnu de bonne heure l'utilitĂ© des suffrages, j'ai rencontrĂ© plusieurs d'entre elles auprĂšs de qui l'inclination me ramenait autant que l'intĂ©rĂÂȘt. Je m'arrĂÂȘte lĂ ; car Ă prĂ©sent que vous vous enflammez si vite et si moralement, j'aurais peur que vous ne devinssiez subitement amoureux de votre vieille tante, et que vous ne vous enterrassiez avec elle dans le tombeau oĂÂč vous vivez dĂ©jĂ depuis si longtemps. Je reviens donc. MalgrĂ© l'enchantement oĂÂč vous me paraissez ĂÂȘtre de votre petite Ă©coliĂšre, je ne peux pas croire qu'elle entre pour quelque chose dans vos projets. Vous l'avez trouvĂ©e sous la main, vous l'avez prise Ă la bonne heure! mais ce ne peut pas ĂÂȘtre lĂ un goĂ»t. Ce n'est mĂÂȘme pas, Ă vrai dire, une entiĂšre jouissance vous ne possĂ©dez absolument que sa personne! je ne parle pas de son cĂ âur, dont je me doute bien que vous ne vous souciez guĂšre mais vous n'occupez seulement pas sa tĂÂȘte. Je ne sais pas si vous vous en ĂÂȘtes aperçu, mais moi j'en ai la preuve dans la derniĂšre Lettre qu'elle m'a Ă©crite [Voyez la Lettre CIX]; je vous l'envoie pour que vous en jugiez. Voyez donc que quand elle y parle de vous, c'est toujours M. de Valmont ; que toutes ses idĂ©es, mĂÂȘme celles que vous lui faites naĂtre, n'aboutissent jamais qu'Ă Danceny; et lui, elle ne l'appelle pas Monsieur, c'est bien toujours Danceny seulement. Par lĂ , elle le distingue de tous les autres; et mĂÂȘme en se livrant Ă vous, elle ne se familiarise qu'avec lui. Si une telle conquĂÂȘte vous paraĂt sĂ©duisante , si les plaisirs qu'elle donne vous attachent , assurĂ©ment vous ĂÂȘtes modeste et peu difficile! Que vous la gardiez, j'y consens; cela entre mĂÂȘme dans mes projets. Mais il me semble que cela ne vaut pas de se dĂ©ranger un quart d'heure; qu'il faudrait aussi avoir quelque empire, et ne lui permettre, par exemple, de se rapprocher de Danceny qu'aprĂšs le lui avoir fait un peu plus oublier. Avant de cesser de m'occuper de vous, pour venir Ă moi, je veux encore vous dire que ce moyen de maladie que vous m'annoncez vouloir prendre est bien connu et bien usĂ©. En vĂ©ritĂ©, Vicomte, vous n'ĂÂȘtes pas inventif! Moi, je me rĂ©pĂšte aussi quelquefois, comme vous allez voir; mais je tĂÂąche de me sauver par les dĂ©tails, et surtout le succĂšs me justifie. Je vais encore en tenter un, et courir une nouvelle aventure. Je conviens qu'elle n'aura pas le mĂ©rite de la difficultĂ©; mais au moins sera-ce une distraction, et je m'ennuie Ă pĂ©rir. Je ne sais pourquoi, depuis l'aventure de PrĂ©van, Belleroche m'est devenu insupportable. Il a tellement redoublĂ© d'attention, de tendresse, de vĂ©nĂ©ration , que je n'y peux plus tenir. Sa colĂšre, dans le premier moment, m'avait paru plaisante; il a pourtant bien fallu la calmer, car c'eĂ»t Ă©tĂ© me compromettre que de le laisser faire; et il n'y avait pas moyen de lui faire entendre raison. J'ai donc pris le parti de lui montrer plus d'amour, pour en venir Ă bout plus facilement mais lui a pris cela au sĂ©rieux; et depuis ce temps il m'excĂšde par son enchantement Ă©ternel. Je remarque surtout l'insultante confiance qu'il prend en moi, et la sĂ©curitĂ© avec laquelle il me regarde comme Ă lui pour toujours. J'en suis vraiment humiliĂ©e. Il me prise donc bien peu, s'il croit valoir assez pour me fixer! Ne me disait-il pas derniĂšrement que je n'aurais jamais aimĂ© un autre que lui? Oh! pour le coup, j'ai eu besoin de toute ma prudence, pour ne pas le dĂ©tromper sur-le-champ, en lui disant ce qui en Ă©tait. VoilĂ , certes, un plaisant Monsieur, pour avoir un droit exclusif! Je conviens qu'il est bien fait et d'une assez belle figure mais, Ă tout prendre, ce n'est, au fait, qu'un ManĂ âuvre d'amour. Enfin le moment est venu, il faut nous sĂ©parer. J'essaie dĂ©jĂ depuis quinze jours, et j'ai employĂ©, tour Ă tour, la froideur, le caprice, l'humeur, les querelles; mais le tenace personnage ne quitte pas prise ainsi il faut donc prendre un parti plus violent; en consĂ©quence je l'emmĂšne Ă ma campagne. Nous partons aprĂšs-demain. Il n'y aura avec nous que quelques personnes dĂ©sintĂ©ressĂ©es et peu clairvoyantes, et nous y aurons presque autant de libertĂ© que si nous y Ă©tions seuls. LĂ , je le surchargerai Ă tel point d'amour et de caresses, nous y vivrons si bien l'un pour l'autre uniquement, que je parie bien qu'il dĂ©sirera plus que moi la fin de ce voyage, dont il se fait un si grand bonheur; et s'il n'en revient pas plus ennuyĂ© de moi que je ne le suis de lui, dites, j'y consens, que je n'en sais pas plus que vous. Le prĂ©texte de cette espĂšce de retraite est de m'occuper sĂ©rieusement de mon grand procĂšs, qui en effet se jugera enfin au commencement de l'hiver. J'en suis bien aise; car il est vraiment dĂ©sagrĂ©able d'avoir ainsi toute sa fortune en l'air. Ce n'est pas que je sois inquiĂšte de l'Ă©vĂ©nement; d'abord j'ai raison, tous mes Avocats me l'assurent; et quand je ne l'aurais pas! je serais donc bien maladroite, si je ne savais pas gagner un procĂšs, oĂÂč je n'ai pour adversaires que des mineures encore en bas ĂÂąge, et leur vieux tuteur! Comme il ne faut pourtant rien nĂ©gliger dans une affaire si importante, j'aurai effectivement avec moi deux Avocats. Ce voyage ne vous paraĂt-il pas gai? cependant s'il me fait gagner mon procĂšs et perdre Belleroche, je ne regretterai pas mon temps. A prĂ©sent, Vicomte, devinez le successeur; je vous le donne en cent. Mais bon! ne sais-je pas que vous ne devinez jamais rien? hĂ© bien, c'est Danceny. Vous ĂÂȘtes Ă©tonnĂ©, n'est-ce pas? car enfin je ne suis pas encore rĂ©duite Ă l'Ă©ducation des enfants! Mais celui-ci mĂ©rite d'ĂÂȘtre exceptĂ©; il n'a que les grĂÂąces de la jeunesse, et non la frivolitĂ©. Sa grande rĂ©serve dans le cercle est trĂšs propre Ă Ă©loigner tous les soupçons, et on ne l'en trouve que plus aimable, quand il se livre, dans le tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte. Ce n'est pas que j'en aie dĂ©jĂ eu avec lui pour mon compte, je ne suis encore que sa confidente; mais sous ce voile de l'amitiĂ©, je crois lui voir un goĂ»t trĂšs vif pour moi, et je sens que j'en prends beaucoup pour lui. Ce serait bien dommage que tant d'esprit et de dĂ©licatesse allassent se sacrifier et s'abrutir auprĂšs de cette petite imbĂ©cile de Volanges! J'espĂšre qu'il se trompe en croyant l'aimer elle est si loin de le mĂ©riter! Ce n'est pas que je sois jalouse d'elle; mais c'est que ce serait un meurtre, et je veux en sauver Danceny. Je vous prie donc, Vicomte, de mettre vos soins Ă ce qu'il ne puisse se rapprocher de sa CĂ©cile comme il a encore la mauvaise habitude de la nommer. Un premier goĂ»t a toujours plus d'empire qu'on ne croit et je ne serais sĂ»re de rien s'il la revoyait Ă prĂ©sent; surtout pendant mon absence. A mon retour, je me charge de tout et j'en rĂ©ponds. J'ai bien songĂ© Ă emmener le jeune homme avec moi mais j'en ai fait le sacrifice Ă ma prudence ordinaire; et puis, j'aurais craint qu'il ne s'aperçût de quelque chose entre Belleroche et moi, et je serais au dĂ©sespoir qu'il eĂ»t la moindre idĂ©e de ce qui se passe. Je veux au moins m'offrir Ă son imagination, pure et sans tache; telle enfin qu'il faudrait ĂÂȘtre, pour ĂÂȘtre vraiment digne de lui. Paris, ce 15 octobre 17**. LETTRE CXIV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Ma chĂšre amie, je cĂšde Ă ma vive inquiĂ©tude; et sans savoir si vous serez en Ă©tat de me rĂ©pondre, je ne puis m'empĂÂȘcher de vous interroger. L'Ă©tat de M. de Valmont, que vous me dites sans danger , ne me laisse pas autant de sĂ©curitĂ© que vous paraissez en avoir. Il n'est pas rare que la mĂ©lancolie et le dĂ©goĂ»t du monde soient des symptĂÂŽmes avant-coureurs de quelque maladie grave; les souffrances du corps, comme celles de l'esprit, font dĂ©sirer la solitude; et souvent on reproche de l'humeur Ă celui dont on devrait seulement plaindre les maux. Il me semble qu'il devrait au moins consulter quelqu'un. Comment, Ă©tant malade vous-mĂÂȘme, n'avez-vous pas un MĂ©decin auprĂšs de vous? Le mien, que j'ai vu ce matin, et que je ne vous cache pas que j'ai consultĂ© indirectement, est d'avis que, dans les personnes naturellement actives, cette espĂšce d'apathie subite n'est jamais Ă nĂ©gliger; et, comme il me disait encore, les maladies ne cĂšdent plus au traitement, quand elles n'ont pas Ă©tĂ© prises Ă temps. Pourquoi faire courir ce risque Ă quelqu'un qui vous est si cher? Ce qui redouble mon inquiĂ©tude, c'est que, depuis quatre jours, je ne reçois plus de nouvelles de lui. Mon Dieu! ne me trompez-vous point sur son Ă©tat? Pourquoi aurait-il cessĂ© de m'Ă©crire tout Ă coup? Si c'Ă©tait seulement l'effet de mon obstination Ă lui renvoyer ses Lettres, je crois qu'il aurait pris ce parti plus tĂÂŽt. Enfin, sans croire aux pressentiments, je suis depuis quelques jours d'une tristesse qui m'effraie. Ah! peut-ĂÂȘtre suis-je Ă la veille du plus grand des malheurs! Vous ne sauriez croire, et j'ai honte de vous dire, combien je suis peinĂ©e de ne plus recevoir ces mĂÂȘmes Lettres, que pourtant je refuserais encore de lire. J'Ă©tais sĂ»re au moins qu'il Ă©tait occupĂ© de moi! et je voyais quelque chose qui venait de lui. Je ne les ouvrais pas, ces Lettres, mais je pleurais en les regardant mes larmes Ă©taient plus douces et plus faciles; et celles-lĂ seules dissipaient en partie l'oppression habituelle que j'Ă©prouve depuis mon retour. Je vous en conjure, mon indulgente amie, Ă©crivez-moi, vous-mĂÂȘme, aussitĂÂŽt que vous le pourrez, et en attendant, faites-moi donner chaque jour de vos nouvelles et des siennes. Je m'aperçois qu'Ă peine je vous ai dit un mot pour vous mais vous connaissez mes sentiments, mon attachement sans rĂ©serve, ma tendre reconnaissance pour votre sensible amitiĂ©; vous pardonnerez au trouble oĂÂč je suis, Ă mes peines mortelles, au tourment affreux d'avoir Ă redouter des maux dont peut-ĂÂȘtre je suis la cause. Grand Dieu! cette idĂ©e dĂ©sespĂ©rante me poursuit et dĂ©chire mon cĂ âur; ce malheur me manquait, et je sens que je suis nĂ©e pour les Ă©prouver tous. Adieu, ma chĂšre amie, aimez-moi, plaignez-moi. Aurai-je une Lettre de vous aujourd'hui? Paris, ce 16 octobre 17**. LETTRE CXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est une chose inconcevable, ma belle amie, comme aussitĂÂŽt qu'on s'Ă©loigne, on cesse facilement de s'entendre. Tant que j'Ă©tais auprĂšs de vous, nous n'avions jamais qu'un mĂÂȘme sentiment, une mĂÂȘme façon de voir; et parce que, depuis prĂšs de trois mois, je ne vous vois plus, nous ne sommes plus du mĂÂȘme avis sur rien. Qui de nous deux a tort? sĂ»rement vous n'hĂ©siteriez pas sur la rĂ©ponse mais moi, plus sage, ou plus poli, je ne dĂ©cide pas. Je vais seulement rĂ©pondre Ă votre Lettre, et continuer de vous exposer ma conduite. D'abord, je vous remercie de l'avis que vous me donnez des bruits qui courent sur mon compte; mais je ne m'en inquiĂšte pas encore je me crois sĂ»r d'avoir bientĂÂŽt de quoi les faire cesser. Soyez tranquille, je ne reparaĂtrai dans le monde que plus cĂ©lĂšbre que jamais, et toujours plus digne de vous. J'espĂšre qu'on me comptera mĂÂȘme pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas comme si ce n'Ă©tait rien que d'enlever en une soirĂ©e une jeune fille Ă son Amant aimĂ©, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras; d'en obtenir ce qu'on n'ose pas mĂÂȘme exiger de toutes les filles dont c'est le mĂ©tier; et cela, sans la dĂ©ranger en rien de son tendre amour; sans la rendre inconstante, pas mĂÂȘme infidĂšle car, en effet, je n'occupe seulement pas sa tĂÂȘte! en sorte qu'aprĂšs ma fantaisie passĂ©e, je la remettrai entre les bras de son Amant, pour ainsi dire, sans qu'elle se soit aperçue de rien. Est-ce donc lĂ une marche si ordinaire? et puis croyez-moi, une fois sortie de mes mains, les principes que je lui donne ne s'en dĂ©velopperont pas moins; et je prĂ©dis que la timide Ă©coliĂšre prendra bientĂÂŽt un essor propre Ă faire honneur Ă son maĂtre. Si pourtant on aime mieux le genre hĂ©roĂÂŻque, je montrerai la PrĂ©sidente, ce modĂšle citĂ© de toutes les vertus! respectĂ©e mĂÂȘme de nos plus libertins! telle enfin qu'on avait perdu jusqu'Ă l'idĂ©e de l'attaquer! je la montrerai, dis-je, oubliant ses devoirs et sa vertu, sacrifiant sa rĂ©putation et deux ans de sagesse, pour courir aprĂšs le bonheur de me plaire, pour s'enivrer de celui de m'aimer, se trouvant suffisamment dĂ©dommagĂ©e de tant de sacrifices, par un mot, par un regard qu'encore elle n'obtiendra pas toujours. Je ferai plus, je la quitterai; et je ne connais pas cette femme, ou je n'aurai point de successeur. Elle rĂ©sistera au besoin de consolation, Ă l'habitude du plaisir, au dĂ©sir mĂÂȘme de la vengeance. Enfin, elle n'aura existĂ© que pour moi; et que sa carriĂšre soit plus ou moins longue, j'en aurai seul ouvert et fermĂ© la barriĂšre. Une fois parvenu Ă ce triomphe, je dirai Ă mes rivaux " Voyez mon ouvrage, et cherchez-en dans le siĂšcle un second exemple! " Vous allez me demander d'oĂÂč vient aujourd'hui cet excĂšs de confiance? c'est que depuis huit jours je suis dans la confidence de ma Belle; elle ne me dit pas ses secrets, mais je les surprends. Deux Lettres d'elle Ă Madame de Rosemonde m'ont suffisamment instruit, et je ne lirai plus les autres que par curiositĂ©. Je n'ai absolument besoin, pour rĂ©ussir, que de me rapprocher d'elle, et mes moyens sont trouvĂ©s. Je vais incessamment les mettre en usage. Vous ĂÂȘtes curieuse, je crois?... Mais non, pour vous punir de ne pas croire Ă mes inventions, vous ne les saurez pas. Tout de bon, vous mĂ©riteriez que je vous retirasse ma confiance, au moins pour cette aventure; en effet, sans le doux prix attachĂ© par vous Ă ce succĂšs, je ne vous en parlerais plus. Vous voyez que je suis fĂÂąchĂ©. Cependant, dans l'espoir que vous vous corrigerez, je veux bien m'en tenir Ă cette punition lĂ©gĂšre; et revenant Ă l'indulgence, j'oublie un moment mes grands projets, pour raisonner des vĂÂŽtres avec vous. Vous voilĂ donc Ă la campagne, ennuyeuse comme le sentiment, et triste comme la fidĂ©litĂ©! Et ce pauvre Belleroche! vous ne vous contentez pas de lui faire boire l'eau d'oubli, vous lui en donnez la question! Comment s'en trouve- t-il? supporte-t-il bien les nausĂ©es de l'amour? Je voudrais pour beaucoup qu'il ne vous en devĂnt que plus attachĂ©; je suis curieux de voir quel remĂšde plus efficace vous parviendriez Ă employer. Je vous plains, en vĂ©ritĂ©, d'avoir Ă©tĂ© obligĂ©e de recourir Ă celui-lĂ . Je n'ai fait qu'une fois, dans ma vie, l'amour par procĂ©dĂ©. J'avais certainement un grand motif, puisque c'Ă©tait Ă la Comtesse de ***; et vingt fois, entre ses bras, j'ai Ă©tĂ© tentĂ© de lui dire " Madame, je renonce Ă la place que je sollicite, et permettez-moi de quitter celle que j'occupe. " Aussi, de toutes les femmes que j'ai eues, c'est la seule dont j'ai vraiment plaisir Ă dire du mal. Pour votre motif Ă vous, je le trouve, Ă vrai dire, d'un ridicule rare; et vous aviez raison de croire que je ne devinerais pas le successeur. Quoi! c'est pour Danceny que vous vous donnez toute cette peine-lĂ ! Eh! ma chĂšre amie, laissez-le adorer sa vertueuse CĂ©cile , et ne vous compromettez pas dans ces jeux d'enfants. Laissez les Ă©coliers se former auprĂšs des Bonnes , ou jouer avec les pensionnaires Ă de petits jeux innocents . Comment allez- vous vous charger d'un novice qui ne saura ni vous prendre, ni vous quitter, et avec qui il vous faudra tout faire? Je vous le dis sĂ©rieusement, je dĂ©sapprouve ce choix, et quelque secret qu'il restĂÂąt, il vous humilierait au moins Ă mes yeux et dans votre conscience. Vous prenez, dites-vous, beaucoup de goĂ»t pour lui allons donc, vous vous trompez sĂ»rement, et je crois mĂÂȘme avoir trouvĂ© la cause de votre erreur. Ce beau dĂ©goĂ»t de Belleroche vous est venu dans un temps de disette, et Paris ne vous offrant pas de choix, vos idĂ©es, toujours trop vives, se sont portĂ©es sur le premier objet que vous avez rencontrĂ©. Mais songez qu'Ă votre retour, vous pourrez choisir entre mille; et si enfin vous redoutez l'inaction dans laquelle vous risquez de tomber en diffĂ©rant, je m'offre Ă vous pour amuser vos loisirs. D'ici Ă votre arrivĂ©e, mes grandes affaires seront terminĂ©es de maniĂšre ou d'autre; et sĂ»rement, ni la petite Volanges, ni la PrĂ©sidente elle-mĂÂȘme, ne m'occuperont pas assez alors pour que je ne sois pas Ă vous autant que vous le dĂ©siriez. Peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme, d'ici lĂ , aurai-je dĂ©jĂ remis la petite fille aux mains de son discret Amant. Sans convenir, quoi que vous en disiez, que ce ne soit pas une jouissance attachante , comme j'ai le projet qu'elle garde de moi toute sa vie une idĂ©e supĂ©rieure Ă celle de tous les autres hommes, je me suis mis, avec elle, sur un ton que je ne pourrais soutenir longtemps sans altĂ©rer ma santĂ©; et dĂšs ce moment, je ne tiens plus Ă elle que par le soin qu'on doit aux affaires de famille... Vous ne m'entendez pas? C'est que j'attends une seconde Ă©poque pour confirmer mon espoir, et m'assurer que j'ai pleinement rĂ©ussi dans mes projets. Oui, ma belle amie, j'ai dĂ©jĂ un premier indice que le mari de mon Ă©coliĂšre ne courra pas le risque de mourir sans postĂ©ritĂ©; et que le Chef de la maison de Gercourt ne sera Ă l'avenir qu'un Cadet de celle de Valmont. Mais laissez-moi finir, Ă ma fantaisie, cette aventure que je n'ai entreprise qu'Ă votre priĂšre. Songez que si vous rendez Danceny inconstant, vous ĂÂŽtez tout le piquant de cette histoire. ConsidĂ©rez enfin que, m'offrant pour le reprĂ©senter auprĂšs de vous, j'ai, ce me semble, quelques droits Ă la prĂ©fĂ©rence. J'y compte si bien, que je n'ai pas craint de contrarier vos vues, en concourant moi-mĂÂȘme Ă augmenter la tendre passion du discret Amoureux, pour le premier et digne objet de son choix. Ayant donc trouvĂ© hier votre Pupille occupĂ©e Ă lui Ă©crire, et l'ayant dĂ©rangĂ©e d'abord de cette douce occupation pour une autre plus douce encore, je lui ai demandĂ©, aprĂšs, de voir sa Lettre; et comme je l'ai trouvĂ©e froide et contrainte, je lui ai fait sentir que ce n'Ă©tait pas ainsi qu'elle consolerait son Amant, et je l'ai dĂ©cidĂ©e Ă en Ă©crire une autre sous ma dictĂ©e; oĂÂč, en imitant du mieux que j'ai pu son petit radotage, j'ai tĂÂąchĂ© de nourrir l'amour du jeune homme par un espoir plus certain. La petite personne Ă©tait toute ravie, me disait-elle, de se trouver parler si bien; et dorĂ©navant, je serai chargĂ© de la correspondance. Que n'aurai-je pas fait pour ce Danceny? J'aurai Ă©tĂ© Ă la fois son ami, son confident, son rival et sa maĂtresse! Encore, en ce moment, je lui rends le service de le sauver de vos liens dangereux; oui, sans doute, dangereux, car vous possĂ©der et vous perdre, c'est acheter un moment de bonheur par une Ă©ternitĂ© de regrets. Adieu, ma belle amie; ayez le courage de dĂ©pĂÂȘcher Belleroche le plus que vous pourrez. Laissez lĂ Danceny, et prĂ©parez-vous Ă retrouver, et Ă me rendre, les dĂ©licieux plaisirs de notre premiĂšre liaison. Je vous fais compliment sur le jugement prochain du grand procĂšs. Je serai fort aise que cet heureux Ă©vĂ©nement arrive sous mon rĂšgne. Du ChĂÂąteau de ..., ce 19 octobre 17**. LETTRE CXVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Madame de Merteuil est partie ce matin pour la campagne; ainsi, ma charmante CĂ©cile, me voilĂ privĂ© du seul plaisir qui me restait en votre absence, celui de parler de vous Ă votre amie et Ă la mienne. Depuis quelque temps, elle m'a permis de lui donner ce titre; et j'en ai profitĂ© avec d'autant plus d'empressement, qu'il me semblait, par lĂ , me rapprocher de vous davantage. Mon Dieu! que cette femme est aimable et quel charme flatteur elle sait donner Ă l'amitiĂ©! Il semble que ce doux sentiment s'embellisse et se fortifie chez elle de tout ce qu'elle refuse Ă l'amour. Si vous saviez comme elle vous aime, comme elle se plaĂt Ă m'entendre lui parler de vous!... C'est lĂ sans doute ce qui m'attache autant Ă elle. Quel bonheur de pouvoir vivre uniquement pour vous deux, de passer sans cesse des dĂ©lices de l'amour aux douceurs de l'amitiĂ©, d'y consacrer toute mon existence, d'ĂÂȘtre en quelque sorte le point de rĂ©union de votre attachement rĂ©ciproque; et de sentir toujours que, m'occupant du bonheur de l'une, je travaillerais Ă©galement Ă celui de l'autre! Aimez, aimez beaucoup, ma charmante amie, cette femme adorable. L'attachement que j'ai pour elle, donnez-y plus de prix encore, en le partageant. Depuis que j'ai goĂ»tĂ© le charme de l'amitiĂ©, je dĂ©sire que vous l'Ă©prouviez Ă votre tour. Les plaisirs que je ne partage pas avec vous, il me semble n'en jouir qu'Ă moitiĂ©. Oui, ma CĂ©cile, je voudrais entourer votre cĂ âur de tous les sentiments les plus doux; que chacun de ses mouvements vous fĂt Ă©prouver une sensation de bonheur; et je croirais encore ne pouvoir jamais vous rendre qu'une partie de la fĂ©licitĂ© que je tiendrais de vous. Pourquoi faut-il que ces projets charmants ne soient qu'une chimĂšre de mon imagination, et que la rĂ©alitĂ© ne m'offre au contraire que des privations douloureuses et indĂ©finies? L'espoir que vous m'aviez donnĂ© de vous voir Ă cette campagne, je m'aperçois bien qu'il faut y renoncer. Je n'ai plus de consolation que celle de me persuader qu'en effet cela ne vous est pas possible. Et vous nĂ©gligez de me le dire, de vous en affliger avec moi! DĂ©jĂ , deux fois, mes plaintes Ă ce sujet sont restĂ©es sans rĂ©ponse. Ah! CĂ©cile! CĂ©cile, je crois bien que vous m'aimez de toutes les facultĂ©s de votre ĂÂąme, mais votre ĂÂąme n'est pas brĂ»lante comme la mienne! Que n'est-ce Ă moi Ă lever les obstacles? Pourquoi ne sont-ce pas mes intĂ©rĂÂȘts qu'il me faille mĂ©nager, au lieu des vĂÂŽtres? je saurais bientĂÂŽt vous prouver que rien n'est impossible Ă l'amour. Vous ne me mandez pas non plus quand doit finir cette absence cruelle au moins, ici, peut-ĂÂȘtre vous verrais-je. Vos charmants regards ranimeraient mon ĂÂąme abattue; leur touchante expression rassurerait mon cĂ âur, qui quelquefois en a besoin. Pardon, ma CĂ©cile; cette crainte n'est pas un soupçon. Je crois Ă votre amour, Ă votre constance. Ah! je serais trop malheureux, si j'en doutais. Mais tant d'obstacles! et toujours renouvelĂ©s! Mon amie, je suis triste, bien triste. Il semble que ce dĂ©part de Madame de Merteuil ait renouvelĂ© en moi le sentiment de tous mes malheurs. Adieu, ma CĂ©cile; adieu, ma bien-aimĂ©e. Songez que votre Amant s'afflige, et que vous pouvez seule lui rendre le bonheur. Paris, ce 17 octobre 17**. LETTRE CXVII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY DICTEE PAR VALMONT. Croyez-vous donc, mon bon ami, que j'aie besoin d'ĂÂȘtre grondĂ©e pour ĂÂȘtre triste, quand je sais que vous vous affligez? et doutez-vous que je ne souffre autant que vous de toutes vos peines? Je partage mĂÂȘme celles que je vous cause volontairement; et j'ai de plus que vous, de voir que vous ne me rendez pas justice. Oh! cela n'est pas bien. Je vois bien ce qui vous fĂÂąche; c'est que les deux derniĂšres fois que vous m'avez demandĂ© de venir ici je ne vous ai pas rĂ©pondu Ă cela mais cette rĂ©ponse est-elle donc si aisĂ©e Ă faire? Croyez-vous que je ne sache pas que ce que vous voulez est bien mal? Et pourtant, si j'ai dĂ©jĂ tant de peine Ă vous refuser de loin, que serait-ce donc si vous Ă©tiez lĂ ? Et puis pour avoir voulu vous consoler un moment, je resterais affligĂ©e toute ma vie. Tenez, je n'ai rien de cachĂ© pour vous, moi voilĂ mes raisons, jugez vous- mĂÂȘme. J'aurais peut-ĂÂȘtre fait ce que vous voulez, sans ce que je vous ai mandĂ©, que ce M. de Gercourt, qui cause tout notre chagrin, n'arrivera pas encore de sitĂÂŽt; et comme, depuis quelque temps, Maman me tĂ©moigne beaucoup plus d'amitiĂ©; comme, de mon cĂÂŽtĂ©, je la caresse le plus que je peux; qui sait ce que je pourrai obtenir d'elle? Et si nous pouvions ĂÂȘtre heureux sans que j'aie rien Ă me reprocher, est-ce que cela ne vaudrait pas bien mieux? Si j'en crois ce qu'on m'a dit souvent, les hommes mĂÂȘme n'aiment plus tant leurs femmes, quand elles les ont trop aimĂ©s avant de l'ĂÂȘtre. Cette crainte-lĂ me retient encore plus que tout le reste. Mon ami, n'ĂÂȘtes-vous pas sĂ»r de mon cĂ âur, et ne sera-t-il pas toujours temps? Ecoutez, je vous promets que, si je ne peux pas Ă©viter le malheur d'Ă©pouser M. de Gercourt, que je hais dĂ©jĂ tant avant de le connaĂtre, rien ne me retiendra plus pour ĂÂȘtre Ă vous autant que je pourrai, et mĂÂȘme avant tout. Comme je ne me soucie d'ĂÂȘtre aimĂ©e que de vous, et que vous verrez bien si je fais mal, il n'y aura pas de ma faute, le reste me sera bien Ă©gal; pourvu que vous me promettiez de m'aimer toujours autant que vous faites. Mais, mon ami, jusque-lĂ , laissez-moi continuer comme je fais; et ne me demandez plus une chose que j'ai de bonnes raisons pour ne pas faire, et que pourtant il me fĂÂąche de vous refuser. Je voudrais bien aussi que M. de Valmont ne fĂ»t pas si pressant pour vous; cela ne sert qu'Ă me rendre plus chagrine encore. Oh! vous avez lĂ un bien bon ami, je vous assure! Il fait tout comme vous feriez vous-mĂÂȘme. Mais adieu, mon cher ami; j'ai commencĂ© bien tard Ă vous Ă©crire, et j'y ai passĂ© une partie de la nuit. Je vas me coucher et rĂ©parer le temps perdu. Je vous embrasse, mais ne me grondez plus. Du ChĂÂąteau de ..., ce 18 octobre 17**. LETTRE CXVIII LE CHEVALIER DANCENY A LA MARQUISE DE MERTEUIL Si j'en crois mon Almanach, il n'y a, mon adorable amie, que deux jours que vous ĂÂȘtes absente; mais si j'en crois mon cĂ âur, il y a deux siĂšcles. Or, je le tiens de vous-mĂÂȘme, c'est toujours son cĂ âur qu'il faut croire; il est donc bien temps que vous reveniez, et toutes vos affaires doivent ĂÂȘtre plus que finies. Comment voulez-vous que je m'intĂ©resse Ă votre procĂšs, si, perte ou gain, j'en dois Ă©galement payer les frais par l'ennui de votre absence? Oh! que j'aurais envie de quereller! et qu'il est triste, avec un si beau sujet d'avoir de l'humeur, de n'avoir pas le droit d'en montrer! N'est-ce pas cependant une vĂ©ritable infidĂ©litĂ©, une noire trahison, que de laisser votre ami loin de vous, aprĂšs l'avoir accoutumĂ© Ă ne pouvoir plus se passer de votre prĂ©sence? Vous aurez beau consulter vos Avocats, ils ne vous trouveront pas de justification pour ce mauvais procĂ©dĂ© et puis, ces gens-lĂ ne disent que des raisons, et des raisons ne suffisent pas pour rĂ©pondre Ă des sentiments. Pour moi, vous m'avez tant dit que c'Ă©tait par raison que vous faisiez ce voyage, que vous m'avez tout Ă fait brouillĂ© avec elle. Je ne veux plus du tout l'entendre; pas mĂÂȘme quand elle me dit de vous oublier. Cette raison-lĂ est pourtant bien raisonnable; et au fait, cela ne serait pas si difficile que vous pourriez le croire. Il suffirait seulement de perdre l'habitude de penser toujours Ă vous, et rien ici, je vous assure, ne vous rappellerait Ă moi. Nos plus jolies femmes, celles qu'on dit les plus aimables, sont encore si loin de vous qu'elles ne pourraient en donner qu'une bien faible idĂ©e. Je crois mĂÂȘme qu'avec des yeux exercĂ©s, plus on a cru d'abord qu'elles vous ressemblaient, plus on y trouve aprĂšs de diffĂ©rence elles ont beau faire, beau y mettre tout ce qu'elles savent, il leur manque toujours d'ĂÂȘtre vous, et c'est positivement lĂ qu'est le charme. Malheureusement, quand les journĂ©es sont si longues, et qu'on est dĂ©soccupĂ©, on rĂÂȘve, on fait des chĂÂąteaux en Espagne, on se crĂ©e sa chimĂšre; peu Ă peu l'imagination s'exalte on veut embellir son ouvrage, on rassemble tout ce qui peut plaire, on arrive enfin Ă la perfection; et dĂšs qu'on en est lĂ , le portrait ramĂšne au modĂšle, et on est tout Ă©tonnĂ© de voir qu'on n'a fait que songer Ă vous. Dans ce moment mĂÂȘme, je suis encore la dupe d'une erreur Ă peu prĂšs semblable. Vous croyez peut-ĂÂȘtre que c'Ă©tait pour m'occuper de vous, que je me suis mis Ă vous Ă©crire? point du tout c'Ă©tait pour m'en distraire. J'avais cent choses Ă vous dire dont vous n'Ă©tiez pas l'objet, qui, comme vous savez, m'intĂ©ressent bien vivement; et ce sont celles-lĂ pourtant dont j'ai Ă©tĂ© distrait. Et depuis quand le charme de l'amitiĂ© distrait-il donc de celui de l'amour? Ah! si j'y regardais de bien prĂšs, peut-ĂÂȘtre aurais-je un petit reproche Ă me faire! Mais chut! oublions cette lĂ©gĂšre faute de peur d'y retomber; et que mon amie elle-mĂÂȘme l'ignore. Aussi pourquoi n'ĂÂȘtes-vous pas lĂ pour me rĂ©pondre, pour me ramener si je m'Ă©gare; pour me parler de ma CĂ©cile, pour augmenter, s'il est possible, le bonheur que je goĂ»te Ă l'aimer, par l'idĂ©e si douce que c'est votre amie que j'aime? Oui, je l'avoue, l'amour qu'elle m'inspire m'est devenu plus prĂ©cieux encore, depuis que vous avez bien voulu en recevoir la confidence. J'aime tant Ă vous ouvrir mon cĂ âur, Ă occuper le vĂÂŽtre de mes sentiments, Ă les y dĂ©poser sans rĂ©serve! il me semble que je les chĂ©ris davantage, Ă mesure que vous daignez les recueillir; et puis, je vous regarde et je me dis C'est en elle qu'est renfermĂ© tout mon bonheur. Je n'ai rien de nouveau Ă vous apprendre sur ma situation. La derniĂšre Lettre que j'ai reçue d'elle augmente et assure mon espoir, mais le retarde encore. Cependant ses motifs sont si tendres et si honnĂÂȘtes que je ne puis l'en blĂÂąmer ni m'en plaindre. Peut-ĂÂȘtre n'entendrez-vous pas trop bien ce que je vous dis lĂ ; mais pourquoi n'ĂÂȘtes-vous pas ici? Quoiqu'on dise tout Ă son amie, on n'ose pas tout Ă©crire. Les secrets de l'amour, surtout, sont si dĂ©licats qu'on ne peut les laisser aller ainsi sur leur bonne foi. Si quelquefois on leur permet de sortir, il ne faut pas au moins les perdre de vue; il faut en quelque sorte les voir entrer dans leur nouvel asile. Ah! revenez donc, mon adorable amie; vous voyez bien que votre retour est nĂ©cessaire. Oubliez enfin les mille raisons qui vous retiennent oĂÂč vous ĂÂȘtes, ou apprenez-moi Ă vivre oĂÂč vous n'ĂÂȘtes pas. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Paris, ce 19 octobre 17**. LETTRE CXIX MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quoique je souffre encore beaucoup, ma chĂšre Belle, j'essaie de vous Ă©crire moi-mĂÂȘme, afin de pouvoir vous parler de ce qui vous intĂ©resse. Mon neveu garde toujours sa misanthropie. Il envoie fort rĂ©guliĂšrement savoir de mes nouvelles tous les jours; mais il n'est pas venu une fois s'en informer lui- mĂÂȘme, quoique je l'en aie fait prier en sorte que je ne le vois pas plus que s'il Ă©tait Ă Paris. Je l'ai pourtant rencontrĂ© ce matin, oĂÂč je ne l'attendais guĂšre. C'est dans ma Chapelle, oĂÂč je suis descendue pour la premiĂšre fois depuis ma douloureuse incommoditĂ©. J'ai appris aujourd'hui que depuis quatre jours il y va rĂ©guliĂšrement entendre la Messe. Dieu veuille que cela dure! Quand je suis entrĂ©e, il est venu Ă moi, et m'a fĂ©licitĂ©e fort affectueusement sur le meilleur Ă©tat de ma santĂ©. Comme la Messe commençait, j'ai abrĂ©gĂ© la conversation, que je comptais bien reprendre aprĂšs; mais il a disparu avant que j'aie pu le joindre. Je ne vous cacherai pas que je l'ai trouvĂ© un peu changĂ©. Mais, ma chĂšre Belle, ne me faites pas repentir de ma confiance en votre raison, par des inquiĂ©tudes trop vives; et surtout soyez sĂ»re que j'aimerais encore mieux vous affliger, que vous tromper. Si mon neveu continue Ă me tenir rigueur, je prendrai le parti, aussitĂÂŽt que je serai mieux, de l'aller voir dans sa chambre; et je tĂÂącherai de pĂ©nĂ©trer la cause de cette singuliĂšre manie, dans laquelle je crois bien que vous ĂÂȘtes pour quelque chose. Je vous manderai ce que j'aurai appris. Je vous quitte, ne pouvant plus remuer les doigts et puis, si AdĂ©laĂÂŻde savait que j'ai Ă©crit, elle me gronderait toute la soirĂ©e. Adieu, ma chĂšre Belle. Du ChĂÂąteau de ..., ce 20 octobre 17**. LETTRE CXX LE VICOMTE DE VALMONT AU PERE ANSELME FEUILLANT DU COUVENT DE LA RUE SAINT-HONORE. Je n'ai pas l'honneur d'ĂÂȘtre connu de vous, Monsieur mais je sais la confiance entiĂšre qu'a en vous Madame la PrĂ©sidente de Tourvel, et je sais de plus combien cette confiance est dignement placĂ©e. Je crois donc pouvoir sans indiscrĂ©tion m'adresser Ă vous, pour en obtenir un service bien essentiel, vraiment digne de votre saint ministĂšre, et oĂÂč l'intĂ©rĂÂȘt de Madame de Tourvel se trouve joint au mien. J'ai entre les mains des papiers importants qui la concernent, qui ne peuvent ĂÂȘtre confiĂ©s Ă personne, et que je ne dois ni ne veux remettre qu'entre ses mains. Je n'ai aucun moyen de l'en instruire, parce que des raisons, que peut- ĂÂȘtre vous aurez sues d'elle, mais dont je ne crois pas qu'il me soit permis de vous instruire, lui ont fait prendre le parti de refuser toute correspondance avec moi parti que j'avoue volontiers aujourd'hui ne pouvoir blĂÂąmer, puisqu'elle ne pouvait prĂ©voir des Ă©vĂ©nements auxquels j'Ă©tais moi-mĂÂȘme bien loin de m'attendre, et qui n'Ă©taient possibles qu'Ă la force plus qu'humaine qu'on est forcĂ© d'y reconnaĂtre. Je vous prie donc, Monsieur, de vouloir bien l'informer de mes nouvelles rĂ©solutions, et de lui demander pour moi une entrevue particuliĂšre, oĂÂč je puisse au moins rĂ©parer, en partie, mes torts par mes excuses; et, pour dernier sacrifice, anĂ©antir Ă ses yeux les seules traces existantes d'une erreur ou d'une faute qui m'avait rendu coupable envers elle. Ce ne sera qu'aprĂšs cette expiation prĂ©liminaire, que j'oserai dĂ©poser Ă vos pieds l'humiliant aveu de mes longs Ă©garements; et implorer votre mĂ©diation pour une rĂ©conciliation bien plus importante encore, et malheureusement plus difficile. Puis-je espĂ©rer, Monsieur, que vous ne me refuserez pas des soins si nĂ©cessaires et si prĂ©cieux? et que vous daignerez soutenir ma faiblesse, et guider mes pas dans un sentier nouveau, que je dĂ©sire bien ardemment de suivre, mais que j'avoue en rougissant ne pas connaĂtre encore? J'attends votre rĂ©ponse avec l'impatience du repentir qui dĂ©sire de rĂ©parer, et je vous prie de me croire avec autant de reconnaissance que de vĂ©nĂ©ration. Votre trĂšs humble, etc. Je vous autorise, Monsieur, au cas que vous le jugiez convenable, Ă communiquer cette Lettre en entier Ă Madame de Tourvel, que je me ferai toute ma vie un devoir de respecter, et en qui je ne cesserai jamais d'honorer celle dont le Ciel s'est servi pour ramener mon ĂÂąme Ă la vertu, par le touchant spectacle de la sienne. Du ChĂÂąteau de ..., ce 22 octobre 17** LETTRE CXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU CHEVALIER DANCENY J'ai reçu votre Lettre, mon trop jeune ami; mais avant de vous remercier, il faut que je vous gronde, et je vous prĂ©viens que si vous ne vous corrigez pas, vous n'aurez plus de rĂ©ponse de moi. Quittez donc, si vous m'en croyez, ce ton de cajolerie, qui n'est plus que du jargon, dĂšs qu'il n'est pas l'expression de l'amour. Est-ce donc lĂ le style de l'amitiĂ©? non, mon ami, chaque sentiment a son langage qui lui convient; et se servir d'un autre, c'est dĂ©guiser la pensĂ©e que l'on exprime. Je sais bien que nos petites femmes n'entendent rien de ce qu'on peut leur dire, s'il n'est traduit, en quelque sorte, dans ce jargon d'usage; mais je croyais mĂ©riter, je l'avoue, que vous me distinguassiez d'elles. Je suis vraiment fĂÂąchĂ©e, et peut-ĂÂȘtre plus que je ne devrais l'ĂÂȘtre, que vous m'ayez si mal jugĂ©e. Vous ne trouverez donc dans ma Lettre que ce qui manque Ă la vĂÂŽtre, franchise et simplesse. Je vous dirai bien, par exemple, que j'aurais grand plaisir Ă vous voir, et que je suis contrariĂ©e de n'avoir auprĂšs de moi que des gens qui m'ennuient, au lieu de gens qui me plaisent; mais vous, cette mĂÂȘme phrase, vous la traduisez ainsi Apprenez-moi Ă vivre oĂÂč vous n'ĂÂȘtes pas ; en sorte que quand vous serez, je suppose, auprĂšs de votre MaĂtresse, vous ne sauriez pas y vivre que je n'y sois en tiers. Quelle pitiĂ©! et ces femmes, Ă qui il manque toujours d'ĂÂȘtre moi , vous trouvez peut-ĂÂȘtre aussi que cela manque Ă votre CĂ©cile! voilĂ pourtant oĂÂč conduit un langage qui, par l'abus qu'on en fait aujourd'hui, est encore au-dessous du jargon des compliments, et ne devient plus qu'un simple protocole, auquel on ne croit pas davantage qu'au trĂšs humble serviteur! Mon ami, quand vous m'Ă©crivez, que ce soit pour me dire votre façon de penser et de sentir, et non pour m'envoyer des phrases que je trouverai, sans vous, plus ou moins bien dites dans le premier Roman du jour. J'espĂšre que vous ne vous fĂÂącherez pas de ce que je vous dis lĂ , quand mĂÂȘme vous y verriez un peu d'humeur; car je ne nie pas d'en avoir mais pour Ă©viter jusqu'Ă l'air du dĂ©faut que je vous reproche, je ne vous dirai pas que cette humeur est peut-ĂÂȘtre un peu augmentĂ©e par l'Ă©loignement oĂÂč je suis de vous. Il me semble qu'Ă tout prendre vous valez mieux qu'un procĂšs et deux Avocats, et peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme encore que l'attentif Belleroche. Vous voyez qu'au lieu de vous dĂ©soler de mon absence, vous devriez vous en fĂ©liciter; car jamais je ne vous avais fait un aussi beau compliment. Je crois que l'exemple me gagne, et que je veux vous dire aussi des cajoleries mais non, j'aime mieux m'en tenir Ă ma franchise; c'est donc elle seule qui vous assure de ma tendre amitiĂ©, et de l'intĂ©rĂÂȘt qu'elle m'inspire. Il est fort doux d'avoir un jeune ami, dont le cĂ âur est occupĂ© ailleurs. Ce n'est pas lĂ le systĂšme de toutes les femmes; mais c'est le mien. Il me semble qu'on se livre, avec plus de plaisir, Ă un sentiment dont on ne peut rien avoir Ă craindre aussi j'ai passĂ© pour vous, d'assez bonne heure peut-ĂÂȘtre, au rĂÂŽle de confidente. Mais vous choisissez vos MaĂtresses si jeunes, que vous m'avez fait apercevoir pour la premiĂšre fois que je commence Ă ĂÂȘtre vieille! C'est bien fait Ă vous de vous prĂ©parer ainsi une longue carriĂšre de constance, et je vous souhaite de tout mon cĂ âur qu'elle soit rĂ©ciproque. Vous avez raison de vous rendre aux motifs tendres et honnĂÂȘtes qui, Ă ce que vous me mandez, retardent votre bonheur . La longue dĂ©fense est le seul mĂ©rite qui reste Ă celles qui ne rĂ©sistent pas toujours; et ce que je trouverais impardonnable Ă toute autre qu'Ă un enfant comme la petite Volanges, serait de ne pas savoir fuir un danger dont elle a Ă©tĂ© suffisamment avertie par l'aveu qu'elle a fait de son amour. Vous autres hommes, vous n'avez pas d'idĂ©es de ce qu'est la vertu, et de ce qu'il en coĂ»te pour la sacrifier! Mais pour peu qu'une femme raisonne, elle doit savoir qu'indĂ©pendamment de la faute qu'elle commet, une faiblesse est pour elle le plus grand des malheurs; et je ne conçois pas qu'aucune s'y laisse jamais prendre, quand elle peut avoir un moment pour y rĂ©flĂ©chir. N'allez pas combattre cette idĂ©e, car c'est elle qui m'attache principalement Ă vous. Vous me sauverez des dangers de l'amour; et quoique j'aie bien su sans vous m'en dĂ©fendre jusqu'Ă prĂ©sent, je consens Ă en avoir de la reconnaissance, et je vous en aimerai mieux et davantage. Sur ce, mon cher Chevalier, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. Du ChĂÂąteau de ..., ce 22 octobre 17**. LETTRE CXXII MADAME DE ROSEMONDE A LA PRESIDENTE DE TOURVEL J'espĂ©rais, mon aimable fille, pouvoir enfin calmer vos inquiĂ©tudes, et je vois au contraire avec chagrin que je vais les augmenter encore! Calmez-vous cependant; mon neveu n'est pas en danger on ne peut pas mĂÂȘme dire qu'il soit rĂ©ellement malade. Mais il se passe sĂ»rement en lui quelque chose d'extraordinaire. Je n'y comprends rien; mais je suis sortie de sa chambre avec un sentiment de tristesse, peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme d'effroi, que je me reproche de vous faire partager, et dont cependant je ne puis m'empĂÂȘcher de causer avec vous. Voici le rĂ©cit de ce qui s'est passĂ© vous pouvez ĂÂȘtre sĂ»re qu'il est fidĂšle; car je vivrais quatre-vingts autres annĂ©es, que je n'oublierais pas l'impression que m'a faite cette triste scĂšne. J'ai donc Ă©tĂ© ce matin chez mon neveu; je l'ai trouvĂ© Ă©crivant, et entourĂ© de diffĂ©rents tas de papiers, qui avaient l'air d'ĂÂȘtre l'objet de son travail. Il s'en occupait au point que j'Ă©tais dĂ©jĂ au milieu de sa chambre qu'il n'avait pas encore tournĂ© la tĂÂȘte pour savoir qui entrait. AussitĂÂŽt qu'il m'a aperçue, j'ai trĂšs bien remarquĂ© qu'en se levant, il s'efforçait de composer sa figure, et peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme est-ce lĂ ce qui m'y a fait faire plus d'attention. Il Ă©tait, Ă la vĂ©ritĂ©, sans toilette et sans poudre; mais je l'ai trouvĂ© pĂÂąle et dĂ©fait, et ayant surtout la physionomie altĂ©rĂ©e. Son regard que nous avons vu si vif et si gai, Ă©tait triste et abattu; enfin, soit dit entre nous, je n'aurais pas voulu que vous le vissiez ainsi car il avait l'air trĂšs touchant et trĂšs propre, Ă ce que je crois, Ă inspirer cette tendre pitiĂ© qui est un des plus dangereux piĂšges de l'amour. Quoique frappĂ©e de mes remarques, j'ai pourtant commencĂ© la conversation comme si je ne m'Ă©tais aperçue de rien. Je lui ai d'abord parlĂ© de sa santĂ©, et sans me dire qu'elle soit bonne, il ne m'a point articulĂ© pourtant qu'elle fĂ»t mauvaise. Alors je me suis plainte de sa retraite, qui avait un peu l'air d'une manie, et je tĂÂąchais de mĂÂȘler un peu de gaietĂ© Ă ma petite rĂ©primande; mais lui m'a rĂ©pondu seulement, d'un ton pĂ©nĂ©trĂ© " C'est un tort de plus, je l'avoue; mais il sera rĂ©parĂ© avec les autres. " Son air, plus encore que ses discours, a un peu dĂ©rangĂ© mon enjouement, et je me suis hĂÂątĂ©e de lui dire qu'il mettait trop d'importance Ă un simple reproche de l'amitiĂ©. Nous nous sommes donc remis Ă causer tranquillement. Il m'a dit, peu de temps aprĂšs, que peut-ĂÂȘtre une affaire, la plus grande affaire de sa vie, le rappellerait bientĂÂŽt Ă Paris mais comme j'avais peur de la deviner, ma chĂšre Belle, et que ce dĂ©but ne me menĂÂąt Ă une confidence dont je ne voulais pas, je ne lui ai fait aucune question, et je me suis contentĂ©e de lui rĂ©pondre que plus de dissipation serait utile Ă sa santĂ©. J'ai ajoutĂ© que, pour cette fois, je ne lui ferais aucune instance, aimant mes amis pour eux-mĂÂȘmes; c'est Ă cette phrase si simple, que serrant mes mains, et parlant avec une vĂ©hĂ©mence que je ne puis vous rendre " Oui, ma tante, m'a-t-il dit, aimez, aimez beaucoup un neveu qui vous respecte et vous chĂ©rit; et, comme vous dites, aimez-le pour lui-mĂÂȘme. Ne vous affligez pas de son bonheur, et ne troublez, par aucun regret, l'Ă©ternelle tranquillitĂ© dont il espĂšre jouir bientĂÂŽt. RĂ©pĂ©tez-moi que vous m'aimez, que vous me pardonnez; oui, vous me pardonnerez; je connais votre bontĂ© mais comment espĂ©rer la mĂÂȘme indulgence de ceux que j'ai tant offensĂ©s? " Alors il s'est baissĂ© sur moi, pour me cacher, je crois, des marques de douleur, que le son de sa voix me dĂ©celait malgrĂ© lui. Emue plus que je ne puis vous dire, je me suis levĂ©e prĂ©cipitamment; et sans doute il a remarquĂ© mon effroi; car sur-le-champ, se composant davantage " Pardon, a-t-il repris; pardon, Madame, je sens que je m'Ă©gare malgrĂ© moi. Je vous prie d'oublier mes discours, et de vous souvenir seulement de mon profond respect. Je ne manquerai pas, a-t-il ajoutĂ©, d'aller vous en renouveler l'hommage avant mon dĂ©part. " Il m'a semblĂ© que cette derniĂšre phrase m'engageait Ă terminer ma visite; et je me suis en allĂ©e, en effet. Mais plus j'y rĂ©flĂ©chis, et moins je devine ce qu'il a voulu dire. Quelle est cette affaire, la plus grande de sa vie ? Ă quel sujet me demande-t-il pardon? d'oĂÂč lui est venu cet attendrissement, involontaire en me parlant? Je me suis dĂ©jĂ fait ces questions mille fois, sans pouvoir y rĂ©pondre. Je ne vois mĂÂȘme rien lĂ qui ait rapport Ă vous cependant, comme les yeux de l'amour sont plus clairvoyants que ceux de l'amitiĂ©, je n'ai voulu vous laisser rien ignorer de ce qui s'est passĂ© entre mon neveu et moi. Je me suis reprise Ă quatre fois pour Ă©crire cette longue Lettre, que je ferais plus longue encore, sans la fatigue que je ressens. Adieu, ma chĂšre Belle. Du ChĂÂąteau de ..., ce 25 octobre 17**. LETTRE CXXIII LE PERE ANSELME AU VICOMTE DE VALMONT J'ai reçu, Monsieur le Vicomte, la Lettre dont vous m'avez honorĂ©; et dĂšs hier, je me suis transportĂ©, suivant vos dĂ©sirs, chez la personne en question. Je lui ai exposĂ© l'objet et les motifs de la dĂ©marche que vous demandiez de faire auprĂšs d'elle. Quelque attachĂ©e que je l'aie trouvĂ©e au parti sage qu'elle avait pris d'abord, sur ce que je lui ai remontrĂ© qu'elle risquait peut-ĂÂȘtre par son refus de mettre obstacle Ă votre heureux retour, et de s'opposer ainsi, en quelque sorte, aux vues misĂ©ricordieuses de la Providence, elle a consenti Ă recevoir votre visite, Ă condition toutefois que ce sera la derniĂšre, et m'a chargĂ© de vous annoncer qu'elle serait chez elle Jeudi prochain, 28. Si ce jour ne pouvait pas vous convenir, vous voudrez bien l'en informer et lui en indiquer un autre. Votre Lettre sera reçue. Cependant, Monsieur le Vicomte, permettez-moi de vous inviter Ă ne pas diffĂ©rer sans de fortes raisons, afin de pouvoir vous livrer plus tĂÂŽt et plus entiĂšrement aux dispositions louables que vous me tĂ©moignez. Songez que celui qui tarde Ă profiter du moment de la grĂÂące s'expose Ă ce qu'elle lui soit retirĂ©e; que si la bontĂ© divine est infinie, l'usage en est pourtant rĂ©glĂ© par la justice; et qu'il peut venir un moment oĂÂč le Dieu de misĂ©ricorde se change en un Dieu de vengeance. Si vous continuez Ă m'honorer de votre confiance, je vous prie de croire que tous mes soins vous seront acquis, aussitĂÂŽt que vous le dĂ©sirerez quelques grandes que soient mes occupations, mon affaire la plus importante sera toujours de remplir les devoirs du saint MinistĂšre, auquel je me suis particuliĂšrement dĂ©vouĂ©; et le moment le plus beau de ma vie, celui oĂÂč je verrai mes efforts prospĂ©rer par la bĂ©nĂ©diction du Tout-Puissant. Faibles pĂ©cheurs que nous sommes, nous ne pouvons rien par nous-mĂÂȘmes! Mais le Dieu qui vous rappelle peut tout; et nous devrons Ă©galement Ă sa bontĂ©, vous, le dĂ©sir constant de vous rejoindre Ă lui, et moi, les moyens de vous y conduire. C'est avec son secours que j'espĂšre vous convaincre bientĂÂŽt que la Religion sainte peut donner seule, mĂÂȘme en ce monde, le bonheur solide et durable qu'on cherche vainement dans l'aveuglement des passions humaines. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, avec une respectueuse considĂ©ration, etc. Paris, ce 25 octobre 17**. LETTRE CXXIV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE ROSEMONDE Au milieu de l'Ă©tonnement oĂÂč m'a jetĂ©e, Madame, la nouvelle que j'ai apprise hier, je n'oublie pas la satisfaction qu'elle doit vous causer, et je me hĂÂąte de vous en faire part. M. de Valmont ne s'occupe plus ni de moi ni de son amour; et ne veut plus que rĂ©parer, par une vie plus Ă©difiante, les fautes ou plutĂÂŽt les erreurs de sa jeunesse. J'ai Ă©tĂ© informĂ©e de ce grand Ă©vĂ©nement par le PĂšre Anselme, auquel il s'est adressĂ© pour le diriger Ă l'avenir, et aussi pour lui mĂ©nager une entrevue avec moi, dont je juge que l'objet principal est de me rendre mes Lettres qu'il avait gardĂ©es jusqu'ici, malgrĂ© la demande contraire que je lui en avais faite. Je ne puis, sans doute, qu'applaudir Ă cet heureux changement, et m'en fĂ©liciter, si, comme il le dit, j'ai pu y concourir en quelque chose. Mais pourquoi fallait-il que j'en fusse l'instrument, et qu'il m'en coĂ»tĂÂąt le repos de ma vie? Le bonheur de M. de Valmont ne pouvait-il arriver jamais que par mon infortune? Oh! mon indulgente amie, pardonnez-moi cette plainte. Je sais qu'il ne m'appartient pas de sonder les dĂ©crets de Dieu; mais tandis que je lui demande sans cesse, et toujours vainement, la force de vaincre mon malheureux amour, il la prodigue Ă celui qui ne la lui demandait pas, et me laisse, sans secours, entiĂšrement livrĂ©e Ă ma faiblesse. Mais Ă©touffons ce coupable murmure. Ne sais-je pas que l'Enfant prodigue, Ă son retour, obtint plus de grĂÂąces de son pĂšre que le fils qui ne s'Ă©tait jamais absentĂ©? Quel compte avons-nous Ă demander Ă celui qui ne nous doit rien? Et quand il serait possible que nous eussions quelques droits auprĂšs de lui, quels pourraient ĂÂȘtre les miens? Me vanterais-je d'une sagesse que dĂ©jĂ je ne dois qu'Ă Valmont? Il m'a sauvĂ©e, et j'oserais me plaindre en souffrant pour lui! Non mes souffrances me seront chĂšres, si son bonheur en est le prix. Sans doute il fallait qu'il revĂnt Ă son tour au PĂšre commun. Le Dieu qui l'a formĂ© devait chĂ©rir son ouvrage. Il n'avait point créé cet ĂÂȘtre charmant, pour n'en faire qu'un rĂ©prouvĂ©. C'est Ă moi de porter la peine de mon audacieuse imprudence; ne devais-je pas sentir que, puisqu'il m'Ă©tait dĂ©fendu de l'aimer, je ne devais pas me permettre de le voir? Ma faute ou mon malheur est de m'ĂÂȘtre refusĂ©e trop longtemps Ă cette vĂ©ritĂ©. Vous m'ĂÂȘtes tĂ©moin, ma chĂšre et digne amie, que je me suis soumise Ă ce sacrifice, aussitĂÂŽt que j'en ai reconnu la nĂ©cessitĂ© mais, pour qu'il fĂ»t entier, il y manquait que M. de Valmont ne le partageĂÂąt point. Vous avouerai-je que cette idĂ©e est Ă prĂ©sent ce qui me tourmente le plus? Insupportable orgueil, qui adoucit les maux que nous Ă©prouvons par ceux que nous faisons souffrir! Ah! je vaincrai ce cĂ âur rebelle, je l'accoutumerai aux humiliations. C'est surtout pour y parvenir que j'ai enfin consenti Ă recevoir Jeudi prochain la pĂ©nible visite de M. de Valmont. LĂ , je l'entendrai me dire lui-mĂÂȘme que je ne lui suis plus rien, que l'impression faible et passagĂšre que j'avais faite sur lui est entiĂšrement effacĂ©e! Je verrai ses regards se porter sur moi, sans Ă©motion, tandis que la crainte de dĂ©celer la mienne me fera baisser les yeux. Ces mĂÂȘmes Lettres qu'il refusa si longtemps Ă mes demandes rĂ©itĂ©rĂ©es, je les recevrai de son indiffĂ©rence; il me les remettra comme des objets inutiles, et qui ne l'intĂ©ressent plus; et mes mains tremblantes, en recevant ce dĂ©pĂÂŽt honteux, sentiront qu'il leur est remis d'une main ferme et tranquille! Enfin, je le verrai s'Ă©loigner... s'Ă©loigner pour jamais, et mes regards, qui le suivront ne verront pas les siens se retourner sur moi! Et j'Ă©tais rĂ©servĂ©e Ă tant d'humiliations! Ah! que du moins je me la rende utile, en me pĂ©nĂ©trant par elle du sentiment de ma faiblesse. Oui, ces Lettres qu'il ne se soucie plus de garder, je les conserverai prĂ©cieusement. Je m'imposerai la honte de les relire chaque jour, jusqu'Ă ce que mes larmes en aient effacĂ© les derniĂšres traces; et les siennes, je les brĂ»lerai comme infectĂ©es du poison dangereux qui a corrompu mon ĂÂąme. Oh! qu'est-ce donc que l'amour, s'il nous fait regretter jusqu'aux dangers auxquels il nous expose; si surtout on peut craindre de le ressentir encore, mĂÂȘme alors qu'on ne l'inspire plus! Fuyons cette passion funeste, qui ne laisse de choix qu'entre la honte et le malheur, et souvent mĂÂȘme les rĂ©unit tous deux, et qu'au moins la prudence remplace la vertu. Que ce Jeudi est encore loin! que ne puis-je consommer Ă l'instant ce douloureux sacrifice, et en oublier Ă la fois et la cause et l'objet! Cette visite m'importune; je me repens d'avoir promis. HĂ©! qu'a-t-il besoin de me revoir encore? que sommes-nous Ă prĂ©sent l'un Ă l'autre? S'il m'a offensĂ©e, je le lui pardonne. Je le fĂ©licite mĂÂȘme de vouloir rĂ©parer ses torts; je l'en loue. Je ferai plus, je l'imiterai; et sĂ©duite par les mĂÂȘmes erreurs, son exemple me ramĂšnera. Mais quand son projet est de me fuir, pourquoi commencer par me chercher? Le plus pressĂ© pour chacun de nous n'est-il pas d'oublier l'autre? Ah! sans doute, et ce sera dorĂ©navant mon unique soin. Si vous le permettez, mon aimable amie, ce sera auprĂšs de vous que j'irai m'occuper de ce travail difficile. Si j'ai besoin de secours, peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme de consolation, je n'en veux recevoir que de vous. Vous seule savez m'entendre et parler Ă mon cĂ âur. Votre prĂ©cieuse amitiĂ© remplira toute mon existence. Rien ne me paraĂtra difficile pour seconder les soins que vous voudrez bien vous donner. Je vous devrai ma tranquillitĂ©, mon bonheur, ma vertu; et le fruit de vos bontĂ©s pour moi sera de m'en avoir enfin rendue digne. Je me suis, je crois, beaucoup Ă©garĂ©e dans cette Lettre; je le prĂ©sume au moins par le trouble oĂÂč je n'ai pas cessĂ© d'ĂÂȘtre en vous Ă©crivant. S'il s'y trouvait quelques sentiments dont j'aie Ă rougir, couvrez-les de votre indulgente amitiĂ©. Je m'en remets entiĂšrement Ă elle. Ce n'est pas Ă vous que je veux dĂ©rober aucun des mouvements de mon cĂ âur. Adieu, ma respectable amie. J'espĂšre, sous peu de jours, vous annoncer celui de mon arrivĂ©e. Paris, ce 25 octobre 17**. QUATRIEME PARTIE LETTRE CXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL La voilĂ donc vaincue, cette femme superbe qui avait osĂ© croire qu'elle pourrait me rĂ©sister! Oui, mon amie, elle est Ă moi, entiĂšrement Ă moi; et depuis hier, elle n'a plus rien Ă m'accorder. Je suis encore trop plein de mon bonheur, pour pouvoir l'apprĂ©cier, mais je m'Ă©tonne du charme inconnu que j'ai ressenti. Serait-il donc vrai que la vertu augmentĂÂąt le prix d'une femme, jusque dans le moment mĂÂȘme de sa faiblesse? Mais relĂ©guons cette idĂ©e puĂ©rile avec les contes de bonnes femmes. Ne rencontre-t-on pas presque partout une rĂ©sistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe? et ai-je trouvĂ© nulle part le charme dont je parle? ce n'est pourtant pas non plus celui de l'amour; car enfin, si j'ai eu quelquefois auprĂšs de cette femme Ă©tonnante des moments de faiblesse qui ressemblaient Ă cette passion pusillanime, j'ai toujours su les vaincre et revenir Ă mes principes. Quand mĂÂȘme la scĂšne d'hier m'aurait, comme je le crois, emportĂ© un peu plus loin que je ne comptais; quand j'aurais, un moment, partagĂ© le trouble et l'ivresse que je faisais naĂtre cette illusion passagĂšre serait dissipĂ©e Ă prĂ©sent; et cependant le mĂÂȘme charme subsiste. J'aurais mĂÂȘme, je l'avoue, un plaisir assez doux Ă m'y livrer, s'il ne me causait quelque inquiĂ©tude. Serai-je donc, Ă mon ĂÂąge, maĂtrisĂ© comme un Ă©colier, par un sentiment involontaire et inconnu? Non il faut, avant tout, le combattre et l'approfondir. Peut-ĂÂȘtre, au reste, en ai-je dĂ©jĂ entrevu la cause! Je me plais au moins dans cette idĂ©e, et je voudrais qu'elle fĂ»t vraie. Dans la foule des femmes auprĂšs desquelles j'ai rempli jusqu'Ă ce jour le rĂÂŽle et les fonctions d'Amant, je n'en avais encore rencontrĂ© aucune qui n'eĂ»t, au moins, autant d'envie de se rendre que j'en avais de l'y dĂ©terminer; je m'Ă©tais mĂÂȘme accoutumĂ© Ă appeler prudes celles qui ne faisaient que la moitiĂ© du chemin, par opposition Ă tant d'autres, dont la dĂ©fense provocante ne couvre jamais qu'imparfaitement les premiĂšres avances qu'elles ont faites. Ici, au contraire, j'ai trouvĂ© une premiĂšre prĂ©vention dĂ©favorable et fondĂ©e depuis sur les conseils et les rapports d'une femme haineuse, mais clairvoyante; une timiditĂ© naturelle et extrĂÂȘme, que fortifiait une pudeur Ă©clairĂ©e; un attachement Ă la vertu, que la Religion dirigeait, et qui comptait dĂ©jĂ deux annĂ©es de triomphe, enfin des dĂ©marches Ă©clatantes, inspirĂ©es par ces diffĂ©rents motifs et qui toutes n'avaient pour but que de se soustraire Ă mes poursuites. Ce n'est donc pas, comme dans mes autres aventures, une simple capitulation plus ou moins avantageuse, et dont il est plus facile de profiter que de s'enorgueillir; c'est une victoire complĂšte, achetĂ©e par une campagne pĂ©nible, et dĂ©cidĂ©e par de savantes manĂ âuvres. Il n'est donc pas surprenant que ce succĂšs, dĂ» Ă moi seul, m'en devienne plus prĂ©cieux; et le surcroĂt de plaisir que j'ai Ă©prouvĂ© dans mon triomphe, et que je ressens encore, n'est que la douce impression du sentiment de la gloire. Je chĂ©ris cette façon de voir, qui me sauve l'humiliation de penser que je puisse dĂ©pendre en quelque maniĂšre de l'esclave mĂÂȘme que je me serais asservie; que je n'aie pas en moi seul la plĂ©nitude de mon bonheur; et que la facultĂ© de m'en faire jouir dans toute son Ă©nergie soit rĂ©servĂ©e Ă telle ou telle femme, exclusivement Ă toute autre. Ces rĂ©flexions sensĂ©es rĂ©gleront ma conduite dans cette importante occasion; et vous pouvez ĂÂȘtre sĂ»re que je ne me laisserai pas tellement enchaĂner, que je ne puisse toujours briser ces nouveaux liens, en me jouant et Ă ma volontĂ©. Mais dĂ©jĂ je vous parle de ma rupture; et vous ignorez encore par quels moyens j'en ai acquis le droit; lisez donc, et voyez Ă quoi s'expose la sagesse, en essayant de secourir la folie. J'Ă©tudiais si attentivement mes discours et les rĂ©ponses que j'obtenais, que j'espĂšre vous rendre les uns et les autres avec une exactitude dont vous serez contente. Vous verrez par les deux copies des Lettres ci-jointes, quel mĂ©diateur j'avais choisi pour me rapprocher de ma Belle, et avec quel zĂšle le saint personnage s'est employĂ© pour nous rĂ©unir. Ce qu'il faut vous dire encore, et que j'avais appris par une Lettre interceptĂ©e suivant l'usage, c'est que la crainte et la petite humiliation d'ĂÂȘtre quittĂ©e avaient un peu dĂ©rangĂ© la pruderie de l'austĂšre DĂ©vote; et avaient rempli son cĂ âur et sa tĂÂȘte de sentiments et d'idĂ©es, qui, pour n'avoir pas le sens commun, n'en Ă©taient pas moins intĂ©ressants. C'est aprĂšs ces prĂ©liminaires, nĂ©cessaires Ă savoir, qu'hier Jeudi 28, jour prĂ©fix et donnĂ© par l'ingrate, je me suis prĂ©sentĂ© chez elle en esclave timide et repentant, pour en sortir en vainqueur couronnĂ©. Il Ă©tait six heures du soir quand j'arrivai chez la belle Recluse, car depuis son retour, sa porte Ă©tait restĂ©e fermĂ©e Ă tout le monde. Elle essaya de se lever quand on m'annonça; mais ses genoux tremblants ne lui permirent pas de rester dans cette situation elle se rassit sur-le-champ. Comme le Domestique qui m'avait introduit eut quelque service Ă faire dans l'appartement, elle en parut impatientĂ©e. Nous remplĂmes cet intervalle par les compliments d'usage. Mais pour ne rien perdre d'un temps dont tous les moments Ă©taient prĂ©cieux, j'examinais soigneusement le local; et dĂšs lors, je marquai de l'oeil le thĂ©ĂÂątre de ma victoire. J'aurais pu en choisir un plus commode car, dans cette mĂÂȘme chambre, il se trouvait une ottomane. Mais je remarquai qu'en face d'elle Ă©tait un portrait du mari; et j'eus peur, je l'avoue, qu'avec une femme si singuliĂšre, un seul regard que le hasard dirigerait de ce cĂÂŽtĂ© ne dĂ©truisĂt en un moment l'ouvrage de tant de soins. Enfin, nous restĂÂąmes seuls et j'entrai en matiĂšre. AprĂšs avoir exposĂ©, en peu de mots, que le PĂšre Anselme l'avait dĂ» informer des motifs de ma visite, je me suis plaint du traitement rigoureux que j'avais Ă©prouvĂ©; et j'ai particuliĂšrement appuyĂ© sur le mĂ©pris qu'on m'avait tĂ©moignĂ©. On s'en est dĂ©fendu, comme je m'y attendais; et, comme vous vous y attendiez bien aussi, j'en ai fondĂ© la preuve sur la mĂ©fiance et l'effroi que j'avais inspirĂ©s, sur la fuite scandaleuse qui s'en Ă©tait suivie, le refus de rĂ©pondre Ă mes Lettres, celui mĂÂȘme de les recevoir, etc. Comme on commençait une justification qui aurait Ă©tĂ© bien facile, j'ai cru devoir l'interrompre; et pour me faire pardonner cette maniĂšre brusque je l'ai couverte aussitĂÂŽt par une cajolerie. - " Si tant de charmes, ai-je donc repris, ont fait sur mon cĂ âur une impression si profonde, tant de vertus n'en ont pas moins fait sur mon ĂÂąme. SĂ©duit, sans doute, par le dĂ©sir de m'en rapprocher, j'avais osĂ© m'en croire digne. Je ne vous reproche point d'en avoir jugĂ© autrement; mais je me punis de mon erreur. " Comme on gardait le silence de l'embarras, j'ai continuĂ©. - " J ai dĂ©sirĂ©, Madame, ou de me justifier Ă vos yeux, ou d'obtenir de vous le pardon des torts que vous me supposez; afin de pouvoir au moins terminer, avec quelque tranquillitĂ©, des jours auxquels je n'attache plus de prix, depuis que vous avez refusĂ© de les embellir. " Ici, on a pourtant essayĂ© de rĂ©pondre. - " Mon devoir ne me permettait pas... " - Et la difficultĂ© d'achever le mensonge que le devoir exigeait n'a pas permis de finir la phrase. J'ai donc repris du ton le plus tendre - " Il est donc vrai que c'est moi que vous avez fui? - Ce dĂ©part Ă©tait nĂ©cessaire. - Et que vous m'Ă©loignez de vous? - Il le faut. - Et pour toujours? - Je le dois. " Je n'ai pas besoin de vous dire que pendant ce court dialogue, la voix de la tendre Prude Ă©tait oppressĂ©e, et que ses yeux ne s'Ă©levaient pas jusqu'Ă moi. Je jugeai devoir animer un peu cette scĂšne languissante; ainsi, me levant avec l'air du dĂ©pit " Votre fermetĂ©, dis-je alors, me rend toute la mienne. HĂ© bien! oui, Madame, nous serons sĂ©parĂ©s, sĂ©parĂ©s mĂÂȘme plus que vous ne pensez et vous vous fĂ©liciterez Ă loisir de votre ouvrage. " Un peu surprise de ce ton de reproche, elle voulut rĂ©pliquer. - " La rĂ©solution que vous avez prise... , dit- elle, - n'est que l'effet de mon dĂ©sespoir, repris-je avec emportement. Vous avez voulu que je sois malheureux; je vous prouverai que vous avez rĂ©ussi au-delĂ de vos souhaits. - Je dĂ©sire votre bonheur " , rĂ©pondit-elle. Et le son de sa voix commençait Ă annoncer une Ă©motion assez forte. Aussi me prĂ©cipitant Ă ses genoux, et du ton dramatique que vous me connaissez - " Ah! cruelle, me suis-je Ă©criĂ©, peut-il exister pour moi un bonheur que vous ne partagiez pas? OĂÂč donc le trouver loin de vous? Ah! jamais! jamais! " J'avoue qu'en me livrant Ă ce point j'avais beaucoup comptĂ© sur le secours des larmes mais soit mauvaise disposition, soit peut-ĂÂȘtre seulement l'effet de l'attention pĂ©nible et continuelle que je mettais Ă tout, il me fut impossible de pleurer. Par bonheur je me ressouvins que pour subjuguer une femme tout moyen Ă©tait Ă©galement bon; et qu'il suffisait de l'Ă©tonner par un grand mouvement, pour que l'impression en restĂÂąt profonde et favorable. Je supplĂ©ai donc, par la terreur, Ă la sensibilitĂ© qui se trouvait en dĂ©faut; et pour cela, changeant seulement l'inflexion de ma voix, et gardant la mĂÂȘme posture - " Oui, continuai-je, j'en fais le serment Ă vos pieds, vous possĂ©der ou mourir. " En prononçant ces derniĂšres paroles, nos regards se rencontrĂšrent. Je ne sais ce que la timide personne vit ou crut voir dans les miens, mais elle se leva d'un air effrayĂ©, et s'Ă©chappa de mes bras dont je l'avais entourĂ©e. Il est vrai que je ne fis rien pour la retenir; car j'avais remarquĂ© plusieurs fois que les scĂšnes de dĂ©sespoir menĂ©es trop vivement tombaient dans le ridicule dĂšs qu'elles devenaient longues, ou ne laissaient que des ressources vraiment tragiques et que j'Ă©tais fort Ă©loignĂ© de vouloir prendre. Cependant, tandis qu'elle se dĂ©robait Ă moi, j'ajoutai d'un ton bas et sinistre, mais de façon qu'elle pĂ»t m'entendre - " HĂ© bien! la mort! " Je me relevai alors; et gardant un moment le silence, je jetais sur elle, comme au hasard, des regards farouches qui, pour avoir l'air d'ĂÂȘtre Ă©garĂ©s, n'en Ă©taient pas moins clairvoyants et observateurs. Le maintien mal assurĂ©, la respiration haute, la contraction de tous les muscles, les bras tremblants, et Ă demi Ă©levĂ©s, tout me prouvait assez que l'effet Ă©tait tel que j'avais voulu le produire; mais, comme en amour rien ne se finit que de trĂšs prĂšs, et que nous Ă©tions alors assez loin l'un de l'autre, il fallait avant tout se rapprocher. Ce fut pour y parvenir que je passai le plus tĂÂŽt possible Ă une apparente tranquillitĂ©, propre Ă calmer les effets de cet Ă©tat violent, sans en affaiblir l'impression. Ma transition fut " Je suis bien malheureux. J'ai voulu vivre pour votre bonheur, et je l'ai troublĂ©. Je me dĂ©voue pour votre tranquillitĂ©, et je la trouble encore. " Ensuite d'un air composĂ©, mais contraint - " Pardon, Madame; peu accoutumĂ© aux orages des passions, je sais mal en rĂ©primer les mouvements. Si j'ai eu tort de m'y livrer, songez au moins que c'est pour la derniĂšre fois. Ah! calmez-vous, calmez-vous, je vous en conjure. " Et pendant ce long discours je me rapprochais insensiblement. - " Si vous voulez que je me calme, rĂ©pondit la Belle effarouchĂ©e, vous-mĂÂȘme soyez donc plus tranquille. - HĂ© bien! oui, je vous le promets " , lui dis-je. J'ajoutai d'une voix plus faible - " Si l'effort est grand, au moins ne doit-il pas ĂÂȘtre long. Mais, repris-je aussitĂÂŽt d'un air Ă©garĂ©, je suis venu, n'est-il pas vrai, pour vous rendre vos Lettres? De grĂÂące, daignez les reprendre. Ce douloureux sacrifice me reste Ă faire ne me laissez rien qui puisse affaiblir mon courage. " Et tirant de ma poche le prĂ©cieux recueil - " Le voilĂ , dis-je, ce dĂ©pĂÂŽt trompeur des assurances de votre amitiĂ©! Il m'attachait Ă la vie, reprenez-le. Donnez ainsi vous-mĂÂȘme le signal qui doit me sĂ©parer de vous pour jamais. " Ici l'Amante craintive cĂ©da entiĂšrement Ă sa tendre inquiĂ©tude. - " Mais, Monsieur de Valmont, qu'avez-vous, et que voulez-vous dire? la dĂ©marche que vous faites aujourd'hui n'est-elle pas volontaire? n'est-ce pas le fruit de vos propres rĂ©flexions? et ne sont-ce pas elles qui vous ont fait approuver vous-mĂÂȘme le parti nĂ©cessaire que j'ai suivi par devoir? - HĂ© bien, ai-je repris, ce parti a dĂ©cidĂ© le mien. - Et quel est-il? - Le seul qui puisse, en me sĂ©parant de vous, mettre un terme Ă mes peines. - Mais, rĂ©pondez-moi, quel est-il? " LĂ , je la pressai de mes bras, sans qu'elle se dĂ©fendĂt aucunement; et jugeant par cet oubli des biensĂ©ances combien l'Ă©motion Ă©tait forte et puissante - " Femme adorable, lui dis-je en risquant l'enthousiasme, vous n'avez pas d'idĂ©e de l'amour que vous inspirez; vous ne saurez jamais jusqu'Ă quel point vous fĂ»tes adorĂ©e, et de combien ce sentiment m'Ă©tait plus cher que l'existence! Puissent tous vos jours ĂÂȘtre fortunĂ©s et tranquilles; puissent-ils s'embellir de tout le bonheur dont vous m'avez privĂ©! Payez au moins ce vĂ âu sincĂšre par un regret, par une larme; et croyez que le dernier de mes sacrifices ne sera pas le plus pĂ©nible Ă mon cĂ âur. Adieu. " Tandis que je parlais ainsi, je sentais son cĂ âur palpiter avec violence; j'observais l'altĂ©ration de sa figure; je voyais, surtout, les larmes la suffoquer, et ne couler cependant que rares et pĂ©nibles. Ce ne fut qu'alors que je pris le parti de feindre de m'Ă©loigner; aussi, me retenant avec force - " Non, Ă©coutez- moi, dit-elle vivement. - Laissez-moi, rĂ©pondis-je. - Vous m'Ă©couterez, je le veux. - Il faut vous fuir, il le faut! - Non! " s'Ă©cria-t-elle... A ce dernier mot, elle se prĂ©cipita ou plutĂÂŽt tomba Ă©vanouie entre mes bras. Comme je doutais encore d'un si heureux succĂšs, je feignis un grand effroi; mais tout en m'effrayant, je la conduisais, ou la portais vers le lieu prĂ©cĂ©demment dĂ©signĂ© pour le champ de ma gloire; et en effet elle ne revint Ă elle que soumise et dĂ©jĂ livrĂ©e Ă son heureux vainqueur. Jusque-lĂ , ma belle amie, vous me trouverez, je cro
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Questions et commentaires Ci-joint les questions les plus frĂ©quentes, vous pouvez poser les vĂŽtres dans lâespace commentaire un peu plus bas. Hypertension Diastolique. Pression systolique. Pourquoi ma pression diastolique est haute ? La tension diastolique est la pression artĂ©rielle sanguine au maximum du relĂąchement du cĆur et des artĂšres. Le cĆur propulse le sang dans nos artĂšres, au moment de la propulsion la tension artĂ©rielle augmente, cette tension au maximum est la tension systolique, puis il y a relĂąchement du cĆur et la pression diminue, le relĂąchement maximal est la tension artĂ©rielle diastolique. Si cette pression diastolique est supĂ©rieure Ă 90 et que la pression systolique est autour de 120, nous parlons alors dâune tension artĂ©rielle pincĂ©e. Cette tension pincĂ©e indique que les artĂšres nâarrivent pas Ă se relĂącher. Câest souvent une indication dâathĂ©rosclĂ©rose. La paroi des artĂšres est Ă©paissie et durcie. Il est alors recommandĂ© de jeĂ»ner rĂ©guliĂšrement, idĂ©alement 1 jour sur deux ou un jour sur trois et de pratiquer une activitĂ© physique rĂ©guliĂšre pour produire lâAtrial Natrurietic peptide qui est vasodilatateur dilate les vaisseaux sanguin. La production dâhormone adiponectine va elle aussi augmenter pendant le jeĂ»ne. De nombreuses Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© les propriĂ©tĂ©s antiathĂ©rogĂ©niques contre les plaques dâathĂ©rome et anti-inflammatoires de lâadiponectine via ses effets sur dâautres cytokines comme le TNF-alpha ou la CRP. Lâadiponectine inhibe la constitution de la plaque dâathĂ©rome et de lâathĂ©rosclĂ©rose. On peut aussi aider la diminution des plaques dâathĂ©rome avec du gui bourgeon et de lâolivier bourgeon. Il faudra maintenir ce type de traitement sur plusieurs mois, vois plusieurs annĂ©es pour obtenir des rĂ©sultats et les prĂ©server. En cas dâurgence il faut prendre ou garder les mĂ©dicaments allopathiques. La pression diastolique haute peut aussi rĂ©vĂ©ler une maladie rĂ©nale ou un excĂšs de production de cortisol. Il faudra faire les examens nĂ©cessaires prĂ©conisĂ©s par votre mĂ©decin traitant afin de connaĂźtre les rĂ©sultats du diagnostic athĂ©rosclĂ©rose, ou maladie rĂ©nale. Comment faire baisser la pression artĂ©rielle rapidement ? Si la tension artĂ©rielle dĂ©passe 18 de maxima, il faut avoir recours dâurgence aux mĂ©dicaments allopathiques. Consulter en urgence un mĂ©decin ou cardiologue. Puis sur le long cours il est bon de commencer par revoir son alimentation. Mettre en place une alimentation hypotensive. Voir ici pour lâalimentation hypotensive Traitement naturel de lâhypertension. Puis amĂ©liorer son hygiĂšne de vie globale, tester ici votre hygiĂšne de vie et voir ce qui peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©, viser un score de 80%. Quel est mon score en terme dâhygiĂšne de vie ? Enlever tous les aliments contenant des graisses polyinsaturĂ©es, dâaprĂšs le docteur Chriss Knobb, les maladies cardiovasulaires telles que nous connaissons aujourdâhui nâexistaient pas avant lâarrivĂ©e des huiles polyinsaturĂ©es dans notre alimentation. Elles sont omniprĂ©sentes dans tous les aliments fabriquĂ©s par lâindustrie agroalimentaire, mĂȘme dans les aliments bio. Pour le mĂ©decin Chriss Knobb elles sont responsables Ă 80 % de nos problĂšmes cardiovasculaires. Voir ici huiles polyinsaturĂ©es. Mettre en place le jeĂ»ne hydrique intermittent, commencer par rĂ©duire le nombre de repas, rĂ©duire les quantitĂ©s, puis passer Ă un seul et unique repas complet par jour et un repas de fruits crus aqueux Ă 17h30. Puis, si possible, passer Ă un jeĂ»ne un jour sur deux ou tous les trois jours. Lorsque votre poids et que votre tension artĂ©rielle baissent demander alors Ă refaire un bilan avec votre cardiologue ou mĂ©decin traitant afin de rĂ©duire ou enlever les mĂ©dicaments allopathiques. Nous avons remarquĂ© que la tension artĂ©rielle est souvent en lien avec un seuil en poids. DĂšs que le seuil est dĂ©passĂ© la tension artĂ©rielle augmente. Il vous faudra suivre votre tension vous-mĂȘme et prendre la mesure de la pression vous-mĂȘme tous les matins. IdĂ©alement noter dans un tableau la date et la tension et observer lâĂ©volution. Il est bon de prendre la mesure de la pression trois fois et de faire une moyenne des trois mesures. Vous pourrez ainsi observer si votre cĆur est rĂ©gulier et stable ou si votre cĆur est irrĂ©gulier. La mesure de la pression doit se faire dans le calme et le silence. Observer Ă©galement lâinfluence de votre alimentation sur votre tension. Il est frĂ©quent quâune journĂ©e oĂč on boit du cafĂ© et oĂč on prend de lâalcool la tension monte trĂšs rapidement. Vous pouvez aussi dĂ©cider de faire un jeĂ»ne hydrique ou une diĂšte sur plusieurs jours pour faire baisser la tension artĂ©rielle. En moyenne il faut 15 jours de jeĂ»ne hydrique pour retrouver une tension artĂ©rielle normale. Parfois câest plus rapide parfois plus long, tout dĂ©pend du degrĂ© dâintoxination et de la vitalitĂ© des organes foie, reins, cĆur. On observe que les injections ARN Covid, provoquent une augmentation de la tension. Probablement Ă cause des mĂ©taux lourds contenus dans les injections. Il faudra dans ce cas ĂȘtre prudent et plus progressif dans la mise en place de jeĂ»ne hydrique. Quâest-ce qui peut provoquer lâhypertension ? LâHta est liĂ©e Ă un dĂ©rĂšglement hormonal dâun cĂŽtĂ© et parfois la formation de plaques dâathĂ©romes dans les artĂšres de lâautre. Les deux conjuguĂ©s peuvent ĂȘtre source dâ Hta sĂ©vĂšre. Certaines hormones en trop grand nombre sont vasoconstrictrices contraction des vaisseaux. Ce dĂ©rĂšglement est souvent la consĂ©quence dâune intoxination des organes le foie, les reins, les poumons et dâun manque de sollicitation du cĆur activitĂ© physique rĂ©guliĂšre. LâexcĂšs de table, le vin, le cafĂ©, la consommation de tabac, le grignotage, la mal digestion, les huiles polyinsaturĂ©es⊠peuvent-ĂȘtre les principaux responsables. A noter que certains aliments naturels tels que la rĂ©glisse, le chardon-marie, le cassis bourgeon, la gelĂ©e royale, lâhuile essentielle de pin peuvent ĂȘtre cause dâhypertension artĂ©rielle. LâHta peut aussi ĂȘtre liĂ©e par une situation de stress qui induit un stress des organes. Les mĂȘmes organes qui sont intoxinĂ©s par des excĂšs de table peuvent ĂȘtre intoxinĂ©s par des Ă©motions refoulĂ©es. Nommer et reconnaĂźtre les Ă©motions aide Ă mieux accueillir une situation de stress. On peut expĂ©rimenter des mĂ©thodes de relaxation pour apprendre Ă dĂ©compresser plusieurs fois par jour. Quelles sont les symptĂŽmes de lâhypertension ? Hypertension et vertiges. Maux de tĂȘte hypertension. Hypertension et fatigue. Les symptĂŽmes les plus frĂ©quents peuvent-ĂȘtre Saignement du nez, hĂ©morroĂŻdes qui saignent. Câest un signe que le corps expulse la pression sanguine par des voies naturelles, le nez et lâanus. La rĂ©action est souvent dâempĂȘcher ces saignements alors quâen rĂ©alitĂ© il faut les encourager, il est prĂ©fĂ©rable que les vaisseaux Ă©clatent au nez ou Ă lâanus que dans le cerveau. Il est frĂ©quent dâobserver un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral ou un infarctus du myocarde suite Ă la ligature des hĂ©morroĂŻdes ou lâassĂšchement des vaisseaux dans le nez. Maux de tĂȘte Vertiges, perte dâĂ©quilibre, sensation dâivresse Papillons dans les yeux, trouble de la vision Bourdonnement dans les oreilles Fatigue Si vous avez des symptĂŽmes dâhypertension, il est recommandĂ© de vĂ©rifier votre tension. Si elle est au-dessus de 15 de maxima avec symptĂŽmes alors il faut consulter. Si elle est en dessous de 17 de maxima et sans symptĂŽme alors il suffit de jeĂ»ner quelques jours jusquâĂ ce que la tension diminue. 18 de tension est-ce dangereux ? Mieux vaut prĂ©venir que guĂ©rir. Oui si vous avez 18 de tension artĂ©rielle et plus il faut consulter ou prendre des hypotenseurs. Puis vous pouvez jeĂ»ner un jour sur deux, mettre en place une alimentation hypotensive, continuer de prendre la mesure de votre pression tous les jours. Lorsque vos changements dâhygiĂšne de vie montrent une baisse de votre tension, alors vous pouvez consulter votre mĂ©decin traitant pour progressivement diminuer puis enlever les mĂ©dicaments tout en vĂ©rifiant votre tension de maniĂšre quotidienne. Voir Ă©galement Comment jeĂ»ner Comment jeĂ»ner ? 10 conseils pour rĂ©ussir son jeĂ»ne Faire un jeĂ»ne. Nos cures de jeĂ»ne Cure de jeĂ»ne Enseignement en ligne du jeĂ»ne JeĂ»ner chez soi. Lepollen de palmier, Ă©tant issu de la famille des phytoestrogĂšnes, contient une hormone bien particuliĂšre : lâĆstrone. Câest justement cette hormone qui va permettre de lutter contre lâinfertilitĂ© et va participer Ă la rĂ©gularisation des menstrues chez la femme. Outre cette hormone, le pollen de palmier est composĂ© de sucre, deAccouchement sans pĂ©ridurale, 12 astuces pour y parvenir DĂšs lâannonce dâune grossesse, câest le moment que nous attendons toutes. Entre apprĂ©hension et excitation, il nây a quâun pas. Les paroles de notre entourage ne diminuent parfois pas nos craintes. Pourtant, il y a une rĂ©alitĂ© quâil faut prendre en compte. A lâimage dâune grossesse, chaque accouchement, chaque naissance est diffĂ©rente. Vous souhaitez opter pour un accouchement sans pĂ©ridurale, dĂ©couvrez nos astuces. Accouchement sans pĂ©ridurale, pour quelles raisons ? MaĂźtriser les signes donnĂ©s par son corps, ĂȘtre actrice de son accouchement et ne pas subir les normes prĂ© Ă©tablies pour porter vos convictions jusquâau bout. Voici les raisons qui vous poussent Ă opter pour un accouchement sans pĂ©ridurale. Mais ce nâest pas tout. Cette option vous permet dâĂȘtre libre de vos mouvements, de ressentir votre accouchement, de mieux gĂ©rer les poussĂ©es, de ne pas prendre de mĂ©dicaments et de faciliter les suites de couches. Rappelons que la pĂ©ridurale nâest pas un acte anodin, car sa pause est situĂ©e dans une zone sensible. Elle peut laisser de multiples effets secondaires. Voici plusieurs pistes pour vous aider le jour J Ă gĂ©rer la principale problĂ©matique de votre accouchement sans pĂ©ridurale, la douleur ! La respiration, la base ! Lorsque les contractions douloureuses apparaissent, on a tendance Ă se crisper, et bloquer sa respiration. Mais câest une erreur. En effet, la respiration joue un rĂŽle essentiel dans la gestion de la douleur lors dâun accouchement sans pĂ©ridurale. Il est important de respirer de façon fluide, de se dĂ©tendre et de relĂącher son corps. Sinon, la douleur est amplifiĂ©e. Cela, le temps que la » vague » de la contraction disparaisse. Les cours de prĂ©paration Ă lâaccouchement aident Ă bien respirer, mais vous pouvez Ă©galement trouver des tutos trĂšs utiles sur internet. Ătre accompagnĂ©e Le fait de ne pas ĂȘtre seule le jour J est important pour votre motivation. Ainsi, avoir votre Ă©poux, votre maman, ou encore une doula avec vous peut vous aider Ă accepter les contractions. Adoptez plusieurs positions Pour mieux apprĂ©hender la douleur dâun accouchement sans pĂ©ridurale, vous pouvez adopter plusieurs positions. Le jour J, vous serez libre de vos mouvements en Ă©tant plus Ă lâaise allongĂ©e, puis Ă quatre pattes ou accroupie, par exemple. Multiplier les positions vous permet de moins ressentir les douleurs utĂ©rines et dorsales des contractions. Les massages du pĂ©rinĂ©e et le ballon Les massages du pĂ©rinĂ©e peuvent prĂ©parer votre corps Ă vivre ce grand Ă©vĂ©nement. Dans un mĂȘme temps, le ballon peut Ă©galement vous ĂȘtre dâune grande utilitĂ© pour supporter les douleurs des contractions. Ajoutez Ă cela le fait que certains mouvements favorisent lâouverture du col. LâhomĂ©opathie et la marche Relativement mĂ©connue, lâhomĂ©opathie a pourtant de nombreuses vertus pour prĂ©parer le col Ă lâaccouchement. Elle va aussi accompagner vos contractions et les rendre plus efficaces, favoriser le travail jusquâĂ dilatation complĂšte du col. La marche permet de se dĂ©tendre et de faciliter la descente de bĂ©bĂ© dans le bassin. Le bain chaud Un incontournable Ă mettre en pratique pour supporter un accouchement naturel. La chaleur dâune douche ou dâun bain vous permet de vous dĂ©tendre agrĂ©ablement. La tisane de feuilles de framboisier et les dattes Toujours avec lâaccord de votre sage-femme, vous pouvez consommer des tisanes de feuilles de framboisier, dans le dernier mois de votre grossesse. En effet, elles sont rĂ©putĂ©es pour prĂ©parer le col de lâutĂ©rus Ă lâaccouchement. Selon un remĂšde provenant du Moyen-Orient, la consommation de dattes en fin de grossesse et lors de votre accouchement est Ă adopter. Elles contiennent de lâocytocine naturelle. Une hormone qui dĂ©clenche les contractions. Le temps de lâaccouchement serait rĂ©duit, les contractions plus efficaces et la douleur moins intense. La sourate Zalzalah et la lecture du Coran Selon lâavis de Cheikh Al Otheymine Ecrire la sourate al-Zalzalah» dans un rĂ©cipient contenant du safran, tout comme Ă©crire les versets indiquant quâAllah connaĂźt le contenu de lâutĂ©rus, telle que la parole dâAllĂąh -SubhĂąnahu wa TaâĂąla traduction rapprochĂ©e A Lui revient la connaissance de lâHeure. Aucun fruit ne sort de son enveloppe, aucune femelle ne conçoit ni ne met bas sans quâIl nâen ait connaissance. Et le jour oĂč Il les appellera OĂč sont Mes associĂ©s ?» ils diront Nous Te dĂ©clarons quâil nây a point de tĂ©moin parmi nous !» [Coran, 41/47] et traduction rapprochĂ©e AllĂąh sait ce que porte chaque femelle, et de combien la pĂ©riode de gestation dans la matrice est Ă©courtĂ©e ou prolongĂ©e. Et toute chose a auprĂšs de Lui sa mesure.» [Coran, 13/8] [Ecrire cela] a Ă©tĂ© exercĂ© de sorte que lâon dĂ©verse de lâeau dans un rĂ©cipient puis on y met du safran et on remue le tout jusquâĂ ce quâil soit teintĂ© de safran, puis [la femme qui accouche] en boit et en passe sur le ventre. Il est possible encore de rĂ©citer ces versets sur de lâeau puis [la femme] en boit et en passe sur le ventre. Ou on peut encore rĂ©citer directement ces versets sur la femme qui Ă©prouve les douleurs de lâaccouchement. Tout cela est utile â avec la permission dâAllĂąh. Source 3ilm char3i Le mot de la fin MalgrĂ© toutes les causes possibles, on ne peut rien prĂ©voir. Seule certitude, Allah aza wadjal sait ce que nous ne savons pas, et câest en Lui seul que nous devons avoir confiance, en ce moment si particulier. OUMM BILAL
Combiende temps dure la pose des ventouses ? Cela dĂ©pend, de lâĂ©tat de santĂ© de la personne et de ses attentes. Cela varie entre 10 Ă 15 minutes. Combien de sĂ©ances, faut-il programmer ? Tout dĂ©pend des effets perçus dĂšs la premiĂšre sĂ©ance, lorsque câest une pathologie ancienne, il faut plusieurs sĂ©ances, toutefois seul laOU Lettres recueillies dans une sociĂ©tĂ© et publiĂ©es pour l'instruction de quelques autres. " J'ai vu les mĂ âurs de mon temps et j'ai publiĂ© ces lettres. " J. J. ROUSSEAU. PrĂ©face de La Nouvelle HĂ©loĂÂŻse TABLE DES MATIERES AVERTISSEMENT DE L'EDITEUR Nous croyons devoir prĂ©venir le Public, que, malgrĂ© le titre de cet Ouvrage et ce qu'en dit le RĂ©dacteur dans sa PrĂ©face, nous ne garantissons pas l'authenticitĂ© de ce Recueil, et que nous avons mĂÂȘme de fortes raisons de penser que ce n'est qu'un Roman. Il nous semble de plus que l'Auteur, qui paraĂt pourtant avoir cherchĂ© la vraisemblance, l'a dĂ©truite lui-mĂÂȘme et bien maladroitement, par l'Ă©poque oĂÂč il a placĂ© les Ă©vĂ©nements qu'il publie. En effet, plusieurs des personnages qu'il met en scĂšne ont de si mauvaises mĂ âurs, qu'il est impossible de supposer qu'ils aient vĂ©cu dans notre siĂšcle; dans ce siĂšcle de philosophie, oĂÂč les lumiĂšres, rĂ©pandues de toutes parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnĂÂȘtes et toutes les femmes si modestes et si rĂ©servĂ©es. Notre avis est donc que si les aventures rapportĂ©es dans cet Ouvrage ont un fond de vĂ©ritĂ©, elles n'ont pu arriver que dans d'autres lieux ou dans d'autres temps; et nous blĂÂąmons beaucoup l'Auteur, qui, sĂ©duit apparemment par l'espoir d'intĂ©resser davantage en se rapprochant plus de son siĂšcle et de son pays, a osĂ© faire paraĂtre sous notre costume et avec nos usages, des mĂ âurs qui nous sont si Ă©trangĂšres. Pour prĂ©server au moins, autant qu'il est en nous, le Lecteur trop crĂ©dule de toute surprise Ă ce sujet, nous appuierons notre opinion d'un raisonnement que nous lui proposons avec confiance, parce qu'il nous paraĂt victorieux et sans rĂ©plique; c'est que sans doute les mĂÂȘmes causes ne manqueraient pas de produire les mĂÂȘmes effets, et que cependant nous ne voyons point aujourd'hui de Demoiselle, avec soixante mille livres de rente, se faire Religieuse, ni de PrĂ©sidente, jeune et jolie, mourir de chagrin. PREFACE DU REDACTEUR. Cet Ouvrage, ou plutĂÂŽt ce Recueil, que le Public trouvera peut-ĂÂȘtre encore trop volumineux, ne contient pourtant que le plus petit nombre des Lettres qui composaient la totalitĂ© de la correspondance dont il est extrait. ChargĂ© de la mettre en ordre par les personnes Ă qui elle Ă©tait parvenue, et que je savais dans l'intention de la publier, je n'ai demandĂ©, pour prix de mes soins, que la permission d'Ă©laguer tout ce qui me paraĂtrait inutile; et j'ai tĂÂąchĂ© de ne conserver en effet que les Lettres qui m'ont paru nĂ©cessaires, soit Ă l'intelligence des Ă©vĂ©nements, soit au dĂ©veloppement des caractĂšres. Si l'on ajoute Ă ce lĂ©ger travail, celui de replacer par ordre les Lettres que j'ai laissĂ©es subsister, ordre pour lequel j'ai mĂÂȘme presque toujours suivi celui des dates, et enfin quelques notes courtes et rares, et qui, pour la plupart, n'ont d'autre objet que d'indiquer la source de quelques citations, ou de motiver quelques- uns des retranchements que je me suis permis, on saura toute la part que j'ai eue Ă cet Ouvrage. Ma mission ne s'Ă©tendait pas plus loin. [Je dois prĂ©venir aussi que j'ai supprimĂ© ou changĂ© tous les noms des personnes dont il est question dans ces Lettres; et que si dans le nombre de ceux que je leur ai substituĂ©s, il s'en trouvait qui appartinssent Ă quelqu'un, ce serait seulement une erreur de ma part et dont il ne faudrait tirer aucune consĂ©quence.] J'avais proposĂ© des changements plus considĂ©rables, et presque tous relatifs Ă la puretĂ© de diction ou de style, contre laquelle on trouvera beaucoup de fautes. J'aurais dĂ©sirĂ© aussi ĂÂȘtre autorisĂ© Ă couper quelques Lettres trop longues, et dont plusieurs traitent sĂ©parĂ©ment, et presque sans transition, d'objets tout Ă fait Ă©trangers l'un Ă l'autre. Ce travail, qui n'a pas Ă©tĂ© acceptĂ©, n'aurait pas suffi sans doute pour donner du mĂ©rite Ă l'Ouvrage, mais en aurait au moins ĂÂŽtĂ© une partie des dĂ©fauts. On m'a objectĂ© que c'Ă©taient les Lettres mĂÂȘmes qu'on voulait faire connaĂtre, et non pas seulement un Ouvrage fait d'aprĂšs ces Lettres; qu'il serait autant contre la vraisemblance que contre la vĂ©ritĂ©, que de huit Ă dix personnes qui ont concouru Ă cette correspondance, toutes eussent Ă©crit avec une Ă©gale puretĂ©. Et sur ce que j'ai reprĂ©sentĂ© que, loin de lĂ , il n'y en avait au contraire aucune qui n'eĂ»t fait des fautes graves, et qu'on ne manquerait pas de critiquer, on m'a rĂ©pondu que tout Lecteur raisonnable s'attendrait sĂ»rement Ă trouver des fautes dans un Recueil de Lettres de quelques Particuliers, puisque dans tous ceux publiĂ©s jusqu'ici de diffĂ©rents Auteurs estimĂ©s, et mĂÂȘme de quelques AcadĂ©miciens, on n'en trouvait aucun totalement Ă l'abri de ce reproche. Ces raisons ne m'ont pas persuadĂ©, et je les ai trouvĂ©es, comme je les trouve encore, plus faciles Ă donner qu'Ă recevoir; mais je n'Ă©tais pas le maĂtre, et je me suis soumis. Seulement je me suis rĂ©servĂ© de protester contre, et de dĂ©clarer que ce n'Ă©tait pas mon avis; ce que je fais en ce moment. Quant au mĂ©rite que cet Ouvrage peut avoir, peut-ĂÂȘtre ne m'appartient-il pas de m'en expliquer, mon opinion ne devant ni ne pouvant influer sur celle de personne. Cependant ceux qui, avant de commencer une lecture, sont bien aises de savoir Ă peu prĂšs sur quoi compter; ceux-lĂ , dis-je, peuvent continuer les autres feront mieux de passer tout de suite Ă l'Ouvrage mĂÂȘme; ils en savent assez. Ce que je puis dire d'abord, c'est que si mon avis a Ă©tĂ©, comme j'en conviens, de faire paraĂtre ces Lettres, je suis pourtant bien loin d'en espĂ©rer le succĂšs et qu'on ne prenne pas cette sincĂ©ritĂ© de ma part pour la modestie jouĂ©e d'un Auteur; car je dĂ©clare avec la mĂÂȘme franchise, que si ce Recueil ne m'avait pas paru digne d'ĂÂȘtre offert au Public, je ne m'en serais pas occupĂ©. TĂÂąchons de concilier cette apparente contradiction. Le mĂ©rite d'un Ouvrage se compose de son utilitĂ© ou de son agrĂ©ment, et mĂÂȘme de tous deux, quand il en est susceptible mais le succĂšs, qui ne prouve pas toujours le mĂ©rite, tient souvent davantage au choix du sujet qu'Ă son exĂ©cution, Ă l'ensemble des objets qu'il prĂ©sente, qu'Ă la maniĂšre dont ils sont traitĂ©s. Or ce Recueil contenant, comme son titre l'annonce, les Lettres de toute une sociĂ©tĂ©, il y rĂšgne une diversitĂ© d'intĂ©rĂÂȘt qui affaiblit celui du Lecteur. De plus, presque tous les sentiments qu'on y exprime, Ă©tant feints ou dissimulĂ©s, ne peuvent mĂÂȘme exciter qu'un intĂ©rĂÂȘt de curiositĂ© toujours bien au-dessous de celui de sentiment, qui, surtout, porte moins Ă l'indulgence, et laisse d'autant plus apercevoir les fautes qui s'y trouvent dans les dĂ©tails, que ceux-ci s'opposent sans cesse au seul dĂ©sir qu'on veuille satisfaire. Ces dĂ©fauts sont peut-ĂÂȘtre rachetĂ©s, en partie, par une qualitĂ© qui tient de mĂÂȘme Ă la nature de l'Ouvrage c'est la variĂ©tĂ© des styles; mĂ©rite qu'un Auteur atteint difficilement, mais qui se prĂ©sentait ici de lui-mĂÂȘme, et qui sauve au moins l'ennui de l'uniformitĂ©. Plusieurs personnes pourront compter encore pour quelque chose un assez grand nombre d'observations, ou nouvelles, ou peu connues, et qui se trouvent Ă©parses dans ces Lettres. C'est aussi lĂ , je crois, tout ce qu'on y peut espĂ©rer d'agrĂ©ments, en les jugeant mĂÂȘme avec la plus grande faveur. L'utilitĂ© de l'Ouvrage, qui peut-ĂÂȘtre sera encore plus contestĂ©e, me paraĂt pourtant plus facile Ă Ă©tablir. Il me semble au moins que c'est rendre un service aux mĂ âurs, que de dĂ©voiler les moyens qu'emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces Lettres pourront concourir efficacement Ă ce but. On y trouvera aussi la preuve et l'exemple de deux vĂ©ritĂ©s importantes qu'on pourrait croire mĂ©connues, en voyant combien peu elles sont pratiquĂ©es l'une, que toute femme qui consent Ă recevoir dans sa sociĂ©tĂ© un homme sans mĂ âurs, finit par en devenir la victime; l'autre, que toute mĂšre est au moins imprudente, qui souffre qu'un autre qu'elle ait la confiance de sa fille. Les jeunes gens de l'un et de l'autre sexe pourraient encore y apprendre que l'amitiĂ© que les personnes de mauvaises mĂ âurs paraissent leur accorder si facilement n'est jamais qu'un piĂšge dangereux, et aussi fatal Ă leur bonheur qu'Ă leur vertu. Cependant l'abus, toujours si prĂšs du bien, me paraĂt ici trop Ă craindre; et, loin de conseiller cette lecture Ă la jeunesse, il me paraĂt trĂšs important d'Ă©loigner d'elle toutes celles de ce genre. L'Ă©poque oĂÂč celle-ci peut cesser d'ĂÂȘtre dangereuse et devenir utile me paraĂt avoir Ă©tĂ© trĂšs bien saisie, pour son sexe, par une bonne mĂšre qui non seulement a de l'esprit, mais qui a du bon esprit. " Je croirais " , me disait-elle, aprĂšs avoir lu le manuscrit de cette Correspondance, " rendre un vrai service Ă ma fille, en lui donnant ce Livre le jour de son mariage. " Si toutes les mĂšres de famille en pensent ainsi, je me fĂ©liciterai Ă©ternellement de l'avoir publiĂ©. Mais, en partant encore de cette supposition favorable, il me semble toujours que ce Recueil doit plaire Ă peu de monde. Les hommes et les femmes dĂ©pravĂ©s auront intĂ©rĂÂȘt Ă dĂ©crier un Ouvrage qui peut leur nuire; et comme ils ne manquent pas d'adresse, peut-ĂÂȘtre auront-ils celle de mettre dans leur parti les Rigoristes, alarmĂ©s par le tableau des mauvaises mĂ âurs qu'on n'a pas craint de prĂ©senter. Les prĂ©tendus esprits forts ne s'intĂ©resseront point Ă une femme dĂ©vote, que par cela mĂÂȘme ils regarderont comme une femmelette, tandis que les dĂ©vots se fĂÂącheront de voir succomber la vertu, et se plaindront que la Religion se montre avec trop peu de puissance. D'un autre cĂÂŽtĂ©, les personnes d'un goĂ»t dĂ©licat seront dĂ©goĂ»tĂ©es par le style trop simple et trop fautif de plusieurs de ces Lettres, tandis que le commun des Lecteurs, sĂ©duit par l'idĂ©e que tout ce qui est imprimĂ© est le fruit d'un travail, croira voir dans quelques autres la maniĂšre peinĂ©e d'un Auteur qui se montre derriĂšre le personnage qu'il fait parler. Enfin, on dira peut-ĂÂȘtre assez gĂ©nĂ©ralement, que chaque chose ne vaut qu'Ă sa place; et que si d'ordinaire le style trop chĂÂątiĂ© des Auteurs ĂÂŽte en effet de la grĂÂące aux Lettres de sociĂ©tĂ©, les nĂ©gligences de celles-ci deviennent de vĂ©ritables fautes, et les rendent insupportables, quand on les livre Ă l'impression. J'avoue avec sincĂ©ritĂ© que tous ces reproches peuvent ĂÂȘtre fondĂ©s je crois aussi qu'il me serait possible d'y rĂ©pondre, et mĂÂȘme sans excĂ©der la longueur d'une PrĂ©face. Mais on doit sentir que pour qu'il fĂ»t nĂ©cessaire de rĂ©pondre Ă tout, il faudrait que l'Ouvrage ne pĂ»t rĂ©pondre Ă rien; et que si j'en avais jugĂ© ainsi, j'aurais supprimĂ© Ă la fois la PrĂ©face et le Livre. PREMIERE PARTIE LETTRE PREMIERE CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY. AUX URSULINES DE ... Tu vois, ma bonne amie, que je tiens parole, et que les bonnets et les pompons ne prennent pas tout mon temps; il m'en restera toujours pour toi. J'ai pourtant vu plus de parures dans cette seule journĂ©e que dans les quatre ans que nous avons passĂ©s ensemble; et je crois que la superbe Tanville [Pensionnaire du mĂÂȘme Couvent] aura plus de chagrin Ă ma premiĂšre visite, oĂÂč je compte bien la demander, qu'elle n'a cru nous en faire toutes les fois qu'elle est venue nous voir in fiocchi . Maman m'a consultĂ©e sur tout; elle me traite beaucoup moins en pensionnaire que par le passĂ©. J'ai une Femme de chambre Ă moi; j'ai une chambre et un cabinet dont je dispose, et je t'Ă©cris Ă un SecrĂ©taire trĂšs joli, dont on m'a remis la clef, et oĂÂč je peux renfermer tout ce que je veux. Maman m'a dit que je la verrais tous les jours Ă son lever; qu'il suffisait que je fusse coiffĂ©e pour dĂner, parce que nous serions toujours seules, et qu'alors elle me dirait chaque jour l'heure oĂÂč je devrais l'aller joindre l'aprĂšs-midi. Le reste du temps est Ă ma disposition, et j'ai ma harpe, mon dessin et des livres comme au Couvent; si ce n'est que la MĂšre PerpĂ©tue n'est pas lĂ pour me gronder, et qu'il ne tiendrait qu'Ă moi d'ĂÂȘtre toujours Ă rien faire mais comme je n'ai pas ma Sophie pour causer et pour rire, j'aime autant m'occuper. Il n'est pas encore cinq heures; je ne dois aller retrouver Maman qu'Ă sept voilĂ bien du temps, si j'avais quelque chose Ă te dire! Mais on ne m'a encore parlĂ© de rien; et sans les apprĂÂȘts que je vois faire, et la quantitĂ© d'OuvriĂšres qui viennent toutes pour moi, je croirais qu'on ne songe pas Ă me marier, et que c'est un radotage de plus de la bonne JosĂ©phine [TouriĂšre du Couvent]. Cependant Maman m'a dit si souvent qu'une Demoiselle devait rester au Couvent jusqu'Ă ce qu'elle se mariĂÂąt, que puisqu'elle m'en fait sortir, il faut bien que JosĂ©phine ait raison. Il vient d'arrĂÂȘter un carrosse Ă la porte, et Maman me fait dire de passer chez elle tout de suite. Si c'Ă©tait le Monsieur? Je ne suis pas habillĂ©e, la main me tremble et le cĂ âur me bat. J'ai demandĂ© Ă la Femme de chambre, si elle savait qui Ă©tait chez ma mĂšre " Vraiment, m'a-t-elle dit, c'est M. C**. " Et elle riait. Oh! je crois que c'est lui. Je reviendrai sĂ»rement te raconter ce qui se sera passĂ©. VoilĂ toujours son nom. Il ne faut pas se faire attendre. Adieu, jusqu'Ă un petit moment. Comme tu vas te moquer de la pauvre CĂ©cile! Oh! j'ai Ă©tĂ© bien honteuse! Mais tu y aurais Ă©tĂ© attrapĂ©e comme moi. En entrant chez Maman, j'ai vu un Monsieur en noir, debout auprĂšs d'elle. Je l'ai saluĂ© du mieux que j'ai pu, et suis restĂ©e sans pouvoir bouger de ma place. Tu juges combien je l'examinais! " Madame " , a-t-il dit Ă ma mĂšre, en me saluant, " voilĂ une charmante Demoiselle, et je sens mieux que jamais le prix de vos bontĂ©s. " A ce propos si positif, il m'a pris un tremblement tel, que je ne pouvais me soutenir; j'ai trouvĂ© un fauteuil, et je m'y suis assise, bien rouge et bien dĂ©concertĂ©e. J'y Ă©tais Ă peine, que voilĂ cet homme Ă mes genoux. Ta pauvre CĂ©cile alors a perdu la tĂÂȘte; j'Ă©tais, comme a dit Maman, tout effarouchĂ©e. Je me suis levĂ©e en jetant un cri perçant, ... tiens, comme ce jour du tonnerre. Maman est partie d'un Ă©clat de rire, en me disant " Eh bien! qu'avez-vous? Asseyez-vous et donnez votre pied Ă Monsieur. " En effet, ma chĂšre amie, le Monsieur Ă©tait un Cordonnier. Je ne peux te rendre combien j'ai Ă©tĂ© honteuse par bonheur il n'y avait que Maman. Je crois que, quand je serai mariĂ©e, je ne me servirai plus de ce Cordonnier-lĂ . Conviens que nous voilĂ bien savantes! Adieu. Il est prĂšs de six heures, et ma Femme de chambre dit qu'il faut que je m'habille. Adieu, ma chĂšre Sophie; je t'aime comme si j'Ă©tais encore au Couvent. Je ne sais par qui envoyer ma Lettre ainsi j'attendrai que JosĂ©phine vienne. Paris, ce 3 aoĂ»t 17** LETTRE II LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT AU CHATEAU DE ... Revenez, mon cher Vicomte, revenez que faites-vous, que pouvez-vous faire chez une vieille tante dont tous les biens vous sont substituĂ©s? Partez sur-le- champ; j'ai besoin de vous. Il m'est venu une excellente idĂ©e, et je veux bien vous en confier l'exĂ©cution. Ce peu de mots devrait suffire; et, trop honorĂ© de mon choix, vous devriez venir, avec empressement, prendre mes ordres Ă genoux mais vous abusez de mes bontĂ©s, mĂÂȘme depuis que vous n'en usez plus; et dans l'alternative d'une haine Ă©ternelle ou d'une excessive indulgence, votre bonheur veut que ma bontĂ© l'emporte. Je veux donc bien vous instruire de mes projets mais jurez-moi qu'en fidĂšle Chevalier vous ne courrez aucune aventure que vous n'ayez mis celle-ci Ă fin. Elle est digne d'un HĂ©ros vous servirez l'Amour et la vengeance; ce sera enfin une rouerie [Ces mots rouĂ© et rouerie , dont heureusement la bonne compagnie commence Ă se dĂ©faire, Ă©taient fort en usage Ă l'Ă©poque oĂÂč ces Lettres ont Ă©tĂ© Ă©crites] de plus Ă mettre dans vos MĂ©moires oui, dans vos MĂ©moires, car je veux qu'ils soient imprimĂ©s un jour, et je me charge de les Ă©crire. Mais laissons cela, et revenons Ă ce qui m'occupe. Madame de Volanges marie sa fille c'est encore un secret; mais elle m'en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu'elle ait choisi pour gendre? Le Comte de Gercourt. Qui m'aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt? J'en suis dans une fureur! Eh bien! vous ne devinez pas encore? oh! l'esprit lourd! Lui avez-vous donc pardonnĂ© l'aventure de l'Intendante? Et moi, n'ai-je pas encore plus Ă me plaindre de lui, monstre que vous ĂÂȘtes? [Pour entendre ce passage, il faut savoir que le Comte de Gercourt avait quittĂ© la Marquise de Merteuil pour l'Intendante de ***, qui lui avait sacrifiĂ© le Vicomte de Valmont, et que c'est alors que la Marquise et le Vicomte s'attachĂšrent l'un Ă l'autre. Comme cette aventure est fort antĂ©rieure aux Ă©vĂ©nements dont il est question dans ces Lettres, on a cru devoir en supprimer toute la Correspondance.] Mais je m'apaise, et l'espoir de me venger rassĂ©rĂšne mon ĂÂąme. Vous avez Ă©tĂ© ennuyĂ© cent fois, ainsi que moi, de l'importance que met Gercourt Ă la femme qu'il aura, et de la sotte prĂ©somption qui lui fait croire qu'il Ă©vitera le sort inĂ©vitable. Vous connaissez sa ridicule prĂ©vention pour les Ă©ducations cloĂtrĂ©es, et son prĂ©jugĂ©, plus ridicule encore, en faveur de la retenue des blondes. En effet, je gagerais que, malgrĂ© les soixante mille livres de rente de la petite Volanges, il n'aurait jamais fait ce mariage, si elle eĂ»t Ă©tĂ© brune, ou si elle n'eĂ»t pas Ă©tĂ© au Couvent. Prouvons-lui donc qu'il n'est qu'un sot il le sera sans doute un jour; ce n'est pas lĂ ce qui m'embarrasse mais le plaisant serait qu'il dĂ©butĂÂąt par lĂ . Comme nous nous amuserions le lendemain en l'entendant se vanter! car il se vantera; et puis, si une fois vous formez cette petite fille, il y aura bien du malheur si le Gercourt ne devient pas, comme un autre, la fable de Paris. Au reste, l'HĂ©roĂÂŻne de ce nouveau Roman mĂ©rite tous vos soins elle est vraiment jolie; cela n'a que quinze ans, c'est le bouton de rose; gauche, Ă la vĂ©ritĂ©, comme on ne l'est point, et nullement maniĂ©rĂ©e mais, vous autres hommes, vous ne craignez pas cela; de plus, un certain regard langoureux qui promet beaucoup en vĂ©ritĂ© ajoutez-y que je vous la recommande; vous n'avez plus qu'Ă me remercier et m'obĂ©ir. Vous recevrez cette Lettre demain matin. J'exige que demain Ă sept heures du soir, vous soyez chez moi. Je ne recevrai personne qu'Ă huit, pas mĂÂȘme le rĂ©gnant Chevalier; il n'a pas assez de tĂÂȘte pour une aussi grande affaire. Vous voyez que l'Amour ne m'aveugle pas. A huit heures je vous rendrai votre libertĂ©, et vous reviendrez Ă dix souper avec le bel objet; car la mĂšre et la fille souperont chez moi. Adieu, il est midi passĂ© bientĂÂŽt je ne m'occuperai plus de vous. Paris, ce 4 aoĂ»t 17** LETTRE III CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne sais encore rien, ma bonne amie. Maman avait hier beaucoup de monde Ă souper. MalgrĂ© l'intĂ©rĂÂȘt que j'avais Ă examiner, les hommes surtout, je me suis fort ennuyĂ©e. Hommes et femmes, tout le monde m'a beaucoup regardĂ©e, et puis on se parlait Ă l'oreille; et je voyais bien qu'on parlait de moi cela me faisait rougir; je ne pouvais m'en empĂÂȘcher. Je l'aurais bien voulu, car j'ai remarquĂ© que quand on regardait les autres femmes, elles ne rougissaient pas; ou bien c'est le rouge qu'elles mettent, qui empĂÂȘche de voir celui que l'embarras leur cause; car il doit ĂÂȘtre bien difficile de ne pas rougir quand un homme vous regarde fixement. Ce qui m'inquiĂ©tait le plus Ă©tait de ne pas savoir ce qu'on pensait sur mon compte. Je crois avoir entendu pourtant deux ou trois fois le mot de jolie mais j'ai entendu bien distinctement celui de gauche ; et il faut que cela soit bien vrai, car la femme qui le disait est parente et amie de ma mĂšre; elle paraĂt mĂÂȘme avoir pris tout de suite de l'amitiĂ© pour moi. C'est la seule personne qui m'ait un peu parlĂ© dans la soirĂ©e. Nous souperons demain chez elle. J'ai encore entendu, aprĂšs souper, un homme que je suis sĂ»re qui parlait de moi, et qui disait Ă un autre " Il faut laisser mĂ»rir cela, nous verrons cet hiver. " C'est peut-ĂÂȘtre celui-lĂ qui doit m'Ă©pouser; mais alors ce ne serait donc que dans quatre mois! Je voudrais bien savoir ce qui en est. VoilĂ JosĂ©phine, et elle me dit qu'elle est pressĂ©e. Je veux pourtant te raconter encore une de mes gaucheries . Oh! je crois que cette dame a raison! AprĂšs le souper on s'est mis Ă jouer. Je me suis placĂ©e auprĂšs de Maman; je ne sais pas comment cela s'est fait, mais je me suis endormie presque tout de suite. Un grand Ă©clat de rire m'a rĂ©veillĂ©e. Je ne sais si l'on riait de moi, mais je le crois. Maman m'a permis de me retirer et elle m'a fait grand plaisir. Figure- toi qu'il Ă©tait onze heures passĂ©es. Adieu, ma chĂšre Sophie; aime toujours bien ta CĂ©cile. Je t'assure que le monde n'est pas aussi amusant que nous l'imaginions. Paris, ce 4 aoĂ»t l7**. LETTRE IV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A PARIS Vos ordres sont charmants; votre façon de les donner est plus aimable encore; vous feriez chĂ©rir le despotisme. Ce n'est pas la premiĂšre fois, comme vous savez, que je regrette de ne plus ĂÂȘtre votre esclave; et tout monstre que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps oĂÂč vous m'honoriez de noms plus doux. Souvent mĂÂȘme je dĂ©sire de les mĂ©riter de nouveau, et de finir par donner, avec vous, un exemple de constance au monde. Mais de plus grands intĂ©rĂÂȘts nous appellent; conquĂ©rir est notre destin; il faut le suivre peut-ĂÂȘtre au bout de la carriĂšre nous rencontrerons- nous encore; car, soit dit sans vous fĂÂącher, ma trĂšs belle Marquise, vous me suivez au moins d'un pas Ă©gal; et depuis que, nous sĂ©parant pour le bonheur du monde, nous prĂÂȘchons la foi chacun de notre cĂÂŽtĂ©, il me semble que dans cette mission d'amour, vous avez fait plus de prosĂ©lytes que moi. Je connais votre zĂšle, votre ardente ferveur; et si ce Dieu-lĂ nous jugeait sur nos Ă âuvres, vous seriez un jour la Patronne de quelque grande ville, tandis que votre ami serait au plus un Saint de village. Ce langage vous Ă©tonne, n'est-il pas vrai? Mais depuis huit jours, je n'en entends, je n'en parle pas d'autre; et c'est pour m'y perfectionner, que je me vois forcĂ© de vous dĂ©sobĂ©ir. Ne vous fĂÂąchez pas et Ă©coutez-moi. DĂ©positaire de tous les secrets de mon cĂ âur, je vais vous confier le plus grand projet que j'aie jamais formĂ©. Que me proposez-vous? de sĂ©duire une jeune fille qui n'a rien vu, ne connaĂt rien; qui, pour ainsi dire, me serait livrĂ©e sans dĂ©fense; qu'un premier hommage ne manquera pas d'enivrer et que la curiositĂ© mĂšnera peut-ĂÂȘtre plus vite que l'Amour. Vingt autres peuvent y rĂ©ussir comme moi. Il n'en est pas ainsi de l'entreprise qui m'occupe; son succĂšs m'assure autant de gloire que de plaisir l'Amour qui prĂ©pare ma couronne hĂ©site lui-mĂÂȘme entre le myrte et le laurier, ou plutĂÂŽt il les rĂ©unira pour honorer mon triomphe. Vous-mĂÂȘme, ma belle amie, vous serez saisie d'un saint respect, et vous direz avec enthousiasme " VoilĂ l'homme selon mon cĂ âur. " Vous connaissez la PrĂ©sidente Tourvel, sa dĂ©votion, son amour conjugal, ses principes austĂšres. VoilĂ ce que j'attaque; voilĂ l'ennemi digne de moi; voilĂ le but oĂÂč je prĂ©tends atteindre Et si de l'obtenir je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. On peut citer de mauvais vers, quand ils sont d'un grand PoĂšte [La Fontaine]. Vous saurez donc que le PrĂ©sident est en Bourgogne, Ă la suite d'un grand procĂšs j'espĂšre lui en faire perdre un plus important. Son inconsolable moitiĂ© doit passer ici tout le temps de cet affligeant veuvage. Une messe chaque jour, quelques visites aux Pauvres du canton, des priĂšres du matin et du soir, des promenades solitaires, de pieux entretiens avec ma vieille tante, et quelquefois un triste Wisk, devaient ĂÂȘtre ses seules distractions. Je lui en prĂ©pare de plus efficaces. Mon bon Ange m'a conduit ici, pour son bonheur et pour le mien. InsensĂ©! je regrettais vingt-quatre heures que je sacrifiais Ă des Ă©gards d'usage. Combien on me punirait, en me forçant de retourner Ă Paris! Heureusement il faut ĂÂȘtre quatre pour jouer au Wisk; et comme il n'y a ici que le CurĂ© du lieu, mon Ă©ternelle tante m'a beaucoup pressĂ© de lui sacrifier quelques jours. Vous devinez que j'ai consenti. Vous n'imaginez pas combien elle me cajole depuis ce moment, combien surtout elle est Ă©difiĂ©e de me voir rĂ©guliĂšrement Ă ses priĂšres et Ă sa Messe. Elle ne se doute pas de la DivinitĂ© que j'y adore. Me voilĂ donc, depuis quatre jours, livrĂ© Ă une passion forte. Vous savez si je dĂ©sire vivement, si je dĂ©vore les obstacles mais ce que vous ignorez, c'est combien la solitude ajoute Ă l'ardeur du dĂ©sir. Je n'ai plus qu'une idĂ©e; j'y pense le jour, et j'y rĂÂȘve la nuit. J'ai bien besoin d'avoir cette femme, pour me sauver du ridicule d'en ĂÂȘtre amoureux car oĂÂč ne mĂšne pas un dĂ©sir contrariĂ©? Ăâ dĂ©licieuse jouissance! Je t'implore pour mon bonheur et surtout pour mon repos. Que nous sommes heureux que les femmes se dĂ©fendent si mal! nous ne serions auprĂšs d'elles que de timides esclaves. J'ai dans ce moment un sentiment de reconnaissance pour les femmes faciles, qui m'amĂšne naturellement Ă vos pieds. Je m'y prosterne pour obtenir mon pardon, et j'y finis cette trop longue Lettre. Adieu, ma trĂšs belle amie sans rancune. Du ChĂÂąteau de ..., 5 aoĂ»t 17** LETTRE V LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Savez-vous, Vicomte, que votre Lettre est d'une insolence rare, et qu'il ne tiendrait qu'Ă moi de m'en fĂÂącher? mais elle m'a prouvĂ© clairement que vous aviez perdu la tĂÂȘte, et cela seul vous a sauvĂ© de mon indignation. Amie gĂ©nĂ©reuse et sensible, j'oublie mon injure pour ne m'occuper que de votre danger; et quelque ennuyeux qu'il soit de raisonner, je cĂšde au besoin que vous en avez dans ce moment. Vous, avoir la PrĂ©sidente de Tourvel! mais quel ridicule caprice! Je reconnais bien lĂ votre mauvaise tĂÂȘte qui ne sait dĂ©sirer que ce qu'elle croit ne pas pouvoir obtenir. Qu'est-ce donc que cette femme? des traits rĂ©guliers si vous voulez, mais nulle expression passablement faite, mais sans grĂÂąces toujours mise Ă faire rire! avec ses paquets de fichus sur la gorge, et son corps qui remonte au menton! Je vous le dis en amie, il ne vous faudrait pas deux femmes comme celle-lĂ , pour vous faire perdre toute votre considĂ©ration. Rappelez-vous donc ce jour oĂÂč elle quĂÂȘtait Ă Saint-Roch, et oĂÂč vous me remerciĂÂątes tant de vous avoir procurĂ© ce spectacle. Je crois la voir encore, donnant la main Ă ce grand Ă©chalas en cheveux longs, prĂÂȘte Ă tomber Ă chaque pas, ayant toujours son panier de quatre aunes sur la tĂÂȘte de quelqu'un, et rougissant Ă chaque rĂ©vĂ©rence. Qui vous eĂ»t dit alors vous dĂ©sirerez cette femme? Allons, Vicomte, rougissez vous-mĂÂȘme, et revenez Ă vous. Je vous promets le secret. Et puis, voyez donc les dĂ©sagrĂ©ments qui vous attendent! quel rival avez-vous Ă combattre? un mari! Ne vous sentez-vous pas humiliĂ© Ă ce seul mot? Quelle honte si vous Ă©chouez! et mĂÂȘme combien peu de gloire dans le succĂšs! Je dis plus; n'en espĂ©rez aucun plaisir. En est-il avec les prudes? j'entends celles de bonne foi rĂ©servĂ©es au sein mĂÂȘme du plaisir, elles ne vous offrent que des demi-jouissances. Cet entier abandon de soi-mĂÂȘme, ce dĂ©lire de la voluptĂ© oĂÂč le plaisir s'Ă©pure par son excĂšs, ces biens de l'Amour, ne sont pas connus d'elles. Je vous le prĂ©dis; dans la plus heureuse supposition, votre PrĂ©sidente croira avoir tout fait pour vous en vous traitant comme son mari, et dans le tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte conjugal le plus tendre, on reste toujours deux. Ici c'est bien pis encore; votre prude est dĂ©vote et de cette dĂ©votion de bonne femme qui condamne Ă une Ă©ternelle enfance. Peut-ĂÂȘtre surmonterez-vous cet obstacle, mais ne vous flattez pas de le dĂ©truire vainqueur de l'Amour de Dieu, vous ne le serez pas de la peur du Diable; et quand, tenant votre MaĂtresse dans vos bras, vous sentirez palpiter son cĂ âur, ce sera de crainte et non d'amour. Peut- ĂÂȘtre, si vous eussiez connu cette femme plus tĂÂŽt, en eussiez-vous pu faire quelque chose; mais cela a vingt-deux ans, et il y en a prĂšs de deux qu'elle est mariĂ©e. Croyez-moi, Vicomte, quand une femme s'est encroĂ»tĂ©e Ă ce point, il faut l'abandonner Ă son sort; ce ne sera jamais qu'une espĂšce . C'est pourtant pour ce bel objet que vous refusez de m'obĂ©ir, que vous vous enterrez dans le tombeau de votre tante, et que vous renoncez Ă l'aventure la plus dĂ©licieuse et la plus faite pour vous faire honneur. Par quelle fatalitĂ© faut- il donc que Gercourt garde toujours quelque avantage sur vous? Tenez, je vous en parle sans humeur mais, dans ce moment, je suis tentĂ©e de croire que vous ne mĂ©ritez pas votre rĂ©putation; je suis tentĂ©e surtout de vous retirer ma confiance. Je ne m'accoutumerai jamais Ă dire mes secrets Ă l'amant de Madame de Tourvel. Sachez pourtant que la petite Volanges a dĂ©jĂ fait tourner une tĂÂȘte. Le jeune Danceny en raffole. Il a chantĂ© avec elle; et en effet elle chante mieux qu'Ă une Pensionnaire n'appartient. Ils doivent rĂ©pĂ©ter beaucoup de Duos, et je crois qu'elle se mettrait volontiers Ă l'unisson mais ce Danceny est un enfant qui perdra son temps Ă faire l'Amour, et ne finira rien. La petite personne de son cĂÂŽtĂ© est assez farouche; et, Ă tout Ă©vĂ©nement, cela sera toujours beaucoup moins plaisant que vous n'auriez pu le rendre aussi j'ai de l'humeur, et sĂ»rement je querellerai le Chevalier Ă son arrivĂ©e. Je lui conseille d'ĂÂȘtre doux; car, dans ce moment, il ne m'en coĂ»terait rien de rompre avec lui. Je suis sĂ»re que si j'avais le bon esprit de le quitter Ă prĂ©sent, il en serait au dĂ©sespoir; et rien ne m'amuse comme un dĂ©sespoir amoureux. Il m'appellerait perfide, et ce mot de perfide m'a toujours fait plaisir; c'est, aprĂšs celui de cruelle, le plus doux Ă l'oreille d'une femme, et il est moins pĂ©nible Ă mĂ©riter. SĂ©rieusement, je vais m'occuper de cette rupture. VoilĂ pourtant de quoi vous ĂÂȘtes cause! aussi je le mets sur votre conscience. Adieu. Recommandez-moi aux priĂšres de votre PrĂ©sidente. Paris, ce 7 aoĂ»t 17** LETTRE VI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il n'est donc point de femme qui n'abuse de l'empire qu'elle a su prendre! Et vous-mĂÂȘme, vous que je nommai si souvent mon indulgente amie, vous cessez enfin de l'ĂÂȘtre, et vous ne craignez pas de m'attaquer dans l'objet de mes affections! De quels traits vous osez peindre Madame de Tourvel! quel homme n'eĂ»t point payĂ© de sa vie cette insolente audace? Ă quelle autre femme qu'Ă vous n'eĂ»t-elle valu au moins une noirceur? De grĂÂące, ne me mettez plus Ă d'aussi rudes Ă©preuves; je ne rĂ©pondrais pas de les soutenir. Au nom de l'amitiĂ©, attendez que j'aie eu cette femme, si vous voulez en mĂ©dire. Ne savez-vous pas que la seule voluptĂ© a le droit de dĂ©tacher le bandeau de l'Amour? Mais que dis-je? Madame de Tourvel a-t-elle besoin d'illusion? non; pour ĂÂȘtre adorable il lui suffit d'ĂÂȘtre elle-mĂÂȘme. Vous lui reprochez de se mettre mal; je le crois bien; toute parure lui nuit; tout ce qui la cache la dĂ©pare c'est dans l'abandon du nĂ©gligĂ© qu'elle est vraiment ravissante. GrĂÂące aux chaleurs accablantes que nous Ă©prouvons, un dĂ©shabillĂ© de simple toile me laisse voir sa taille ronde et souple. Une seule mousseline couvre sa gorge, et mes regards furtifs, mais pĂ©nĂ©trants, en ont dĂ©jĂ saisi les formes enchanteresses. Sa figure, dites-vous, n'a nulle expression. Et qu'exprimerait-elle, dans les moments oĂÂč rien ne parle Ă son cĂ âur? Non, sans doute, elle n'a point, comme nos femmes coquettes, ce regard menteur qui sĂ©duit quelquefois et nous trompe toujours. Elle ne sait pas couvrir le vide d'une phrase par un sourire Ă©tudiĂ©; et quoiqu'elle ait les plus belles dents du monde, elle ne rit que de ce qui l'amuse. Mais il faut voir comme, dans les folĂÂątres jeux, elle offre l'image d'une gaietĂ© naĂÂŻve et franche! comme, auprĂšs d'un malheureux qu'elle s'empresse de secourir, son regard annonce la joie pure et la bontĂ© compatissante! Il faut voir, surtout au moindre mot d'Ă©loge ou de cajolerie, se peindre, sur sa figure cĂ©leste, ce touchant embarras d'une modestie qui n'est point jouĂ©e! Elle est prude et dĂ©vote, et de lĂ vous la jugez froide et inanimĂ©e? Je pense bien diffĂ©remment. Quelle Ă©tonnante sensibilitĂ© ne faut-il pas avoir pour la rĂ©pandre jusque sur son mari, et pour aimer toujours un ĂÂȘtre toujours absent? Quelle preuve plus forte pourriez-vous dĂ©sirer? J'ai su pourtant m'en procurer une autre. J'ai dirigĂ© sa promenade de maniĂšre qu'il s'est trouvĂ© un fossĂ© Ă franchir; et, quoique fort leste, elle est encore plus timide vous jugez bien qu'une prude craint de sauter le fossĂ© [On reconnaĂt ici le mauvais goĂ»t des calembours, qui commençait Ă prendre, et qui depuis a fait tant de progrĂšs]. Il a fallu se confier Ă moi. J'ai tenu dans mes bras cette femme modeste. Nos prĂ©paratifs et le passage de ma vieille tante avaient fait rire aux Ă©clats la folĂÂątre DĂ©vote mais, dĂšs que je me fus emparĂ© d'elle, par une adroite gaucherie, nos bras s'enlacĂšrent mutuellement. Je pressai son sein contre le mien; et, dans ce court intervalle, je sentis son cĂ âur battre plus vite. L'aimable rougeur vint colorer son visage, et son modeste embarras m'apprit assez que son cĂ âur avait palpitĂ© d'amour et non de crainte . Ma tante cependant s'y trompa comme vous, et se mit Ă dire " L'enfant a eu peur " ; mais la charmante candeur de l'enfant ne lui permit pas le mensonge, et elle rĂ©pondit naĂÂŻvement " Oh non, mais!... " Ce seul mot m'a Ă©clairĂ©. DĂšs ce moment, le doux espoir a remplacĂ© la cruelle inquiĂ©tude. J'aurai cette femme; je l'enlĂšverai au mari qui la profane j'oserai la ravir au Dieu mĂÂȘme qu'elle adore. Quel dĂ©lice d'ĂÂȘtre tour Ă tour l'objet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi l'idĂ©e de dĂ©truire les prĂ©jugĂ©s qui l'assiĂšgent! ils ajouteront Ă mon bonheur et Ă ma gloire. Qu'elle croie Ă la vertu, mais qu'elle me la sacrifie; que ses fautes l'Ă©pouvantent sans pouvoir l'arrĂÂȘter; et qu'agitĂ©e de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu'alors, j'y consens, elle me dise " Je t'adore " , elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu'elle aura prĂ©fĂ©rĂ©. Soyons de bonne foi; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est Ă peine un plaisir. Vous le dirai-je? je croyais mon cĂ âur flĂ©tri, et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d'une vieillesse prĂ©maturĂ©e. Madame de Tourvel m'a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. AuprĂšs d'elle, je n'ai pas besoin de jouir pour ĂÂȘtre heureux. La seule chose qui m'effraie, est le temps que va me prendre cette aventure; car je n'ose rien donner au hasard. J'ai beau me rappeler mes heureuses tĂ©mĂ©ritĂ©s, je ne puis me rĂ©soudre Ă les mettre en usage. Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu'elle se donne; et ce n'est pas une petite affaire. Je suis sĂ»r que vous admireriez ma prudence. Je n'ai pas encore prononcĂ© le mot d'amour; mais dĂ©jĂ nous en sommes Ă ceux de confiance et d'intĂ©rĂÂȘt. Pour la tromper le moins possible, et surtout pour prĂ©venir l'effet des propos qui pourraient lui revenir, je lui ai racontĂ© moi-mĂÂȘme, et comme en m'accusant, quelques-uns de mes traits les plus connus. Vous ririez de voir avec quelle candeur elle me prĂÂȘche. Elle veut, dit-elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu'il lui en coĂ»tera pour le tenter. Elle est loin de penser qu'en plaidant , pour parler comme elle, pour les infortunĂ©es que j'ai perdues , elle parle d'avance dans sa propre cause. Cette idĂ©e me vint hier au milieu d'un de ses sermons, et je ne pus me refuser au plaisir de l'interrompre, pour l'assurer qu'elle parlait comme un prophĂšte. Adieu, ma trĂšs belle amie. Vous voyez que je ne suis pas perdu sans ressources. A propos, ce pauvre Chevalier, s'est-il tuĂ© de dĂ©sespoir? En vĂ©ritĂ©, vous ĂÂȘtes cent fois plus mauvais sujet que moi, et vous m'humilieriez si j'avais de l'amour-propre. Du ChĂÂąteau de ..., ce 9 aoĂ»t 17** LETTRE VII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY [Pour ne pas abuser de la patience du Lecteur, on supprime beaucoup de Lettres de cette Correspondance journaliĂšre; on ne donne que celles qui ont paru nĂ©cessaires Ă l'intelligence des Ă©vĂ©nements de cette sociĂ©tĂ©. C'est par le mĂÂȘme motif qu'on supprime aussi toutes les Lettres de Sophie Carnay et plusieurs de celles des autres Acteurs de ces aventures.] Si je ne t'ai rien dit de mon mariage, c'est que je ne suis pas plus instruite que le premier jour. Je m'accoutume Ă n'y plus penser et je me trouve assez bien de mon genre de vie. J'Ă©tudie beaucoup mon chant et ma harpe; il me semble que je les aime mieux depuis que je n'ai plus de MaĂtres, ou plutĂÂŽt c'est que j'en ai un meilleur. M. le Chevalier Danceny, ce Monsieur dont je t'ai parlĂ©, et avec qui j'ai chantĂ© chez Madame de Merteuil, a la complaisance de venir ici tous les jours, et de chanter avec moi des heures entiĂšres. Il est extrĂÂȘmement aimable. Il chante comme un Ange, et compose de trĂšs jolis airs dont il fait aussi les paroles. C'est bien dommage qu'il soit Chevalier de Malte! Il me semble que s'il se mariait, sa femme serait bien heureuse. Il a une douceur charmante. Il n'a jamais l'air de faire un compliment, et pourtant tout ce qu'il dit flatte. Il me reprend sans cesse, tant sur la musique que sur autre chose mais il mĂÂȘle Ă ses critiques tant d'intĂ©rĂÂȘt et de gaietĂ©, qu'il est impossible de ne pas lui en savoir grĂ©. Seulement quand il vous regarde, il a l'air de vous dire quelque chose d'obligeant. Il joint Ă tout cela d'ĂÂȘtre trĂšs complaisant. Par exemple, hier, il Ă©tait priĂ© d'un grand concert; il a prĂ©fĂ©rĂ© de rester toute la soirĂ©e chez Maman. Cela m'a fait bien plaisir; car quand il n'y est pas, personne ne me parle, et je m'ennuie au lieu que quand il y est, nous chantons et nous causons ensemble. Il a toujours quelque chose Ă me dire. Lui et Madame de Merteuil sont les deux seules personnes que je trouve aimables. Mais adieu, ma chĂšre amie j'ai promis que je saurais pour aujourd'hui une ariette dont l'accompagnement est trĂšs difficile, et je ne veux pas manquer de parole. Je vais me remettre Ă l'Ă©tude jusqu'Ă ce qu'il vienne. De ..., ce 7 aoĂ»t 17** LETTRE VIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES On ne peut ĂÂȘtre plus sensible que je le suis, Madame, Ă la confiance que vous me tĂ©moignez, ni prendre plus d'intĂ©rĂÂȘt que moi Ă l'Ă©tablissement de Mademoiselle de Volanges. C'est bien de toute mon ĂÂąme que je lui souhaite une fĂ©licitĂ© dont je ne doute pas qu'elle ne soit digne, et sur laquelle je m'en rapporte bien Ă votre prudence. Je ne connais point M. le Comte de Gercourt; mais, honorĂ© de votre choix, je ne puis prendre de lui qu'une idĂ©e trĂšs avantageuse. Je me borne, Madame, Ă souhaiter Ă ce mariage un succĂšs aussi heureux qu'au mien, qui est pareillement votre ouvrage, et pour lequel chaque jour ajoute Ă ma reconnaissance. Que le bonheur de Mademoiselle votre fille soit la rĂ©compense de celui que vous m'avez procurĂ©; et puisse la meilleure des amies ĂÂȘtre aussi la plus heureuse des mĂšres! Je suis vraiment peinĂ©e de ne pouvoir vous offrir de vive voix l'hommage de ce vĂ âu sincĂšre, et faire, aussi tĂÂŽt que je le dĂ©sirerais, connaissance avec Mademoiselle de Volanges. AprĂšs avoir Ă©prouvĂ© vos bontĂ©s vraiment maternelles, j'ai droit d'espĂ©rer d'elle l'amitiĂ© tendre d'une sĂ âur. Je vous prie, Madame, de vouloir bien la lui demander de ma part, en attendant que je me trouve Ă portĂ©e de la mĂ©riter. Je compte rester Ă la campagne tout le temps de l'absence de M. de Tourvel. J'ai pris ce temps pour jouir et profiter de la sociĂ©tĂ© de la respectable Madame de Rosemonde. Cette femme est toujours charmante son grand ĂÂąge ne lui fait rien perdre; elle conserve toute sa mĂ©moire et sa gaietĂ©. Son corps seul a quatre-vingt-quatre ans; son esprit n'en a que vingt. Notre retraite est Ă©gayĂ©e par son neveu le Vicomte de Valmont, qui a bien voulu nous sacrifier quelques jours. Je ne le connaissais que de rĂ©putation, et elle me faisait peu dĂ©sirer de le connaĂtre davantage mais il me semble qu'il vaut mieux qu'elle. Ici, oĂÂč le tourbillon du monde ne le gĂÂąte pas, il parle raison avec une facilitĂ© Ă©tonnante, et il s'accuse de ses torts avec une candeur rare. Il me parle avec beaucoup de confiance, et je le prĂÂȘche avec beaucoup de sĂ©vĂ©ritĂ©. Vous qui le connaissez, vous conviendrez que ce serait une belle conversion Ă faire mais je ne doute pas, malgrĂ© ses promesses, que huit jours de Paris ne lui fassent oublier tous mes sermons. Le sĂ©jour qu'il fera ici sera au moins autant de retranchĂ© sur sa conduite ordinaire et je crois que, d'aprĂšs sa façon de vivre, ce qu'il peut faire de mieux est de ne rien faire du tout. Il sait que je suis occupĂ©e Ă vous Ă©crire, et il m'a chargĂ©e de vous prĂ©senter ses respectueux hommages. Recevez aussi le mien avec la bontĂ© que je vous connais, et ne doutez jamais des sentiments sincĂšres avec lesquels j'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Du ChĂÂąteau de ..., ce 9 aoĂ»t 17** LETTRE IX MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Je n'ai jamais doutĂ©, ma jeune et belle amie, ni de l'amitiĂ© que vous avez pour moi, ni de l'intĂ©rĂÂȘt sincĂšre que vous prenez Ă tout ce qui me regarde. Ce n'est pas pour Ă©claircir ce point, que j'espĂšre convenu Ă jamais entre nous, que je rĂ©ponds Ă votre RĂ©ponse mais je ne crois pas pouvoir me dispenser de causer avec vous au sujet du Vicomte de Valmont. Je ne m'attendais pas, je l'avoue, Ă trouver jamais ce nom-lĂ dans vos Lettres. En effet, que peut-il y avoir de commun entre vous et lui? Vous ne connaissez pas cet homme; oĂÂč auriez-vous pris l'idĂ©e de l'ĂÂąme d'un libertin? Vous me parlez de sa rare candeur oh! oui; la candeur de Valmont doit ĂÂȘtre en effet trĂšs rare. Encore plus faux et dangereux qu'il n'est aimable et sĂ©duisant, jamais depuis sa plus grande jeunesse, il n'a fait un pas ou dit une parole sans avoir un projet, et jamais il n'eut un projet qui ne fĂ»t malhonnĂÂȘte ou criminel. Mon amie, vous me connaissez; vous savez si, des vertus que je tĂÂąche d'acquĂ©rir, l'indulgence n'est pas celle que je chĂ©ris le plus. Aussi, si Valmont Ă©tait entraĂnĂ© par des passions fougueuses; si, comme mille autres, il Ă©tait sĂ©duit par les erreurs de son ĂÂąge, blĂÂąmant sa conduite je plaindrais sa personne, et j'attendrais, en silence, le temps oĂÂč un retour heureux lui rendrait l'estime des gens honnĂÂȘtes. Mais Valmont n'est pas cela sa conduite est le rĂ©sultat de ses principes. Il sait calculer tout ce qu'un homme peut se permettre d'horreurs, sans se compromettre; et pour ĂÂȘtre cruel et mĂ©chant sans danger, il a choisi les femmes pour victimes. Je ne m'arrĂÂȘte pas Ă compter celles qu'il a sĂ©duites mais combien n'en a-t-il pas perdues? Dans la vie sage et retirĂ©e que vous menez, ces scandaleuses aventures ne parviennent pas jusqu'Ă vous. Je pourrais vous en raconter qui vous feraient frĂ©mir; mais vos regards, purs comme votre ĂÂąme, seraient souillĂ©s par de semblables tableaux sĂ»re que Valmont ne sera jamais dangereux pour vous, vous n'avez pas besoin de pareilles armes pour vous dĂ©fendre. La seule chose que j'ai Ă vous dire, c'est que, de toutes les femmes auxquelles il a rendu des soins, succĂšs ou non, il n'en est point qui n'aient eu Ă s'en plaindre. La seule Marquise de Merteuil fait l'exception Ă cette rĂšgle gĂ©nĂ©rale; seule, elle a su lui rĂ©sister et enchaĂner sa mĂ©chancetĂ©. J'avoue que ce trait de sa vie est celui qui lui fait le plus d'honneur Ă mes yeux aussi a-t-il suffi pour la justifier pleinement aux yeux de tous, de quelques inconsĂ©quences qu'on avait Ă lui reprocher dans le dĂ©but de son veuvage. [L'erreur oĂÂč est Madame de Volanges nous fait voir qu'ainsi que les autres scĂ©lĂ©rats Valmont ne dĂ©celait pas ses complices.] Quoi qu'il en soit, ma belle amie, ce que l'ĂÂąge, l'expĂ©rience et surtout l'amitiĂ©, m'autorisent Ă vous reprĂ©senter, c'est qu'on commence Ă s'apercevoir dans le monde de l'absence de Valmont; et que si on sait qu'il soit restĂ© quelque temps en tiers entre sa tante et vous, votre rĂ©putation sera entre ses mains; malheur le plus grand qui puisse arriver Ă une femme. Je vous conseille donc d'engager sa tante Ă ne pas le retenir davantage; et s'il s'obstine Ă rester, je crois que vous ne devez pas hĂ©siter Ă lui cĂ©der la place. Mais pourquoi resterait-il? que fait-il donc Ă cette campagne? Si vous faisiez Ă©pier ses dĂ©marches, je suis sĂ»re que vous dĂ©couvririez qu'il n'a fait que prendre un asile plus commode, pour quelques noirceurs qu'il mĂ©dite dans les environs. Mais, dans l'impossibilitĂ© de remĂ©dier au mal, contentons-nous de nous en garantir. Adieu, ma belle amie; voilĂ le mariage de ma fille un peu retardĂ©. Le Comte de Gercourt, que nous attendions d'un jour Ă l'autre, me mande que son RĂ©giment passe en Corse; et comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s'absenter avant l'hiver. Cela me contrarie; mais cela me fait espĂ©rer que nous aurons le plaisir de vous voir Ă la noce, et j'Ă©tais fĂÂąchĂ©e qu'elle se fĂt sans vous. Adieu; je suis, sans compliment comme sans rĂ©serve, entiĂšrement Ă vous. Rappelez-moi au souvenir de Madame de Rosemonde, que j'aime toujours autant qu'elle le mĂ©rite. De ..., ce 11 aoĂ»t 17** LETTRE X LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Me boudez-vous, Vicomte? ou bien ĂÂȘtes-vous mort? ou, ce qui y ressemblerait beaucoup, ne vivez-vous plus que pour votre PrĂ©sidente? Cette femme, qui vous a rendu les illusions de la jeunesse , vous en rendra bientĂÂŽt aussi les ridicules prĂ©jugĂ©s. DĂ©jĂ vous voilĂ timide et esclave; autant vaudrait ĂÂȘtre amoureux. Vous renoncez Ă vos heureuses tĂ©mĂ©ritĂ©s . Vous voilĂ donc vous conduisant sans principes, et donnant tout au hasard, ou plutĂÂŽt au caprice. Ne vous souvient-il plus que l'Amour est, comme la mĂ©decine, seulement l'art d'aider la Nature ? Vous voyez que je vous bats avec vos armes mais je n'en prendrai pas d'orgueil; car c'est bien battre un homme Ă terre. Il faut qu'elle se donne , me dites-vous eh! sans doute, il le faut; aussi se donnera-t-elle comme les autres, avec cette diffĂ©rence que ce sera de mauvaise grĂÂące. Mais, pour qu'elle finisse par se donner, le vrai moyen est de commencer par la prendre. Que cette ridicule distinction est bien un vrai dĂ©raisonnement de l'Amour! Je dis l'Amour; car vous ĂÂȘtes amoureux. Vous parler autrement, ce serait vous trahir; ce serait vous cacher votre mal. Dites-moi donc, amant langoureux, ces femmes que vous avez eues, croyez- vous les avoir violĂ©es? Mais, quelque envie qu'on ait de se donner, quelque pressĂ©e que l'on en soit, encore faut-il un prĂ©texte; et y en a-t-il de plus commode pour nous, que celui qui nous donne l'air de cĂ©der Ă la force? Pour moi, je l'avoue, une des choses qui me flattent le plus, est une attaque vive et bien faite, oĂÂč tout se succĂšde avec ordre quoique avec rapiditĂ©; qui ne nous met jamais dans ce pĂ©nible embarras de rĂ©parer nous-mĂÂȘmes une gaucherie dont au contraire nous aurions dĂ» profiter; qui sait garder l'air de la violence jusque dans les choses que nous accordons, et flatter avec adresse nos deux passions favorites, la gloire de la dĂ©fense et le plaisir de la dĂ©faite. Je conviens que ce talent, plus rare que l'on ne croit, m'a toujours fait plaisir, mĂÂȘme alors qu'il ne m'a pas sĂ©duite, et que quelquefois il m'est arrivĂ© de me rendre, uniquement comme rĂ©compense. Telle dans nos anciens Tournois, la BeautĂ© donnait le prix de la valeur et de l'adresse. Mais vous, vous qui n'ĂÂȘtes plus vous, vous vous conduisez comme si vous aviez peur de rĂ©ussir. Eh! depuis quand voyagez-vous Ă petites journĂ©es et par des chemins de traverse? Mon ami, quand on veut arriver, des chevaux de poste et la grande route! Mais laissons ce sujet, qui me donne d'autant plus d'humeur, qu'il me prive du plaisir de vous voir. Au moins Ă©crivez-moi plus souvent que vous ne faites, et mettez-moi au courant de vos progrĂšs. Savez- vous que voilĂ plus de quinze jours que cette ridicule aventure vous occupe, et que vous nĂ©gligez tout le monde? A propos de nĂ©gligence, vous ressemblez aux gens qui envoient rĂ©guliĂšrement savoir des nouvelles de leurs amis malades, mais qui ne se font jamais rendre la rĂ©ponse. Vous finissez votre derniĂšre Lettre par me demander si le Chevalier est mort. Je ne rĂ©ponds pas, et vous ne vous en inquiĂ©tez pas davantage. Ne savez-vous plus que mon amant est votre ami-nĂ©? Mais rassurez-vous, il n'est point mort; ou s'il l'Ă©tait, ce serait de l'excĂšs de sa joie. Ce pauvre Chevalier, comme il est tendre! comme il est fait pour l'Amour! comme il sait sentir vivement! la tĂÂȘte m'en tourne. SĂ©rieusement, le bonheur parfait qu'il trouve Ă ĂÂȘtre aimĂ© de moi m'attache vĂ©ritablement Ă lui. Ce mĂÂȘme jour, oĂÂč je vous Ă©crivais que j'allais travailler Ă notre rupture, combien je le rendis heureux! Je m'occupais pourtant tout de bon des moyens de le dĂ©sespĂ©rer, quand on me l'annonça. Soit caprice ou raison, jamais il ne me parut si bien. Je le reçus cependant avec humeur. Il espĂ©rait passer deux heures avec moi, avant celle oĂÂč ma porte serait ouverte Ă tout le monde. Je lui dis que j'allais sortir il me demanda oĂÂč j'allais; je refusai de le lui apprendre. Il insista; oĂÂč vous ne serez pas , repris-je, avec aigreur. Heureusement pour lui, il resta pĂ©trifiĂ© de cette rĂ©ponse; car, s'il eĂ»t dit un mot, il s'ensuivait immanquablement une scĂšne qui eĂ»t amenĂ© la rupture que j'avais projetĂ©e. EtonnĂ©e de son silence, je jetai les yeux sur lui sans autre projet, je vous jure, que de voir la mine qu'il faisait. Je retrouvai sur cette charmante figure, cette tristesse, Ă la fois profonde et tendre, Ă laquelle vous-mĂÂȘme ĂÂȘtes convenu qu'il Ă©tait si difficile de rĂ©sister. La mĂÂȘme cause produisit le mĂÂȘme effet; je fus vaincue une seconde fois. DĂšs ce moment, je ne m'occupai plus que des moyens d'Ă©viter qu'il pĂ»t me trouver un tort. " Je sors pour affaire, lui dis-je avec un air un peu plus doux, et mĂÂȘme cette affaire vous regarde; mais ne m'interrogez pas. Je souperai chez moi; revenez, et vous serez instruit. " Alors il retrouva la parole; mais je ne lui permis pas d'en faire usage. " Je suis trĂšs pressĂ©e, continuai-je. Laissez-moi; Ă ce soir. " Il baisa ma main et sortit. AussitĂÂŽt, pour le dĂ©dommager, peut-ĂÂȘtre pour me dĂ©dommager moi-mĂÂȘme, je me dĂ©cide Ă lui faire connaĂtre ma petite maison dont il ne se doutait pas. J'appelle ma fidĂšle Victoire . J'ai ma migraine; je me couche pour tous mes gens; et, restĂ©e enfin seule avec la vĂ©ritable , tandis qu'elle se travestit en Laquais, je fais une toilette de Femme de chambre. Elle fait ensuite venir un fiacre Ă la porte de mon jardin, et nous voilĂ parties. ArrivĂ©e dans ce temple de l'Amour, je choisis le dĂ©shabillĂ© le plus galant. Celui-ci est dĂ©licieux; il est de mon invention il ne laisse rien voir, et pourtant fait tout deviner. Je vous en promets un modĂšle pour votre PrĂ©sidente, quand vous l'aurez rendue digne de le porter. AprĂšs ces prĂ©paratifs, pendant que Victoire s'occupe des autres dĂ©tails, je lis un chapitre du Sopha , une Lettre d' HĂ©loĂÂŻse et deux Contes de La Fontaine, pour recorder les diffĂ©rents tons que je voulais prendre. Cependant mon Chevalier arrive Ă ma porte, avec l'empressement qu'il a toujours. Mon Suisse la lui refuse, et lui apprend que je suis malade premier incident. Il lui remet en mĂÂȘme temps un billet de moi, mais non de mon Ă©criture, suivant ma prudente rĂšgle. Il l'ouvre, et y trouve de la main de Victoire " A neuf heures prĂ©cises, au Boulevard, devant les CafĂ©s. " Il s'y rend; et lĂ , un petit Laquais qu'il ne connaĂt pas, qu'il croit au moins ne pas connaĂtre, car c'Ă©tait toujours Victoire, vient lui annoncer qu'il faut renvoyer sa voiture et le suivre. Toute cette marche romanesque lui Ă©chauffait la tĂÂȘte d'autant, et la tĂÂȘte Ă©chauffĂ©e ne nuit Ă rien. Il arrive enfin, et la surprise et l'Amour causaient en lui un vĂ©ritable enchantement. Pour lui donner le temps de se remettre, nous nous promenons un moment dans le bosquet; puis je le ramĂšne vers la maison. Il voit d'abord deux couverts mis ensuite un lit fait. Nous passons jusqu'au boudoir, qui Ă©tait dans toute sa parure. LĂ , moitiĂ© rĂ©flexion, moitiĂ© sentiment, je passai mes bras autour de lui et me laissai tomber Ă ses genoux. " O mon ami, lui dis-je, pour vouloir te mĂ©nager la surprise de ce moment, je me reproche de t'avoir affligĂ© par l'apparence de l'humeur, d'avoir pu un instant voiler mon cĂ âur Ă tes regards. Pardonne-moi mes torts je veux les expier Ă force d'amour. " Vous jugez de l'effet de ce discours sentimental. L'heureux Chevalier me releva et mon pardon fut scellĂ© sur cette mĂÂȘme ottomane oĂÂč vous et moi scellĂÂąmes si gaiement et de la mĂÂȘme maniĂšre notre Ă©ternelle rupture. Comme nous avions six heures Ă passer ensemble, et que j'avais rĂ©solu que tout ce temps fĂ»t pour lui Ă©galement dĂ©licieux, je modĂ©rai ses transports, et l'aimable coquetterie vint remplacer la tendresse. Je ne crois pas avoir jamais mis tant de soin Ă plaire, ni avoir Ă©tĂ© jamais aussi contente de moi. AprĂšs le souper, tour Ă tour enfant et raisonnable, folĂÂątre et sensible, quelquefois mĂÂȘme libertine, je me plaisais Ă le considĂ©rer comme un Sultan au milieu de son SĂ©rail, dont j'Ă©tais tour Ă tour les Favorites diffĂ©rentes. En effet, ses hommages rĂ©itĂ©rĂ©s, quoique toujours reçus par la mĂÂȘme femme, le furent toujours par une MaĂtresse nouvelle. Enfin au point du jour il fallut se sĂ©parer; et, quoi qu'il dĂt, quoi qu'il fĂt mĂÂȘme pour me prouver le contraire, il en avait autant de besoin que peu d'envie. Au moment oĂÂč nous sortĂmes et pour dernier adieu, je pris la clef de cet heureux sĂ©jour, et la lui remettant entre les mains " Je ne l'ai eue que pour vous, lui dis-je; il est juste que vous en soyez maĂtre c'est au Sacrificateur Ă disposer du Temple. " C'est par cette adresse que j'ai prĂ©venu les rĂ©flexions qu'aurait pu lui faire naĂtre la propriĂ©tĂ©, toujours suspecte, d'une petite maison. Je le connais assez, pour ĂÂȘtre sĂ»re qu'il ne s'en servira que pour moi; et si la fantaisie me prenait d'y aller sans lui, il me reste bien une double clef. Il voulait Ă toute force prendre jour pour y revenir; mais je l'aime trop encore, pour vouloir l'user si vite. Il ne faut se permettre d'excĂšs qu'avec les gens qu'on veut quitter bientĂÂŽt. Il ne sait pas cela, lui; mais, pour son bonheur, je le sais pour deux. Je m'aperçois qu'il est trois heures du matin, et que j'ai Ă©crit un volume, ayant le projet de n'Ă©crire qu'un mot. Tel est le charme de la confiante amitiĂ© c'est elle qui fait que vous ĂÂȘtes toujours ce que j'aime le mieux, mais, en vĂ©ritĂ©, le Chevalier est ce qui me plaĂt davantage. De ..., ce 12 aoĂ»t 17** LETTRE XI LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Votre Lettre sĂ©vĂšre m'aurait effrayĂ©e, Madame, si, par bonheur, je n'avais trouvĂ© ici plus de motifs de sĂ©curitĂ© que vous ne m'en donnez de crainte. Ce redoutable M. de Valmont, qui doit ĂÂȘtre la terreur de toutes les femmes, paraĂt avoir dĂ©posĂ© ses armes meurtriĂšres, avant d'entrer dans ce ChĂÂąteau. Loin d'y former des projets, il n'y a pas mĂÂȘme portĂ© de prĂ©tentions; et la qualitĂ© d'homme aimable que ses ennemis mĂÂȘmes lui accordent, disparaĂt presque ici, pour ne lui laisser que celle de bon enfant. C'est apparemment l'air de la campagne qui a produit ce miracle. Ce que je vous puis assurer, c'est qu'Ă©tant sans cesse avec moi, paraissant mĂÂȘme s'y plaire, il ne lui est pas Ă©chappĂ© un mot qui ressemble Ă l'Amour, pas une de ces phrases que tous les hommes se permettent, sans avoir, comme lui, ce qu'il faut pour les justifier. Jamais il n'oblige Ă cette rĂ©serve, dans laquelle toute femme qui se respecte est forcĂ©e de se tenir aujourd'hui, pour contenir les hommes qui l'entourent. Il sait ne point abuser de la gaietĂ© qu'il inspire. Il est peut-ĂÂȘtre un peu louangeur; mais c'est avec tant de dĂ©licatesse qu'il accoutumerait la modestie mĂÂȘme Ă l'Ă©loge. Enfin, si j'avais un frĂšre, je dĂ©sirerais qu'il fĂ»t tel que M. de Valmont se montre ici. Peut-ĂÂȘtre beaucoup de femmes lui dĂ©sireraient une galanterie plus marquĂ©e; et j'avoue que je lui sais un grĂ© infini d'avoir su me juger assez bien pour ne pas me confondre avec elles. Ce portrait diffĂšre beaucoup sans doute de celui que vous me faites; et, malgrĂ© cela, tous deux peuvent ĂÂȘtre ressemblants en fixant les Ă©poques. Lui- mĂÂȘme convient d'avoir eu beaucoup de torts, et on lui en aura bien aussi prĂÂȘtĂ© quelques-uns. Mais j'ai rencontrĂ© peu d'hommes qui parlassent des femmes honnĂÂȘtes avec plus de respect, je dirais presque d'enthousiasme. Vous m'apprenez qu'au moins sur cet objet il ne trompe pas. Sa conduite avec Madame de Merteuil en est une preuve. Il nous en parle beaucoup; et c'est toujours avec tant d'Ă©loges et l'air d'un attachement si vrai, que j'ai cru, jusqu'Ă la rĂ©ception de votre Lettre, que ce qu'il appelait amitiĂ© entre eux deux Ă©tait bien rĂ©ellement de l'Amour. Je m'accuse de ce jugement tĂ©mĂ©raire, dans lequel j'ai eu d'autant plus de tort, que lui-mĂÂȘme a pris souvent le soin de la justifier. J'avoue que je ne regardais que comme finesse, ce qui Ă©tait de sa part une honnĂÂȘte sincĂ©ritĂ©. Je ne sais; mais il me semble que celui qui est capable d'une amitiĂ© aussi suivie pour une femme aussi estimable, n'est pas un libertin sans retour. J'ignore au reste si nous devons la conduite sage qu'il tient ici Ă quelques projets dans les environs, comme vous le supposez. Il y a bien quelques femmes aimables Ă la ronde; mais il sort peu, exceptĂ© le matin, et alors il dit qu'il va Ă la chasse. Il est vrai qu'il rapporte rarement du gibier; mais il assure qu'il est maladroit Ă cet exercice. D'ailleurs, ce qu'il peut faire au- dehors m'inquiĂšte peu; et si je dĂ©sirais le savoir, ce ne serait que pour avoir une raison de plus de me rapprocher de votre avis ou de vous ramener au mien. Sur ce que vous me proposez de travailler Ă abrĂ©ger le sĂ©jour que M. de Valmont compte faire ici, il me paraĂt bien difficile d'oser demander Ă sa tante de ne pas avoir son neveu chez elle, d'autant qu'elle l'aime beaucoup. Je vous promets pourtant, mais seulement par dĂ©fĂ©rence et non par besoin, de saisir l'occasion de faire cette demande, soit Ă elle, soit Ă lui-mĂÂȘme. Quant Ă moi, M. de Tourvel est instruit de mon projet de rester ici jusqu'Ă son retour, et il s'Ă©tonnerait, avec raison, de la lĂ©gĂšretĂ© qui m'en ferait changer. VoilĂ , Madame, de bien longs Ă©claircissements mais j'ai cru devoir Ă la vĂ©ritĂ© un tĂ©moignage avantageux Ă M. de Valmont, et dont il me paraĂt avoir grand besoin auprĂšs de vous. Je n'en suis pas moins sensible Ă l'amitiĂ© qui a dictĂ© vos conseils. C'est Ă elle que je dois aussi ce que vous me dites d'obligeant Ă l'occasion du retard du mariage de Mademoiselle votre fille. Je vous en remercie bien sincĂšrement mais, quelque plaisir que je me promette Ă passer ces moments avec vous, je les sacrifierais de bien bon cĂ âur au dĂ©sir de savoir Mademoiselle de Volanges plus tĂÂŽt heureuse, si pourtant elle peut jamais l'ĂÂȘtre plus qu'auprĂšs d'une mĂšre aussi digne de toute sa tendresse et de son respect. Je partage avec elle ces deux sentiments qui m'attachent Ă vous, et je vous prie d'en recevoir l'assurance avec bontĂ©. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 13 aoĂ»t 17** LETTRE XII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Maman est incommodĂ©e, Madame; elle ne sortira point, et il faut que je lui tienne compagnie ainsi je n'aurai pas l'honneur de vous accompagner Ă l'OpĂ©ra. Je vous assure que je regrette bien plus de ne pas ĂÂȘtre avec vous que le Spectacle. Je vous prie d'en ĂÂȘtre persuadĂ©e. Je vous aime tant! Voudriez- vous bien dire Ă M. le Chevalier Danceny que je n'ai point le Recueil dont il m'a parlĂ©, et que s'il peut me l'apporter demain, il me fera grand plaisir. S'il vient aujourd'hui, on lui dira que nous n'y sommes pas; mais c'est que Maman ne veut recevoir personne. J'espĂšre qu'elle se portera mieux demain. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 13 aoĂ»t 17** LETTRE XIII LA MARQUISE DE MERTEUIL A CECILE VOLANGES Je suis trĂšs fĂÂąchĂ©e, ma belle, et d'ĂÂȘtre privĂ©e du plaisir de vous voir, et de la cause de cette privation. J'espĂšre que cette occasion se retrouvera. Je m'acquitterai de votre commission auprĂšs du Chevalier Danceny, qui sera sĂ»rement trĂšs fĂÂąchĂ© de savoir votre Maman malade. Si elle veut me recevoir demain, j'irai lui tenir compagnie. Nous attaquerons, elle et moi, le Chevalier de Belleroche. [C'est le mĂÂȘme dont il est question dans les lettres de Madame de Merteuil] au piquet; et, en lui gagnant son argent, nous aurons, pour surcroĂt de plaisir, celui de vous entendre chanter avec votre aimable MaĂtre, Ă qui je le proposerai. Si cela convient Ă votre Maman et Ă vous, je rĂ©ponds de moi et de mes deux Chevaliers. Adieu, ma belle; mes compliments Ă ma chĂšre Madame de Volanges. Je vous embrasse bien tendrement. De ..., ce 13 aoĂ»t 17** LETTRE XIV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je ne t'ai pas Ă©crit hier, ma chĂšre Sophie mais ce n'est pas le plaisir qui en est cause; je t'en assure bien. Maman Ă©tait malade, et je ne l'ai pas quittĂ©e de la journĂ©e. Le soir, quand je me suis retirĂ©e, je n'avais cĂ âur Ă rien du tout; et je me suis couchĂ©e bien vite, pour m'assurer que la journĂ©e Ă©tait finie; jamais je n'en avais passĂ© de si longue. Ce n'est pas que je n'aime bien Maman; mais je ne sais pas ce que c'Ă©tait. Je devais aller Ă l'OpĂ©ra avec Madame de Merteuil; le Chevalier Danceny devait y ĂÂȘtre. Tu sais bien que ce sont les deux personnes que j'aime le mieux. Quand l'heure oĂÂč j'aurais dĂ» y ĂÂȘtre aussi est arrivĂ©e, mon cĂ âur s'est serrĂ© malgrĂ© moi. Je me dĂ©plaisais Ă tout, et j'ai pleurĂ©, pleurĂ©, sans pouvoir m'en empĂÂȘcher. Heureusement Maman Ă©tait couchĂ©e, et ne pouvait pas me voir. Je suis bien sĂ»re que le Chevalier Danceny aura Ă©tĂ© fĂÂąchĂ© aussi; mais il aura Ă©tĂ© distrait par le Spectacle et par tout le monde c'est bien diffĂ©rent. Par bonheur, Maman va mieux aujourd'hui, et Madame de Merteuil viendra avec une autre personne et le Chevalier Danceny mais elle arrive toujours bien tard, Madame de Merteuil; et quand on est si longtemps toute seule, c'est bien ennuyeux. Il n'est encore qu'onze heures. Il est vrai qu'il faut que je joue de la harpe; et puis ma toilette me prendra un peu de temps, car je veux ĂÂȘtre bien coiffĂ©e aujourd'hui. Je crois que la MĂšre PerpĂ©tue a raison, et qu'on devient coquette dĂšs qu'on est dans le monde. Je n'ai jamais eu tant d'envie d'ĂÂȘtre jolie que depuis quelques jours, et je trouve que je ne le suis pas autant que je le croyais; et puis, auprĂšs des femmes qui ont du rouge, on perd beaucoup. Madame de Merteuil, par exemple, je vois bien que tous les hommes la trouvent plus jolie que moi cela ne me fĂÂąche pas beaucoup, parce qu'elle m'aime bien; et puis elle assure que le Chevalier Danceny me trouve plus jolie qu'elle. C'est bien honnĂÂȘte Ă elle de me l'avoir dit! elle avait mĂÂȘme l'air d'en ĂÂȘtre bien aise. Par exemple, je ne conçois pas ça. C'est qu'elle m'aime tant! et lui!... oh! ça m'a fait bien plaisir! aussi, c'est qu'il me semble que rien que le regarder suffit pour embellir. Je le regarderais toujours, si je ne craignais de rencontrer ses yeux car, toutes les fois que cela m'arrive, cela me dĂ©contenance, et me fait comme de la peine; mais ça ne fait rien. Adieu, ma chĂšre amie; je vais me mettre Ă ma toilette. Je t'aime toujours comme de coutume. Paris, ce 14 aoĂ»t 17** LETTRE XV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Il est bien honnĂÂȘte Ă vous de ne pas m'abandonner Ă mon triste sort. La vie que je mĂšne ici est rĂ©ellement fatigante, par l'excĂšs de son repos et son insipide uniformitĂ©. En lisant votre Lettre et le dĂ©tail de votre charmante journĂ©e, j'ai Ă©tĂ© tentĂ© vingt fois de prĂ©texter une affaire, de voler Ă vos pieds, et de vous y demander, en ma faveur, une infidĂ©litĂ© Ă votre Chevalier, qui, aprĂšs tout, ne mĂ©rite pas son bonheur. Savez-vous que vous m'avez rendu jaloux de lui? Que me parlez-vous d'Ă©ternelle rupture? J'abjure ce serment, prononcĂ© dans le dĂ©lire nous n'aurions pas Ă©tĂ© dignes de le faire, si nous eussions dĂ» le garder. Ah! que je puisse un jour me venger dans vos bras, du dĂ©pit involontaire que m'a causĂ© le bonheur du Chevalier! Je suis indignĂ©, je l'avoue, quand je songe que cet homme, sans raisonner, sans se donner la moindre peine, en suivant tout bĂÂȘtement l'instinct de son cĂ âur, trouve une fĂ©licitĂ© Ă laquelle je ne puis atteindre. Oh! je la troublerai... Promettez-moi que je la troublerai. Vous-mĂÂȘme n'ĂÂȘtes-vous pas humiliĂ©e? Vous vous donnez la peine de le tromper, et il est plus heureux que vous. Vous le croyez dans vos chaĂnes! C'est bien vous qui ĂÂȘtes dans les siennes. Il dort tranquillement, tandis que vous veillez pour ses plaisirs. Que ferait de plus son esclave? Tenez, ma belle amie, tant que vous vous partagez entre plusieurs, je n'ai pas la moindre jalousie je ne vois alors dans vos Amants que les successeurs d'Alexandre, incapables de conserver entre eux tous cet empire oĂÂč je rĂ©gnais seul. Mais que vous vous donniez entiĂšrement Ă un d'eux! qu'il existe un autre homme aussi heureux que moi! je ne le souffrirai pas; n'espĂ©rez pas que je le souffre. Ou reprenez-moi, ou au moins prenez-en un autre; et ne trahissez pas, par un caprice exclusif, l'amitiĂ© inviolable que nous nous sommes jurĂ©e. C'est bien assez, sans doute, que j'aie Ă me plaindre de l'Amour. Vous voyez que je me prĂÂȘte Ă vos idĂ©es, et que j'avoue mes torts. En effet, si c'est ĂÂȘtre amoureux que de ne pouvoir vivre sans possĂ©der ce qu'on dĂ©sire, d'y sacrifier son temps, ses plaisirs, sa vie, je suis bien rĂ©ellement amoureux. Je n'en suis guĂšre plus avancĂ©. Je n'aurais mĂÂȘme rien du tout Ă vous apprendre Ă ce sujet, sans un Ă©vĂ©nement qui me donne beaucoup Ă rĂ©flĂ©chir, et dont je ne sais encore si je dois craindre ou espĂ©rer. Vous connaissez mon Chasseur, trĂ©sor d'intrigue, et vrai valet de ComĂ©die; vous jugez bien que ses instructions portaient d'ĂÂȘtre amoureux de la Femme de chambre, et d'enivrer les gens. Le coquin est plus heureux que moi; il a dĂ©jĂ rĂ©ussi. Il vient de dĂ©couvrir que Madame de Tourvel a chargĂ© un de ses gens de prendre des informations sur ma conduite, et mĂÂȘme de me suivre dans mes courses du matin, autant qu'il le pourrait, sans ĂÂȘtre aperçu. Que prĂ©tend cette femme? Ainsi donc la plus modeste de toutes ose encore risquer des choses qu'Ă peine nous oserions nous permettre! Je jure bien. Mais, avant de songer Ă me venger de cette ruse fĂ©minine, occupons-nous des moyens de la tourner Ă notre avantage. Jusqu'ici ces courses qu'on suspecte n'avaient aucun objet; il faut leur en donner un. Cela mĂ©rite toute mon attention, et je vous quitte pour y rĂ©flĂ©chir. Adieu, ma belle amie. Toujours du ChĂÂąteau de ..., ce 15 aoĂ»t 17** LETTRE XVI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ah! ma Sophie, voici bien des nouvelles! je ne devrais peut-ĂÂȘtre pas te les dire mais il faut bien que j'en parle Ă quelqu'un; c'est plus fort que moi. Ce Chevalier Danceny... Je suis dans un trouble que je ne peux pas Ă©crire je ne sais par oĂÂč commencer. Depuis que je t'avais racontĂ© la jolie soirĂ©e [La Lettre oĂÂč il est parlĂ© de cette soirĂ©e ne s'est pas retrouvĂ©e. Il y a lieu de croire que c'est celle proposĂ©e dans le billet de Madame de Merteuil, et dont il est aussi question dans la prĂ©cĂ©dente Lettre de CĂ©cile Volanges.] que j'avais passĂ©e chez Maman avec lui et Madame de Merteuil, je ne t'en parlais plus c'est que je ne voulais plus en parler Ă personne; mais j'y pensais pourtant toujours. Depuis il Ă©tait devenu si triste, mais si triste, si triste, que ça me faisait de la peine; et quand je lui demandais pourquoi, il me disait que non mais je voyais bien que si. Enfin hier il l'Ă©tait encore plus que de coutume. ĂâĄa n'a pas empĂÂȘchĂ© qu'il n'ait eu la complaisance de chanter avec moi comme Ă l'ordinaire; mais, toutes les fois qu'il me regardait, cela me serrait le cĂ âur. AprĂšs que nous eĂ»mes fini de chanter, il alla renfermer ma harpe dans son Ă©tui; et, en m'en rapportant la clef, il me pria d'en jouer encore le soir, aussitĂÂŽt que je serais seule. Je ne me dĂ©fiais de rien du tout; je ne voulais mĂÂȘme pas mais il m'en pria tant, que je lui dis qu'oui. Il avait bien ses raisons. Effectivement, quand je fus retirĂ©e chez moi et que ma Femme de chambre fut sortie, j'allais pour prendre ma harpe. Je trouvais dans les cordes une Lettre, pliĂ©e seulement, et point cachetĂ©e, et qui Ă©tait de lui. Ah! si tu savais tout ce qu'il me mande! Depuis que j'ai lu sa Lettre, j'ai tant de plaisir, que je ne peux plus songer Ă autre chose. Je l'ai relue quatre fois tout de suite, et puis je l'ai serrĂ©e dans mon secrĂ©taire. Je la savais par cĂ âur; et, quand j'ai Ă©tĂ© couchĂ©e, je l'ai tant rĂ©pĂ©tĂ©e, que je ne songeais pas Ă dormir. DĂšs que je fermais les yeux, je le voyais lĂ , qui me disait lui-mĂÂȘme tout ce que je venais de lire. Je ne me suis endormie que bien tard; et aussitĂÂŽt que je me suis rĂ©veillĂ©e il Ă©tait encore de bien bonne heure, j'ai Ă©tĂ© reprendre sa Lettre pour la relire Ă mon aise. Je l'ai emportĂ©e dans mon lit, et puis je l'ai baisĂ©e comme si... C'est peut-ĂÂȘtre mal fait de baiser une Lettre comme ça, mais je n'ai pas pu m'en empĂÂȘcher. A prĂ©sent, ma chĂšre amie, si je suis bien aise, je suis aussi bien embarrassĂ©e; car sĂ»rement il ne faut pas que je rĂ©ponde Ă cette Lettre-lĂ . Je sais bien que ça ne se doit pas, et pourtant il me le demande; et, si je ne rĂ©ponds pas, je suis sĂ»re qu'il va encore ĂÂȘtre triste. C'est pourtant bien malheureux pour lui! Qu'est-ce que tu me conseilles? mais tu n'en sais pas plus que moi. J'ai bien envie d'en parler Ă Madame de Merteuil qui m'aime bien. Je voudrais bien le consoler; mais je ne voudrais rien faire qui fĂ»t mal. On nous recommande tant d'avoir bon cĂ âur! et puis on nous dĂ©fend de suivre ce qu'il inspire, quand c'est pour un homme! ĂâĄa n'est pas juste non plus. Est-ce qu'un homme n'est pas notre prochain comme une femme, et plus encore? car enfin n'a-t-on pas son pĂšre comme sa mĂšre, son frĂšre comme sa sĂ âur? il reste toujours le mari de plus. Cependant si j'allais faire quelque chose qui ne fĂ»t pas bien, peut-ĂÂȘtre que M. Danceny lui-mĂÂȘme n'aurait plus bonne idĂ©e de moi! Oh! ça, par exemple, j'aime encore mieux qu'il soit triste. Et puis, enfin, je serai toujours Ă temps. Parce qu'il a Ă©crit hier, je ne suis pas obligĂ©e d'Ă©crire aujourd'hui aussi bien je verrai Madame de Merteuil ce soir, et si j'en ai le courage, je lui conterai tout. En ne faisant que ce qu'elle me dira, je n'aurai rien Ă me reprocher. Et puis peut-ĂÂȘtre me dira-t-elle que je peux lui rĂ©pondre un peu, pour qu'il ne soit pas si triste! Oh! je suis bien en peine. Adieu, ma bonne amie. Dis-moi toujours ce que tu penses. De ..., ce 19 aoĂ»t 17** LETTRE XVII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Avant de me livrer, Mademoiselle, dirai-je au plaisir ou au besoin de vous Ă©crire, je commence par vous supplier de m'entendre. Je sens que pour oser vous dĂ©clarer mes sentiments, j'ai besoin d'indulgence; si je ne voulais que les justifier, elle me serait inutile. Que vais-je faire aprĂšs tout que vous montrer mon ouvrage? Et qu'ai-je Ă vous dire, que mes regards, mon embarras, ma conduite et mĂÂȘme mon silence ne vous aient dit avant moi? Eh! pourquoi vous fĂÂącheriez-vous d'un sentiment que vous avez fait naĂtre? EmanĂ© de vous, sans doute il est digne de vous ĂÂȘtre offert; s'il est brĂ»lant comme mon ĂÂąme, il est pur comme la vĂÂŽtre. Serait-ce un crime d'avoir su apprĂ©cier votre charmante figure, vos talents sĂ©ducteurs, vos grĂÂąces enchanteresses, et cette touchante candeur qui ajoute un prix inestimable Ă des qualitĂ©s dĂ©jĂ si prĂ©cieuses? non, sans doute; mais, sans ĂÂȘtre coupable, on peut ĂÂȘtre malheureux; et c'est le sort qui m'attend, si vous refusez d'agrĂ©er mon hommage. C'est le premier que mon cĂ âur ait offert. Sans vous je serais encore, non pas heureux, mais tranquille. Je vous ai vue; le repos a fui loin de moi, et mon bonheur est incertain. Cependant vous vous Ă©tonnez de ma tristesse; vous m'en demandez la cause quelquefois mĂÂȘme j'ai cru voir qu'elle vous affligeait. Ah! dites un mot, et ma fĂ©licitĂ© sera votre ouvrage. Mais, avant de prononcer, songez qu'un mot peut aussi combler mon malheur. Soyez donc l'arbitre de ma destinĂ©e. Par vous je vais ĂÂȘtre Ă©ternellement heureux ou malheureux. En quelles mains plus chĂšres puis-je remettre un intĂ©rĂÂȘt plus grand? Je finirai, comme j'ai commencĂ©, par implorer votre indulgence. Je vous ai demandĂ© de m'entendre; j'oserai plus; je vous prierai de me rĂ©pondre. Le refuser, serait me laisser croire que vous vous trouvez offensĂ©e, et mon cĂ âur m'est garant que mon respect Ă©gale mon amour. P-S. Vous pouvez vous servir, pour me rĂ©pondre, du mĂÂȘme moyen dont je me sers pour vous faire parvenir cette Lettre; il me paraĂt Ă©galement sĂ»r et commode. De ..., ce 18 aoĂ»t 17** LETTRE XVIII CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Quoi! Sophie, tu blĂÂąmes d'avance ce que je vais faire! J'avais dĂ©jĂ bien assez d'inquiĂ©tudes; voilĂ que tu les augmentes encore. Il est clair, dis-tu, que je ne dois pas rĂ©pondre. Tu en parles bien Ă ton aise; et d'ailleurs, tu ne sais pas au juste ce qui en est tu n'es pas lĂ pour voir. Je suis sĂ»re que si tu Ă©tais Ă ma place, tu ferais comme moi. SĂ»rement, en gĂ©nĂ©ral, on ne doit pas rĂ©pondre; et tu as bien vu, par ma Lettre d'hier, que je ne le voulais pas non plus mais c'est que je ne crois pas que personne se soit jamais trouvĂ© dans le cas oĂÂč je suis. Et encore ĂÂȘtre obligĂ©e de me dĂ©cider toute seule! Madame de Merteuil, que je comptais voir hier au soir, n'est pas venue. Tout s'arrange contre moi c'est elle qui est cause que je le connais. C'est presque toujours avec elle que je l'ai vu que je lui ai parlĂ©. Ce n'est pas que je lui en veuille du mal mais elle me laisse lĂ au moment de l'embarras. Oh! je suis bien Ă plaindre! Figure-toi qu'il est venu hier comme Ă l'ordinaire. J'Ă©tais si troublĂ©e que je n'osais le regarder. Il ne pouvait pas me parler, parce que Maman Ă©tait lĂ . Je me doutais bien qu'il serait fĂÂąchĂ©, quand il verrait que je ne lui avais pas Ă©crit. Je ne savais quelle contenance faire. Un instant aprĂšs il me demanda si je voulais qu'il allĂÂąt chercher ma harpe. Le cĂ âur me battait si fort, que ce fut tout ce que je pus faire que de rĂ©pondre qu'oui. Quand il revint, c'Ă©tait bien pis. Je ne le regardai qu'un petit moment. Il ne me regardait pas, lui; mais il avait un air qu'on aurait dit qu'il Ă©tait malade. ĂâĄa me faisait bien de la peine. Il se mit Ă accorder ma harpe, et aprĂšs, en me l'apportant, il me dit " Ah! Mademoiselle! " Il ne me dit que ces deux mots-lĂ ; mais c'Ă©tait d'un ton que j'en fus toute bouleversĂ©e. Je prĂ©ludais sur ma harpe, sans savoir ce que je faisais. Maman demanda si nous ne chanterions pas. Lui s'excusa, en disant qu'il Ă©tait un peu malade; et moi, qui n'avais pas d'excuse, il me fallut chanter. J'aurais voulu n'avoir jamais eu de voix. Je choisis exprĂšs un air que je ne savais pas; car j'Ă©tais bien sĂ»re que je ne pourrais en chanter aucun, et on se serait aperçu de quelque chose. Heureusement il vint une visite; et, dĂšs que j'entendis entrer un carrosse, je cessai, et le priai de reporter ma harpe. J'avais bien peur qu'il ne s'en allĂÂąt en mĂÂȘme temps; mais il revint. Pendant que Maman et cette Dame qui Ă©tait venue causaient ensemble, je voulus le regarder encore un petit moment. Je rencontrai ses yeux, et il me fut impossible de dĂ©tourner les miens. Un moment aprĂšs je vis ses larmes couler, et il fut obligĂ© de se retourner pour n'ĂÂȘtre pas vu. Pour le coup, je ne pus y tenir; je sentis que j'allais pleurer aussi. Je sortis, et tout de suite j'Ă©crivis avec un crayon, sur un chiffon de papier " Ne soyez donc pas si triste, je vous en prie; je promets de vous rĂ©pondre. " SĂ»rement, tu ne peux pas dire qu'il y ait du mal Ă cela; et puis c'Ă©tait plus fort que moi. Je mis mon papier aux cordes de ma harpe, comme sa Lettre Ă©tait, et je revins dans le salon. Je me sentais plus tranquille. Il me tardait bien que cette Dame s'en fĂ»t. Heureusement, elle Ă©tait en visite; elle s'en alla bientĂÂŽt aprĂšs. AussitĂÂŽt qu'elle fut sortie, je dis que je voulais reprendre ma harpe, et je le priai de l'aller chercher. Je vis bien, Ă son air, qu'il ne se doutait de rien. Mais au retour, oh! comme il Ă©tait content! En posant ma harpe vis-Ă -vis de moi, il se plaça de façon que Maman ne pouvait voir, et il prit ma main qu'il serra, mais d'une façon! ce ne fut qu'un moment mais je ne saurais te dire le plaisir que ça m'a fait. Je la retirai pourtant; ainsi je n'ai rien Ă me reprocher. A prĂ©sent, ma bonne amie, tu vois bien que je ne peux pas me dispenser de lui Ă©crire, puisque je le lui ai promis; et puis, je n'irai pas lui refaire du chagrin; car j'en souffre plus que lui. Si c'Ă©tait pour quelque chose de mal, sĂ»rement je ne le ferais pas. Mais quel mal peut-il y avoir Ă Ă©crire, surtout quand c'est pour empĂÂȘcher quelqu'un d'ĂÂȘtre malheureux? Ce qui m'embarrasse, c'est que je ne saurai pas bien faire ma Lettre mais il sentira bien que ce n'est pas ma faute; et puis je suis sĂ»re que rien que de ce qu'elle sera de moi, elle lui fera toujours plaisir. Adieu, ma chĂšre amie. Si tu trouves que j'ai tort, dis-le-moi; mais je ne crois pas. A mesure que le moment de lui Ă©crire approche, mon cĂ âur bat que ça ne se conçoit pas. Il le faut pourtant bien, puisque je l'ai promis. Adieu. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Vous Ă©tiez si triste, hier, Monsieur, et cela me faisait tant de peine, que je me suis laissĂ©e aller Ă vous promettre de rĂ©pondre Ă la Lettre que vous m'avez Ă©crite. Je n'en sens pas moins aujourd'hui que je ne le dois pas pourtant, comme je l'ai promis, je ne veux pas manquer Ă ma parole, et cela doit bien vous prouver l'amitiĂ© que j'ai pour vous. A prĂ©sent que vous le savez, j'espĂšre que vous ne me demanderez pas de vous Ă©crire davantage. J'espĂšre aussi que vous ne direz Ă personne que je vous ai Ă©crit; parce que sĂ»rement on m'en blĂÂąmerait, et que cela pourrait me causer bien du chagrin. J'espĂšre surtout que vous-mĂÂȘme n'en prendrez pas mauvaise idĂ©e de moi, ce qui me ferait plus de peine que tout. Je peux bien vous assurer que je n'aurais pas eu cette complaisance-lĂ pour tout autre que vous. Je voudrais bien que vous eussiez celle de ne plus ĂÂȘtre triste comme vous Ă©tiez; ce qui m'ĂÂŽte tout le plaisir que j'ai Ă vous voir. Vous voyez, Monsieur, que je vous parle bien sincĂšrement. Je ne demande pas mieux que notre amitiĂ© dure toujours; mais, je vous en prie, ne m'Ă©crivez plus. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, CĂ©cile Volanges De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XX LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Ah! fripon, vous me cajolez, de peur que je ne me moque de vous! Allons, je vous fais grĂÂące vous m'Ă©crivez tant de folies, qu'il faut bien que je vous pardonne la sagesse oĂÂč vous tient votre PrĂ©sidente. Je ne crois pas que mon Chevalier eĂ»t autant d'indulgence que moi; il serait homme Ă ne pas approuver notre renouvellement de bail, et Ă ne rien trouver de plaisant dans votre folle idĂ©e. J'en ai pourtant bien ri, et j'Ă©tais vraiment fĂÂąchĂ©e d'ĂÂȘtre obligĂ©e d'en rire toute seule. Si vous eussiez Ă©tĂ© lĂ , je ne sais oĂÂč m'aurait menĂ©e cette gaietĂ© mais j'ai eu le temps de la rĂ©flexion et je me suis armĂ©e de sĂ©vĂ©ritĂ©. Ce n'est pas que je refuse pour toujours; mais je diffĂšre, et j'ai raison. J'y mettrais peut-ĂÂȘtre de la vanitĂ©, et, une fois piquĂ©e au jeu, on ne sait plus oĂÂč l'on s'arrĂÂȘte. Je serais femme Ă vous enchaĂner de nouveau, Ă vous faire oublier votre PrĂ©sidente; et si j'allais, moi indigne, vous dĂ©goĂ»ter de la vertu, voyez quel scandale! Pour Ă©viter ce danger, voici mes conditions. AussitĂÂŽt que vous aurez eu votre belle DĂ©vote, que vous pourrez m'en fournir une preuve, venez, et je suis Ă vous. Mais vous n'ignorez pas que dans les affaires importantes, on ne reçoit de preuves que par Ă©crit. Par cet arrangement, d'une part, je deviendrai une rĂ©compense au lieu d'ĂÂȘtre une consolation; et cette idĂ©e me plaĂt davantage de l'autre votre succĂšs en sera plus piquant, en devenant lui-mĂÂȘme un moyen d'infidĂ©litĂ©. Venez donc, venez au plus tĂÂŽt m'apporter le gage de votre triomphe semblable Ă nos preux Chevaliers qui venaient dĂ©poser aux pieds de leur Dame les fruits brillants de leur victoire. SĂ©rieusement, je suis curieuse de savoir ce que peut Ă©crire une Prude aprĂšs un tel moment, et quel voile elle met sur ses discours, aprĂšs n'en avoir plus laissĂ© sur sa personne. C'est Ă vous de voir si je me mets Ă un prix trop haut; mais je vous prĂ©viens qu'il n'y a rien Ă rabattre. Jusque-lĂ , mon cher Vicomte, vous trouverez bon que je reste fidĂšle Ă mon Chevalier, et que je m'amuse Ă le rendre heureux, malgrĂ© le petit chagrin que cela vous cause. Cependant si j'avais moins de mĂ âurs, je crois qu'il aurait, dans ce moment, un rival dangereux; c'est la petite Volanges. Je raffole de cet enfant c'est une vraie passion. Ou je me trompe, ou elle deviendra une de nos femmes les plus Ă la mode. Je vois son petit cĂ âur se dĂ©velopper, et c'est un spectacle ravissant. Elle aime dĂ©jĂ son Danceny avec fureur; mais elle n'en sait encore rien. Lui- mĂÂȘme, quoique trĂšs amoureux, a encore la timiditĂ© de son ĂÂąge, et n'ose pas trop le lui apprendre. Tous deux sont en adoration vis-Ă -vis de moi. La petite surtout a grande envie de me dire son secret; particuliĂšrement depuis quelques jours je l'en vois vraiment oppressĂ©e et je lui aurais rendu un grand service de l'aider un peu mais je n'oublie pas que c'est un enfant, et je ne veux pas me compromettre. Danceny m'a parlĂ© un peu plus clairement; mais, pour lui, mon parti est pris, je ne veux pas l'entendre. Quant Ă la petite, je suis souvent tentĂ©e d'en faire mon Ă©lĂšve; c'est un service que j'ai envie de rendre Ă Gercourt. Il me laisse du temps, puisque le voilĂ en Corse jusqu'au mois d'Octobre. J'ai dans l'idĂ©e que j'emploierai ce temps-lĂ , et que nous lui donnerons une femme toute formĂ©e, au lieu de son innocente Pensionnaire. Quelle est donc en effet l'insolente sĂ©curitĂ© de cet homme, qui ose dormir tranquille, tandis qu'une femme, qui a Ă se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengĂ©e? Tenez, si la petite Ă©tait ici dans ce moment, je ne sais ce que je ne lui dirais pas. Adieu, Vicomte; bonsoir et bon succĂšs mais, pour Dieu, avancez donc. Songez que si vous n'avez pas cette femme, les autres rougiront de vous avoir eu. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Enfin, ma belle amie, j'ai fait un pas en avant, mais un grand pas; et qui, s'il ne m'a pas conduit jusqu'au but, m'a fait connaĂtre au moins que je suis dans la route, et a dissipĂ© la crainte oĂÂč j'Ă©tais de m'ĂÂȘtre Ă©garĂ©. J'ai enfin dĂ©clarĂ© mon amour; et quoiqu'on ait gardĂ© le silence le plus obstinĂ©, j'ai obtenu la rĂ©ponse peut-ĂÂȘtre la moins Ă©quivoque et la plus flatteuse mais n'anticipons pas sur les Ă©vĂ©nements, et reprenons plus haut. Vous vous souvenez qu'on faisait Ă©pier mes dĂ©marches. Eh bien! j'ai voulu que ce moyen scandaleux tournĂÂąt Ă l'Ă©dification publique, et voici ce que j'ai fait. J'ai chargĂ© mon confident de me trouver, dans les environs, quelque malheureux qui eĂ»t besoin de secours. Cette commission n'Ă©tait pas difficile Ă remplir. Hier aprĂšs-midi, il me rendit compte qu'on devait saisir aujourd'hui, dans la matinĂ©e, les meubles d'une famille entiĂšre qui ne pouvait payer la taille. Je m'assurai qu'il n'y eĂ»t dans cette maison aucune fille ou femme dont l'ĂÂąge ou la figure pussent rendre mon action suspecte; et, quand je fus bien informĂ©, je dĂ©clarai Ă souper mon projet d'aller Ă la chasse le lendemain. Ici je dois rendre justice Ă ma PrĂ©sidente sans doute elle eut quelques remords des ordres qu'elle avait donnĂ©s; et, n'ayant pas la force de vaincre sa curiositĂ©, elle eut au moins celle de contrarier mon dĂ©sir. Il devait faire une chaleur excessive; je risquais de me rendre malade; je ne tuerais rien et me fatiguerais en vain; et, pendant ce dialogue, ses yeux, qui parlaient peut-ĂÂȘtre mieux qu'elle ne voulait, me faisaient assez connaĂtre qu'elle dĂ©sirait que je prisse pour bonnes ces mauvaises raisons. Je n'avais garde de m'y rendre, comme vous pouvez croire, et je rĂ©sistai de mĂÂȘme Ă une petite diatribe contre la chasse et les Chasseurs, et Ă un petit nuage d'humeur qui obscurcit, toute la soirĂ©e, cette figure cĂ©leste. Je craignis un moment que ses ordres ne fussent rĂ©voquĂ©s, et que sa dĂ©licatesse ne me nuisĂt. Je ne calculais pas la curiositĂ© d'une femme; aussi me trompais- je. Mon Chasseur me rassura dĂšs le soir mĂÂȘme, et je me couchai satisfait. Au point du jour je me lĂšve et je pars. A peine Ă cinquante pas du ChĂÂąteau, j'aperçois mon espion qui me suit. J'entre en chasse, et marche Ă travers champs vers le Village oĂÂč je voulais me rendre; sans autre plaisir, dans ma route, que de faire courir le drĂÂŽle qui me suivait, et qui, n'osant pas quitter les chemins, parcourait souvent, Ă toute course, un espace triple du mien. A force de l'exercer, j'ai eu moi-mĂÂȘme une extrĂÂȘme chaleur, et je me suis assis au pied d'un arbre. N'a-t-il pas eu l'insolence de se couler derriĂšre un buisson qui n'Ă©tait pas Ă vingt pas de moi, et de s'y asseoir aussi? J'ai Ă©tĂ© tentĂ© un moment de lui envoyer mon coup de fusil, qui, quoique de petit plomb seulement, lui aurait donnĂ© une leçon suffisante sur les dangers de la curiositĂ© heureusement pour lui, je me suis ressouvenu qu'il Ă©tait utile et mĂÂȘme nĂ©cessaire Ă mes projets; cette rĂ©flexion l'a sauvĂ©. Cependant j'arrive au Village; je vois de la rumeur; je m'avance j'interroge; on me raconte le fait. Je fais venir le Collecteur; et, cĂ©dant Ă ma gĂ©nĂ©reuse compassion, je paie noblement cinquante-six livres, pour lesquelles on rĂ©duisait cinq personnes Ă la paille et au dĂ©sespoir. AprĂšs cette action si simple, vous n'imaginez pas quel chĂ âur de bĂ©nĂ©dictions retentit autour de moi de la part des assistants! Quelles larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et embellissaient cette figure de Patriarche, qu'un moment auparavant l'empreinte farouche du dĂ©sespoir rendait vraiment hideuse! J'examinais ce spectacle, lorsqu'un autre paysan, plus jeune, conduisant par la main une femme et deux enfants, et s'avançant vers moi Ă pas prĂ©cipitĂ©s, leur dit " Tombons tous aux pieds de cette image de Dieu " , et dans le mĂÂȘme instant, j'ai Ă©tĂ© entourĂ© de cette famille, prosternĂ©e Ă mes genoux. J'avouerai ma faiblesse; mes yeux se sont mouillĂ©s de larmes, et j'ai senti en moi un mouvement involontaire, mais dĂ©licieux. J'ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© du plaisir qu'on Ă©prouve en faisant le bien; et je serais tentĂ© de croire que ce que nous appelons les gens vertueux n'ont pas tant de mĂ©rite qu'on se plaĂt Ă nous le dire. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvĂ© juste de payer Ă ces pauvres gens le plaisir qu'ils venaient de me faire. J'avais pris dix louis sur moi; je les leur ai donnĂ©s. Ici ont recommencĂ© les remerciements, mais ils n'avaient plus ce mĂÂȘme degrĂ© de pathĂ©tique le nĂ©cessaire avait produit le grand, le vĂ©ritable effet; le reste n'Ă©tait qu'une simple expression de reconnaissance et d'Ă©tonnement pour des dons superflus. Cependant, au milieu des bĂ©nĂ©dictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au HĂ©ros d'un Drame, dans la scĂšne du dĂ©nouement. Vous remarquerez que dans cette foule Ă©tait surtout le fidĂšle espion. Mon but Ă©tait rempli je me dĂ©gageai d'eux tous, et regagnai le ChĂÂąteau. Tout calculĂ©, je me fĂ©licite de mon invention. Cette femme vaut bien sans doute que je me donne tant de soins; ils seront un jour mes titres auprĂšs d'elle; et l'ayant, en quelque sorte, ainsi payĂ©e d'avance, j'aurai le droit d'en disposer Ă ma fantaisie, sans avoir de reproche Ă me faire. J'oubliais de vous dire que pour mettre tout Ă profit, j'ai demandĂ© Ă ces bonnes gens de prier Dieu pour le succĂšs de mes projets. Vous allez voir si dĂ©jĂ leurs priĂšres n'ont pas Ă©tĂ© en partie exaucĂ©es... Mais on m'avertit que le souper est servi, et il serait trop tard pour que cette Lettre partĂt si je ne la fermais qu'en me retirant. Ainsi, le reste Ă l'ordinaire prochain . J'en suis fĂÂąchĂ©, car le reste est le meilleur. Adieu, ma belle amie. Vous me volez un moment du plaisir de la voir. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaĂtre un trait de M. de Valmont, qui contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous l'a reprĂ©sentĂ©. Il est si pĂ©nible de penser dĂ©savantageusement de qui que ce soit, si fĂÂącheux de ne trouver que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualitĂ©s nĂ©cessaires pour faire aimer la vertu! Enfin vous aimez tant Ă user d'indulgence, que c'est vous obliger que de vous donner des motifs de revenir sur un jugement trop rigoureux. M. de Valmont me paraĂt fondĂ© Ă espĂ©rer cette faveur, je dirais presque cette justice; et voici sur quoi je le pense. Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de sa part dans les environs, comme l'idĂ©e vous en Ă©tait venue; idĂ©e que je m'accuse d'avoir saisie peut-ĂÂȘtre avec trop de vivacitĂ©. Heureusement pour lui, et surtout heureusement pour nous, puisque cela nous sauve d'ĂÂȘtre injustes, un de mes gens devait aller du mĂÂȘme cĂÂŽtĂ© que lui [Madame de Tourvel n'ose donc pas dire que c'Ă©tait par son ordre?]; et c'est par lĂ que ma curiositĂ© rĂ©prĂ©hensible, mais heureuse, a Ă©tĂ© satisfaite. Il nous a rapportĂ© que M. de Valmont, ayant trouvĂ© au Village de ... une malheureuse famille dont on vendait les meubles, faute d'avoir pu payer les impositions, non seulement s'Ă©tait empressĂ© d'acquitter la dette de ces pauvres gens, mais mĂÂȘme leur avait donnĂ© une somme d'argent assez considĂ©rable. Mon Domestique a Ă©tĂ© tĂ©moin de cette vertueuse action; et il m'a rapportĂ© de plus que les paysans, causant entre eux et avec lui, avaient dit qu'un Domestique, qu'ils ont dĂ©signĂ©, et que le mien croit ĂÂȘtre celui de M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du Village qui pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce n'est mĂÂȘme plus seulement une compassion passagĂšre, et que l'occasion dĂ©termine c'est le projet formĂ© de faire du bien; c'est la sollicitude de la bienfaisance; c'est la plus belle vertu des plus belles ĂÂąmes; mais, soit hasard ou projet, c'est toujours une action honnĂÂȘte et louable, et dont le seul rĂ©cit m'a attendrie jusqu'aux larmes. J'ajouterai de plus, et toujours par justice, que quand je lui ai parlĂ© de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencĂ© par s'en dĂ©fendre, et a eu l'air d'y mettre si peu de valeur lorsqu'il en est convenu, que sa modestie en doublait le mĂ©rite. A prĂ©sent, dites-moi, ma respectable amie, si M. de Valmont est en effet un libertin sans retour? S'il n'est que cela et se conduit ainsi, que restera-t-il aux gens honnĂÂȘtes? Quoi! les mĂ©chants partageraient-ils avec les bons le plaisir sacrĂ© de la bienfaisance? Dieu permettrait-il qu'une famille vertueuse reçût, de la main d'un scĂ©lĂ©rat, des secours dont elle rendrait grĂÂące Ă sa divine Providence? et pourrait-il se plaire Ă entendre des bouches pures rĂ©pandre leurs bĂ©nĂ©dictions sur un rĂ©prouvĂ©? Non. J'aime mieux croire que des erreurs, pour ĂÂȘtre longues, ne sont pas Ă©ternelles; et je ne puis penser que celui qui fait du bien soit l'ennemi de la vertu. M. de Valmont n'est peut-ĂÂȘtre qu'un exemple de plus du danger des liaisons. Je m'arrĂÂȘte Ă cette idĂ©e qui me plaĂt. Si, d'une part, elle peut servir Ă le justifier dans votre esprit, de l'autre, elle me rend de plus en plus prĂ©cieuse l'amitiĂ© tendre qui m'unit Ă vous pour la vie. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Madame de Rosemonde et moi nous allons, dans l'instant, voir aussi l'honnĂÂȘte et malheureuse famille, et joindre nos secours tardifs Ă ceux de M. de Valmont. Nous le mĂšnerons avec nous. Nous donnerons au moins Ă ces bonnes gens le plaisir de revoir leur bienfaiteur; c'est, je crois, tout ce qu'il nous a laissĂ© Ă faire. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Nous en sommes restĂ©s Ă mon retour au ChĂÂąteau je reprends mon rĂ©cit. Je n'eus que le temps de faire une courte toilette, et je me rendis au salon, oĂÂč ma Belle faisait de la tapisserie, tandis que le CurĂ© du lieu lisait la Gazette Ă ma vieille tante. J'allai m'asseoir auprĂšs du mĂ©tier. Des regards, plus doux encore que de coutume, et presque caressants, me firent bientĂÂŽt deviner que le Domestique avait dĂ©jĂ rendu compte de sa mission. En effet, mon aimable Curieuse ne put garder plus longtemps le secret qu'elle m'avait dĂ©robĂ©; et, sans crainte d'interrompre un vĂ©nĂ©rable Pasteur dont le dĂ©bit ressemblait pourtant Ă celui d'un prĂÂŽne " J'ai bien aussi ma nouvelle Ă dĂ©biter " , dit-elle; et tout de suite elle raconta mon aventure avec une exactitude qui faisait honneur Ă l'intelligence de son Historien. Vous jugez comme je dĂ©ployai toute ma modestie mais qui pourrait arrĂÂȘter une femme qui fait, sans s'en douter, l'Ă©loge de ce qu'elle aime? Je pris donc le parti de la laisser aller. On eĂ»t dit qu'elle prĂÂȘchait le panĂ©gyrique d'un Saint. Pendant ce temps, j'observais, non sans espoir, tout ce que promettaient Ă l'Amour son regard animĂ©, son geste devenu plus libre, et surtout ce son de voix qui, par son altĂ©ration dĂ©jĂ sensible, trahissait l'Ă©motion de son ĂÂąme. A peine elle finissait de parler " Venez, mon neveu, me dit Madame de Rosemonde; venez, que je vous embrasse. " Je sentis aussitĂÂŽt que la jolie PrĂÂȘcheuse ne pourrait se dĂ©fendre d'ĂÂȘtre embrassĂ©e Ă son tour. Cependant elle voulut fuir; mais elle fut bientĂÂŽt dans mes bras; et, loin d'avoir la force de rĂ©sister, Ă peine lui restait-il celle de se soutenir. Plus j'observe cette femme, et plus elle me paraĂt dĂ©sirable. Elle s'empressa de retourner Ă son mĂ©tier, et eut l'air, pour tout le monde, de recommencer sa tapisserie; mais moi, je m'aperçus bien que sa main tremblante ne lui permettait pas de continuer son ouvrage. AprĂšs le dĂner, les Dames voulurent aller voir les infortunĂ©s que j'avais si pieusement secourus; je les accompagnai. Je vous sauve l'ennui de cette seconde scĂšne de reconnaissance et d'Ă©loges. Mon cĂ âur, pressĂ© d'un souvenir dĂ©licieux, hĂÂąte le moment du retour au ChĂÂąteau. Pendant la route, ma belle PrĂ©sidente, plus rĂÂȘveuse qu'Ă l'ordinaire, ne disait pas un mot. Tout occupĂ© de trouver les moyens de profiter de l'effet qu'avait produit l'Ă©vĂ©nement du jour, je gardais le mĂÂȘme silence. Madame de Rosemonde seule parlait et n'obtenait de nous que des rĂ©ponses courtes et rares. Nous dĂ»mes l'ennuyer; j'en avais le projet, et il rĂ©ussit. Aussi, en descendant de voiture, elle passa dans son appartement, et nous laissa tĂÂȘte Ă tĂÂȘte ma Belle et moi, dans un salon mal Ă©clairĂ©; obscuritĂ© douce, qui enhardit l'Amour timide. Je n'eus pas la peine de diriger la conversation oĂÂč je voulais la conduire. La ferveur de l'aimable PrĂÂȘcheuse me servit mieux que n'aurait pu faire mon adresse, " Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrĂÂȘtant sur moi son doux regard comment passe-t-on sa vie Ă mal faire? - Je ne mĂ©rite, lui rĂ©pondis-je, ni cet Ă©loge, ni cette censure; et je ne conçois pas qu'avec autant d'esprit que vous en avez, vous ne m'ayez pas encore devinĂ©. DĂ»t ma confiance me nuire auprĂšs de vous, vous en ĂÂȘtes trop digne, pour qu'il me soit possible de vous la refuser. Vous trouverez la clef de ma conduite dans un caractĂšre malheureusement trop facile. EntourĂ© de gens sans mĂ âurs, j'ai imitĂ© leurs vices; j'ai peut-ĂÂȘtre mis de l'Amour propre Ă les surpasser. SĂ©duit de mĂÂȘme ici par l'exemple des vertus, sans espĂ©rer de vous atteindre, j'ai au moins essayĂ© de vous suivre. Eh! peut-ĂÂȘtre l'action dont vous me louez aujourd'hui perdrait- elle tout son prix Ă vos yeux, si vous en connaissiez le vĂ©ritable motif! Vous voyez, ma belle amie, combien j'Ă©tais prĂšs de la vĂ©ritĂ©. Ce n'est pas Ă moi, continuai-je, que ces malheureux ont dĂ» mes secours. OĂÂč vous croyez voir une action louable, je ne cherchais qu'un moyen de plaire. Je n'Ă©tais, puisqu'il faut le dire, que le faible agent de la DivinitĂ© que j'adore. Ici elle voulut m'interrompre; mais je ne lui en donnai pas le temps. Dans ce moment mĂÂȘme, ajoutai-je, mon secret ne m'Ă©chappe que par faiblesse. Je m'Ă©tais promis de vous le taire; je me faisais un bonheur de rendre Ă vos vertus comme Ă vos appas un hommage pur que vous ignoreriez toujours; mais, incapable de tromper, quand j'ai sous les yeux l'exemple de la candeur, je n'aurai point Ă me reprocher avec vous une dissimulation coupable. Ne croyez pas que je vous outrage par une criminelle espĂ©rance. Je serai malheureux, je le sais; mais mes souffrances me seront chĂšres; elles me prouveront l'excĂšs de mon amour; c'est Ă vos pieds, c'est dans votre sein que je dĂ©poserai mes peines. J'y puiserai des forces pour souffrir de nouveau; j'y trouverai la bontĂ© compatissante, et je me croirai consolĂ©, parce que vous m'aurez plaint. Ăâ vous que j'adore! Ă©coutez-moi, plaignez-moi, secourez-moi! " Cependant j'Ă©tais Ă ses genoux, et je serrais ses mains dans les miennes mais elle, les dĂ©gageant tout Ă coup, et les croisant sur ses yeux avec l'expression du dĂ©sespoir " Ah! malheureuse! " s'Ă©cria-t-elle; puis elle fondit en larmes. Par bonheur je m'Ă©tais livrĂ© Ă tel point, que je pleurais aussi; et, reprenant ses mains, je les baignais de pleurs. Cette prĂ©caution Ă©tait bien nĂ©cessaire; car elle Ă©tait si occupĂ©e de sa douleur, qu'elle ne se serait pas aperçue de la mienne, si je n'avais pas trouvĂ© ce moyen de l'en avertir. J'y gagnai de plus de considĂ©rer Ă loisir cette charmante figure, embellie encore par l'attrait puissant des larmes. Ma tĂÂȘte s'Ă©chauffait, et j'Ă©tais si peu maĂtre de moi, que je fus tentĂ© de profiter de ce moment. Quelle est donc notre faiblesse? quel est l'empire des circonstances, si moi- mĂÂȘme, oubliant mes projets, j'ai risquĂ© de perdre, par un triomphe prĂ©maturĂ©, le charme des longs combats et les dĂ©tails d'une pĂ©nible dĂ©faite; si, sĂ©duit par un dĂ©sir de jeune homme, j'ai pensĂ© exposer le vainqueur de Madame de Tourvel Ă ne recueillir, pour fruit de ses travaux, que l'insipide avantage d'avoir eu une femme de plus! Ah! qu'elle se rende, mais qu'elle combatte; que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de rĂ©sister; qu'elle savoure Ă loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte d'avouer sa dĂ©faite. Laissons le Braconnier obscur tuer Ă l'affĂ»t le cerf qu'il a surpris; le vrai Chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n'est-ce pas? mais peut-ĂÂȘtre serai-je Ă prĂ©sent au regret de ne l'avoir pas suivi, si le hasard ne fĂ»t venu au secours de ma prudence. Nous entendĂmes du bruit. On venait au salon. Madame de Tourvel, effrayĂ©e, se leva prĂ©cipitamment, se saisit d'un des flambeaux, et sortit. Il fallut bien la laisser faire. Ce n'Ă©tait qu'un Domestique. AussitĂÂŽt que j'en fus assurĂ©, je la suivis. A peine eus-je fait quelques pas, que, soit qu'elle me reconnĂ»t, soit un sentiment vague d'effroi, je l'entendis prĂ©cipiter sa marche, et se jeter plutĂÂŽt qu'entrer dans son appartement dont elle ferma la porte sur elle. J'y allai; mais la clef Ă©tait en dedans. Je me gardai bien de frapper; c'eĂ»t Ă©tĂ© lui fournir l'occasion d'une rĂ©sistance trop facile. J'eus l'heureuse et simple idĂ©e de tenter de voir Ă travers la serrure, et je vis en effet cette femme adorable Ă genoux, baignĂ©e de larmes, et priant avec ferveur. Quel Dieu osait-elle invoquer? en est-il d'assez puissant contre l'Amour? En vain cherche-t-elle Ă prĂ©sent des secours Ă©trangers c'est moi qui rĂ©glerai son sort. Croyant en avoir assez fait pour un jour, je me retirai aussi dans mon appartement et me mis Ă vous Ă©crire. J'espĂ©rais la revoir au souper; mais elle fit dire qu'elle s'Ă©tait trouvĂ©e indisposĂ©e et s'Ă©tait mise au lit. Madame de Rosemonde voulut monter chez elle, mais la malicieuse malade prĂ©texta un mal de tĂÂȘte qui ne lui permettait de voir personne. Vous jugez qu'aprĂšs le souper la veillĂ©e fut courte, et que j'eus aussi mon mal de tĂÂȘte. RetirĂ© chez moi, j'Ă©crivis une longue Lettre pour me plaindre de cette rigueur, et je me couchai, avec le projet de la remettre ce matin. J'ai mal dormi, comme vous pouvez voir par la date de cette Lettre. Je me suis levĂ©, et j'ai relu mon EpĂtre. Je me suis aperçu que je ne m'y Ă©tais pas assez observĂ©, que j'y montrais plus d'ardeur que d'amour, et plus d'humeur que de tristesse. Il faudra la refaire; mais il faudrait ĂÂȘtre plus calme. J'aperçois le point du jour, et j'espĂšre que la fraĂcheur qui l'accompagne m'amĂšnera le sommeil. Je vais me remettre au lit; et, quel que soit l'empire de cette femme, je vous promets de ne pas m'occuper tellement d'elle, qu'il ne me reste le temps de songer beaucoup Ă vous. Adieu, ma belle amie. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc., De ..., ce 21 aoĂ»t 17**, 4 heures du matin. LETTRE XXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Ah! par pitiĂ©, Madame, daignez calmer le trouble de mon ĂÂąme; daignez m'apprendre ce que je dois espĂ©rer ou craindre. PlacĂ© entre l'excĂšs du bonheur et celui de l'infortune, l'incertitude est un tourment cruel. Pourquoi vous ai-je parlĂ©? que n'ai-je pu rĂ©sister au charme impĂ©rieux qui vous livrait mes pensĂ©es? Content de vous adorer en silence, je jouissais au moins de mon amour; et ce sentiment pur, que ne troublait point alors l'image de votre douleur, suffisait Ă ma fĂ©licitĂ© mais cette source de bonheur en est devenue une de dĂ©sespoir, depuis que j'ai vu couler vos larmes; depuis que j'ai entendu ce cruel Ah! malheureuse! Madame, ces deux mots retentiront longtemps dans mon cĂ âur. Par quelle fatalitĂ©, le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi? quelle est donc cette crainte? Ah! ce n'est pas celle de le partager votre cĂ âur, que j'ai mal connu, n'est pas fait pour l'Amour; le mien, que vous calomniez sans cesse, est le seul qui soit sensible; le vĂÂŽtre est mĂÂȘme sans pitiĂ©. S'il n'en Ă©tait pas ainsi, vous n'auriez pas refusĂ© un mot de consolation au malheureux qui vous racontait ses souffrances; vous ne vous seriez pas soustraite Ă ses regards, quand il n'a d'autre plaisir que celui de vous voir; vous ne vous seriez pas fait un jeu cruel de son inquiĂ©tude, en lui faisant annoncer que vous Ă©tiez malade sans lui permettre d'aller s'informer de votre Ă©tat; vous auriez senti que cette mĂÂȘme nuit, qui n'Ă©tait pour vous que douze heures de repos, allait ĂÂȘtre pour lui un siĂšcle de douleurs. Par oĂÂč, dites-moi, ai-je mĂ©ritĂ© cette rigueur dĂ©solante? Je ne crains pas de vous prendre pour juge qu'ai-je donc fait? que cĂ©der Ă un sentiment involontaire, inspirĂ© par la beautĂ© et justifiĂ© par la vertu; toujours contenu par le respect, et dont l'innocent aveu fut l'effet de la confiance et non de l'espoir la trahirez-vous cette confiance que vous-mĂÂȘme avez semblĂ© me permettre, et Ă laquelle je me suis livrĂ© sans rĂ©serve? Non, je ne puis le croire; ce serait vous supposer un tort, et mon cĂ âur se rĂ©volte Ă la seule idĂ©e de vous en trouver un je dĂ©savoue mes reproches; j'ai pu les Ă©crire, mais non pas les penser. Ah! laissez-moi vous croire parfaite, c'est le seul plaisir qui me reste. Prouvez-moi que vous l'ĂÂȘtes en m'accordant vos soins gĂ©nĂ©reux. Quel malheureux avez- vous secouru, qui en eĂ»t autant de besoin que moi? ne m'abandonnez pas dans le dĂ©lire oĂÂč vous m'avez plongĂ© prĂÂȘtez-moi votre raison, puisque vous avez ravi la mienne; aprĂšs m'avoir corrigĂ©, Ă©clairez-moi pour finir votre ouvrage. Je ne veux pas vous tromper, vous ne parviendrez point Ă vaincre mon amour; mais vous m'apprendrez Ă le rĂ©gler en guidant mes dĂ©marches, en dictant mes discours, vous me sauverez au moins du malheur affreux de vous dĂ©plaire. Dissipez surtout cette crainte dĂ©sespĂ©rante; dites-moi que vous me pardonnez, que vous me plaignez; assurez-moi de votre indulgence. Vous n'aurez jamais toute celle que je vous dĂ©sirerais; mais je rĂ©clame celle dont j'ai besoin me la refuserez-vous? Adieu, Madame, recevez avec bontĂ© l'hommage de mes sentiments; il ne nuit point Ă celui de mon respect. De ..., ce 20 aoĂ»t 17** LETTRE XXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Voici le bulletin d'hier. A onze heures j'entrai chez Madame de Rosemonde et, sous ses auspices, je fus introduit chez la feinte malade, qui Ă©tait encore couchĂ©e. Elle avait les yeux trĂšs battus; j'espĂšre qu'elle avait aussi mal dormi que moi. Je saisis un moment, oĂÂč Madame de Rosemonde s'Ă©tait Ă©loignĂ©e, pour remettre ma Lettre on refusa de la prendre; mais je la laissai sur le lit, et allai bien honnĂÂȘtement approcher le fauteuil de ma vieille tante, qui voulait ĂÂȘtre auprĂšs de son cher enfant il fallut bien serrer la Lettre pour Ă©viter le scandale. La malade dit maladroitement qu'elle croyait avoir un peu de fiĂšvre. Madame de Rosemonde m'engagea Ă lui tĂÂąter le pouls, en vantant beaucoup mes connaissances en mĂ©decine. Ma Belle eut donc le double chagrin d'ĂÂȘtre obligĂ©e de me livrer son bras, et de sentir que son petit mensonge allait ĂÂȘtre dĂ©couvert. En effet, je pris sa main que je serrai dans une des miennes, pendant que de l'autre, je parcourais son bras frais et potelĂ©; la malicieuse personne ne rĂ©pondit Ă rien, ce qui me fit dire en me retirant " Il n'y a pas mĂÂȘme la plus lĂ©gĂšre Ă©motion. " Je me doutai que ses regards devaient ĂÂȘtre sĂ©vĂšres, et, pour la punir, je ne les cherchai pas un moment aprĂšs, elle dit qu'elle voulait se lever, et nous la laissĂÂąmes seule. Elle parut au dĂner qui fut triste; elle annonça qu'elle n'irait pas se promener, ce qui Ă©tait me dire que je n'aurais pas l'occasion de lui parler. Je sentis bien qu'il fallait placer lĂ un soupir et un regard douloureux sans doute elle s'y attendait, car ce fut le seul moment de la journĂ©e oĂÂč je parvins Ă rencontrer ses yeux. Toute sage qu'elle est, elle a ses petites ruses comme une autre. Je trouvai le moment de lui demander si elle avait eu la bontĂ© de m'instruire de mon sort , et je fus un peu Ă©tonnĂ© de l'entendre me rĂ©pondre Oui, Monsieur, je vous ai Ă©crit . J'Ă©tais fort empressĂ© d'avoir cette Lettre; mais soit ruse encore, ou maladresse, ou timiditĂ©, elle ne me la remit que le soir, au moment de se retirer chez elle. Je vous l'envoie ainsi que le brouillon de la mienne; lisez et jugez voyez avec quelle insigne faussetĂ© elle affirme qu'elle n'a point d'amour, quand je suis sĂ»r du contraire; et puis elle se plaindra si je la trompe aprĂšs, quand elle ne craint pas de me tromper avant! Ma belle amie, l'homme le plus adroit ne peut encore que se tenir au niveau de la femme la plus vraie. Il faudra pourtant feindre de croire Ă tout ce radotage, et se fatiguer de dĂ©sespoir, parce qu'il plaĂt Ă Madame de jouer la rigueur! Le moyen de ne pas se venger de ces noirceurs-lĂ ... ah! patience... mais adieu. J'ai encore beaucoup Ă Ă©crire. A propos, vous me renverrez la Lettre de l'inhumaine; il se pourrait faire que par la suite elle voulĂ»t qu'on mĂt du prix Ă ces misĂšres-lĂ , et il faut ĂÂȘtre en rĂšgle. Je ne vous parle pas de la petite Volanges; nous en causerons au premier jour. Du ChĂÂąteau, ce 22 aoĂ»t 17** LETTRE XXVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT SĂ»rement, Monsieur, vous n'auriez eu aucune Lettre de moi, si ma sotte conduite d'hier au soir ne me forçait d'entrer aujourd'hui en explication avec vous. Oui, j'ai pleurĂ©, je l'avoue peut-ĂÂȘtre aussi les deux mots que vous me citez avec tant de soin me sont-ils Ă©chappĂ©s; larmes et paroles, vous avez tout remarquĂ©; il faut donc vous expliquer tout. AccoutumĂ©e Ă n'inspirer que des sentiments honnĂÂȘtes, Ă n'entendre que des discours que je puis Ă©couter sans rougir, Ă jouir par consĂ©quent d'une sĂ©curitĂ© que j'ose dire que je mĂ©rite; je ne sais ni dissimuler ni combattre les impressions que j'Ă©prouve. L'Ă©tonnement et l'embarras oĂÂč m'a jetĂ©e votre procĂ©dĂ©; je ne sais quelle crainte, inspirĂ©e par une situation qui n'eĂ»t jamais dĂ» ĂÂȘtre faite pour moi, peut-ĂÂȘtre l'idĂ©e rĂ©voltante de me voir confondue avec les femmes que vous mĂ©prisez, et traitĂ©e aussi lĂ©gĂšrement qu'elles; toutes ces causes rĂ©unies ont provoquĂ© mes larmes, et ont pu me faire dire, avec raison je crois, que j'Ă©tais malheureuse. Cette expression, que vous trouvez si forte, serait sĂ»rement beaucoup trop faible encore, si mes pleurs et mes discours avaient eu un autre motif; si au lieu de dĂ©sapprouver des sentiments qui doivent m'offenser, j'avais pu craindre de les partager. Non, Monsieur, je n'ai pas cette crainte; si je l'avais, je fuirais Ă cent lieues de vous; j'irais pleurer dans un dĂ©sert le malheur de vous avoir connu. Peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme, malgrĂ© la certitude oĂÂč je suis de ne point vous aimer jamais, peut-ĂÂȘtre aurais-je mieux fait de suivre les conseils de mes amis; de ne pas vous laisser approcher de moi. J'ai cru, et c'est lĂ mon seul tort, j'ai cru que vous respecteriez une femme honnĂÂȘte, qui ne demandait pas mieux que de vous trouver tel et de vous rendre justice; qui dĂ©jĂ vous dĂ©fendait, tandis que vous l'outragiez par vos vĂ âux criminels. Vous ne me connaissez pas; non, Monsieur, vous ne me connaissez pas. Sans cela, vous n'auriez pas cru vous faire un droit de vos torts parce que vous m'avez tenu des discours que je ne devais pas entendre, vous ne vous seriez pas cru autorisĂ© Ă m'Ă©crire une Lettre que je ne devais pas lire, et vous me demandez de guider vos dĂ©marches, de dicter vos discours ! HĂ© bien, Monsieur, le silence et l'oubli, voilĂ les conseils qu'il me convient de vous donner, comme Ă vous de les suivre; alors, vous aurez, en effet, des droits Ă mon indulgence il ne tiendrait qu'Ă vous d'en obtenir mĂÂȘme Ă ma reconnaissance... Mais non, je ne ferai point une demande Ă celui qui ne m'a point respectĂ©e; je ne donnerai point une marque de confiance Ă celui qui a abusĂ© de ma sĂ©curitĂ©. Vous me forcez Ă vous craindre, peut-ĂÂȘtre Ă vous haĂÂŻr je ne le voulais pas; je ne voulais voir en vous que le neveu de ma plus respectable amie; j'opposais la voix de l'amitiĂ© Ă la voix publique qui vous accusait. Vous avez tout dĂ©truit; et, je le prĂ©vois, vous ne voudrez rien rĂ©parer. Je m'en tiens, Monsieur, Ă vous dĂ©clarer que vos sentiments m'offensent, que leur aveu m'outrage, et surtout que, loin d'en venir un jour Ă les partager, vous me forceriez Ă ne vous revoir jamais, si vous ne vous imposiez sur cet objet un silence qu'il me semble avoir droit d'attendre, et mĂÂȘme d'exiger de vous. Je joins Ă cette Lettre celle que vous m'avez Ă©crite, et j'espĂšre que vous voudrez bien de mĂÂȘme me remettre celle-ci; je serais vraiment peinĂ©e qu'il restĂÂąt aucune trace d'un Ă©vĂ©nement qui n'eĂ»t jamais dĂ» exister. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 21 aoĂ»t 17** LETTRE XXVII CECILE VOLANGES A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon Dieu, que vous ĂÂȘtes bonne, Madame! comme vous avez bien senti qu'il me serait plus facile de vous Ă©crire que de vous parler! Aussi, c'est que ce que j'ai Ă vous dire est bien difficile; mais vous ĂÂȘtes mon amie, n'est-il pas vrai? Oh! oui, ma bien bonne amie! Je vais tĂÂącher de n'avoir pas peur; et puis, j'ai tant besoin de vous, de vos conseils! J'ai bien du chagrin, il me semble que tout le monde devine ce que je pense; et surtout quand il est lĂ , je rougis dĂšs qu'on me regarde. Hier, quand vous m'avez vue pleurer, c'est que je voulais vous parler, et puis, je ne sais quoi m'en empĂÂȘchait; et quand vous m'avez demandĂ© ce que j'avais, mes larmes sont venues malgrĂ© moi. Je n'aurais pas pu dire une parole. Sans vous, Maman allait s'en apercevoir, et qu'est-ce que je serais devenue? VoilĂ pourtant comme je passe ma vie, surtout depuis quatre jours! C'est ce jour-lĂ , Madame, oui je vais vous le dire, c'est ce jour-lĂ que M. le Chevalier Danceny m'a Ă©crit oh! je vous assure que quand j'ai trouvĂ© sa Lettre, je ne savais pas du tout ce que c'Ă©tait; mais, pour ne pas mentir, je ne peux pas dire que je n'aie eu bien du plaisir en la lisant; voyez- vous, j'aimerais mieux avoir du chagrin toute ma vie, que s'il ne me l'eĂ»t pas Ă©crite. Mais je savais bien que je ne devais pas le lui dire, et je peux bien vous assurer mĂÂȘme que je lui ai dit que j'en Ă©tais fĂÂąchĂ©e; mais il dit que c'Ă©tait plus fort que lui, et je le crois bien; car j'avais rĂ©solu de ne lui pas rĂ©pondre, et pourtant je n'ai pas pu m'en empĂÂȘcher. Oh! je ne lui ai Ă©crit qu'une fois, et mĂÂȘme c'Ă©tait, en partie, pour lui dire de ne plus m'Ă©crire mais malgrĂ© cela il m'Ă©crit toujours; et comme je ne lui rĂ©ponds pas, je vois bien qu'il est triste, et ça m'afflige encore davantage si bien que je ne sais plus que faire, ni que devenir, et que je suis bien Ă plaindre. Dites-moi, je vous en prie, Madame, est-ce que ce serait bien mal de lui rĂ©pondre de temps en temps? seulement jusqu'Ă ce qu'il ait pu prendre sur lui de ne plus m'Ă©crire lui-mĂÂȘme, et de rester comme nous Ă©tions avant car, pour moi, si cela continue, je ne sais pas ce que je deviendrai. Tenez, en lisant sa derniĂšre Lettre, j'ai pleurĂ© que ça ne finissait pas; et je suis bien sĂ»re que si je ne lui rĂ©ponds pas encore, ça nous fera bien de la peine. Je vais vous envoyer sa Lettre aussi, ou bien une copie, et vous jugerez; vous verrez bien que ce n'est rien de mal qu'il demande. Cependant si vous trouvez que ça ne se doit pas, je vous promets de m'en empĂÂȘcher; mais je crois que vous penserez comme moi, que ce n'est pas lĂ du mal. Pendant que j'y suis, Madame, permettez-moi de vous faire encore une question on m'a bien dit que c'Ă©tait mal d'aimer quelqu'un; mais pourquoi cela? Ce qui me fait vous le demander, c'est que M. le Chevalier Danceny prĂ©tend que ce n'est pas mal du tout, et que presque tout le monde aime; si cela Ă©tait, je ne vois pas pourquoi je serais la seule Ă m'en empĂÂȘcher; ou bien est-ce que ce n'est un mal que pour les demoiselles? car j'ai entendu Maman elle-mĂÂȘme dire que Madame D... aimait M. M... et elle n'en parlait pas comme d'une chose qui serait si mal; et pourtant je suis sĂ»re qu'elle se fĂÂącherait contre moi, si elle se doutait seulement de mon amitiĂ© pour M. Danceny. Elle me traite toujours comme un enfant, Maman; et elle ne me dit rien du tout. Je croyais, quand elle m'a fait sortir du Couvent, que c'Ă©tait pour me marier; mais Ă prĂ©sent il me semble que non ce n'est pas que je m'en soucie, je vous assure; mais vous, qui ĂÂȘtes si amie avec elle, vous savez peut-ĂÂȘtre ce qui en est, et si vous le savez, j'espĂšre que vous me le direz. VoilĂ une bien longue Lettre, Madame, mais puisque vous m'avez permis de vous Ă©crire, j'en ai profitĂ© pour vous dire tout, et je compte sur votre amitiĂ©. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. Paris, ce 23 aoĂ»t 17** LETTRE XXVIII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Eh! quoi, Mademoiselle, vous refusez toujours de me rĂ©pondre! rien ne peut vous flĂ©chir; et chaque jour emporte avec lui l'espoir qu'il avait amenĂ©! Quelle est donc cette amitiĂ© que vous consentez qui subsiste entre nous, si elle n'est pas mĂÂȘme assez puissante pour vous rendre sensible Ă ma peine; si elle vous laisse froide et tranquille, tandis que j'Ă©prouve les tourments d'un feu que je ne puis Ă©teindre; si, loin de vous inspirer de la confiance, elle ne suffit pas mĂÂȘme Ă faire naĂtre votre pitiĂ©? Quoi! votre ami souffre et vous ne faites rien pour le secourir! Il ne vous demande qu'un mot, et vous le lui refusez! et vous voulez qu'il se contente d'un sentiment si faible, dont vous craignez encore de lui rĂ©itĂ©rer les assurances! Vous ne voudriez pas ĂÂȘtre ingrate, disiez-vous hier ah! croyez-moi, Mademoiselle, vouloir payer de l'Amour avec de l'amitiĂ©, ce n'est pas craindre l'ingratitude, c'est redouter seulement d'en avoir l'air. Cependant je n'ose plus vous entretenir d'un sentiment qui ne peut que vous ĂÂȘtre Ă charge, s'il ne vous intĂ©resse pas; il faut au moins le renfermer en moi-mĂÂȘme, en attendant que j'apprenne Ă le vaincre. Je sens combien ce travail sera pĂ©nible; je ne me dissimule pas que j'aurai besoin de toutes mes forces; je tenterai tous les moyens il en est un qui coĂ»tera le plus Ă mon cĂ âur, ce sera celui de me rĂ©pĂ©ter souvent que le vĂÂŽtre est insensible. J'essaierai mĂÂȘme de vous voir moins, et dĂ©jĂ je m'occupe d'en trouver un prĂ©texte plausible. Quoi! je perdrais la douce habitude de vous voir chaque jour! Ah! du moins je ne cesserai jamais de la regretter. Un malheur Ă©ternel sera le prix de l'Amour le plus tendre; et vous l'aurez voulu, et ce sera votre ouvrage! Jamais, je le sens, je ne retrouverai le bonheur que je perds aujourd'hui; vous seule Ă©tiez faite pour mon cĂ âur; avec quel plaisir je ferais le serment de ne vivre que pour vous. Mais vous ne voulez pas le recevoir; votre silence m'apprend assez que votre cĂ âur ne vous dit rien pour moi; il est Ă la fois la preuve la plus sĂ»re de votre indiffĂ©rence, et la maniĂšre la plus cruelle de me l'annoncer. Adieu, Mademoiselle. Je n'ose plus me flatter d'une rĂ©ponse; l'Amour l'eĂ»t Ă©crite avec empressement, l'amitiĂ© avec plaisir, la pitiĂ© mĂÂȘme avec complaisance mais la pitiĂ©, l'amitiĂ© et l'Amour sont Ă©galement Ă©trangers Ă votre cĂ âur. Paris, ce 23 aoĂ»t 17** LETTRE XXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je te le disais bien, Sophie, qu'il y avait des cas oĂÂč on pouvait Ă©crire; et je t'assure que je me reproche bien d'avoir suivi ton avis, qui nous a tant fait de peine, au Chevalier Danceny et Ă moi. La preuve que j'avais raison, c'est que Madame de Merteuil, qui est une femme qui sĂ»rement le sait bien, a fini par penser comme moi. Je lui ai tout avouĂ©. Elle m'a bien dit d'abord comme toi mais quand je lui ai eu tout expliquĂ©, elle est convenue que c'Ă©tait bien diffĂ©rent; elle exige seulement que je lui fasse voir toutes mes Lettres et toutes celles du Chevalier Danceny, afin d'ĂÂȘtre sĂ»re que je ne dirai que ce qu'il faudra; ainsi, Ă prĂ©sent, me voilĂ tranquille. Mon Dieu, que je l'aime Madame de Merteuil! elle est si bonne! et c'est une femme bien respectable. Ainsi il n'y a rien Ă dire. Comme je m'en vais Ă©crire Ă M. Danceny, et comme il va ĂÂȘtre content! il le sera encore plus qu'il ne croit; car jusqu'ici je ne lui parlais que de mon amitiĂ©, et lui voulait toujours que je dise mon amour. Je crois que c'Ă©tait bien la mĂÂȘme chose; mais enfin je n'osais pas, et il tenait Ă cela. Je l'ai dit Ă Madame de Merteuil; elle m'a dit que j'avais eu raison, et qu'il ne fallait convenir d'avoir de l'Amour, que quand on ne pouvait plus s'en empĂÂȘcher or je suis bien sĂ»re que je ne pourrai pas m'en empĂÂȘcher plus longtemps; aprĂšs tout c'est la mĂÂȘme chose, et cela lui plaira davantage. Madame de Merteuil m'a dit aussi qu'elle me prĂÂȘterait des Livres qui parlaient de tout cela, et qui m'apprendraient bien Ă me conduire, et aussi Ă mieux Ă©crire que je ne fais car, vois-tu, elle me dit tous mes dĂ©fauts, ce qui est une preuve qu'elle m'aime bien; elle m'a recommandĂ© seulement de ne rien dire Ă Maman de ces Livres-lĂ parce que ça aurait l'air de trouver qu'elle a trop nĂ©gligĂ© mon Ă©ducation, et ça pourrait la fĂÂącher. Oh! je ne lui en dirai rien. C'est pourtant bien extraordinaire qu'une femme qui ne m'est presque pas parente prenne plus de soin de moi que ma mĂšre! c'est bien heureux pour moi de l'avoir connue! Elle a demandĂ© aussi Ă Maman de me mener aprĂšs-demain Ă l'OpĂ©ra, dans sa loge; elle m'a dit que nous y serions toutes seules, et nous causerons tout le temps, sans craindre qu'on nous entende j'aime bien mieux cela que l'OpĂ©ra. Nous causerons aussi de mon mariage car elle m'a dit que c'Ă©tait bien vrai que j'allais me marier; mais nous n'avons pas pu en dire davantage. Par exemple, n'est-ce pas encore bien Ă©tonnant que Maman ne m'en dise rien du tout? Adieu, ma Sophie, je m'en vas Ă©crire au Chevalier Danceny. Oh! je suis bien contente. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Enfin, Monsieur, je consens Ă vous Ă©crire, Ă vous assurer de mon amitiĂ©, de mon amour , puisque, sans cela, vous seriez malheureux. Vous dites que je n'ai pas bon cĂ âur; je vous assure bien que vous vous trompez, et j'espĂšre qu'Ă prĂ©sent vous n'en doutez plus. Si vous avez du chagrin de ce que je ne vous Ă©crivais pas, croyez-vous que ça ne me faisait pas de la peine aussi? Mais c'est que, pour toute chose au monde, je ne voudrais pas faire quelque chose qui fĂ»t mal; et mĂÂȘme je ne serais sĂ»rement pas convenue de mon amour, si j'avais pu m'en empĂÂȘcher mais votre tristesse me faisait trop de peine. J'espĂšre qu'Ă prĂ©sent vous n'en aurez plus, et que nous allons ĂÂȘtre bien heureux. Je compte avoir le plaisir de vous voir ce soir, et que vous viendrez de bonne heure; ce ne sera jamais aussi tĂÂŽt que je le dĂ©sire. Maman soupe chez elle, et je crois qu'elle vous proposera d'y rester j'espĂšre que vous ne serez pas engagĂ© comme avant-hier. C'Ă©tait donc bien agrĂ©able, le souper oĂÂč vous alliez? car vous y avez Ă©tĂ© de bien bonne heure. Mais enfin ne parlons pas de ça Ă prĂ©sent que vous savez que je vous aime, j'espĂšre que vous resterez avec moi le plus que vous pourrez; car je ne suis contente que lorsque je suis avec vous, et je voudrais bien que vous fussiez tout de mĂÂȘme. Je suis bien fĂÂąchĂ©e que vous ĂÂȘtes encore triste Ă prĂ©sent, mais ce n'est pas ma faute. Je demanderai Ă jouer de la harpe aussitĂÂŽt que vous serez arrivĂ©, afin que vous ayez ma lettre tout de suite. Je ne peux mieux faire... Adieu, Monsieur. Je vous aime bien, de tout mon cĂ âur; plus je vous le dis, plus je suis contente; j'espĂšre que vous le serez aussi. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXXI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Oui, sans doute, nous serons heureux. Mon bonheur est bien sĂ»r, puisque je suis aimĂ© de vous; le vĂÂŽtre ne finira jamais, s'il doit durer autant que l'Amour que vous m'avez inspirĂ©. Quoi! vous m'aimez, vous ne craignez plus de m'assurer de votre amour! Plus vous me le dites, et plus vous ĂÂȘtes contente! AprĂšs avoir lu ce charmant je vous aime , Ă©crit de votre main, j'ai entendu votre belle bouche m'en rĂ©pĂ©ter l'aveu. J'ai vu se fixer sur moi ces yeux charmants qu'embellissait encore l'expression de la tendresse. J'ai reçu vos serments de vivre toujours pour moi. Ah! recevez le mien de consacrer ma vie entiĂšre Ă votre bonheur; recevez-le, et soyez sĂ»re que je ne le trahirai pas. Quelle heureuse journĂ©e nous avons passĂ©e hier! Ah! pourquoi Madame de Merteuil n'a-t-elle pas tous les jours des secrets Ă dire Ă votre Maman? pourquoi faut-il que l'idĂ©e de la contrainte qui nous attend vienne se mĂÂȘler au souvenir dĂ©licieux qui m'occupe? pourquoi ne puis-je sans cesse tenir cette jolie main qui m'a Ă©crit je vous aime! la couvrir de baisers, et me venger ainsi du refus que vous m'avez fait d'une faveur plus grande! Dites-moi, ma CĂ©cile, quand votre Maman a Ă©tĂ© rentrĂ©e; quand nous avons Ă©tĂ© forcĂ©s, par sa prĂ©sence, de n'avoir plus l'un pour l'autre que des regards indiffĂ©rents; quand vous ne pouviez plus me consoler, par l'assurance de votre amour, du refus que vous faisiez de m'en donner des preuves, n'avez-vous donc senti aucun regret? ne vous ĂÂȘtes-vous pas dit Un baiser l'eĂ»t rendu plus heureux, et c'est moi qui lui ai ravi ce bonheur? Promettez-moi, mon aimable amie, qu'Ă la premiĂšre occasion vous serez moins sĂ©vĂšre. A l'aide de cette promesse, je trouverai du courage pour supporter les contrariĂ©tĂ©s que les circonstances nous prĂ©parent; et les privations cruelles seront au moins adoucies par la certitude que vous en partagez le secret. Adieu, ma charmante CĂ©cile voici l'heure oĂÂč je dois me rendre chez vous. Il me serait impossible de vous quitter, si ce n'Ă©tait pour aller vous revoir. Adieu, vous que j'aime tant! vous, que j'aimerai toujours davantage! De ..., ce 25 aoĂ»t 17** LETTRE XXXII MADAME DE VOLANGES A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous voulez donc, Madame, que je croie Ă la vertu de M. de Valmont? J'avoue que je ne puis m'y rĂ©soudre, et que j'aurais autant de peine Ă le juger honnĂÂȘte, d'aprĂšs le seul fait que vous me racontez, qu'Ă croire vicieux un homme de bien reconnu, dont j'apprendrais une faute. L'humanitĂ© n'est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scĂ©lĂ©rat a ses vertus, comme l'honnĂÂȘte homme a ses faiblesses. Cette vĂ©ritĂ© me paraĂt d'autant plus nĂ©cessaire Ă croire, que c'est d'elle que dĂ©rive la nĂ©cessitĂ© de l'indulgence pour les mĂ©chants comme pour les bons; et qu'elle prĂ©serve ceux-ci de l'orgueil, et sauve les autres du dĂ©couragement. Vous trouverez sans doute que je pratique bien mal dans ce moment cette indulgence que je prĂÂȘche; mais je ne vois plus en elle qu'une faiblesse dangereuse, quand elle nous mĂšne Ă traiter de mĂÂȘme le vicieux et l'homme de bien. Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l'action de M. de Valmont; je veux croire qu'ils sont louables comme elle mais en a-t-il moins passĂ© sa vie Ă porter dans les familles le trouble, le dĂ©shonneur et le scandale? Ecoutez, si vous voulez, la voix du malheureux qu'il a secouru; mais qu'elle ne vous empĂÂȘche pas d'entendre les cris de cent victimes qu'il a immolĂ©es. Quand il ne serait, comme vous le dites, qu'un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-mĂÂȘme une liaison dangereuse? Vous le supposez susceptible d'un retour heureux? allons plus loin; supposons ce miracle arrivĂ©. Ne resterait-il pas contre lui l'opinion publique, et ne suffit-elle pas pour rĂ©gler votre conduite? Dieu seul peut absoudre au moment du repentir; il lit dans les cĂ âurs mais les hommes ne peuvent juger les pensĂ©es que par les actions; et nul d'entre eux, aprĂšs avoir perdu l'estime des autres, n'a droit de se plaindre de la mĂ©fiance nĂ©cessaire, qui rend cette perte si difficile Ă rĂ©parer. Songez surtout, ma jeune amie, que quelquefois il suffit, pour perdre cette estime, d'avoir l'air d'y attacher trop peu de prix; et ne taxez pas cette sĂ©vĂ©ritĂ© d'injustice car, outre qu'on est fondĂ© Ă croire qu'on ne renonce pas Ă ce bien prĂ©cieux quand on a droit d'y prĂ©tendre, celui-lĂ est en effet plus prĂšs de mal faire, qui n'est plus contenu par ce frein puissant. Tel serait cependant l'aspect sous lequel vous montrerait une liaison intime avec M. de Valmont, quelque innocente qu'elle pĂ»t ĂÂȘtre. EffrayĂ©e de la chaleur avec laquelle vous le dĂ©fendez, je me hĂÂąte de prĂ©venir les objections que je prĂ©vois. Vous me citerez Madame de Merteuil, Ă qui on a pardonnĂ© cette liaison; vous me demanderez pourquoi je le reçois chez moi; vous me direz que loin d'ĂÂȘtre rejetĂ© par les gens honnĂÂȘtes, il est admis, recherchĂ© mĂÂȘme dans ce qu'on appelle la bonne compagnie. Je peux, je crois, rĂ©pondre Ă tout. D'abord Madame de Merteuil, en effet trĂšs estimable, n'a peut-ĂÂȘtre d'autre dĂ©faut que trop de confiance en ses forces; c'est un guide adroit qui se plaĂt Ă conduire un char entre les rochers et les prĂ©cipices, et que le succĂšs seul justifie il est juste de la louer, il serait imprudent de la suivre; elle-mĂÂȘme en convient et s'en accuse. A mesure qu'elle a vu davantage, ses principes sont devenus plus sĂ©vĂšres; et je ne crains pas de vous assurer qu'elle penserait comme moi. Quant Ă ce qui me regarde, je ne me justifierai pas plus que les autres. Sans doute, je reçois M. de Valmont, et il est reçu partout; c'est une inconsĂ©quence de plus Ă ajouter Ă mille autres qui gouvernent la sociĂ©tĂ©. Vous savez, comme moi, qu'on passe sa vie Ă les remarquer, Ă s'en plaindre et Ă s'y livrer. M. de Valmont, avec un beau nom, une grande fortune, beaucoup de qualitĂ©s aimables, a reconnu de bonne heure que pour avoir l'empire dans la sociĂ©tĂ©, il suffisait de manier, avec une Ă©gale adresse, la louange et le ridicule. Nul ne possĂšde comme lui ce double talent il sĂ©duit avec l'un, et se fait craindre avec l'autre. On ne l'estime pas; mais on le flatte. Telle est son existence au milieu d'un monde qui, plus prudent que courageux, aime mieux le mĂ©nager que le combattre. Mais ni Madame de Merteuil elle-mĂÂȘme, ni aucune autre femme, n'oserait sans doute aller s'enfermer Ă la campagne, presque en tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte avec un tel homme. Il Ă©tait rĂ©servĂ© Ă la plus sage, Ă la plus modeste d'entre elles, de donner l'exemple de cette inconsĂ©quence; pardonnez-moi ce mot, il Ă©chappe Ă l'amitiĂ©. Ma belle amie, votre honnĂÂȘtetĂ© mĂÂȘme vous trahit, par la sĂ©curitĂ© qu'elle vous inspire. Songez donc que vous aurez pour juges, d'une part, des gens frivoles, qui ne croiront pas Ă une vertu dont ils ne trouvent pas le modĂšle chez eux; et de l'autre, des mĂ©chants qui feindront de n'y pas croire, pour vous punir de l'avoir eue. ConsidĂ©rez que vous faites, dans ce moment, ce que quelques hommes n'oseraient pas risquer. En effet, parmi les jeunes gens, dont M. de Valmont ne s'est que trop rendu l'oracle, je vois les plus sages craindre de paraĂtre liĂ©s trop intimement avec lui; et vous, vous ne le craignez pas! Ah! revenez, revenez, je vous en conjure... Si mes raisons ne suffisent pas pour vous persuader, cĂ©dez Ă mon amitiĂ©; c'est elle qui me fait renouveler mes instances, c'est Ă elle Ă les justifier. Vous la trouvez sĂ©vĂšre, et je dĂ©sire qu'elle soit inutile; mais j'aime mieux que vous ayez Ă vous plaindre de sa sollicitude que de sa nĂ©gligence. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT DĂšs que vous craignez de rĂ©ussir, mon cher Vicomte, dĂšs que votre projet est de fournir des armes contre vous, et que vous dĂ©sirez moins de vaincre que de combattre, je n'ai plus rien Ă dire. Votre conduite est un chef-d'Ă âuvre de prudence. Elle en serait un de sottise dans la supposition contraire; et pour vous parler vrai, je crains que vous ne vous fassiez illusion. Ce que je vous reproche n'est pas de n'avoir point profitĂ© du moment. D'une part, je ne vois pas clairement qu'il fĂ»t venu de l'autre, je sais assez, quoi qu'on en dise, qu'une occasion manquĂ©e se retrouve, tandis qu'on ne revient jamais d'une dĂ©marche prĂ©cipitĂ©e. Mais la vĂ©ritable Ă©cole est de vous ĂÂȘtre laissĂ© aller Ă Ă©crire. Je vous dĂ©fie Ă prĂ©sent de prĂ©voir oĂÂč ceci peut vous mener. Par hasard, espĂ©rez-vous prouver Ă cette femme qu'elle doit se rendre? Il me semble que ce ne peut ĂÂȘtre lĂ qu'une vĂ©ritĂ© de sentiment, et non de dĂ©monstration; et que pour la faire recevoir, il s'agit d'attendrir et non de raisonner; mais Ă quoi vous servirait d'attendrir par Lettres, puisque vous ne seriez pas lĂ pour en profiter? Quand vos belles phrases produiraient l'ivresse de l'Amour, vous flattez-vous qu'elle soit assez longue pour que la rĂ©flexion n'ait pas le temps d'en empĂÂȘcher l'aveu? Songez donc Ă celui qu'il faut pour Ă©crire une Lettre, Ă celui qui se passe avant qu'on la remette; et voyez si surtout une femme Ă principes comme votre DĂ©vote peut vouloir si longtemps ce qu'elle tĂÂąche de ne vouloir jamais. Cette marche peut rĂ©ussir avec les enfants, qui, quand ils Ă©crivent " je vous aime " , ne savent pas qu'ils disent " je me rends " . Mais la vertu raisonneuse de Madame de Tourvel me paraĂt fort bien connaĂtre la valeur des termes. Aussi, malgrĂ© l'avantage que vous aviez pris sur elle dans votre conversation, elle vous bat dans sa Lettre. Et puis, savez-vous ce qui arrive? par cela seul qu'on dispute, on ne veut pas cĂ©der. A force de chercher de bonnes raisons, on en trouve; on les dit; et aprĂšs on y tient, non pas tant parce qu'elles sont bonnes que pour ne pas se dĂ©mentir. De plus, une remarque que je m'Ă©tonne que vous n'ayez pas faite, c'est qu'il n'y a rien de si difficile en amour que d'Ă©crire ce qu'on ne sent pas. Je dis Ă©crire d'une façon vraisemblable ce n'est pas qu'on ne se serve des mĂÂȘmes mots; mais on ne les arrange pas de mĂÂȘme, ou plutĂÂŽt on les arrange, et cela suffit. Relisez votre Lettre il y rĂšgne un ordre qui vous dĂ©cĂšle Ă chaque phrase. Je veux croire que votre PrĂ©sidente est assez peu formĂ©e pour ne s'en pas apercevoir mais qu'importe? l'effet n'en est pas moins manquĂ©. C'est le dĂ©faut des Romans; l'Auteur se bat les flancs pour s'Ă©chauffer, et le Lecteur reste froid. HĂ©loĂÂŻse est le seul qu'on en puisse excepter; et malgrĂ© le talent de l'Auteur, cette observation m'a toujours fait croire que le fond en Ă©tait vrai. Il n'en est pas de mĂÂȘme en parlant. L'habitude de travailler son organe y donne de la sensibilitĂ©; la facilitĂ© des larmes y ajoute encore l'expression du dĂ©sir se confond dans les yeux avec celle de la tendresse; enfin le discours moins suivi amĂšne plus aisĂ©ment cet air de trouble et de dĂ©sordre, qui est la vĂ©ritable Ă©loquence de l'Amour; et surtout la prĂ©sence de l'objet aimĂ© empĂÂȘche la rĂ©flexion et nous fait dĂ©sirer d'ĂÂȘtre vaincues. Croyez-moi, Vicomte on vous demande de ne plus Ă©crire profitez-en pour rĂ©parer votre faute et attendez l'occasion de parler. Savez-vous que cette femme a plus de force que je ne croyais? Sa dĂ©fense est bonne; et sans la longueur de sa Lettre, et le prĂ©texte qu'elle vous donne pour rentrer en matiĂšre dans sa phrase de reconnaissance, elle ne se serait pas du tout trahie. Ce qui me paraĂt encore devoir vous rassurer sur le succĂšs, c'est qu'elle use trop de forces Ă la fois; je prĂ©vois qu'elle les Ă©puisera pour la dĂ©fense du mot, et qu'il ne lui en restera plus pour celle de la chose. Je vous renvoie vos deux Lettres, et si vous ĂÂȘtes prudent, ce seront les derniĂšres jusqu'aprĂšs l'heureux moment. S'il Ă©tait moins tard, je vous parlerais de la petite Volanges qui avance assez vite et dont je suis fort contente. Je crois que j'aurai fini avant vous, et vous devez en ĂÂȘtre bien heureux. Adieu pour aujourd'hui. De ..., ce 24 aoĂ»t 17** LETTRE XXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous parlez Ă merveille, ma belle amie mais pourquoi vous tant fatiguer Ă prouver ce que personne n'ignore? Pour aller vite en amour, il vaut mieux parler qu'Ă©crire; voilĂ , je crois, toute votre Lettre. Eh mais! ce sont les plus simples Ă©lĂ©ments de l'art de sĂ©duire. Je remarquerai seulement que vous ne faites qu'une exception Ă ce principe, et qu'il y en a deux. Aux enfants qui suivent cette marche par timiditĂ© et se livrent par ignorance, il faut joindre les femmes Beaux-Esprits, qui s'y laissent engager par amour-propre, et que la vanitĂ© conduit dans le piĂšge. Par exemple, je suis bien sĂ»r que la Comtesse de B... qui rĂ©pondit sans difficultĂ© Ă ma premiĂšre Lettre, n'avait pas alors plus d'amour pour moi que moi pour elle; et qu'elle ne vit que l'occasion de traiter un sujet qui devait lui faire honneur. Quoi qu'il en soit, un Avocat vous dirait que le principe ne s'applique pas Ă la question. En effet, vous supposez que j'ai le choix entre Ă©crire et parler, ce qui n'est pas. Depuis l'affaire du 19, mon inhumaine, qui se tient sur la dĂ©fensive, a mis Ă Ă©viter les rencontres une adresse qui a dĂ©concertĂ© la mienne. C'est au point que si cela continue, elle me forcera Ă m'occuper sĂ©rieusement des moyens de reprendre cet avantage; car assurĂ©ment je ne veux ĂÂȘtre vaincu par elle en aucun genre. Mes Lettres mĂÂȘmes sont le sujet d'une petite guerre non contente de n'y pas rĂ©pondre, elle refuse de les recevoir. Il faut pour chacune une ruse nouvelle, et qui ne rĂ©ussit pas toujours. Vous vous rappelez par quel moyen simple j'avais remis la premiĂšre; la seconde n'offrit pas plus de difficultĂ©. Elle m'avait demandĂ© de lui rendre sa Lettre je lui donnai la mienne en place, sans qu'elle eĂ»t le moindre soupçon. Mais soit dĂ©pit d'avoir Ă©tĂ© attrapĂ©e, soit caprice, ou enfin soit vertu, car elle me forcera d'y croire, elle refusa obstinĂ©ment la troisiĂšme. J'espĂšre pourtant que l'embarras oĂÂč a pensĂ© la mettre la suite de ce refus, la corrigera pour l'avenir. Je ne fus pas trĂšs Ă©tonnĂ© qu'elle ne voulĂ»t pas recevoir cette Lettre que je lui offrais tout simplement; c'eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©jĂ accorder quelque chose, et je m'attends Ă une plus longue dĂ©fense. AprĂšs cette tentative, qui n'Ă©tait qu'un essai fait en passant, je mis une enveloppe Ă ma Lettre; et prenant le moment de la toilette, oĂÂč Madame de Rosemonde et la Femme de chambre Ă©taient prĂ©sentes, je la lui envoyai par mon Chasseur, avec ordre de lui dire que c'Ă©tait le papier qu'elle m'avait demandĂ©. J'avais bien devinĂ© qu'elle craindrait l'explication scandaleuse que nĂ©cessiterait un refus en effet elle prit la Lettre; et mon Ambassadeur, qui avait ordre d'observer sa figure, et qui ne voit pas mal, n'aperçut qu'une lĂ©gĂšre rougeur et plus d'embarras que de colĂšre. Je me fĂ©licitais donc, bien sĂ»r, ou qu'elle garderait cette Lettre, ou que si elle voulait me la rendre, il faudrait qu'elle se trouvĂÂąt seule avec moi; ce qui me donnerait une occasion de lui parler. Environ une heure aprĂšs, un de ses gens entre dans ma chambre et me remet, de la part de sa MaĂtresse, un paquet d'une autre forme que le mien, et sur l'enveloppe duquel je reconnais l'Ă©criture tant dĂ©sirĂ©e. J'ouvre avec prĂ©cipitation... C'Ă©tait ma Lettre elle-mĂÂȘme, non dĂ©cachetĂ©e et pliĂ©e seulement en deux. Je soupçonne que la crainte que je ne fusse moins scrupuleux qu'elle sur le scandale lui a fait employer cette ruse diabolique. Vous me connaissez; je n'ai pas besoin de vous peindre ma fureur. Il fallut pourtant reprendre son sang-froid, et chercher de nouveaux moyens. Voici le seul que je trouvai. On va d'ici, tous les matins, chercher les Lettres Ă la Poste, qui est Ă environ trois quarts de lieue on se sert, pour cet objet, d'une boĂte couverte Ă peu prĂšs comme un tronc, dont le MaĂtre de la Poste a une clef et Madame de Rosemonde l'autre. Chacun y met ses Lettres dans la journĂ©e, quand bon lui semble; on les porte le soir Ă la Poste, et le matin on va chercher celles qui sont arrivĂ©es. Tous les gens, Ă©trangers ou autres, font ce service Ă©galement. Ce n'Ă©tait pas le tour de mon domestique; mais il se chargea d'y aller, sous le prĂ©texte qu'il avait affaire de ce cĂÂŽtĂ©. Cependant j'Ă©crivis ma Lettre. Je dĂ©guisai mon Ă©criture pour l'adresse, et je contrefis assez bien, sur l'enveloppe, le timbre de Dijon . Je choisis cette Ville, parce que je trouvai plus gai, puisque je demandais les mĂÂȘmes droits que le mari, d'Ă©crire aussi du mĂÂȘme lieu, et aussi parce que ma Belle avait parlĂ© toute la journĂ©e du dĂ©sir qu'elle avait de recevoir des Lettres de Dijon. Il me parut juste de lui procurer ce plaisir. Ces prĂ©cautions une fois prises, il Ă©tait facile de faire joindre cette Lettre aux autres. Je gagnais encore Ă cet expĂ©dient d'ĂÂȘtre tĂ©moin de la rĂ©ception car l'usage est ici de se rassembler pour dĂ©jeuner et d'attendre l'arrivĂ©e des Lettres avant de se sĂ©parer. Enfin elles arrivĂšrent. Madame de Rosemonde ouvrit la boĂte. " De Dijon " , dit-elle, en donnant la Lettre Ă Madame de Tourvel. " Ce n'est pas l'Ă©criture de mon mari " , reprit celle-ci d'une voix inquiĂšte, en rompant le cachet avec vivacitĂ© le premier coup d'oeil l'instruisit; et il se fit une telle rĂ©volution sur sa figure que Madame de Rosemonde s'en aperçut, et lui dit " Qu'avez-vous? " Je m'approchai aussi, en disant " Cette Lettre est donc bien terrible? " La timide DĂ©vote n'osait lever les yeux, ne disait mot, et, pour sauver son embarras, feignait de parcourir l'EpĂtre, qu'elle n'Ă©tait guĂšre en Ă©tat de lire. Je jouissais de son trouble, et n'Ă©tais pas fĂÂąchĂ© de la pousser un peu " Votre air plus tranquille, ajoutai-je, fait espĂ©rer que cette Lettre vous a causĂ© plus d'Ă©tonnement que de douleur. " La colĂšre alors l'inspira mieux que n'eĂ»t pu faire la prudence. " Elle contient, rĂ©pondit-elle, des choses qui m'offensent, et que je suis Ă©tonnĂ©e qu'on ait osĂ© m'Ă©crire. " - " Et qui donc? " interrompit Madame de Rosemonde. " Elle n'est pas signĂ©e " , rĂ©pondit la belle courroucĂ©e " mais la Lettre et son Auteur m'inspirent un Ă©gal mĂ©pris. On m'obligera de ne m'en plus parler. " En disant ces mots, elle dĂ©chira l'audacieuse missive, en mit les morceaux dans sa poche, se leva, et sortit. MalgrĂ© cette colĂšre, elle n'en a pas moins eu ma Lettre; et je m'en remets bien Ă sa curiositĂ©, du soin de l'avoir lue en entier. Le dĂ©tail de la journĂ©e me mĂšnerait trop loin. Je joins Ă ce rĂ©cit le brouillon de mes deux Lettres vous serez aussi instruite que moi. Si vous voulez ĂÂȘtre au courant de ma correspondance, il faut vous accoutumer Ă dĂ©chiffrer mes minutes car pour rien au monde, je ne dĂ©vorerais l'ennui de les recopier. Adieu, ma belle amie. De ..., ce 25 aoĂ»t 17** LETTRE XXXV LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Il faut vous obĂ©ir, Madame, il faut vous prouver qu'au milieu des torts que vous vous plaisez Ă me croire, il me reste au moins assez de dĂ©licatesse pour ne pas me permettre un reproche, et assez de courage pour m'imposer les plus douloureux sacrifices. Vous m'ordonnez le silence et l'oubli! eh bien! je forcerai mon amour Ă se taire; et j'oublierai, s'il est possible, la façon cruelle dont vous l'avez accueilli. Sans doute le dĂ©sir de vous plaire n'en donnait pas le droit, et j'avoue encore que le besoin que j'avais de votre indulgence n'Ă©tait pas un titre pour l'obtenir mais vous regardez mon amour comme un outrage; vous oubliez que si ce pouvait ĂÂȘtre un tort, vous en seriez Ă la fois, et la cause et l'excuse. Vous oubliez aussi qu'accoutumĂ© Ă vous ouvrir mon ĂÂąme, lors mĂÂȘme que cette confiance pouvait me nuire, il ne m'Ă©tait plus possible de vous cacher les sentiments dont je suis pĂ©nĂ©trĂ©; et ce qui fut l'ouvrage de ma bonne foi, vous le regardez comme le fruit de l'audace. Pour prix de l'Amour le plus tendre, le plus respectueux, le plus vrai, vous me rejetez loin de vous. Vous me parlez enfin de votre haine... Quel autre ne se plaindrait pas d'ĂÂȘtre traitĂ© ainsi? Moi seul, je me soumets; je souffre tout et ne murmure point; vous frappez et j'adore. L'inconcevable empire que vous avez sur moi vous rend maĂtresse absolue de mes sentiments; et si mon amour seul vous rĂ©siste, si vous ne pouvez le dĂ©truire, c'est qu'il est votre ouvrage et non le mien. Je ne demande point un retour dont jamais je ne me suis flattĂ©. Je n'attends pas mĂÂȘme cette pitiĂ©, que l'intĂ©rĂÂȘt que vous m'aviez tĂ©moignĂ© quelquefois pouvait me faire espĂ©rer. Mais je crois, je l'avoue, pouvoir rĂ©clamer votre justice. Vous m'apprenez, Madame, qu'on a cherchĂ© Ă me nuire dans votre esprit. Si vous en eussiez cru les conseils de vos amis, vous ne m'eussiez pas mĂÂȘme laissĂ© approcher de vous ce sont vos termes. Quels sont donc ces amis officieux? Sans doute ces gens si sĂ©vĂšres, et d'une vertu si rigide, consentent Ă ĂÂȘtre nommĂ©s; sans doute ils ne voudraient pas se couvrir d'une obscuritĂ© qui les confondrait avec de vils calomniateurs; et je n'ignorerai ni leur nom, ni leurs reproches. Songez, Madame, que j'ai le droit de savoir l'un et l'autre, puisque vous me jugez d'aprĂšs eux. On ne condamne point un coupable sans lui dire son crime, sans lui nommer ses accusateurs. Je ne demande point d'autre grĂÂące, et je m'engage d'avance Ă me justifier, Ă les forcer de se dĂ©dire. Si j'ai trop mĂ©prisĂ©, peut-ĂÂȘtre, les vaines clameurs d'un Public dont je fais peu de cas, il n'en est pas ainsi de votre estime; et quand je consacre ma vie Ă la mĂ©riter, je ne me la laisserai pas ravir impunĂ©ment. Elle me devient d'autant plus prĂ©cieuse, que je lui devrai sans doute cette demande que vous craignez de me faire, et qui me donnerait, dites-vous, des droits Ă votre reconnaissance . Ah! loin d'en exiger, je croirai vous en devoir, si vous me procurez l'occasion de vous ĂÂȘtre agrĂ©able. Commencez donc Ă me rendre plus de justice, en ne me laissant plus ignorer ce que vous dĂ©sirez de moi. Si je pouvais le deviner, je vous Ă©viterais la peine de le dire. Au plaisir de vous voir, ajoutez le bonheur de vous servir, et je me louerai de votre indulgence. Qui peut donc vous arrĂÂȘter? ce n'est pas, je l'espĂšre, la crainte d'un refus? je sens que je ne pourrais vous la pardonner. Ce n'en est pas un que de ne pas vous rendre votre Lettre. Je dĂ©sire plus que vous, qu'elle ne me soit plus nĂ©cessaire mais accoutumĂ© Ă vous croire une ĂÂąme si douce, ce n'est que dans cette Lettre que je puis vous trouver telle que vous voulez paraĂtre. Quand je forme le vĂ âu de vous rendre sensible, j'y vois que plutĂÂŽt que d'y consentir, vous fuiriez Ă cent lieues de moi; quand tout en vous augmente et justifie mon amour, c'est encore elle qui me rĂ©pĂšte que mon amour vous outrage; et lorsqu'en vous voyant, cet amour me semble le bien suprĂÂȘme, j'ai besoin de vous lire, pour sentir que ce n'est qu'un affreux tourment. Vous concevez Ă prĂ©sent que mon plus grand bonheur serait de pouvoir vous rendre cette Lettre fatale me la demander encore serait m'autoriser Ă ne plus croire ce qu'elle contient; vous ne doutez pas, j'espĂšre, de mon empressement Ă vous la remettre. De ..., ce 21 aoĂ»t 17** LETTRE XXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE DIJON. Votre sĂ©vĂ©ritĂ© augmente chaque jour, Madame, et si je l'ose dire, vous semblez craindre moins d'ĂÂȘtre injuste que d'ĂÂȘtre indulgente. AprĂšs m'avoir condamnĂ© sans m'entendre, vous avez dĂ» sentir, en effet, qu'il vous serait plus facile de ne pas lire mes raisons que d'y rĂ©pondre. Vous refusez mes Lettres avec obstination; vous me les renvoyez avec mĂ©pris. Vous me forcez enfin de recourir Ă la ruse, dans le moment mĂÂȘme oĂÂč mon unique but est de vous convaincre de ma bonne foi. La nĂ©cessitĂ© oĂÂč vous m'avez mis de me dĂ©fendre suffira sans doute pour en excuser les moyens. Convaincu d'ailleurs par la sincĂ©ritĂ© de mes sentiments que pour les justifier Ă vos yeux il me suffit de vous les faire bien connaĂtre, j'ai cru pouvoir me permettre ce lĂ©ger dĂ©tour. J'ose croire aussi que vous me le pardonnerez; et que vous serez peu surprise que l'Amour soit plus ingĂ©nieux Ă se produire, que l'indiffĂ©rence Ă l'Ă©carter. Permettez donc, Madame, que mon cĂ âur se dĂ©voile entiĂšrement Ă vous. Il vous appartient, il est juste que vous le connaissiez. J'Ă©tais bien Ă©loignĂ©, en arrivant chez Madame de Rosemonde, de prĂ©voir le sort qui m'y attendait. J'ignorais que vous y fussiez; et j'ajouterai, avec la sincĂ©ritĂ© qui me caractĂ©rise, que quand je l'aurais su ma sĂ©curitĂ© n'en eĂ»t point Ă©tĂ© troublĂ©e non que je ne rendisse Ă votre beautĂ© la justice qu'on ne peut lui refuser; mais accoutumĂ© Ă n'Ă©prouver que des dĂ©sirs, Ă ne me livrer qu'Ă ceux que l'espoir encourageait, je ne connaissais pas les tourments de l'Amour. Vous fĂ»tes tĂ©moin des instances que me fit Madame de Rosemonde pour m'arrĂÂȘter quelque temps. J'avais dĂ©jĂ passĂ© une journĂ©e avec vous cependant je ne me rendis, ou au moins je ne crus me rendre qu'au plaisir, si naturel et si lĂ©gitime, de tĂ©moigner des Ă©gards Ă une parente respectable. Le genre de vie qu'on menait ici diffĂ©rait beaucoup sans doute de celui auquel j'Ă©tais accoutumĂ©; il ne m'en coĂ»ta rien de m'y conformer; et, sans chercher Ă pĂ©nĂ©trer la cause du changement qui s'opĂ©rait en moi, je l'attribuais uniquement encore Ă cette facilitĂ© de caractĂšre, dont je crois vous avoir dĂ©jĂ parlĂ©. Malheureusement et pourquoi faut-il que ce soit un malheur?, en vous connaissant mieux je reconnus bientĂÂŽt que cette figure enchanteresse, qui seule m'avait frappĂ©, Ă©tait le moindre de vos avantages; votre ĂÂąme cĂ©leste Ă©tonna, sĂ©duisit la mienne. J'admirais la beautĂ©, j'adorai la vertu. Sans prĂ©tendre Ă vous obtenir, je m'occupai de vous mĂ©riter. En rĂ©clamant votre indulgence pour le passĂ©, j'ambitionnai votre suffrage pour l'avenir. Je le cherchais dans vos discours, je l'Ă©piais dans vos regards; dans ces regards d'oĂÂč partait un poison d'autant plus dangereux, qu'il Ă©tait rĂ©pandu sans dessein et reçu sans mĂ©fiance. Alors je connus l'Amour. Mais que j'Ă©tais loin de m'en plaindre! rĂ©solu de l'ensevelir dans un Ă©ternel silence, je me livrais sans crainte comme sans rĂ©serve Ă ce sentiment dĂ©licieux. Chaque jour augmentait son empire. BientĂÂŽt le plaisir de vous voir se changea en besoin. Vous absentiez-vous un moment? mon cĂ âur se serrait de tristesse; au bruit qui m'annonçait votre retour, il palpitait de joie. Je n'existais plus que par vous, et pour vous. Cependant, c'est vous-mĂÂȘme que j'adjure jamais dans la gaietĂ© des folĂÂątres jeux, ou dans l'intĂ©rĂÂȘt d'une conversation sĂ©rieuse, m'Ă©chappa-t-il un mot qui pĂ»t trahir le secret de mon cĂ âur? Enfin un jour arriva oĂÂč devait commencer mon infortune; et par une inconcevable fatalitĂ©, une action honnĂÂȘte en devint le signal. Oui, Madame, c'est au milieu des malheureux que j'avais secourus, que, vous livrant Ă cette sensibilitĂ© prĂ©cieuse qui embellit la beautĂ© mĂÂȘme et ajoute du prix Ă la vertu, vous achevĂÂątes d'Ă©garer un cĂ âur que dĂ©jĂ trop d'amour enivrait. Vous vous rappelez, peut-ĂÂȘtre, quelle prĂ©occupation s'empara de moi au retour! HĂ©las! je cherchais Ă combattre un penchant que je sentais devenir plus fort que moi. C'est aprĂšs avoir Ă©puisĂ© mes forces dans ce combat inĂ©gal, qu'un hasard, que je n'avais pu prĂ©voir, me fit trouver seul avec vous. LĂ , je succombai, je l'avoue. Mon cĂ âur trop plein ne put retenir ses discours ni ses larmes. Mais est-ce donc un crime? et si c'en est un, n'est-il pas assez puni par les tourments affreux auxquels je suis livrĂ©? DĂ©vorĂ© par un amour sans espoir, j'implore votre pitiĂ© et ne trouve que votre haine sans autre bonheur que celui de vous voir, mes yeux vous cherchent malgrĂ© moi, et je tremble de rencontrer vos regards. Dans l'Ă©tat cruel oĂÂč vous m'avez rĂ©duit, je passe les jours Ă dĂ©guiser mes peines et les nuits Ă m'y livrer; tandis que vous, tranquille et paisible, vous ne connaissez ces tourments que pour les causer et vous en applaudir. Cependant, c'est vous qui vous plaignez, et c'est moi qui m'excuse. VoilĂ pourtant, Madame, voilĂ le rĂ©cit fidĂšle de ce que vous nommez mes torts, et que peut-ĂÂȘtre il serait plus juste d'appeler mes malheurs. Un amour pur et sincĂšre, un respect qui ne s'est jamais dĂ©menti, une soumission parfaite, tels sont les sentiments que vous m'avez inspirĂ©s. Je n'eusse pas craint d'en prĂ©senter l'hommage Ă la DivinitĂ© mĂÂȘme. Ăâ vous, qui ĂÂȘtes son plus bel ouvrage, imitez-la dans son indulgence! Songez Ă mes peines cruelles; songez surtout, que, placĂ© par vous entre le dĂ©sespoir et la fĂ©licitĂ© suprĂÂȘme, le premier mot que vous prononcerez dĂ©cidera pour jamais de mon sort. De ..., ce 23 aoĂ»t 17** LETTRE XXXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES Je me soumets, Madame, aux conseils que votre amitiĂ© me donne. AccoutumĂ©e Ă dĂ©fĂ©rer en tout Ă vos avis, je le suis Ă croire qu'ils sont toujours fondĂ©s en raison. J'avouerai mĂÂȘme que M. de Valmont doit ĂÂȘtre, en effet, infiniment dangereux, s'il peut Ă la fois feindre d'ĂÂȘtre ce qu'il paraĂt ici, et rester tel que vous le dĂ©peignez. Quoi qu'il en soit, puisque vous l'exigez, je l'Ă©loignerai de moi; au moins j'y ferai mon possible car souvent les choses, qui dans le fond devraient ĂÂȘtre les plus simples, deviennent embarrassantes par la forme. Il me paraĂt toujours impraticable de faire cette demande Ă sa tante; elle deviendrait Ă©galement dĂ©sobligeante, et pour elle, et pour lui. Je ne prendrais pas non plus, sans quelque rĂ©pugnance, le parti de m'Ă©loigner moi-mĂÂȘme car outre les raisons que je vous ai dĂ©jĂ mandĂ©es relatives Ă M. de Tourvel, si mon dĂ©part contrariait M. de Valmont, comme il est possible, n'aurait-il pas la facilitĂ© de me suivre Ă Paris? et son retour, dont je serais, dont au moins je paraĂtrais ĂÂȘtre l'objet, ne semblerait-il pas plus Ă©trange qu'une rencontre Ă la campagne, chez une personne qu'on sait ĂÂȘtre sa parente et mon amie? Il ne me reste donc d'autre ressource que d'obtenir de lui-mĂÂȘme qu'il veuille bien s'Ă©loigner. Je sens que cette proposition est difficile Ă faire; cependant, comme il me paraĂt avoir Ă cĂ âur de me prouver qu'il a en effet plus d'honnĂÂȘtetĂ© qu'on ne lui en suppose, je ne dĂ©sespĂšre pas de rĂ©ussir. Je ne serai pas mĂÂȘme fĂÂąchĂ©e de le tenter; et d'avoir une occasion de juger si, comme il le dit souvent, les femmes vraiment honnĂÂȘtes n'ont jamais eu, n'auront jamais Ă se plaindre de ses procĂ©dĂ©s. S'il part comme je le dĂ©sire, ce sera en effet par Ă©gard pour moi car je ne peux pas douter qu'il n'ait le projet de passer ici une grande partie de l'automne. S'il refuse ma demande et s'obstine Ă rester, je serai toujours Ă temps de partir moi-mĂÂȘme, et je vous le promets. VoilĂ , je crois, Madame, tout ce que votre amitiĂ© exigeait de moi je m'empresse d'y satisfaire, et de vous prouver que malgrĂ© la chaleur que j'ai pu mettre Ă dĂ©fendre M. de Valmont, je n'en suis pas moins disposĂ©e, non seulement Ă Ă©couter, mais mĂÂȘme Ă suivre les conseils de mes amis. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 25 aoĂ»t 17** LETTRE XXXVIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Votre Ă©norme paquet m'arrive Ă l'instant, mon cher Vicomte. Si la date en est exacte, j'aurais dĂ» le recevoir vingt-quatre heures plus tĂÂŽt; quoi qu'il en soit, si je prenais le temps de le lire, je n'aurais plus celui d'y rĂ©pondre. Je prĂ©fĂšre donc de vous en accuser seulement la rĂ©ception, et nous causerons d'autre chose. Ce n'est pas que j'aie rien Ă vous dire pour mon compte; l'automne ne laisse Ă Paris presque point d'hommes qui aient figure humaine aussi je suis, depuis un mois, d'une sagesse Ă pĂ©rir; et tout autre que mon Chevalier serait fatiguĂ© des preuves de ma constance. Ne pouvant m'occuper, je me distrais avec la petite Volanges; et c'est d'elle que je veux vous parler. Savez-vous que vous avez perdu plus que vous ne croyez Ă ne pas vous charger de cet enfant? elle est vraiment dĂ©licieuse! cela n'a ni caractĂšre ni principes; jugez combien sa sociĂ©tĂ© sera douce et facile. Je ne crois pas qu'elle brille jamais par le sentiment; mais tout annonce en elle les sensations les plus vives. Sans esprit et sans finesse, elle a pourtant une certaine faussetĂ© naturelle, si l'on peut parler ainsi, qui quelquefois m'Ă©tonne moi-mĂÂȘme, et qui rĂ©ussira d'autant mieux, que sa figure offre l'image de la candeur et de l'ingĂ©nuitĂ©. Elle est naturellement trĂšs caressante, et je m'en amuse quelquefois sa petite tĂÂȘte se monte avec une facilitĂ© incroyable; et elle est alors d'autant plus plaisante, qu'elle ne sait rien, absolument rien, de ce qu'elle dĂ©sire tant de savoir. Il lui en prend des impatiences tout Ă fait drĂÂŽles; elle rit, elle se dĂ©pite, elle pleure, et puis elle me prie de l'instruire, avec une bonne foi rĂ©ellement sĂ©duisante. En vĂ©ritĂ©, je suis presque jalouse de celui Ă qui ce plaisir est rĂ©servĂ©. Je ne sais si je vous ai mandĂ© que depuis quatre ou cinq jours j'ai l'honneur d'ĂÂȘtre sa confidente. Vous devinez bien que d'abord j'ai fait la sĂ©vĂšre mais aussitĂÂŽt que je me suis aperçue qu'elle croyait m'avoir convaincue par ses mauvaises raisons, j'ai eu l'air de les prendre pour bonnes; et elle est intimement persuadĂ©e qu'elle doit ce succĂšs Ă son Ă©loquence; il fallait cette prĂ©caution pour ne pas me compromettre. Je lui ai permis d'Ă©crire et de dire j'aime ; et le jour mĂÂȘme, sans qu'elle s'en doutĂÂąt, je lui ai mĂ©nagĂ© un tĂÂȘte-Ă - tĂÂȘte avec son Danceny. Mais figurez-vous qu'il est si sot encore, qu'il n'en a seulement pas obtenu un baiser. Ce garçon-lĂ fait pourtant de fort jolis vers! Mon Dieu! que ces gens d'esprit sont bĂÂȘtes! celui-ci l'est au point qu'il m'en embarrasse; car enfin, pour lui, je ne peux pas le conduire! C'est Ă prĂ©sent que vous me seriez bien utile. Vous ĂÂȘtes assez liĂ© avec Danceny pour avoir sa confidence, et s'il vous la donnait une fois, nous irions grand train. DĂ©pĂÂȘchez donc votre PrĂ©sidente, car enfin je ne veux pas que Gercourt s'en sauve au reste, j'ai parlĂ© de lui hier Ă la petite personne, et le lui ai si bien peint, que quand elle serait sa femme depuis dix ans, elle ne le haĂÂŻrait pas davantage. Je l'ai pourtant beaucoup prĂÂȘchĂ©e sur la fidĂ©litĂ© conjugale; rien n'Ă©gale ma sĂ©vĂ©ritĂ© sur ce point. Par lĂ , d'une part, je rĂ©tablis auprĂšs d'elle ma rĂ©putation de vertu, que trop de condescendance pourrait dĂ©truire; de l'autre, j'augmente en elle la haine dont je veux gratifier son mari. Et enfin, j'espĂšre qu'en lui faisant accroire qu'il ne lui est permis de se livrer Ă l'Amour que pendant le peu de temps qu'elle a Ă rester fille, elle se dĂ©cidera plus vite Ă n'en rien perdre. Adieu, Vicomte; je vais me mettre Ă ma toilette oĂÂč je lirai votre volume. De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XXXIX CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je suis triste et inquiĂšte, ma chĂšre Sophie. J'ai pleurĂ© presque toute la nuit. Ce n'est pas que pour le moment je ne sois bien heureuse; mais je prĂ©vois que cela ne durera pas. J'ai Ă©tĂ© hier Ă l'OpĂ©ra avec Madame de Merteuil; nous y avons beaucoup parlĂ© de mon mariage, et je n'en ai rien appris de bon. C'est M. le Comte de Gercourt que je dois Ă©pouser, et ce doit ĂÂȘtre au mois d'Octobre. Il est riche, il est homme de qualitĂ©, il est Colonel du rĂ©giment de... . Jusque-lĂ tout va fort bien. Mais d'abord il est vieux figure-toi qu'il a au moins trente-six ans! et puis, Madame de Merteuil dit qu'il est triste et sĂ©vĂšre, et qu'elle craint que je ne sois pas heureuse avec lui. J'ai mĂÂȘme bien vu qu'elle en Ă©tait sĂ»re, et qu'elle ne voulait pas me le dire, pour ne pas m'affliger. Elle ne m'a presque entretenue toute la soirĂ©e que des devoirs des femmes envers leurs maris. Elle convient que M. de Gercourt n'est pas aimable du tout, et elle dit pourtant qu'il faudra que je l'aime. Ne m'a-t-elle pas dit aussi qu'une fois mariĂ©e, je ne devais plus aimer le Chevalier Danceny? comme si c'Ă©tait possible! Oh! je t'assure bien que je l'aimerai toujours. Vois-tu, j'aimerais mieux, plutĂÂŽt, ne pas me marier. Que ce M. de Gercourt s'arrange, je ne l'ai pas Ă©tĂ© chercher. Il est en Corse Ă prĂ©sent, bien loin d'ici; je voudrais qu'il y restĂÂąt dix ans. Si je n'avais pas peur de rentrer au Couvent, je dirais bien Ă Maman que je ne veux pas de ce mari-lĂ ; mais ce serait encore pis. Je suis bien embarrassĂ©e. Je sens que je n'ai jamais tant aimĂ© M. Danceny qu'Ă prĂ©sent; et quand je songe qu'il ne me reste plus qu'un mois Ă ĂÂȘtre comme je suis, les larmes me viennent aux yeux tout de suite; je n'ai de consolation que dans l'amitiĂ© de Madame de Merteuil; elle a si bon cĂ âur! elle partage tous mes chagrins comme moi-mĂÂȘme; et puis elle est si aimable que, quand je suis avec elle, je n'y songe presque plus. D'ailleurs elle m'est bien utile; car le peu que je sais, c'est elle qui me l'a appris et elle est si bonne, que je lui dis tout ce que je pense, sans ĂÂȘtre honteuse du tout. Quand elle trouve que ce n'est pas bien, elle me gronde quelquefois; mais c'est tout doucement, et puis je l'embrasse de tout mon cĂ âur, jusqu'Ă ce qu'elle ne soit plus fĂÂąchĂ©e. Au moins celle-lĂ , je peux bien l'aimer tant que je voudrai, sans qu'il y ait du mal, et ça me fait bien du plaisir. Nous sommes pourtant convenues que je n'aurais pas l'air de l'aimer tant devant le monde, et surtout devant Maman, afin qu'elle ne se mĂ©fie de rien au sujet du Chevalier Danceny. Je t'assure que si je pouvais toujours vivre comme je fais Ă prĂ©sent, je crois que je serais bien heureuse. Il n'y a que ce vilain M. de Gercourt!... Mais je ne veux pas t'en parler davantage car je redeviendrais triste. Au lieu de cela, je vas Ă©crire au Chevalier Danceny; je ne lui parlerai que de mon amour et non de mes chagrins, car je ne veux pas l'affliger. Adieu, ma bonne amie. Tu vois bien que tu aurais tort de te plaindre, et que j'ai beau ĂÂȘtre occupĂ©e , comme tu dis, qu'il ne m'en reste pas moins le temps de t'aimer et de t'Ă©crire [On continue Ă supprimer les Lettres de CĂ©cile Volanges et du Chevalier Danceny, qui sont peu intĂ©ressantes et n'annoncent aucun Ă©vĂ©nement] De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XL LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL C'est peu pour mon inhumaine de ne pas rĂ©pondre Ă mes Lettres, de refuser de les recevoir; elle veut me priver de sa vue, elle exige que je m'Ă©loigne. Ce qui vous surprendra davantage, c'est que je me soumette Ă tant de rigueur. Vous allez me blĂÂąmer. Cependant je n'ai pas cru devoir perdre l'occasion de me laisser donner un ordre persuadĂ©, d'une part, que qui commande s'engage; et de l'autre, que l'autoritĂ© illusoire que nous avons l'air de laisser prendre aux femmes est un des piĂšges qu'elles Ă©vitent le plus difficilement. De plus, l'adresse que celle-ci a su mettre Ă Ă©viter de se trouver seule avec moi me plaçait dans une situation dangereuse, dont j'ai cru devoir sortir Ă quelque prix que ce fĂ»t car Ă©tant sans cesse avec elle, sans pouvoir l'occuper de mon amour, il y avait lieu de craindre qu'elle ne s'accoutumĂÂąt enfin Ă me voir sans trouble; disposition dont vous savez assez combien il est difficile de revenir. Au reste, vous devinez que je ne me suis pas soumis sans condition. J'ai mĂÂȘme eu le soin d'en mettre une impossible Ă accorder; tant pour rester toujours maĂtre de tenir ma parole, ou d'y manquer, que pour engager une discussion, soit de bouche, ou par Ă©crit, dans un moment oĂÂč ma Belle est plus contente de moi, oĂÂč elle a besoin que je le sois d'elle sans compter que je serais bien maladroit, si je ne trouvais moyen d'obtenir quelque dĂ©dommagement de mon dĂ©sistement Ă cette prĂ©tention, tout insoutenable qu'elle est. AprĂšs vous avoir exposĂ© mes raisons dans ce long prĂ©ambule, je commence l'historique de ces deux derniers jours. J'y joindrai comme piĂšces justificatives la Lettre de ma Belle et ma RĂ©ponse. Vous conviendrez qu'il y a peu d'Historiens aussi exacts que moi. Vous vous rappelez l'effet que fit avant-hier matin ma Lettre de Dijon ; le reste de la journĂ©e fut trĂšs orageux. La jolie Prude arriva seulement au moment du dĂner, et annonça une forte migraine; prĂ©texte dont elle voulut couvrir un des plus violents accĂšs d'humeur que femme puisse avoir. Sa figure en Ă©tait vraiment altĂ©rĂ©e; l'expression de douceur que vous lui connaissez s'Ă©tait changĂ©e en un air mutin qui en faisait une beautĂ© nouvelle. Je me promets bien de faire usage de cette dĂ©couverte par la suite; et de remplacer quelquefois la MaĂtresse tendre, par la MaĂtresse mutine. Je prĂ©vis que l'aprĂšs-dĂner serait triste; et pour m'en sauver l'ennui, je prĂ©textai des Lettres Ă Ă©crire, et me retirai chez moi. Je revins au salon sur les six heures; Madame de Rosemonde proposa la promenade, qui fut acceptĂ©e. Mais au moment de monter en voiture, la prĂ©tendue malade, par une malice infernale, prĂ©texta Ă son tour, et peut-ĂÂȘtre pour se venger de mon absence, un redoublement de douleurs, et me fit subir sans pitiĂ© le tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte de ma vieille tante. Je ne sais si les imprĂ©cations que je fis contre ce dĂ©mon femelle furent exaucĂ©es, mais nous la trouvĂÂąmes couchĂ©e au retour. Le lendemain au dĂ©jeuner, ce n'Ă©tait plus la mĂÂȘme femme. La douceur naturelle Ă©tait revenue, et j'eus lieu de me croire pardonnĂ©. Le dĂ©jeuner Ă©tait Ă peine fini, que la douce personne se leva d'un air dolent, et entra dans le parc; je la suivis, comme vous pouvez croire. " D'oĂÂč peut naĂtre ce dĂ©sir de promenade? " lui dis-je en l'abordant. " J'ai beaucoup Ă©crit ce matin " , me rĂ©pondit-elle, " et ma tĂÂȘte est un peu fatiguĂ©e. " - " Je ne suis pas assez heureux, repris-je, pour avoir Ă me reprocher cette fatigue-lĂ ? " - " Je vous ai bien Ă©crit " , rĂ©pondit-elle encore, " mais j'hĂ©site Ă vous donner ma Lettre. Elle contient une demande, et vous ne m'avez pas accoutumĂ©e Ă en espĂ©rer le succĂšs. " - " Ah! je jure que s'il m'est possible... " - " Rien n'est plus facile " , interrompit-elle; " et quoique vous dussiez peut-ĂÂȘtre l'accorder comme justice, je consens Ă l'obtenir comme grĂÂące. " En disant ces mots, elle me prĂ©senta sa Lettre; en la prenant, je pris aussi sa main, qu'elle retira, mais sans colĂšre et avec plus d'embarras que de vivacitĂ©. " La chaleur est plus vive que je ne croyais " , dit-elle; " il faut rentrer. " Et elle reprit la route du ChĂÂąteau. Je fis de vains efforts pour lui persuader de continuer sa promenade, et j'eus besoin de me rappeler que nous pouvions ĂÂȘtre vus, pour n'y employer que de l'Ă©loquence. Elle rentra sans profĂ©rer une parole, et je vis clairement que cette feinte promenade n'avait eu d'autre but que de me remettre sa Lettre. Elle monta chez elle en rentrant, et je me retirai chez moi pour lire l'EpĂtre, que vous ferez bien de lire aussi, ainsi que ma RĂ©ponse, avant d'aller plus loin... LETTRE XLI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Il semble, Monsieur, par votre conduite avec moi, que vous ne cherchiez qu'Ă augmenter, chaque jour, les sujets de plainte que j'avais contre vous. Votre obstination Ă vouloir m'entretenir, sans cesse, d'un sentiment que je ne veux ni ne dois Ă©couter, l'abus que vous n'avez pas craint de faire de ma bonne foi, ou de ma timiditĂ©, pour me remettre vos Lettres; le moyen surtout, j'ose dire peu dĂ©licat, dont vous vous ĂÂȘtes servi pour me faire parvenir la derniĂšre, sans craindre au moins l'effet d'une surprise qui pouvait me compromettre; tout devrait donner lieu de ma part Ă des reproches aussi vifs que justement mĂ©ritĂ©s. Cependant, au lieu de revenir sur ces griefs, je m'en tiens Ă vous faire une demande aussi simple que juste; et si je l'obtiens de vous, je consens que tout soit oubliĂ©. Vous-mĂÂȘme m'avez dit, Monsieur, que je ne devais pas craindre un refus; et quoique, par une inconsĂ©quence qui vous est particuliĂšre, cette phrase mĂÂȘme soit suivie du seul refus que vous pouviez me faire [Voyez Lettre V], je veux croire que vous n'en tiendrez pas moins aujourd'hui cette parole formellement donnĂ©e il y a si peu de jours. Je dĂ©sire donc que vous ayez la complaisance de vous Ă©loigner de moi; de quitter ce ChĂÂąteau, oĂÂč un plus long sĂ©jour de votre part ne pourrait que m'exposer davantage au jugement d'un public toujours prompt Ă mal penser d'autrui, et que vous n'avez que trop accoutumĂ© Ă fixer les yeux sur les femmes qui vous admettent dans leur sociĂ©tĂ©. Avertie dĂ©jĂ , depuis longtemps, de ce danger par mes amis, j'ai nĂ©gligĂ©, j'ai mĂÂȘme combattu leur avis tant que votre conduite Ă mon Ă©gard avait pu me faire croire que vous aviez bien voulu ne pas me confondre avec cette foule de femmes qui toutes ont eu Ă se plaindre de vous. Aujourd'hui que vous me traitez comme elles, que je ne peux plus l'ignorer, je dois au public, Ă mes amis, Ă moi-mĂÂȘme, de suivre ce parti nĂ©cessaire. Je pourrais ajouter ici que vous ne gagneriez rien Ă refuser ma demande, dĂ©cidĂ©e que je suis Ă partir moi- mĂÂȘme, si vous vous obstiniez Ă rester mais je ne cherche point Ă diminuer l'obligation que je vous aurai de cette complaisance, et je veux bien que vous sachiez qu'en nĂ©cessitant mon dĂ©part d'ici vous contrarieriez mes arrangements. Prouvez-moi donc, Monsieur, que, comme vous me l'avez dit tant de fois, les femmes honnĂÂȘtes n'auront jamais Ă se plaindre de vous; prouvez-moi, au moins, que quand vous avez des torts avec elles, vous savez les rĂ©parer. Si je croyais avoir besoin de justifier ma demande vis-Ă -vis de vous, il me suffirait de vous dire que vous avez passĂ© votre vie Ă la rendre nĂ©cessaire, et que pourtant il n'a pas tenu Ă moi de ne la jamais former. Mais ne rappelons pas des Ă©vĂ©nements que je veux oublier, et qui m'obligeraient Ă vous juger avec rigueur, dans un moment oĂÂč je vous offre l'occasion de mĂ©riter toute ma reconnaissance. Adieu, Monsieur; votre conduite va m'apprendre avec quels sentiments je dois ĂÂȘtre, pour la vie, votre trĂšs humble, etc. De ..., ce 26 aoĂ»t 17** LETTRE XLII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Quelque dures que soient, Madame, les conditions que vous m'imposez, je ne refuse pas de les remplir. Je sens qu'il me serait impossible de contrarier aucun de vos dĂ©sirs. Une fois d'accord sur ce point, j'ose me flatter qu'Ă mon tour, vous me permettrez de vous faire quelques demandes, bien plus faciles Ă accorder que les vĂÂŽtres, et que pourtant je ne veux obtenir que de ma soumission parfaite Ă votre volontĂ©. L'une, que j'espĂšre qui sera sollicitĂ©e par votre justice, est de vouloir bien me nommer mes accusateurs auprĂšs de vous; ils me font, ce me semble, assez de mal pour que j'aie le droit de les connaĂtre; l'autre, que j'attends de votre indulgence, est de vouloir bien me permettre de vous renouveler quelquefois l'hommage d'un amour qui va plus que jamais mĂ©riter votre pitiĂ©. Songez, Madame, que je m'empresse de vous obĂ©ir, lors mĂÂȘme que je ne peux le faire qu'aux dĂ©pens de mon bonheur; je dirai plus, malgrĂ© la persuasion oĂÂč je suis que vous ne dĂ©sirez mon dĂ©part que pour vous sauver le spectacle, toujours pĂ©nible, de l'objet de votre injustice. Convenez-en, Madame, vous craignez moins un public trop accoutumĂ© Ă vous respecter pour oser porter de vous un jugement dĂ©savantageux, que vous n'ĂÂȘtes gĂÂȘnĂ©e par la prĂ©sence d'un homme qu'il vous est plus facile de punir que de blĂÂąmer. Vous m'Ă©loignez de vous comme on dĂ©tourne ses regards d'un malheureux qu'on ne veut pas secourir. Mais tandis que l'absence va redoubler mes tourments, Ă quelle autre qu'Ă vous puis-je adresser mes plaintes? de quelle autre puis-je attendre des consolations qui vont me si devenir nĂ©cessaires? Me les refuserez-vous, quand vous seule causez mes peines? Sans doute vous ne serez pas Ă©tonnĂ©e non plus, qu'avant de partir j'aie Ă cĂ âur de justifier auprĂšs de vous les sentiments que vous m'avez inspirĂ©s; comme aussi que je ne trouve le courage de m'Ă©loigner qu'en en recevant l'ordre de votre bouche. Cette double raison me fait vous demander un moment d'entretien. Inutilement voudrions-nous y supplĂ©er par Lettres on Ă©crit des volumes et l'on explique mal ce qu'un quart d'heure de conversation suffit pour faire bien entendre. Vous trouverez facilement le temps de me l'accorder car quelque empressĂ© que je sois de vous obĂ©ir, vous savez que Madame de Rosemonde est instruite de mon projet de passer chez elle une partie de l'automne, et il faudra au moins que j'attende une Lettre pour pouvoir prĂ©texter une affaire qui me force Ă partir. Adieu, Madame; jamais ce mot ne m'a tant coĂ»tĂ© Ă Ă©crire que dans ce moment oĂÂč il me ramĂšne Ă l'idĂ©e de notre sĂ©paration. Si vous pouviez imaginer ce qu'elle me fait souffrir, j'ose croire que vous me sauriez quelque grĂ© de ma docilitĂ©. Recevez, au moins, avec plus d'indulgence l'assurance et l'hommage de l'Amour le plus tendre et le plus respectueux. De ..., ce 26 aoĂ»t 17** SUITE DE LA LETTRE XL DU VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL A prĂ©sent, raisonnons, ma belle amie. Vous sentez comme moi que la scrupuleuse, l'honnĂÂȘte Madame de Tourvel ne peut pas m'accorder la premiĂšre de mes demandes, et trahir la confiance de ses amies, en me nommant mes accusateurs; ainsi en promettant tout Ă cette condition, je ne m'engage Ă rien. Mais vous sentez aussi que ce refus qu'elle me fera deviendra un titre pour obtenir tout le reste; et qu'alors je gagne, en m'Ă©loignant, d'entrer avec elle, et de son aveu, en correspondance rĂ©glĂ©e car je compte pour peu le rendez-vous que je lui demande, et qui n'a presque d'autre objet que de l'accoutumer d'avance Ă n'en pas refuser d'autres quand ils me seront vraiment nĂ©cessaires. La seule chose qui me reste Ă faire avant mon dĂ©part est de savoir quels sont les gens qui s'occupent Ă me nuire auprĂšs d'elle. Je prĂ©sume que c'est son pĂ©dant de mari; je le voudrais outre qu'une dĂ©fense conjugale est un aiguillon au dĂ©sir, je serais sĂ»r que du moment que ma belle aura consenti Ă m'Ă©crire, je n'aurais plus rien Ă craindre de son mari, puisqu'elle se trouverait dĂ©jĂ dans la nĂ©cessitĂ© de le tromper. Mais si elle a une amie assez intime pour avoir sa confidence, et que cette amie-lĂ soit contre moi, il me paraĂt nĂ©cessaire de les brouiller, et je compte y rĂ©ussir mais avant tout il faut ĂÂȘtre instruit. J'ai bien cru que j'allais l'ĂÂȘtre hier; mais cette femme ne fait rien comme une autre. Nous Ă©tions chez elle, au moment oĂÂč l'on vint avertir que le dĂner Ă©tait servi. Sa toilette se finissait seulement, et tout en se pressant, et en faisant des excuses, je m'aperçus qu'elle laissait la clef Ă son secrĂ©taire; et je connais son usage de ne pas ĂÂŽter celle de son appartement. J'y rĂÂȘvais pendant le dĂner, lorsque j'entendis descendre sa femme de chambre je pris mon parti aussitĂÂŽt je feignis un saignement de nez, et sortis. Je volai au secrĂ©taire; mais je trouvai tous les tiroirs ouverts, et pas un papier Ă©crit. Cependant on n'a pas d'occasion de les brĂ»ler dans cette saison. Que fait elle des lettres qu'elle reçoit? et elle en reçoit souvent. Je n'ai rien nĂ©gligĂ©; tout Ă©tait ouvert, et j'ai cherchĂ© partout mais je n'y ai rien gagnĂ©, que de me convaincre que ce dĂ©pĂÂŽt prĂ©cieux reste dans ses poches. Comment l'en tirer? Depuis hier je m'occupe inutilement d'en trouver les moyens cependant je ne peux en vaincre le dĂ©sir. Je regrette de n'avoir pas le talent des filous. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans l'Ă©ducation d'un homme qui se mĂÂȘle d'intrigues? ne serait-il pas plaisant de dĂ©rober la lettre ou le portrait d'un rival, ou de tirer des poches d'une prude de quoi la dĂ©masquer? Mais nos parents ne songent Ă rien; et, moi j'ai beau songer Ă tout, je ne fais que m'apercevoir que je suis gauche, sans pouvoir y remĂ©dier. Quoi qu'il en soit, je revins me mettre Ă table, fort mĂ©content. Ma Belle calma pourtant un peu mon humeur, par l'air d'intĂ©rĂÂȘt que lui donna ma feinte indisposition; et je ne manquai pas de l'assurer que j'avais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altĂ©raient ma santĂ©. PersuadĂ©e comme elle est que c'est elle qui les cause, ne devait-elle pas en conscience travailler Ă les calmer? Mais, quoique dĂ©vote, elle est peu charitable; elle refuse toute aumĂÂŽne amoureuse, et ce refus suffit bien, ce me semble, pour en autoriser le vol. Mais adieu; car tout en causant avec vous, je ne songe qu'Ă ces maudites Lettres. De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XLIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Pourquoi chercher, Monsieur, Ă diminuer ma reconnaissance? Pourquoi ne vouloir m'obĂ©ir qu'Ă demi, et marchander en quelque sorte un procĂ©dĂ© honnĂÂȘte? Il ne vous suffit donc pas que j'en sente le prix? Non seulement vous demandez beaucoup; mais vous demandez des choses impossibles. Si en effet mes amis m'ont parlĂ© de vous, ils ne l'ont pu faire que par intĂ©rĂÂȘt pour moi quand mĂÂȘme ils se seraient trompĂ©s, leur intention n'en Ă©tait pas moins bonne; et vous me proposez de reconnaĂtre cette marque d'attachement de leur part, en vous livrant leur secret! J'ai dĂ©jĂ eu tort de vous en parler, et vous me le faites assez sentir en ce moment. Ce qui n'eĂ»t Ă©tĂ© que de la candeur avec tout autre, devient une Ă©tourderie avec vous, et me mĂšnerait Ă une noirceur, si je cĂ©dais Ă votre demande. J'en appelle Ă vous-mĂÂȘme, Ă votre honnĂÂȘtetĂ©; m'avez-vous crue capable de ce procĂ©dĂ©? avez-vous dĂ» me le proposer? non sans doute; et je suis sĂ»re qu'en y rĂ©flĂ©chissant mieux vous ne reviendrez plus sur cette demande. Celle que vous me faites de m'Ă©crire n'est guĂšre plus facile Ă accorder; et si vous voulez ĂÂȘtre juste, ce n'est pas Ă moi que vous vous en prendrez. Je ne veux point vous offenser; mais avec la rĂ©putation que vous vous ĂÂȘtes acquise, et que, de votre aveu mĂÂȘme, vous mĂ©ritez au moins en partie, quelle femme pourrait avouer ĂÂȘtre en correspondance avec vous? et quelle femme honnĂÂȘte peut se dĂ©terminer Ă faire ce qu'elle sent qu'elle serait obligĂ©e de cacher? Encore si j'Ă©tais assurĂ©e que vos Lettres fussent telles que je n'eusse jamais Ă m'en plaindre, que je pusse toujours me justifier Ă mes yeux de les avoir reçues! peut-ĂÂȘtre alors le dĂ©sir de vous prouver que c'est la raison et non la haine qui me guide me ferait passer par-dessus ces considĂ©rations puissantes, et faire beaucoup plus que je ne devrais, en vous permettant de m'Ă©crire quelquefois. Si en effet vous le dĂ©sirez autant que vous me le dites, vous vous soumettrez volontiers Ă la seule condition qui puisse m'y faire consentir; et si vous avez quelque reconnaissance de ce que je fais pour vous en ce moment, vous ne diffĂ©rerez plus de partir. Permettez-moi de vous observer Ă ce sujet, que vous avez reçu une Lettre ce matin et que vous n'en avez pas profitĂ© pour annoncer votre dĂ©part Ă Madame de Rosemonde, comme vous me l'aviez promis. J'espĂšre qu'Ă prĂ©sent rien ne pourra vous empĂÂȘcher de tenir votre parole. Je compte surtout que vous n'attendrez pas, pour cela, l'entretien que vous me demandez, auquel je ne veux absolument pas me prĂÂȘter; et qu'au lieu de l'ordre que vous prĂ©tendez vous ĂÂȘtre nĂ©cessaire, vous vous contenterez de la priĂšre que je vous renouvelle. Adieu, Monsieur. De ..., ce 27 aoĂ»t 17** LETTRE XLIV LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Partagez ma joie, ma belle amie; je suis aimĂ©; j'ai triomphĂ© de ce cĂ âur rebelle. C'est en vain qu'il dissimule encore; mon heureuse adresse a surpris son secret. GrĂÂące Ă mes soins actifs, je sais tout ce qui m'intĂ©resse depuis la nuit, l'heureuse nuit d'hier, je me retrouve dans mon Ă©lĂ©ment; j'ai repris toute mon existence; j'ai dĂ©voilĂ© un double mystĂšre d'amour et d'iniquitĂ© je jouirai de l'un, je me vengerai de l'autre; je volerai de plaisirs en plaisirs. La seule idĂ©e que je m'en fais me transporte au point que j'ai quelque peine Ă rappeler ma prudence; que j'en aurai peut-ĂÂȘtre Ă mettre de l'ordre dans le rĂ©cit que j'ai Ă vous faire. Essayons cependant. Hier mĂÂȘme, aprĂšs vous avoir Ă©crit ma Lettre, j'en reçus une de la cĂ©leste dĂ©vote. Je vous l'envoie; vous y verrez qu'elle me donne, le moins maladroitement qu'elle peut, la permission de lui Ă©crire mais elle y presse mon dĂ©part, et je sentais bien que je ne pouvais le diffĂ©rer trop longtemps sans me nuire. TourmentĂ© cependant du dĂ©sir de savoir qui pouvait avoir Ă©crit contre moi, j'Ă©tais encore incertain du parti que je prendrais. Je tentai de gagner la Femme de chambre, et je voulus obtenir d'elle de me livrer les poches de sa MaĂtresse, dont elle pouvait s'emparer aisĂ©ment le soir, et qu'il lui Ă©tait facile de replacer le matin, sans donner le moindre soupçon. J'offris dix louis pour ce lĂ©ger service mais je ne trouvai qu'une bĂ©gueule, scrupuleuse ou timide, que mon Ă©loquence ni mon argent ne purent vaincre. Je la prĂÂȘchais encore, quand le souper sonna. Il fallut la laisser trop heureux qu'elle voulĂ»t bien me promettre le secret, sur lequel mĂÂȘme vous jugez que je ne comptais guĂšre. Jamais je n'eus plus d'humeur. Je me sentais compromis; et je me reprochais, toute la soirĂ©e, ma dĂ©marche imprudente. RetirĂ© chez moi, non sans inquiĂ©tude, je parlai Ă mon Chasseur qui, en sa qualitĂ© d'Amant heureux, devait avoir quelque crĂ©dit. Je voulais, ou qu'il obtĂnt de cette fille de faire ce que je lui avais demandĂ©, ou au moins qu'il s'assurĂÂąt de sa discrĂ©tion mais lui, qui d'ordinaire ne doute de rien, parut douter du succĂšs de cette nĂ©gociation, et me fit Ă ce sujet une rĂ©flexion qui m'Ă©tonna par sa profondeur. " Monsieur sait sĂ»rement mieux que moi " , me dit-il, " que coucher avec une fille, ce n'est que lui faire faire ce qui lui plaĂt de lĂ Ă lui faire faire ce que nous voulons, il y a souvent bien loin. " Le bon sens du Maraud quelquefois m'Ă©pouvante . [PIRON, MĂ©tromanie] " Je rĂ©ponds d'autant moins de celle-ci " , ajouta-t-il, " que j'ai lieu de croire qu'elle a un Amant, et que je ne la dois qu'au dĂ©sĂ âuvrement de la campagne. Aussi, sans mon zĂšle pour le service de Monsieur, je n'aurais eu cela qu'une fois. " C'est un vrai trĂ©sor que ce garçon! " Quant au secret " , ajouta-t-il encore, " Ă quoi servira-t-il de lui faire promettre, puisqu'elle ne risquera rien Ă nous tromper? lui en reparler ne ferait que lui mieux apprendre qu'il est important, et par lĂ lui donner plus d'envie d'en faire sa cour Ă sa MaĂtresse. " Plus ces rĂ©flexions Ă©taient justes, plus mon embarras augmentait. Heureusement le drĂÂŽle Ă©tait en train de jaser; et comme j'avais besoin de lui, je le laissais faire. Tout en me racontant son histoire avec cette fille, il m'apprit que comme la chambre qu'elle occupe n'est sĂ©parĂ©e de celle de sa MaĂtresse que par une simple cloison, qui pouvait laisser entendre un bruit suspect, c'Ă©tait dans la sienne qu'ils se rassemblaient chaque nuit. AussitĂÂŽt je formai mon plan, je le lui communiquai, et nous l'exĂ©cutĂÂąmes avec succĂšs. J'attendis deux heures du matin; et alors je me rendis, comme nous en Ă©tions convenus, Ă la chambre du rendez-vous, portant de la lumiĂšre avec moi, et sous prĂ©texte d'avoir sonnĂ© plusieurs fois inutilement. Mon confident, qui joue ses rĂÂŽles Ă merveille, donna une petite scĂšne de surprise, de dĂ©sespoir et d'excuse, que je terminai en l'envoyant me faire chauffer de l'eau, dont je feignis avoir besoin; tandis que la scrupuleuse ChambriĂšre Ă©tait d'autant plus honteuse, que le drĂÂŽle qui avait voulu renchĂ©rir sur mes projets l'avait dĂ©terminĂ©e Ă une toilette que la saison comportait, mais qu'elle n'excusait pas. Comme je sentais que plus cette fille serait humiliĂ©e, plus j'en disposerais facilement, je ne lui permis de changer ni de situation ni de parure; et aprĂšs avoir ordonnĂ© Ă mon Valet de m'attendre chez moi, je m'assis Ă cĂÂŽtĂ© d'elle sur le lit qui Ă©tait fort en dĂ©sordre, et je commençai ma conversation. J'avais besoin de garder l'empire que la circonstance me donnait sur elle aussi conservai-je un sang-froid qui eĂ»t fait honneur Ă la continence de Scipion; et sans prendre la plus petite libertĂ© avec elle, ce que pourtant sa fraĂcheur et l'occasion semblaient lui donner le droit d'espĂ©rer, je lui parlai d'affaires aussi tranquillement que j'aurais pu faire avec un Procureur. Mes conditions furent que je garderais fidĂšlement le secret, pourvu que le lendemain, Ă pareille heure Ă peu prĂšs, elle me livrĂÂąt les poches de sa MaĂtresse. " Au reste " , ajoutai-je, " je vous avais offert dix louis hier; je vous les promets encore aujourd'hui. Je ne veux pas abuser de votre situation. " Tout fut accordĂ©, comme vous pouvez croire; alors je me retirai, et permis Ă l'heureux couple de rĂ©parer le temps perdu. J'employai le mien Ă dormir; et Ă mon rĂ©veil, voulant avoir un prĂ©texte pour ne pas rĂ©pondre Ă la Lettre de ma Belle avant d'avoir visitĂ© ses papiers, ce que je ne pouvais faire que la nuit suivante, je me dĂ©cidai Ă aller Ă la chasse, oĂÂč je restai presque tout le jour. A mon retour, je fus reçu assez froidement. J'ai lieu de croire qu'on fut un peu piquĂ© du peu d'empressement que je mettais Ă profiter du temps qui me restait; surtout aprĂšs la Lettre plus douce que l'on m'avait Ă©crite. J'en juge ainsi, sur ce que Madame de Rosemonde m'ayant fait quelques reproches sur cette longue absence, ma Belle reprit avec un peu d'aigreur " Ah! ne reprochons pas Ă M. de Valmont de se livrer au seul plaisir qu'il peut trouver ici. " Je me plaignis de cette injustice, et j'en profitai pour assurer que je me plaisais tant avec ces Dames, que j'y sacrifiais une Lettre trĂšs intĂ©ressante que j'avais Ă Ă©crire. J'ajoutai que, ne pouvant trouver le sommeil depuis plusieurs nuits, j'avais voulu essayer si la fatigue me le rendrait; et mes regards expliquaient assez et le sujet de ma Lettre, et la cause de mon insomnie. J'eus soin d'avoir toute la soirĂ©e une douceur mĂ©lancolique qui me parut rĂ©ussir assez bien, et sous laquelle je masquai l'impatience oĂÂč j'Ă©tais de voir arriver l'heure qui devait me livrer le secret qu'on s'obstinait Ă me cacher. Enfin nous nous sĂ©parĂÂąmes, et quelque temps aprĂšs, la fidĂšle Femme de chambre vint m'apporter le prix convenu de ma discrĂ©tion. Une fois maĂtre de ce trĂ©sor, je procĂ©dai Ă l'inventaire avec la prudence que vous me connaissez car il Ă©tait important de remettre tout en place. Je tombai d'abord sur deux Lettres du mari, mĂ©lange indigeste de dĂ©tails de procĂšs et de tirades d'amour conjugal, que j'eus la patience de lire en entier, et oĂÂč je ne trouvai pas un mot qui eĂ»t rapport Ă moi. Je les replaçai avec humeur mais elle s'adoucit, en trouvant sous ma main les morceaux de ma fameuse Lettre de Dijon, soigneusement rassemblĂ©s. Heureusement il me prit fantaisie de la parcourir. Jugez de ma joie, en y apercevant les traces bien distinctes des larmes de mon adorable DĂ©vote. Je l'avoue, je cĂ©dai Ă un mouvement de jeune homme, et baisai cette Lettre avec un transport dont je ne me croyais plus susceptible. Je continuai l'heureux examen; je retrouvai toutes mes Lettres de suite, et par ordre de dates; et ce qui me surprit plus agrĂ©ablement encore, fut de retrouver la premiĂšre de toutes, celle que je croyais m'avoir Ă©tĂ© rendue par une ingrate, fidĂšlement copiĂ©e de sa main; et d'une Ă©criture altĂ©rĂ©e et tremblante, qui tĂ©moignait assez la douce agitation de son cĂ âur pendant cette occupation. Jusque-lĂ j'Ă©tais tout entier Ă l'Amour; bientĂÂŽt il fit place Ă la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprĂšs de cette femme que j'adore? quelle Furie supposez-vous assez mĂ©chante pour tramer une pareille noirceur? Vous la connaissez c'est votre amie, votre parente; c'est Madame de Volanges. Vous n'imaginez pas quel tissu d'horreurs l'infernale MĂ©gĂšre lui a Ă©crit sur mon compte. C'est elle, elle seule, qui a troublĂ© la sĂ©curitĂ© de cette femme angĂ©lique; c'est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcĂ© de m'Ă©loigner; c'est Ă elle enfin que l'on me sacrifie. Ah! sans doute il faut sĂ©duire sa fille mais ce n'est pas assez, il faut la perdre; et puisque l'ĂÂąge de cette maudite femme la met Ă l'abri de mes coups, il faut la frapper dans l'objet de ses affections. Elle veut donc que je revienne Ă Paris! elle m'y force! soit, j'y retournerai, mais elle gĂ©mira de mon retour. Je suis fĂÂąchĂ© que Danceny soit le hĂ©ros de cette aventure, il a un fond d'honnĂÂȘtetĂ© qui nous gĂÂȘnera cependant il est amoureux, et je le vois souvent; on pourra peut-ĂÂȘtre en tirer parti. Je m'oublie dans ma colĂšre, et je ne songe pas que je vous dois le rĂ©cit de ce qui s'est passĂ© aujourd'hui. Revenons. Ce matin j'ai revu ma sensible Prude. Jamais je ne l'avais trouvĂ©e si belle. Cela devait ĂÂȘtre ainsi le plus beau moment d'une femme, le seul oĂÂč elle puisse produire cette ivresse de l'ĂÂąme, dont on parle toujours, et qu'on Ă©prouve si rarement, est celui oĂÂč, assurĂ©s de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs; et c'est prĂ©cisĂ©ment le cas oĂÂč je me trouvais. Peut-ĂÂȘtre aussi l'idĂ©e que j'allais ĂÂȘtre privĂ© du plaisir de la voir servait-elle Ă l'embellir. Enfin, Ă l'arrivĂ©e du Courrier, on m'a remis votre Lettre du 27; et pendant que je la lisais, j'hĂ©sitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole mais j'ai rencontrĂ© les yeux de ma Belle, et il m'aurait Ă©tĂ© impossible de lui rien refuser. J'ai donc annoncĂ© mon dĂ©part. Un moment aprĂšs, Madame de Rosemonde nous a laissĂ©s seuls mais j'Ă©tais encore Ă quatre pas de la farouche personne, que se levant avec l'air de l'effroi " Laissez-moi, laissez-moi, Monsieur " , m'a- t-elle dit; " au nom de Dieu, laissez-moi. " Cette priĂšre fervente, qui dĂ©celait son Ă©motion, ne pouvait que m'animer davantage. DĂ©jĂ j'Ă©tais auprĂšs d'elle, et je tenais ses mains qu'elle avait jointes avec une expression tout Ă fait touchante; lĂ , je commençais de tendres plaintes, quand un dĂ©mon ennemi ramena Madame de Rosemonde. La timide DĂ©vote, qui a en effet quelques raisons de craindre, en a profitĂ© pour se retirer. Je lui ai pourtant offert la main qu'elle a acceptĂ©e; et augurant bien de cette douceur, qu'elle n'avait pas eue depuis longtemps, tout en recommençant mes plaintes j'ai essayĂ© de serrer la sienne. Elle a d'abord voulu la retirer; mais sur une instance plus vive, elle s'est livrĂ©e d'assez bonne grĂÂące, quoique sans rĂ©pondre ni Ă ce geste, ni Ă mes discours. ArrivĂ©s Ă la porte de son appartement, j'ai voulu baiser cette main, avant de la quitter. La dĂ©fense a commencĂ© par ĂÂȘtre franche; mais un songez donc que je pars , prononcĂ© bien tendrement, l'a rendue gauche et insuffisante. A peine le baiser a-t-il Ă©tĂ© donnĂ©, que la main a retrouvĂ© sa force pour Ă©chapper, et que la Belle est entrĂ©e dans son appartement oĂÂč Ă©tait sa Femme de chambre. Ici finit mon histoire. Comme je prĂ©sume que vous serez demain chez la MarĂ©chale de ... , oĂÂč sĂ»rement je n'irai pas vous trouver; comme je me doute bien aussi qu'Ă notre premiĂšre entrevue nous aurons plus d'une affaire Ă traiter, et notamment celle de la petite Volanges, que je ne perds pas de vue, j'ai pris le parti de me faire prĂ©cĂ©der par cette Lettre; et toute longue qu'elle est, je ne la fermerai qu'au moment de l'envoyer Ă la Poste, car au terme oĂÂč j'en suis, tout peut dĂ©pendre d'une occasion; et je vous quitte pour aller l'Ă©pier. Ă huit heures du soir. Rien de nouveau; pas le plus petit moment de libertĂ© du soin mĂÂȘme pour l'Ă©viter. Cependant, autant de tristesse que la dĂ©cence en permettait, pour le moins. Un autre Ă©vĂ©nement qui peut ne pas ĂÂȘtre indiffĂ©rent, c'est que je suis chargĂ© d'une invitation de Madame de Rosemonde Ă Madame de Volanges, pour venir passer quelque temps chez elle Ă la campagne. Adieu, ma belle amie; Ă demain ou aprĂšs-demain au plus tard. De ..., ce 28 aoĂ»t 17** LETTRE XLV LA PRESIDENTE DE TOURVEL A MADAME DE VOLANGES M. de Valmont est parti ce matin, Madame; vous m'avez paru tant dĂ©sirer ce dĂ©part, que j'ai cru devoir vous en instruire. Madame de Rosemonde regrette beaucoup son neveu, dont il faut convenir qu'en effet la sociĂ©tĂ© est agrĂ©able elle a passĂ© toute la matinĂ©e Ă m'en parler avec la sensibilitĂ© que vous lui connaissez; elle ne tarissait pas sur son Ă©loge. J'ai cru lui devoir la complaisance de l'Ă©couter sans la contredire, d'autant qu'il faut avouer qu'elle avait raison sur beaucoup de points. Je sentais de plus que j'avais Ă me reprocher d'ĂÂȘtre la cause de cette sĂ©paration, et je n'espĂšre pas pouvoir la dĂ©dommager du plaisir dont je l'ai privĂ©e. Vous savez que j'ai naturellement peu de gaietĂ©, et le genre de vie que nous allons mener ici n'est pas fait pour l'augmenter. Si je ne m'Ă©tais pas conduite d'aprĂšs vos avis, je craindrais d'avoir agi un peu lĂ©gĂšrement car j'ai Ă©tĂ© vraiment peinĂ©e de la douleur de ma respectable amie; elle m'a touchĂ©e au point que j'aurais volontiers mĂÂȘlĂ© mes larmes aux siennes. Nous vivons Ă prĂ©sent dans l'espoir que vous accepterez l'invitation que M. de Valmont doit vous faire, de la part de Madame de Rosemonde, de venir passer quelque temps chez elle. J'espĂšre que vous ne doutez pas du plaisir que j'aurai Ă vous y voir; et en vĂ©ritĂ© vous nous devez ce dĂ©dommagement. Je serai fort aise de trouver cette occasion de faire une connaissance plus prompte avec Mademoiselle de Volanges, et d'ĂÂȘtre Ă portĂ©e de vous convaincre de plus en plus des sentiments respectueux, etc. De ..., ce 29 aoĂ»t 17** LETTRE XLVI LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES Que vous est-il donc arrivĂ©, mon adorable CĂ©cile? qui a pu causer en vous un changement si prompt et si cruel? que sont devenus vos serments de ne jamais changer? Hier encore, vous les rĂ©itĂ©riez avec tant de plaisir! qui peut aujourd'hui vous les faire oublier? J'ai beau m'examiner, je ne puis en trouver la cause en moi, et il m'est affreux d'avoir Ă la chercher en vous. Ah! sans doute vous n'ĂÂȘtes ni lĂ©gĂšre, ni trompeuse; et mĂÂȘme dans ce moment de dĂ©sespoir, un soupçon outrageant ne flĂ©trira point mon ĂÂąme. Cependant, par quelle fatalitĂ© n'ĂÂȘtes-vous plus la mĂÂȘme? Non, cruelle, vous ne l'ĂÂȘtes plus! La tendre CĂ©cile, la CĂ©cile que j'adore, et dont j'ai reçu les serments, n'aurait point Ă©vitĂ© mes regards, n'aurait point contrariĂ© le hasard heureux qui me plaçait auprĂšs d'elle; ou si quelque raison que je ne peux concevoir l'avait forcĂ©e Ă me traiter avec tant de rigueur, elle n'eĂ»t pas au moins dĂ©daignĂ© de m'en instruire. Ah! vous ne savez pas, vous ne saurez jamais, ma CĂ©cile, ce que vous m'avez fait souffrir aujourd'hui, ce que je souffre encore en ce moment. Croyez-vous donc que je puisse vivre et ne plus ĂÂȘtre aimĂ© de vous? Cependant, quand je vous ai demandĂ© un mot, un seul mot, pour dissiper mes craintes, au lieu de me rĂ©pondre, vous avez feint de craindre d'ĂÂȘtre entendue; et cet obstacle qui n'existait pas alors vous l'avez fait naĂtre aussitĂÂŽt, par la place que vous avez choisie dans le cercle. Quand, forcĂ© de vous quitter, je vous ai demandĂ© l'heure Ă laquelle je pourrais vous revoir demain, vous avez feint de l'ignorer, et il a fallu que ce fĂ»t Madame de Volanges qui m'en instruisĂt. Ainsi ce moment toujours si dĂ©sirĂ© qui doit me rapprocher de vous, demain ne fera naĂtre en moi que de l'inquiĂ©tude; et le plaisir de vous voir, jusqu'alors si cher Ă mon cĂ âur, sera remplacĂ© par la crainte de vous ĂÂȘtre importun. DĂ©jĂ , je le sens, cette crainte m'arrĂÂȘte, et je n'ose vous parler de mon amour. Ce je vous aime , que j'aimais tant Ă rĂ©pĂ©ter quand je pouvais l'entendre Ă mon tour, ce mot si doux, qui suffisait Ă ma fĂ©licitĂ©, ne m'offre plus, si vous ĂÂȘtes changĂ©e, que l'image d'un dĂ©sespoir Ă©ternel. Je ne puis croire pourtant que ce talisman de l'Amour ait perdu toute sa puissance, et j'essaie de m'en servir encore [Ceux qui n'ont pas eu l'occasion de sentir quelquefois le prix d'un mot d'une expression, consacrĂ©s par l'Amour, ne trouveront aucun sens dans cette phrase]. Oui, ma CĂ©cile, je vous aime. RĂ©pĂ©tez donc avec moi cette expression de mon bonheur. Songez que vous m'avez accoutumĂ© Ă l'entendre, et que m'en priver, c'est me condamner Ă un tourment qui, de mĂÂȘme que mon amour, ne finira qu'avec ma vie. De ..., ce 29 aoĂ»t 17** LETTRE XLVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je ne vous verrai pas encore aujourd'hui, ma belle amie, et voici mes raisons, que je vous prie de recevoir avec indulgence. Au lieu de revenir hier directement, je me suis arrĂÂȘtĂ© chez la Comtesse de ***, dont le chĂÂąteau se trouvait presque sur ma route, et Ă qui j'ai demandĂ© Ă dĂner. Je ne suis arrivĂ© Ă Paris que vers les sept heures, et je suis descendu Ă l'OpĂ©ra, oĂÂč j'espĂ©rais que vous pouviez ĂÂȘtre. L'OpĂ©ra fini, j'ai Ă©tĂ© revoir mes amies du foyer; j'y ai retrouvĂ© mon ancienne Emilie, entourĂ©e d'une cour nombreuse, tant en femmes qu'en hommes, Ă qui elle donnait le soir mĂÂȘme Ă souper Ă P... Je ne fus pas plus tĂÂŽt entrĂ© dans ce cercle, que je fus priĂ© du souper, par acclamation. Je le fus aussi par une petite figure grosse et courte qui me baragouina une invitation en français de Hollande, et que je reconnus pour le vĂ©ritable hĂ©ros de la fĂÂȘte. J'acceptai. J'appris, dans ma route, que la maison oĂÂč nous allions Ă©tait le prix convenu des bontĂ©s d'Emilie pour cette figure grotesque, et que ce souper Ă©tait un vĂ©ritable repas de noces. Le petit homme ne se possĂ©dait pas de joie, dans l'attente du bonheur dont il allait jouir; il m'en parut si satisfait, qu'il me donna envie de le troubler; ce que je fis en effet. La seule difficultĂ© que j'Ă©prouvai fut de dĂ©cider Emilie que la richesse du Bourgmestre rendait un peu scrupuleuse. Elle se prĂÂȘta pourtant, aprĂšs quelques façons, au projet que je donnai, de remplir de vin ce petit tonneau Ă biĂšre, et de le mettre ainsi hors de combat pour toute la nuit. L'idĂ©e sublime que nous nous Ă©tions formĂ©e d'un buveur Hollandais nous fit employer tous les moyens connus. Nous rĂ©ussĂmes si bien, qu'au dessert il n'avait dĂ©jĂ plus la force de tenir son verre mais la secourable Emilie et moi l'entonnions Ă qui mieux mieux. Enfin, il tomba sous la table, dans une ivresse telle, qu'elle doit au moins durer huit jours. Nous nous dĂ©cidĂÂąmes alors Ă le renvoyer Ă Paris; et comme il n'avait pas gardĂ© sa voiture, je le fis charger dans la mienne, et je restai Ă sa place. Je reçus ensuite les compliments de l'assemblĂ©e, qui se retira bientĂÂŽt aprĂšs, et me laissa maĂtre du champ de bataille. Cette gaietĂ©, et peut-ĂÂȘtre ma longue retraite, m'ont fait trouver Emilie si dĂ©sirable, que je lui ai promis de rester avec elle jusqu'Ă la rĂ©surrection du Hollandais. Cette complaisance de ma part est le prix de celle qu'elle vient d'avoir, de me servir de pupitre pour Ă©crire Ă ma belle DĂ©vote, Ă qui j'ai trouvĂ© plaisant d'envoyer une Lettre Ă©crite du lit et presque d'entre les bras d'une fille, interrompue mĂÂȘme pour une infidĂ©litĂ© complĂšte, et dans laquelle je lui rends un compte exact de ma situation et de ma conduite. Emilie, qui a lu l'EpĂtre, en a ri comme une folle, et j'espĂšre que vous en rirez aussi. Comme il faut que ma Lettre soit timbrĂ©e de Paris, je vous l'envoie; je la laisse ouverte. Vous voudrez bien la lire, la cacheter, et la faire mettre Ă la Poste. Surtout n'allez pas vous servir de votre cachet, ni mĂÂȘme d'aucun emblĂšme amoureux; une tĂÂȘte seulement. Adieu, ma belle amie. Je rouvre ma Lettre; j'ai dĂ©cidĂ© Emilie Ă aller aux Italiens. Je profiterai de ce temps pour aller vous voir. Je serai chez vous Ă six heures au plus tard; et si cela vous convient, nous irons ensemble sur les sept heures chez Madame de Volanges. Il sera dĂ©cent que je ne diffĂšre pas l'invitation que j'ai Ă lui faire de la part de Madame de Rosemonde; de plus, je serai bien aise de voir la petite Volanges. Adieu, la trĂšs belle dame. Je veux avoir tant de plaisir Ă vous embrasser que le Chevalier puisse en ĂÂȘtre jaloux. De P. . , ce 30 aoĂ»t 17** LETTRE XLVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL TIMBREE DE PARIS. C'est aprĂšs une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermĂ© l'oeil; c'est aprĂšs avoir Ă©tĂ© sans cesse ou dans l'agitation d'une ardeur dĂ©vorante, ou dans l'entier anĂ©antissement de toutes les facultĂ©s de mon ĂÂąme, que je viens chercher auprĂšs de vous, Madame, un calme dont j'ai besoin, et dont pourtant je n'espĂšre pas jouir encore. En effet, la situation oĂÂč je suis en vous Ă©crivant me fait connaĂtre plus que jamais la puissance irrĂ©sistible de l'Amour; j'ai peine Ă conserver assez d'empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idĂ©es; et dĂ©jĂ je prĂ©vois que je ne finirai pas cette Lettre sans ĂÂȘtre obligĂ© de l'interrompre. Quoi! ne puis-je donc espĂ©rer que vous partagerez quelque jour le trouble que j'Ă©prouve en ce moment? J'ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n'y seriez pas entiĂšrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillitĂ©, le sommeil de l'ĂÂąme, image de la mort, ne mĂšnent point au bonheur; les passions actives peuvent seules y conduire; et malgrĂ© les tourments que vous me faites Ă©prouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m'accablez-vous de vos rigueurs dĂ©solantes, elles ne m'empĂÂȘchent point de m'abandonner entiĂšrement Ă l'Amour et d'oublier, dans le dĂ©lire qu'il me cause, le dĂ©sespoir auquel vous me livrez. C'est ainsi que je veux me venger de l'exil auquel vous me condamnez. Jamais je n'eus tant de plaisir en vous Ă©crivant; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une Ă©motion si douce et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports l'air que je respire est plein de voluptĂ©; la table mĂÂȘme sur laquelle je vous Ă©cris, consacrĂ©e pour la premiĂšre fois Ă cet usage, devient pour moi l'autel sacrĂ© de l'Amour; combien elle va s'embellir Ă mes yeux! j'aurai tracĂ© sur elle le serment de vous aimer toujours! Pardonnez, je vous en supplie, au dĂ©sordre de mes sens. Je devrais peut-ĂÂȘtre m'abandonner moins Ă des transports que vous ne partagez pas il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s'augmente Ă chaque instant, et qui devient plus forte que moi. Je reviens Ă vous, Madame, et sans doute j'y reviens toujours avec le mĂÂȘme empressement. Cependant le sentiment du bonheur a fui loin de moi; il a fait place Ă celui des privations cruelles. A quoi me sert-il de vous parler de mes sentiments, si je cherche en vain les moyens de vous convaincre? aprĂšs tant d'efforts rĂ©itĂ©rĂ©s, la confiance et la force m'abandonnent Ă la fois. Si je me retrace encore les plaisirs de l'Amour, c'est pour sentir plus vivement le regret d'en ĂÂȘtre privĂ©. Je ne me vois de ressource que dans votre indulgence, et je sens trop, dans ce moment, combien j'en ai besoin pour espĂ©rer de l'obtenir. Cependant, jamais mon amour ne fut plus respectueux, jamais il ne dut moins vous offenser; il est tel, j'ose le dire, que la vertu la plus sĂ©vĂšre ne devrait pas le craindre mais je crains moi-mĂÂȘme de vous entretenir plus longtemps de la peine que j'Ă©prouve. AssurĂ© que l'objet qui la cause ne la partage pas, il ne faut pas au moins abuser de ses bontĂ©s; et ce serait le faire, que d'employer plus de temps Ă vous retracer cette douloureuse image. Je ne prends plus que celui de vous supplier de me rĂ©pondre, et de ne jamais douter de la vĂ©ritĂ© de mes sentiments. Ecrite de P ..., datĂ©e de Paris, ce 30 aoĂ»t l7**. LETTRE XLIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Sans ĂÂȘtre ni lĂ©gĂšre, ni trompeuse, il me suffit, Monsieur, d'ĂÂȘtre Ă©clairĂ©e sur ma conduite, pour sentir la nĂ©cessitĂ© d'en changer; j'en ai promis le sacrifice Ă Dieu, jusqu'Ă ce que je puisse lui offrir aussi celui de mes sentiments pour vous, que l'Ă©tat Religieux dans lequel vous ĂÂȘtes rend plus criminels encore. Je sens bien que cela me fera de la peine, et je ne vous cacherai mĂÂȘme pas que depuis avant-hier j'ai pleurĂ© toutes les fois que j'ai songĂ© Ă vous. Mais j'espĂšre que Dieu me fera la grĂÂące de me donner la force nĂ©cessaire pour vous oublier, comme je la lui demande soir et matin. J'attends mĂÂȘme de votre amitiĂ©, et de votre honnĂÂȘtetĂ©, que vous ne chercherez pas Ă me troubler dans la bonne rĂ©solution qu'on m'a inspirĂ©e, et dans laquelle je tĂÂąche de me maintenir. En consĂ©quence, je vous demande d'avoir la complaisance de ne me plus Ă©crire, d'autant que je vous prĂ©viens que je ne vous rĂ©pondrais plus, et que vous me forceriez d'avertir Maman de tout ce qui se passe ce qui me priverait tout Ă fait du plaisir de vous voir. Je n'en conserverai pas moins pour vous tout l'attachement qu'on puisse avoir sans qu'il y ait du mal; et c'est bien de toute mon ĂÂąme que je vous souhaite toute sorte de bonheur. Je sens bien que vous allez ne plus m'aimer autant, et que peut-ĂÂȘtre vous en aimerez bientĂÂŽt une autre mieux que moi. Mais ce sera une pĂ©nitence de plus, de la faute que j'ai commise en vous donnant mon cĂ âur, que je ne devais donner qu'Ă Dieu, et Ă mon mari quand j'en aurai un. J'espĂšre que la misĂ©ricorde divine aura pitiĂ© de ma faiblesse, et qu'elle ne me donnera de peine que ce que j'en pourrai supporter. Adieu, Monsieur; je peux bien vous assurer que s'il m'Ă©tait permis d'aimer quelqu'un, ce ne serait jamais que vous que j'aimerais. Mais voilĂ tout ce que je peux vous dire, et c'est peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme plus que je ne devrais. De ..., ce 31 aoĂ»t 17** LETTRE L LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Est-ce donc ainsi, Monsieur, que vous remplissez les conditions auxquelles j'ai consenti Ă recevoir quelquefois de vos Lettres? Et puis-je ne pas avoir Ă m'en plaindre , quand vous ne m'y parlez que d'un sentiment auquel je craindrais encore de me livrer, quand mĂÂȘme je le pourrais sans blesser tous mes devoirs? Au reste, si j'avais besoin de nouvelles raisons pour conserver cette crainte salutaire, il me semble que je pourrais les trouver dans votre derniĂšre Lettre. En effet, dans le moment mĂÂȘme oĂÂč vous croyez faire l'apologie de l'Amour, que faites-vous au contraire que m'en montrer les orages redoutables? qui peut vouloir d'un bonheur achetĂ© au prix de la raison, et dont les plaisirs peu durables sont au moins suivis des regrets, quand ils ne le sont pas des remords? Vous-mĂÂȘme, chez qui l'habitude de ce dĂ©lire dangereux doit en diminuer l'effet, n'ĂÂȘtes-vous pas cependant obligĂ© de convenir qu'il devient souvent plus fort que vous, et n'ĂÂȘtes-vous pas le premier Ă vous plaindre du trouble involontaire qu'il vous cause? Quel ravage effrayant ne ferait-il donc pas sur un cĂ âur neuf et sensible, qui ajouterait encore Ă son empire par la grandeur des sacrifices qu'il serait obligĂ© de lui faire? Vous croyez, Monsieur, ou vous feignez de croire que l'Amour mĂšne au bonheur; et moi, je suis si persuadĂ©e qu'il me rendrait malheureuse, que je voudrais n'entendre jamais prononcer son nom. Il me semble que d'en parler seulement altĂšre la tranquillitĂ©; et c'est autant par goĂ»t que par devoir, que je vous prie de vouloir bien garder le silence sur ce point. AprĂšs tout, cette demande doit vous ĂÂȘtre bien facile Ă m'accorder Ă prĂ©sent. De retour Ă Paris, vous y trouverez assez d'occasions d'oublier un sentiment qui peut-ĂÂȘtre n'a dĂ» sa naissance qu'Ă l'habitude oĂÂč vous ĂÂȘtes de vous occuper de semblables objets, et sa force qu'au dĂ©sĂ âuvrement de la campagne. N'ĂÂȘtes- vous donc pas dans ce mĂÂȘme lieu, oĂÂč vous m'aviez vue avec tant d'indiffĂ©rence? Y pouvez-vous faire un pas sans y rencontrer un exemple de votre facilitĂ© Ă changer et n'y ĂÂȘtes-vous pas entourĂ© de femmes, qui toutes, plus aimables que moi, ont plus de droits Ă vos hommages? Je n'ai pas la vanitĂ© qu'on reproche Ă mon sexe; j'ai encore moins cette fausse modestie qui n'est qu'un raffinement de l'orgueil; et c'est de bien bonne foi que je vous dis ici que je me connais bien peu de moyens de plaire je les aurais tous, que je ne les croirais pas suffisants pour vous fixer. Vous demander de ne plus vous occuper de moi, ce n'est donc que vous prier de faire aujourd'hui ce que dĂ©jĂ vous aviez fait, et ce qu'Ă coup sĂ»r vous feriez encore dans peu de temps, quand mĂÂȘme je vous demanderais le contraire. Cette vĂ©ritĂ©, que je ne perds pas de vue, serait, Ă elle seule, une raison assez forte pour ne pas vouloir vous entendre. J'en ai mille autres encore mais sans entrer dans cette longue discussion, je m'en tiens Ă vous prier, comme je l'ai dĂ©jĂ fait, de ne plus m'entretenir d'un sentiment que je ne dois pas Ă©couter, et auquel je dois encore moins rĂ©pondre. De ..., ce 1er septembre 17** SECONDE PARTIE LETTRE LI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT En vĂ©ritĂ©, Vicomte, vous ĂÂȘtes insupportable. Vous me traitez avec autant de lĂ©gĂšretĂ© que si j'Ă©tais votre MaĂtresse. Savez-vous que je me fĂÂącherai, et que j'ai dans ce moment une humeur effroyable? Comment! vous devez voir Danceny demain matin; vous savez combien il est important que je vous parle avant cette entrevue; et sans vous inquiĂ©ter davantage, vous me laissez vous attendre toute la journĂ©e, pour aller courir je ne sais oĂÂč? Vous ĂÂȘtes cause que je suis arrivĂ©e indĂ©cemment tard chez Madame de Volanges, et que toutes les vieilles femmes m'ont trouvĂ©e merveilleuse. Il m'a fallu leur faire des cajoleries toute la soirĂ©e pour les apaiser car il ne faut pas fĂÂącher les vieilles femmes; ce sont elles qui font la rĂ©putation des jeunes. A prĂ©sent il est une heure du matin, et au lieu de me coucher, comme j'en meurs d'envie, il faut que je vous Ă©crive une longue Lettre, qui va redoubler mon sommeil par l'ennui qu'elle me causera. Vous ĂÂȘtes bien heureux que je n'aie pas le temps de vous gronder davantage. N'allez pas croire pour cela que je vous pardonne; c'est seulement que je suis pressĂ©e. Ecoutez-moi donc, je me dĂ©pĂÂȘche. Pour peu que vous soyez adroit, vous devez avoir demain la confidence de Danceny. Le moment est favorable pour la confiance c'est celui du malheur. La petite fille a Ă©tĂ© Ă confesse; elle a tout dit, comme un enfant; et depuis, elle est tourmentĂ©e Ă un tel point de la peur du diable, qu'elle veut rompre absolument. Elle m'a racontĂ© tous ses petits scrupules, avec une vivacitĂ© qui m'apprenait assez combien sa tĂÂȘte Ă©tait montĂ©e. Elle m'a montrĂ© sa Lettre de rupture, qui est une vraie capucinade. Elle a babillĂ© une heure avec moi, sans me dire un mot qui ait le sens commun. Mais elle ne m'en a pas moins embarrassĂ©e; car vous jugez que je ne pouvais risquer de m'ouvrir vis-Ă -vis d'une aussi mauvaise tĂÂȘte. J'ai vu pourtant au milieu de tout ce bavardage qu'elle n'en aime pas moins son Danceny; j'ai remarquĂ© mĂÂȘme une de ces ressources qui ne manquent jamais Ă l'Amour, et dont la petite fille est assez plaisamment la dupe. TourmentĂ©e par le dĂ©sir de s'occuper de son Amant, et par la crainte de se damner en s'en occupant, elle a imaginĂ© de prier Dieu de le lui faire oublier; et comme elle renouvelle cette priĂšre Ă chaque instant du jour, elle trouve le moyen d'y penser sans cesse. Avec quelqu'un de plus usagĂ© que Danceny, ce petit Ă©vĂ©nement serait peut-ĂÂȘtre plus favorable que contraire, mais le jeune homme est si CĂ©ladon, que, si nous ne l'aidons pas, il lui faudra tant de temps pour vaincre les plus lĂ©gers obstacles qu'il ne nous laissera pas celui d'effectuer notre projet. Vous avez bien raison; c'est dommage, et je suis aussi fĂÂąchĂ©e que vous qu'il soit le hĂ©ros de cette aventure mais que voulez-vous? ce qui est fait est fait; et c'est votre faute. J'ai demandĂ© Ă voir sa RĂ©ponse [Cette Lettre ne s'est pas retrouvĂ©e]; elle m'a fait pitiĂ©. Il lui fait des raisonnements Ă perte d'haleine, pour lui prouver qu'un sentiment involontaire ne peut pas ĂÂȘtre un crime comme s'il ne cessait pas d'ĂÂȘtre involontaire, du moment qu'on cesse de le combattre! Cette idĂ©e est si simple, qu'elle est venue mĂÂȘme Ă la petite fille. Il se plaint de son malheur d'une maniĂšre assez touchante mais sa douleur est si douce et paraĂt si forte et si sincĂšre, qu'il me semble impossible qu'une femme qui trouve l'occasion de dĂ©sespĂ©rer un homme Ă ce point, et avec aussi peu de danger, ne soit pas tentĂ©e de s'en passer la fantaisie. Il lui explique enfin qu'il n'est pas Moine comme la petite le croyait; et c'est, sans contredit, ce qu'il fait de mieux car, pour faire tant que de se livrer Ă l'Amour Monastique, assurĂ©ment MM. les Chevaliers de Malte ne mĂ©riteraient pas la prĂ©fĂ©rence. Quoi qu'il en soit, au lieu de perdre mon temps en raisonnements qui m'auraient compromise, et peut-ĂÂȘtre sans persuader, j'ai approuvĂ© le projet de rupture mais j'ai dit qu'il Ă©tait plus honnĂÂȘte, en pareil cas, de dire ses raisons que de les Ă©crire; qu'il Ă©tait d'usage aussi de rendre les Lettres et les autres bagatelles qu'on pouvait avoir reçues; et paraissant entrer ainsi dans les vues de la petite personne, je l'ai dĂ©cidĂ©e Ă donner un rendez-vous Ă Danceny. Nous en avons sur-le-champ concertĂ© les moyens, et je me suis chargĂ©e de dĂ©cider la mĂšre Ă sortir sans sa fille; c'est demain aprĂšs-midi que sera cet instant dĂ©cisif. Danceny en est dĂ©jĂ instruit; mais, pour Dieu, si vous en trouvez l'occasion, dĂ©cidez donc ce beau Berger Ă ĂÂȘtre moins langoureux; et apprenez-lui, puisqu'il faut lui tout dire, que la vraie façon de vaincre les scrupules est de ne laisser rien Ă perdre Ă ceux qui en ont. Au reste, pour que cette ridicule scĂšne ne se renouvelĂÂąt pas, je n'ai pas manquĂ© d'Ă©lever quelques doutes dans l'esprit de la petite fille sur la discrĂ©tion des Confesseurs; et je vous assure qu'elle paie Ă prĂ©sent la peur qu'elle m'a faite, par celle qu'elle a que le sien n'aille tout dire Ă sa mĂšre. J'espĂšre qu'aprĂšs que j'en aurai causĂ© encore une fois ou deux avec elle, elle n'ira plus raconter ainsi ses sottises au premier venu [Le lecteur a dĂ» deviner depuis longtemps, par les mĂ âurs de Madame de Merteuil, combien peu elle respectait la Religion. On aurait supprimĂ© tout cet alinĂ©a, mais on a cru qu'en montrant les effets, on ne devait pas nĂ©gliger d'en faire connaĂtre les causes.]. Adieu, Vicomte; emparez-vous de Danceny, et conduisez-le. Il serait honteux que nous ne fissions pas ce que nous voulons de deux enfants. Si nous y trouvons plus de peine que nous ne l'avions cru d'abord, songeons, pour animer notre zĂšle, vous, qu'il s'agit de la fille de Madame de Volanges, et moi, qu'elle doit devenir la femme de Gercourt. Adieu. De ..., ce 2 septembre l7**. LETTRE LII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Vous me dĂ©fendez, Madame, de vous parler de mon amour; mais oĂÂč trouver le courage nĂ©cessaire pour vous obĂ©ir? Uniquement occupĂ© d'un sentiment qui devrait ĂÂȘtre si doux, et que vous rendez si cruel; languissant dans l'exil oĂÂč vous m'avez condamnĂ©; ne vivant que de privations et de regrets; en proie Ă des tourments d'autant plus douloureux, qu'ils me rappellent sans cesse votre indiffĂ©rence; me faudra-t-il encore perdre la seule consolation qui me reste? et puis-je en avoir d'autre, que de vous ouvrir quelquefois une ĂÂąme que vous remplissez de trouble et d'amertume? DĂ©tournerez-vous vos regards, pour ne pas voir les pleurs que vous faites rĂ©pandre? Refuserez-vous jusqu'Ă l'hommage des sacrifices que vous exigez? Ne serait-il donc pas plus digne de vous, de votre ĂÂąme honnĂÂȘte et douce, de plaindre un malheureux, qui ne l'est que par vous, que de vouloir encore aggraver ses peines, par une dĂ©fense Ă la fois injuste et rigoureuse. Vous feignez de craindre l'Amour, et vous ne voulez pas voir que vous seule causez les maux que vous lui reprochez. Ah! sans doute, ce sentiment est pĂ©nible, quand l'objet qui l'inspire ne le partage point; mais oĂÂč trouver le bonheur, si un amour rĂ©ciproque ne le procure pas? L'amitiĂ© tendre, la douce confiance et la seule qui soit sans rĂ©serve, les peines adoucies, les plaisirs augmentĂ©s, l'espoir enchanteur, les souvenirs dĂ©licieux, oĂÂč les trouver ailleurs que dans l'Amour? Vous le calomniez, vous qui, pour jouir de tous les biens qu'il vous offre, n'avez qu'Ă ne plus vous y refuser; et moi j'oublie les peines que j'Ă©prouve, pour m'occuper Ă le dĂ©fendre. Vous me forcez aussi Ă me dĂ©fendre moi-mĂÂȘme; car tandis que je consacre ma vie Ă vous adorer, vous passez la vĂÂŽtre Ă me chercher des torts dĂ©jĂ vous me supposez lĂ©ger et trompeur; et abusant, contre moi, de quelques erreurs, dont moi-mĂÂȘme je vous ai fait l'aveu, vous vous plaisez Ă confondre ce que j'Ă©tais alors, avec ce que je suis Ă prĂ©sent. Non contente de m'avoir livrĂ© au tourment de vivre loin de vous, vous y joignez un persiflage cruel, sur des plaisirs auxquels vous savez assez combien vous m'avez rendu insensible. Vous ne croyez ni Ă mes promesses, ni Ă mes serments eh bien! il me reste un garant Ă vous offrir, qu'au moins vous ne suspecterez pas; c'est vous- mĂÂȘme. Je ne vous demande que de vous interroger de bonne foi; si vous ne croyez pas Ă mon amour, si vous doutez un moment de rĂ©gner seule sur mon ĂÂąme, si vous n'ĂÂȘtes pas assurĂ©e d'avoir fixĂ© ce cĂ âur, en effet, jusqu'ici trop volage, je consens Ă porter la peine de cette erreur; j'en gĂ©mirai, mais n'en appellerai point mais si au contraire, nous rendant justice Ă tous deux, vous ĂÂȘtes forcĂ©e de convenir avec vous-mĂÂȘme que vous n'avez, que vous n'aurez jamais de rivale, ne m'obligez plus, je vous supplie, Ă combattre des chimĂšres, et laissez-moi au moins cette consolation de vous voir ne plus douter d'un sentiment qui, en effet, ne finira, ne peut finir qu'avec ma vie. Permettez-moi, Madame, de vous prier de rĂ©pondre positivement Ă cet article de ma Lettre. Si j'abandonne cependant cette Ă©poque de ma vie, qui paraĂt me nuire si cruellement auprĂšs de vous, ce n'est pas qu'au besoin les raisons me manquassent pour la dĂ©fendre. Qu'ai-je fait, aprĂšs tout, que ne pas rĂ©sister au tourbillon dans lequel j'avais Ă©tĂ© jetĂ©? EntrĂ© dans le monde, jeune et sans expĂ©rience; passĂ©, pour ainsi dire, de mains en mains, par une foule de femmes, qui toutes se hĂÂątent de prĂ©venir par leur facilitĂ© une rĂ©flexion qu'elles sentent devoir leur ĂÂȘtre dĂ©favorable; Ă©tait-ce donc Ă moi de donner l'exemple d'une rĂ©sistance qu'on ne m'opposait point? ou devais-je me punir d'un moment d'erreur, et que souvent on avait provoquĂ© par une constance Ă coup sĂ»r inutile, et dans laquelle on n'aurait vu qu'un ridicule? Eh! quel autre moyen qu'une prompte rupture peut justifier d'un choix honteux! Mais, je puis le dire, cette ivresse des sens, peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme ce dĂ©lire de la vanitĂ©, n'a point passĂ© jusqu'Ă mon cĂ âur. NĂ© pour l'Amour, l'intrigue pouvait le distraire, et ne suffisait pas pour l'occuper; entourĂ© d'objets sĂ©duisants, mais mĂ©prisables, aucun n'allait jusqu'Ă mon ĂÂąme on m'offrait des plaisirs, je cherchais des vertus; et moi-mĂÂȘme enfin je me crus inconstant, parce que j'Ă©tais dĂ©licat et sensible. C'est en vous voyant que je me suis Ă©clairĂ© bientĂÂŽt j'ai reconnu que le charme de l'Amour tenait aux qualitĂ©s de l'ĂÂąme; qu'elles seules pouvaient en causer l'excĂšs, et le justifier. Je sentis enfin qu'il m'Ă©tait Ă©galement impossible et de ne pas vous aimer, et d'en aimer une autre que vous. VoilĂ , Madame, quel est ce cĂ âur auquel vous craignez de vous livrer, et sur le sort de qui vous avez Ă prononcer mais quel que soit le destin que vous lui rĂ©servez, vous ne changerez rien aux sentiments qui l'attachent Ă vous; ils sont inaltĂ©rables comme les vertus qui les ont fait naĂtre. De ..., ce 3 septembre 17** LETTRE LIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai vu Danceny, mais je n'en ai obtenu qu'une demi-confidence; il s'est obstinĂ©, surtout, Ă me taire le nom de la petite Volanges, dont il ne m'a parlĂ© que comme d'une femme trĂšs sage, et mĂÂȘme un peu dĂ©vote Ă cela prĂšs, il m'a racontĂ© avec assez de vĂ©ritĂ© son aventure, et surtout le dernier Ă©vĂ©nement. Je l'ai Ă©chauffĂ© autant que j'ai pu, et l'ai beaucoup plaisantĂ© sur sa dĂ©licatesse et ses scrupules; mais il paraĂt qu'il y tient, et je ne puis pas rĂ©pondre de lui au reste, je pourrai vous en dire davantage aprĂšs-demain. Je le mĂšne demain Ă Versailles, et je m'occuperai Ă le scruter pendant la route. Le rendez-vous qui doit avoir eu lieu aujourd'hui me donne aussi quelque espĂ©rance il se pourrait que tout s'y fĂ»t passĂ© Ă notre satisfaction; et peut-ĂÂȘtre ne nous reste-t-il Ă prĂ©sent qu'Ă en arracher l'aveu, et Ă en recueillir les preuves. Cette besogne vous sera plus facile qu'Ă moi car la petite personne est plus confiante, ou, ce qui revient au mĂÂȘme, plus bavarde, que son discret Amoureux. Cependant j'y ferai mon possible. Adieu, ma belle amie, je suis fort pressĂ©; je ne vous verrai ni ce soir, ni demain si de votre cĂÂŽtĂ© vous avez su quelque chose, Ă©crivez-moi un mot pour mon retour. Je reviendrai sĂ»rement coucher Ă Paris. De ..., ce 3 septembre 17**, au soir. LETTRE LIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Oh! oui! c'est bien avec Danceny qu'il y a quelque chose Ă savoir! S'il vous l'a dit, il s'est vantĂ©. Je ne connais personne si bĂÂȘte en amour, et je me reproche de plus en plus les bontĂ©s que nous avons pour lui. Savez-vous que j'ai pensĂ© ĂÂȘtre compromise par rapport Ă lui! et que ce soit en pure perte! Oh! je m'en vengerai, je le promets. Quand j'arrivai hier pour prendre Madame de Volanges, elle ne voulait plus sortir; elle se sentait incommodĂ©e; il me fallut toute mon Ă©loquence pour la dĂ©cider, et je vis le moment que Danceny serait arrivĂ© avant notre dĂ©part; ce qui eĂ»t Ă©tĂ© d'autant plus gauche que Madame de Volanges lui avait dit la veille qu'elle ne serait pas chez elle. Sa fille et moi, nous Ă©tions sur les Ă©pines. Nous sortĂmes enfin; et la petite me serra la main si affectueusement en me disant adieu, que malgrĂ© son projet de rupture, dont elle croyait de bonne foi s'occuper encore, j'augurai des merveilles de la soirĂ©e. Je n'Ă©tais pas au bout de mes inquiĂ©tudes. Il y avait Ă peine une demi-heure que nous Ă©tions chez Madame de *** que Madame de Volanges se trouva mal en effet, mais sĂ©rieusement mal; et comme de raison, elle voulait rentrer chez elle moi, je le voulais d'autant moins que j'avais peur, si nous surprenions les jeunes gens, comme il y avait tout Ă parier, que mes instances auprĂšs de la mĂšre, pour la faire sortir, ne lui devinssent suspectes. Je pris le parti de l'effrayer sur sa santĂ©, ce qui heureusement n'est pas difficile; et je la tins une heure et demie, sans consentir Ă la ramener chez elle, dans la crainte que je feignis d'avoir du mouvement dangereux de la voiture. Nous ne rentrĂÂąmes enfin qu'Ă l'heure convenue. A l'air honteux que je remarquai en arrivant, j'avoue que j'espĂ©rai qu'au moins mes peines n'auraient pas Ă©tĂ© perdues. Le dĂ©sir que j'avais d'ĂÂȘtre instruite me fit rester auprĂšs de Madame de Volanges, qui se coucha aussitĂÂŽt, et aprĂšs avoir soupĂ© auprĂšs de son lit, nous la laissĂÂąmes de trĂšs bonne heure, sous le prĂ©texte qu'elle avait besoin de repos; et nous passĂÂąmes dans l'appartement de sa fille. Celle-ci a fait de son cĂÂŽtĂ© tout ce que j'attendais d'elle; scrupules Ă©vanouis, nouveaux serments d'aimer toujours, etc., elle s'est enfin exĂ©cutĂ©e de bonne grĂÂące mais le sot Danceny n'a pas passĂ© d'une ligne le point oĂÂč il Ă©tait auparavant. Oh! l'on peut se brouiller avec celui-lĂ ; les raccommodements ne sont pas dangereux. La petite assure pourtant qu'il voulait davantage, mais qu'elle a su se dĂ©fendre. Je parierais bien qu'elle se vante, ou qu'elle l'excuse; je m'en suis mĂÂȘme presque assurĂ©e. En effet, il m'a pris fantaisie de savoir Ă quoi m'en tenir sur la dĂ©fense dont elle Ă©tait capable; et moi, simple femme, de propos en propos, j'ai montĂ© sa tĂÂȘte au point... Enfin vous pouvez m'en croire, jamais personne ne fut plus susceptible d'une surprise des sens. Elle est vraiment aimable, cette chĂšre petite! Elle mĂ©ritait un autre Amant; elle aura au moins une bonne amie, car je m'attache sincĂšrement Ă elle. Je lui ai promis de la former et je crois que je lui tiendrai parole. Je me suis souvent aperçue du besoin d'avoir une femme dans ma confidence, et j'aimerais mieux celle-lĂ qu'une autre; mais je ne puis en rien faire, tant qu'elle ne sera pas ce qu'il faut qu'elle soit; et c'est une raison de plus d'en vouloir Ă Danceny. Adieu, Vicomte; ne venez pas chez moi demain, Ă moins que ce ne soit le matin. J'ai cĂ©dĂ© aux instances du Chevalier, pour une soirĂ©e de petite Maison. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LV CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Tu avais raison, ma chĂšre Sophie; tes prophĂ©ties rĂ©ussissent mieux que tes conseils. Danceny, comme tu l'avais prĂ©dit, a Ă©tĂ© plus fort que le Confesseur, que toi, que moi-mĂÂȘme; et nous voilĂ revenus exactement oĂÂč nous en Ă©tions. Ah! je ne m'en repens pas; et toi, si tu m'en grondes ce sera faute de savoir le plaisir qu'il y a Ă aimer Danceny. Il t'est bien aisĂ© de dire comme il faut faire, rien ne t'en empĂÂȘche; mais si tu avais Ă©prouvĂ© combien le chagrin de quelqu'un qu'on aime nous fait mal, comment sa joie devient la nĂÂŽtre, et comment il est difficile de dire non, quand c'est oui que l'on veut dire, tu ne t'Ă©tonnerais plus de rien moi-mĂÂȘme qui l'ai senti, bien vivement senti, je ne le comprends pas encore. Crois-tu, par exemple, que je puisse voir pleurer Danceny sans pleurer moi-mĂÂȘme? Je t'assure bien que cela m'est impossible; et quand il est content, je suis heureuse comme lui. Tu auras beau dire; ce qu'on dit ne change pas ce qui est, et je suis bien sĂ»re que c'est comme ça. Je voudrais te voir Ă ma place... Non, ce n'est pas lĂ ce que je veux dire, car sĂ»rement je ne voudrais cĂ©der ma place Ă personne mais je voudrais que tu aimasses aussi quelqu'un; ce ne serait pas seulement pour que tu m'entendisses mieux, et que tu me grondasses moins; car c'est qu'aussi tu serais plus heureuse, ou, pour mieux dire, tu commencerais seulement alors Ă le devenir. Nos amusements, nos rires, tout cela, vois-tu, ce ne sont que des jeux d'enfants; il n'en reste rien aprĂšs qu'ils sont passĂ©s. Mais l'Amour, ah! l'Amour!... un mot, un regard, seulement de le savoir lĂ , eh bien! c'est le bonheur. Quand je vois Danceny, je ne dĂ©sire plus rien; quand je ne le vois pas, je ne dĂ©sire que lui. Je ne sais comment cela se fait mais on dirait que tout ce qui me plaĂt lui ressemble. Quand il n'est pas avec moi, j'y songe; et quand je peux y songer tout Ă fait, sans distraction, quand je suis toute seule, par exemple, je suis encore heureuse; je ferme les yeux, et tout de suite je crois le voir; je me rappelle ses discours, et je crois l'entendre; cela me fait soupirer; et puis je sens un feu, une agitation... Je ne saurais tenir en place. C'est comme un tourment, et ce tourment-lĂ fait un plaisir inexprimable. Je crois mĂÂȘme que quand une fois on a de l'Amour, cela se rĂ©pand jusque sur l'amitiĂ©. Celle que j'ai pour toi n'a pourtant pas changĂ©; c'est toujours comme au Couvent mais ce que je te dis, je l'Ă©prouve avec Madame de Merteuil. Il me semble que je l'aime plus comme Danceny que comme toi, et quelquefois je voudrais qu'elle fĂ»t lui. Cela vient peut-ĂÂȘtre de ce que ce n'est pas une amitiĂ© d'enfant comme la nĂÂŽtre; ou bien de ce que je les vois si souvent ensemble, ce qui fait que je me trompe. Enfin, ce qu'il y a de vrai, c'est qu'Ă eux deux, ils me rendent bien heureuse; et aprĂšs tout, je ne crois pas qu'il y ait grand mal Ă ce que je fais. Aussi je ne demanderais qu'Ă rester comme je suis; et il n'y a que l'idĂ©e de mon mariage qui me fasse de la peine car si M. de Gercourt est comme on me l'a dit, et je n'en doute pas, je ne sais pas ce que je deviendrai. Adieu, ma Sophie; je t'aime toujours bien tendrement. De ..., ce 4 septembre 17** LETTRE LVI LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT A quoi vous servirait, Monsieur, la rĂ©ponse que vous me demandez? Croire Ă vos sentiments, ne serait-ce pas une raison de plus pour les craindre? et sans attaquer ni dĂ©fendre leur sincĂ©ritĂ©, ne me suffit-il pas, ne doit-il pas vous suffire Ă vous-mĂÂȘme, de savoir que je ne veux ni ne dois y rĂ©pondre? SupposĂ© que vous m'aimiez vĂ©ritablement et c'est seulement pour ne plus revenir sur cet objet que je consens Ă cette supposition, les obstacles qui nous sĂ©parent en seraient-ils moins insurmontables? et aurais-je autre chose Ă faire qu'Ă souhaiter que vous puissiez bientĂÂŽt vaincre cet amour, et surtout Ă vous y aider de tout mon pouvoir, en me hĂÂątant de vous ĂÂŽter toute espĂ©rance? Vous convenez vous-mĂÂȘme que ce sentiment est pĂ©nible quand l'objet qui l'inspire ne le partage point . Or, vous savez assez qu'il m'est impossible de le partager, et quand mĂÂȘme ce malheur m'arriverait, j'en serais plus Ă plaindre, sans que vous en fussiez plus heureux. J'espĂšre que vous m'estimez assez pour n'en pas douter un instant. Cessez donc, je vous en conjure, cessez de vouloir troubler un cĂ âur Ă qui la tranquillitĂ© est si nĂ©cessaire; ne me forcez pas Ă regretter de vous avoir connu. ChĂ©rie et estimĂ©e d'un mari que j'aime et respecte, mes devoirs et mes plaisirs se rassemblent dans le mĂÂȘme objet. Je suis heureuse, je dois l'ĂÂȘtre. S'il existe des plaisirs plus vifs, je ne les dĂ©sire pas; je ne veux point les connaĂtre. En est-il de plus doux que d'ĂÂȘtre en paix avec soi-mĂÂȘme, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'Ă©veiller sans remords? Ce que vous appelez le bonheur n'est qu'un tumulte des sens, un orage des passions dont le spectacle est effrayant, mĂÂȘme Ă le regarder du rivage. Eh! comment affronter ces tempĂÂȘtes? comment oser s'embarquer sur une mer couverte des dĂ©bris de mille et mille naufrages? Et avec qui? Non, Monsieur, je reste Ă terre; je chĂ©ris les liens qui m'y attachent. Je pourrais les rompre, que je ne le voudrais pas; si je ne les avais, je me hĂÂąterais de les prendre. Pourquoi vous attacher Ă mes pas? pourquoi vous obstiner Ă me suivre? Vos Lettres, qui devaient ĂÂȘtre rares, se succĂšdent avec rapiditĂ©. Elles devaient ĂÂȘtre sages, et vous ne m'y parlez que de votre fol amour. Vous m'entourez de votre idĂ©e, plus que vous ne le faisiez de votre personne. EcartĂ© sous une forme, vous vous reproduisez sous une autre. Les choses qu'on vous demande de ne plus dire, vous les redites seulement d'une autre maniĂšre. Vous vous plaisez Ă m'embarrasser par des raisonnements captieux; vous Ă©chappez aux miens. Je ne veux plus vous rĂ©pondre, je ne vous rĂ©pondrai plus... Comme vous traitez les femmes que vous avez sĂ©duites! avec quel mĂ©pris vous en parlez! Je veux croire que quelques-unes le mĂ©ritent mais toutes sont-elles donc si mĂ©prisables? Ah! sans doute, puisqu'elles ont trahi leurs devoirs pour se livrer Ă un amour criminel. De ce moment, elles ont tout perdu, jusqu'Ă l'estime de celui Ă qui elles ont tout sacrifiĂ©. Ce supplice est juste, mais l'idĂ©e seule en fait frĂ©mir. Que m'importe, aprĂšs tout? pourquoi m'occuperais-je d'elles ou de vous? de quel droit venez-vous troubler ma tranquillitĂ©? Laissez-moi, ne me voyez plus; ne m'Ă©crivez plus, je vous en prie; je l'exige. Cette Lettre est la derniĂšre que vous recevrez de moi. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai trouvĂ© votre Lettre hier Ă mon arrivĂ©e. Votre colĂšre m'a tout Ă fait rĂ©joui. Vous ne sentiriez pas plus vivement les torts de Danceny, quand il les aurait eus vis-Ă -vis de vous. C'est sans doute par vengeance, que vous accoutumez sa MaĂtresse Ă lui faire de petites infidĂ©litĂ©s; vous ĂÂȘtes un bien mauvais sujet! Oui, vous ĂÂȘtes charmante, et je ne m'Ă©tonne pas qu'on vous rĂ©siste moins qu'Ă Danceny. Enfin je le sais par cĂ âur, ce beau hĂ©ros de Roman! il n'a plus de secret pour moi. Je lui ai tant dit que l'Amour honnĂÂȘte Ă©tait le bien suprĂÂȘme, qu'un sentiment valait mieux que dix intrigues, que j'Ă©tais moi-mĂÂȘme, dans ce moment, amoureux et timide; il m'a trouvĂ© enfin une façon de penser si conforme Ă la sienne, que dans l'enchantement oĂÂč il Ă©tait de ma candeur, il m'a tout dit, et m'a jurĂ© une amitiĂ© sans rĂ©serve. Nous n'en sommes guĂšre plus avancĂ©s pour notre projet. D'abord, il m'a paru que son systĂšme Ă©tait qu'une demoiselle mĂ©rite beaucoup plus de mĂ©nagements qu'une femme, comme ayant plus Ă perdre. Il trouve, surtout, que rien ne peut justifier un homme de mettre une fille dans la nĂ©cessitĂ© de l'Ă©pouser ou de vivre dĂ©shonorĂ©e, quand la fille est infiniment plus riche que l'homme, comme dans le cas oĂÂč il se trouve. La sĂ©curitĂ© de la mĂšre, la candeur de la fille, tout l'intimide et l'arrĂÂȘte. L'embarras ne serait point de combattre ses raisonnements, quelque vrais qu'ils soient. Avec un peu d'adresse et aidĂ© par la passion, on les aurait bientĂÂŽt dĂ©truits; d'autant qu'ils prĂÂȘtent au ridicule, et qu'on aurait pour soi l'autoritĂ© de l'usage. Mais ce qui empĂÂȘche qu'il n'y ait de prise sur lui, c'est qu'il se trouve heureux comme il est. En effet, si les premiers amours paraissent, en gĂ©nĂ©ral, plus honnĂÂȘtes, et comme on dit plus purs; s'ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n'est pas, comme on le pense, dĂ©licatesse ou timiditĂ©, c'est que le cĂ âur, Ă©tonnĂ© par un sentiment inconnu, s'arrĂÂȘte pour ainsi dire Ă chaque pas, pour jouir du charme qu'il Ă©prouve, et que ce charme est si puissant sur un cĂ âur neuf, qu'il l'occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir. Cela est si vrai, qu'un libertin amoureux, si un libertin peut l'ĂÂȘtre, devient de ce moment mĂÂȘme moins pressĂ© de jouir; et qu'enfin, entre la conduite de Danceny avec la petite Volanges, et la mienne avec la prude Madame de Tourvel, il n'y a que la diffĂ©rence du plus au moins. Il aurait fallu, pour Ă©chauffer notre jeune homme, plus d'obstacles qu'il n'en a rencontrĂ©s; surtout qu'il eĂ»t eu besoin de plus de mystĂšre, car le mystĂšre mĂšne Ă l'audace. Je ne suis pas Ă©loignĂ© de croire que vous nous avez nui en le servant si bien; votre conduite eĂ»t Ă©tĂ© excellente avec un homme usagĂ© , qui n'eĂ»t eu que des dĂ©sirs mais vous auriez pu prĂ©voir que pour un homme jeune, honnĂÂȘte et amoureux, le plus grand prix des faveurs est d'ĂÂȘtre la preuve de l'Amour; et que par consĂ©quent, plus il serait sĂ»r d'ĂÂȘtre aimĂ©, moins il serait entreprenant. Que faire Ă prĂ©sent? Je n'en sais rien; mais je n'espĂšre pas que la petite soit prise avant le mariage, et nous en serons pour nos frais; j'en suis fĂÂąchĂ©, mais je n'y vois pas de remĂšde. Pendant que je disserte ici, vous faites mieux avec votre Chevalier. Cela me fait songer que vous m'avez promis une infidĂ©litĂ© en ma faveur, j'en ai votre promesse par Ă©crit et je ne veux pas en faire un billet de la ChĂÂątre. Je conviens que l'Ă©chĂ©ance n'est pas encore arrivĂ©e mais il serait gĂ©nĂ©reux Ă vous de ne pas l'attendre; et de mon cĂÂŽtĂ©, je vous tiendrais compte des intĂ©rĂÂȘts. Qu'en dites-vous, ma belle amie? est-ce que vous n'ĂÂȘtes pas fatiguĂ©e de votre constance? Ce Chevalier est donc bien merveilleux? Oh! laissez-moi faire; je veux vous forcer de convenir que si vous lui avez trouvĂ© quelque mĂ©rite, c'est que vous m'aviez oubliĂ©. Adieu, ma belle amie; je vous embrasse comme je vous dĂ©sire; je dĂ©fie tous les baisers du Chevalier d'avoir autant d'ardeur. De ..., ce 5 septembre 17** LETTRE LVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Par oĂÂč ai-je donc mĂ©ritĂ©, Madame, et les reproches que vous me faites, et la colĂšre que vous me tĂ©moignez? L'attachement le plus vif et pourtant le plus respectueux, la soumission la plus entiĂšre Ă vos moindres volontĂ©s; voilĂ en deux mots l'histoire de mes sentiments et de ma conduite. AccablĂ© par les peines d'un amour malheureux, je n'avais d'autre consolation que celle de vous voir vous m'avez ordonnĂ© de m'en priver; j'ai obĂ©i sans me permettre un murmure. Pour prix de ce sacrifice, vous m'avez permis de vous Ă©crire, et aujourd'hui vous voulez m'ĂÂŽter cet unique plaisir. Me le laisserai-je ravir, sans essayer de le dĂ©fendre? Non, sans doute eh! comment ne serait-il pas cher Ă mon cĂ âur? c'est le seul qui me reste, et je le tiens de vous. Mes Lettres, dites-vous, sont trop frĂ©quentes! Songez donc, je vous prie, que depuis dix jours que dure mon exil, je n'ai passĂ© aucun moment sans m'occuper de vous, et que cependant vous n'avez reçu que deux Lettres de moi. Je ne vous y parle que de mon amour ! eh! que puis-je dire, que ce que je pense? tout ce que j'ai pu faire a Ă©tĂ© d'en affaiblir l'expression; et vous pouvez m'en croire, je ne vous en ai laissĂ© voir que ce qu'il m'a Ă©tĂ© impossible d'en cacher. Vous me menacez enfin de ne plus me rĂ©pondre. Ainsi l'homme qui vous prĂ©fĂšre Ă tout et qui vous respecte encore plus qu'il ne vous aime, non contente de le traiter avec rigueur, vous voulez y joindre le mĂ©pris! Et pourquoi ces menaces et ce courroux? qu'en avez-vous besoin? n'ĂÂȘtes-vous pas sĂ»re d'ĂÂȘtre obĂ©ie, mĂÂȘme dans vos ordres injustes? m'est-il donc possible de contrarier aucun de vos dĂ©sirs, et ne l'ai-je pas dĂ©jĂ prouvĂ©? Mais abuserez- vous de cet empire que vous avez sur moi? AprĂšs m'avoir rendu malheureux, aprĂšs ĂÂȘtre devenue injuste, vous sera-t-il donc bien facile de jouir de cette tranquillitĂ© que vous assurez vous ĂÂȘtre si nĂ©cessaire? ne vous direz-vous jamais Il m'a laissĂ©e maĂtresse de son sort, et j'ai fait son malheur? il implorait mes secours, et je l'ai regardĂ© sans pitiĂ©? Savez-vous jusqu'oĂÂč peut aller mon dĂ©sespoir? non. Pour calculer mes maux, il faudrait savoir Ă quel point je vous aime, et vous ne connaissez pas mon cĂ âur. A quoi me sacrifiez-vous? Ă des craintes chimĂ©riques. Et qui vous les inspire? un homme qui vous adore; un homme sur qui vous ne cesserez jamais d'avoir un empire absolu. Que craignez-vous, que pouvez-vous craindre d'un sentiment que vous serez toujours maĂtresse de diriger Ă votre grĂ©? Mais votre imagination se crĂ©e des monstres, et l'effroi qu'ils vous causent, vous l'attribuez Ă l'Amour. Un peu de confiance, et ces fantĂÂŽmes disparaĂtront. Un Sage a dit que pour dissiper ses craintes il suffisait presque toujours d'en approfondir la cause [On croit que c'est Rousseau dans Emile, mais la citation n'est pas exacte, et l'application qu'en fait Valmont est bien fausse; et puis, Madame de Tourvel avait-elle lu Emile?]. C'est surtout en amour que cette vĂ©ritĂ© trouve son application. Aimez, et vos craintes s'Ă©vanouiront. A la place des objets qui vous effrayent, vous trouverez un sentiment dĂ©licieux, un Amant tendre et soumis; et tous vos jours, marquĂ©s par le bonheur, ne vous laisseront d'autre regret que d'en avoir perdu quelques-uns dans l'indiffĂ©rence. Moi-mĂÂȘme, depuis que, revenu de mes erreurs, je n'existe plus que pour l'Amour, je regrette un temps que je croyais avoir passĂ© dans les plaisirs; et je sens que c'est Ă vous seule qu'il appartient de me rendre heureux. Mais, je vous en supplie, que le plaisir que je trouve Ă vous Ă©crire ne soit plus troublĂ© par la crainte de vous dĂ©plaire. Je ne veux pas vous dĂ©sobĂ©ir; mais je suis Ă vos genoux, j'y rĂ©clame le bonheur que vous voulez me ravir, le seul que vous m'avez laissĂ©; je vous crie Ă©coutez mes priĂšres, et voyez mes larmes; ah! Madame, me refuserez-vous? De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Apprenez-moi, si vous savez, ce que signifie ce radotage de Danceny. Qu'est- il donc arrivĂ©, et qu'est-ce qu'il a perdu? Sa Belle s'est peut-ĂÂȘtre fĂÂąchĂ©e de son respect Ă©ternel? Il faut ĂÂȘtre juste, on se fĂÂącherait Ă moins. Que lui dirai-je ce soir, au rendez-vous qu'il me demande, et que je lui ai donnĂ© Ă tout hasard? AssurĂ©ment je ne perdrai pas mon temps Ă Ă©couter ses dolĂ©ances, si cela ne doit nous mener Ă rien. Les complaintes amoureuses ne sont bonnes Ă entendre qu'en rĂ©citatifs obligĂ©s, ou en grandes ariettes. Instruisez-moi donc de ce qui est et de ce que je dois faire; ou bien je dĂ©serte, pour Ă©viter l'ennui que je prĂ©vois. Pourrai-je causer avec vous ce matin? Si vous ĂÂȘtes occupĂ©e , au moins Ă©crivez-moi un mot, et donnez-moi les rĂ©clames de mon rĂÂŽle. OĂÂč Ă©tiez-vous donc hier? Je ne parviens plus Ă vous voir. En vĂ©ritĂ©, ce n'Ă©tait pas la peine de me retenir Ă Paris au mois de Septembre. DĂ©cidez-vous pourtant, car je viens de recevoir une invitation fort pressante de la Comtesse de B**, pour aller la voir Ă la campagne; et, comme elle me le mande assez plaisamment, " son mari a le plus beau bois du monde, qu'il conserve soigneusement pour les plaisirs de ses amis " . Or, vous savez que j'ai bien quelques droits, sur ce bois-lĂ ; et j'irai le revoir si je ne vous suis pas utile. Adieu, songez que Danceny sera chez moi sur les quatre heures. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LX LE CHEVALIER DANCENY AU VICOMTE DE VALMONT INCLUSE DANS LA PRECEDENTE. Ah! Monsieur, je suis dĂ©sespĂ©rĂ©, j'ai tout perdu. Je n'ose confier au papier le secret de mes peines mais j'ai besoin de les rĂ©pandre dans le sein d'un ami fidĂšle et sĂ»r. A quelle heure pourrais-je vous voir, et aller chercher auprĂšs de vous des consolations et des conseils? J'Ă©tais si heureux le jour oĂÂč je vous ouvris mon ĂÂąme! A prĂ©sent, quelle diffĂ©rence! tout est changĂ© pour moi. Ce que je souffre pour mon compte n'est encore que la moindre partie de mes tourments; mon inquiĂ©tude sur un objet bien plus cher, voilĂ ce que je ne puis supporter. Plus heureux que moi, vous pourrez la voir, et j'attends de votre amitiĂ© que vous ne me refuserez pas cette dĂ©marche mais il faut que je vous parle, que je vous instruise. Vous me plaindrez, vous me secourrez; je n'ai d'espoir qu'en vous. Vous ĂÂȘtes sensible, vous connaissez l'Amour, et vous ĂÂȘtes le seul Ă qui je puisse me confier; ne me refusez pas vos secours. Adieu, Monsieur; le seul soulagement que j'Ă©prouve dans ma douleur est de songer qu'il me reste un ami tel que vous. Faites-moi savoir, je vous prie, Ă quelle heure je pourrai vous trouver. Si ce n'est pas ce matin, je dĂ©sirerais que ce fĂ»t de bonne heure dans l'aprĂšs-midi. De ..., ce 8 septembre 17** LETTRE LXI CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Ma chĂšre Sophie, plains ta CĂ©cile, ta pauvre CĂ©cile; elle est bien malheureuse! Maman sait tout. Je ne conçois pas comment elle a pu se douter de quelque chose, et pourtant elle a tout dĂ©couvert. Hier au soir, Maman me parut bien avoir un peu d'humeur; mais je n'y fis pas grande attention; et mĂÂȘme en attendant que sa partie fĂ»t finie, je causai trĂšs gaiement avec Madame de Merteuil qui avait soupĂ© ici, et nous parlĂÂąmes beaucoup de Danceny. Je ne crois pourtant pas qu'on ait pu nous entendre. Elle s'en alla, et je me retirai dans mon appartement. Je me dĂ©shabillais, quand Maman entra et fit sortir ma Femme de chambre; elle me demanda la clef de mon secrĂ©taire. Le ton dont elle me fit cette demande me causa un tremblement si fort que je pouvais Ă peine me soutenir. Je faisais semblant de ne la pas trouver, mais enfin il fallut obĂ©ir. Le premier tiroir qu'elle ouvrit fut justement celui oĂÂč Ă©taient les Lettres du Chevalier Danceny. J'Ă©tais si troublĂ©e, que quand elle me demanda ce que c'Ă©tait, je ne sus lui rĂ©pondre autre chose, sinon que ce n'Ă©tait rien; mais quand je la vis commencer Ă lire celle qui se prĂ©sentait la premiĂšre, je n'eus que le temps de gagner un fauteuil, et je me trouvai mal au point que je perdis connaissance. AussitĂÂŽt que je revins Ă moi, ma mĂšre, qui avait appelĂ© ma Femme de chambre, se retira, en me disant de me coucher. Elle a emportĂ© toutes les Lettres de Danceny. Je frĂ©mis toutes les fois que je songe qu'il me faudra reparaĂtre devant elle. Je n'ai fait que pleurer toute la nuit. Je t'Ă©cris au point du jour, dans l'espoir que JosĂ©phine viendra. Si je peux lui parler seule, je la prierai de remettre chez Madame de Merteuil un petit billet que je vas lui Ă©crire; sinon, je le mettrai dans ta Lettre, et tu voudras bien l'envoyer comme de toi. Ce n'est que d'elle que je puis recevoir quelque consolation. Au moins, nous parlerons de lui, car je n'espĂšre plus le voir. Je suis bien malheureuse! Elle aura peut-ĂÂȘtre la bontĂ© de se charger d'une Lettre pour Danceny. Je n'ose pas me confier Ă JosĂ©phine pour cet objet, et encore moins Ă ma Femme de chambre; car c'est peut-ĂÂȘtre elle qui aura dit Ă ma mĂšre que j'avais des Lettres dans mon secrĂ©taire. Je ne t'Ă©crirai pas plus longuement, parce que je veux avoir le temps d'Ă©crire Ă Madame de Merteuil, et aussi Ă Danceny, pour avoir ma Lettre toute prĂÂȘte, si elle veut bien s'en charger. AprĂšs cela, je me recoucherai, pour qu'on me trouve au lit quand on entrera dans ma chambre. Je dirai que je suis malade, pour me dispenser de passer chez Maman. Je ne mentirai pas beaucoup; sĂ»rement je souffre plus que si j'avais la fiĂšvre. Les yeux me brĂ»lent Ă force d'avoir pleurĂ©; et j'ai un poids sur l'estomac, qui m'empĂÂȘche de respirer. Quand je songe que je ne verrai plus Danceny, je voudrais ĂÂȘtre morte. Adieu, ma chĂšre Sophie. Je ne peux t'en dire davantage; les larmes me suffoquent. De ..., ce 7 septembre 17** Nota. On a supprimĂ© la Lettre de CĂ©cile Volanges Ă la Marquise, parce qu'elle ne contenait que les mĂÂȘmes faits de la Lettre prĂ©cĂ©dente, et avec moins de dĂ©tails. Celle au Chevalier Danceny ne s'est point retrouvĂ©e on en verra la raison dans la Lettre LXIII, de Madame de Merteuil au Vicomte. LETTRE LXII MADAME DE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY AprĂšs avoir abusĂ©, Monsieur, de la confiance d'une mĂšre et de l'innocence d'un enfant, vous ne serez pas surpris, sans doute, de ne plus ĂÂȘtre reçu dans une maison oĂÂč vous n'avez rĂ©pondu aux preuves de l'amitiĂ© la plus sincĂšre, que par l'oubli de tous les procĂ©dĂ©s. Je prĂ©fĂšre de vous prier de ne plus venir chez moi, Ă donner des ordres Ă ma porte, qui nous compromettraient tous Ă©galement, par les remarques que les Valets ne manqueraient pas de faire. J'ai droit d'espĂ©rer que vous ne me forcerez pas de recourir Ă ce moyen. Je vous prĂ©viens aussi que si vous faites Ă l'avenir la moindre tentative pour entretenir ma fille dans l'Ă©garement oĂÂč vous l'avez plongĂ©e, une retraite austĂšre et Ă©ternelle la soustraira Ă vos poursuites. C'est Ă vous de voir, Monsieur, si vous craindrez aussi peu de causer son infortune, que vous avez peu craint de tenter son dĂ©shonneur. Quant Ă moi, mon choix est fait, et je l'en ai instruite. Vous trouverez ci-joint le paquet de vos Lettres. Je compte que vous me renverrez en Ă©change toutes celles de ma fille; et que vous vous prĂÂȘterez Ă ne laisser aucune trace d'un Ă©vĂ©nement dont nous ne pourrions garder le souvenir, moi sans indignation, elle sans honte, et vous sans remords. J'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 7 septembre 17** LETTRE LXIII LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Vraiment, oui, je vous expliquerai le billet de Danceny. L'Ă©vĂ©nement qui le lui a fait Ă©crire est mon ouvrage, et c'est, je crois, mon chef-d'Ă âuvre. Je n'ai pas perdu mon temps depuis votre derniĂšre lettre, et j'ai dit comme l'Architecte AthĂ©nien " Ce qu'il a dit, je le ferai. " Il lui faut donc des obstacles Ă ce beau HĂ©ros de Roman, et il s'endort dans la fĂ©licitĂ©! oh! qu'il s'en rapporte Ă moi, je lui donnerai de la besogne; et je me trompe, ou son sommeil ne sera plus tranquille. Il fallait bien lui apprendre le prix du temps, et je me flatte qu'Ă prĂ©sent il regrette celui qu'il a perdu. Il fallait, dites-vous aussi, qu'il eĂ»t besoin de plus de mystĂšre; eh bien! ce besoin-lĂ ne lui manquera plus. J'ai cela de bon, moi, c'est qu'il ne faut que me faire apercevoir de mes fautes; je ne prends point de repos que je n'aie tout rĂ©parĂ©. Apprenez donc ce que j'ai fait. En rentrant chez moi avant-hier matin, je lus votre Lettre; je la trouvai lumineuse. PersuadĂ©e que vous aviez trĂšs bien indiquĂ© la cause du mal, je ne m'occupai plus qu'Ă trouver le moyen de le guĂ©rir. Je commençai pourtant par me coucher; car l'infatigable Chevalier ne m'avait pas laissĂ©e dormir un moment, et je croyais avoir sommeil mais point du tout; tout entiĂšre Ă Danceny, le dĂ©sir de le tirer de son indolence, ou de l'en punir, ne me permit pas de fermer l'oeil, et ce ne fut qu'aprĂšs avoir bien concertĂ© mon plan, que je pus trouver deux heures de repos. J'allai le soir mĂÂȘme chez Madame de Volanges, et, suivant mon projet, je lui fis confidence que je me croyais sĂ»re qu'il existait entre sa fille et Danceny une liaison dangereuse. Cette femme, si clairvoyante contre vous, Ă©tait aveuglĂ©e au point qu'elle me rĂ©pondit d'abord qu'Ă coup sĂ»r je me trompais; que sa fille Ă©tait un enfant, etc. Je ne pouvais pas lui dire tout ce que j'en savais; mais je citai des regards, des propos, dont ma vertu et mon amitiĂ© s'alarmaient . Je parlai enfin presque aussi bien qu'aurait pu faire une DĂ©vote, et, pour frapper le coup dĂ©cisif, j'allai jusqu'Ă dire que je croyais avoir vu donner et recevoir une Lettre. Cela me rappelle, ajoutai-je, qu'un jour elle ouvrit devant moi un tiroir de son secrĂ©taire, dans lequel je vis beaucoup de papiers, que sans doute elle conserve. Lui connaissez-vous quelque correspondance frĂ©quente? Ici la figure de Madame de Volanges changea, et je vis quelques larmes rouler dans ses yeux. Je vous remercie, ma digne amie, me dit-elle, en me serrant la main, je m'en Ă©claircirai. AprĂšs cette conversation, trop courte pour ĂÂȘtre suspecte, je me rapprochai de la jeune personne. Je la quittai bientĂÂŽt aprĂšs, pour demander Ă la mĂšre de ne pas me compromettre vis-Ă -vis de sa fille, ce qu'elle me promit d'autant plus volontiers, que je lui fis observer combien il serait heureux que cet enfant prĂt assez de confiance en moi pour m'ouvrir son cĂ âur et me mettre Ă portĂ©e de lui donner mes sages conseils. Ce qui m'assure qu'elle tiendra sa promesse, c'est que je ne doute pas qu'elle ne veuille se faire honneur de sa pĂ©nĂ©tration auprĂšs de sa fille. Je me trouvais, par lĂ , autorisĂ©e Ă garder mon ton d'amitiĂ© avec la petite, sans paraĂtre fausse aux yeux de Madame de Volanges; ce que je voulais Ă©viter. J'y gagnais encore d'ĂÂȘtre, par la suite, aussi longtemps et aussi secrĂštement que je voudrais, avec la jeune personne, sans que la mĂšre en prĂt jamais d'ombrage. J'en profitai dĂšs le soir mĂÂȘme; et aprĂšs ma partie finie, je chambrai la petite dans un coin, et la mis sur le chapitre de Danceny, sur lequel elle ne tarit jamais. Je m'amusais Ă lui monter la tĂÂȘte sur le plaisir qu'elle aurait Ă le voir le lendemain; il n'est sorte de folies que je ne lui aie fait dire. Il fallait bien lui rendre en espĂ©rance ce que je lui ĂÂŽtais en rĂ©alitĂ©; et puis, tout cela devait lui rendre le coup plus sensible, et je suis persuadĂ©e que plus elle aura souffert, plus elle sera pressĂ©e de s'en dĂ©dommager Ă la premiĂšre occasion. Il est bon, d'ailleurs, d'accoutumer aux grands Ă©vĂ©nements quelqu'un qu'on destine aux grandes aventures. AprĂšs tout, ne peut-elle pas payer de quelques larmes le plaisir d'avoir son Danceny? elle en raffole! eh bien, je lui promets qu'elle l'aura, et plus tĂÂŽt mĂÂȘme qu'elle ne l'aurait eu sans cet orage. C'est un mauvais rĂÂȘve dont le rĂ©veil sera dĂ©licieux; et, Ă tout prendre, il me semble qu'elle me doit de la reconnaissance au fait, quand j'y aurais mis un peu de malice, il faut bien s'amuser Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs. [Gresset. Le MĂ©chant, ComĂ©die] Je me retirai enfin, fort contente de moi. Ou Danceny, me disais-je, animĂ© par les obstacles, va redoubler d'amour, et alors je le servirai de tout mon pouvoir; ou si ce n'est qu'un sot comme je suis tentĂ©e quelquefois de le croire, il sera dĂ©sespĂ©rĂ©, et se tiendra pour battu or, dans ce cas, au moins me serai-je vengĂ©e de lui, autant qu'il Ă©tait en moi; chemin faisant j'aurai augmentĂ© pour moi l'estime de la mĂšre, l'amitiĂ© de la fille, et la confiance de toutes deux. Quant Ă Gercourt, premier objet de mes soins, je serais bien malheureuse ou bien maladroite, si, maĂtresse de l'esprit de sa femme, comme je le suis et vas l'ĂÂȘtre plus encore, je ne trouvais pas mille moyens d'en faire ce que je veux qu'il soit. Je me couchai dans ces douces idĂ©es aussi je dormis, et me rĂ©veillai fort tard. A mon rĂ©veil, je trouvai deux billets, un de la mĂšre, et un de la fille; et je ne pus m'empĂÂȘcher de rire, en trouvant dans tous deux littĂ©ralement cette mĂÂȘme phrase C'est de vous seule que j'attends quelque consolation . N'est-il pas plaisant, en effet, de consoler pour et contre, et d'ĂÂȘtre le seul agent de deux intĂ©rĂÂȘts directement contraires? Me voilĂ comme la DivinitĂ©; recevant les vĂ âux opposĂ©s des aveugles mortels, et ne changeant rien Ă mes dĂ©crets immuables. J'ai quittĂ© pourtant ce rĂÂŽle auguste, pour prendre celui d'Ange consolateur; et j'ai Ă©tĂ©, suivant le prĂ©cepte, visiter mes amis dans leur affliction. J'ai commencĂ© par la mĂšre; je l'ai trouvĂ©e d'une tristesse, qui dĂ©jĂ vous venge en partie des contrariĂ©tĂ©s qu'elle vous a fait Ă©prouver de la part de votre belle Prude. Tout a rĂ©ussi Ă merveille ma seule inquiĂ©tude Ă©tait que Madame de Volanges ne profitĂÂąt de ce moment pour gagner la confiance de sa fille; ce qui eĂ»t Ă©tĂ© bien facile, en n'employant, avec elle, que le langage de la douceur et de l'amitiĂ©; et en donnant aux conseils de la raison, l'air et le ton de la tendresse indulgente. Par bonheur, elle s'est armĂ©e de sĂ©vĂ©ritĂ©; elle s'est enfin si mal conduite, que je n'ai eu qu'Ă applaudir. Il est vrai qu'elle a pensĂ© rompre tous nos projets, par le parti qu'elle avait pris de faire rentrer sa fille au Couvent mais j'ai parĂ© ce coup; et je l'ai engagĂ©e Ă en faire seulement la menace, dans le cas oĂÂč Danceny continuerait ses poursuites afin de les forcer tous deux Ă une circonspection que je crois nĂ©cessaire pour le succĂšs. Ensuite j'ai Ă©tĂ© chez la fille. Vous ne sauriez croire combien la douleur l'embellit! Pour peu qu'elle prenne de coquetterie, je vous garantis qu'elle pleurera souvent pour cette fois, elle pleurait sans malice... FrappĂ©e de ce nouvel agrĂ©ment que je ne lui connaissais pas, et que j'Ă©tais bien aise d'observer, je ne lui donnai d'abord que de ces consolations gauches, qui augmentent plus les peines qu'elles ne les soulagent; et, par ce moyen, je l'amenai au point d'ĂÂȘtre vĂ©ritablement suffoquĂ©e. Elle ne pleurait plus, et je craignis un moment les convulsions. Je lui conseillai de se coucher, ce qu'elle accepta; je lui servis de Femme de chambre elle n'avait point fait de toilette, et bientĂÂŽt ses cheveux Ă©pars tombĂšrent sur ses Ă©paules et sur sa gorge entiĂšrement dĂ©couvertes; je l'embrassai; elle se laissa aller dans mes bras, et ses larmes recommencĂšrent Ă couler sans effort. Dieu! qu'elle Ă©tait belle! Ah! si Madeleine Ă©tait ainsi, elle dut ĂÂȘtre bien plus dangereuse pĂ©nitente que pĂ©cheresse. Quand la belle dĂ©solĂ©e fut au lit, je me mis Ă la consoler de bonne foi. Je la rassurai d'abord sur la crainte du Couvent. Je fis naĂtre en elle l'espoir de voir Danceny en secret; et m'asseyant sur le lit " S'il Ă©tait lĂ " , lui dis-je; puis brodant sur ce thĂšme, je la conduisis, de distraction en distraction, Ă ne plus se souvenir du tout qu'elle Ă©tait affligĂ©e. Nous nous serions sĂ©parĂ©es parfaitement contentes l'une et l'autre, si elle n'avait voulu me charger d'une Lettre pour Danceny; ce que j'ai constamment refusĂ©. En voici les raisons, que vous approuverez sans doute. D'abord, celle que c'Ă©tait me compromettre vis-Ă -vis de Danceny; et si c'Ă©tait la seule dont je pus me servir avec la petite, il y en avait beaucoup d'autres de vous Ă moi. Ne serait-ce pas risquer le fruit de mes travaux que de donner sitĂÂŽt Ă nos jeunes gens un moyen si facile d'adoucir leurs peines? Et puis, je ne serais pas fĂÂąchĂ©e de les obliger Ă mĂÂȘler quelques domestiques dans cette aventure; car enfin si elle se conduit Ă bien, comme je l'espĂšre, il faudra qu'elle se sache immĂ©diatement aprĂšs le mariage; et il y a peu de moyens plus sĂ»rs pour la rĂ©pandre; ou, si par miracle ils ne parlaient pas, nous parlerions, nous, et il sera plus commode de mettre l'indiscrĂ©tion sur leur compte. Il faudra donc que vous donniez aujourd'hui cette idĂ©e Ă Danceny; et comme je ne suis pas sĂ»re de la Femme de chambre de la petite Volanges, dont elle- mĂÂȘme paraĂt se dĂ©fier, indiquez-lui la mienne, ma fidĂšle Victoire. J'aurai soin que la dĂ©marche rĂ©ussisse. Cette idĂ©e me plaĂt d'autant plus, que la confidence ne sera utile qu'Ă nous, et point Ă eux car je ne suis pas Ă la fin de mon rĂ©cit. Pendant que je me dĂ©fendais de me charger de la Lettre de la petite, je craignais Ă tout moment qu'elle ne me proposĂÂąt de la mettre Ă la Petite-Poste; ce que je n'aurais guĂšre pu refuser. Heureusement, soit trouble, soit ignorance de sa part, ou encore qu'elle tĂnt moins Ă la Lettre qu'Ă la RĂ©ponse, qu'elle n'aurait pas pu avoir par ce moyen, elle ne m'en a point parlĂ© mais pour Ă©viter que cette idĂ©e ne lui vĂnt, ou au moins qu'elle ne pĂ»t s'en servir, j'ai pris mon parti sur-le-champ; et en rentrant chez la mĂšre, je l'ai dĂ©cidĂ©e Ă Ă©loigner sa fille pour quelque temps, Ă la mener Ă la Campagne... Et oĂÂč? Le cĂ âur ne vous bat pas de joie?... Chez votre tante, chez la vieille Rosemonde. Elle doit l'en prĂ©venir aujourd'hui ainsi vous voilĂ autorisĂ© Ă aller retrouver votre DĂ©vote qui n'aura plus Ă vous objecter le scandale du tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte, et grĂÂące Ă mes soins, Madame de Volanges rĂ©parera elle-mĂÂȘme le tort qu'elle vous a fait. Mais Ă©coutez-moi, et ne vous occupez pas si vivement de vos affaires, que vous perdiez celle-ci de vue; songez qu'elle m'intĂ©resse. Je veux que vous vous rendiez le correspondant et le conseil des deux jeunes gens. Apprenez donc ce voyage Ă Danceny, et offrez-lui vos services. Ne trouvez de difficultĂ© qu'Ă faire parvenir entre les mains de la Belle votre Lettre de crĂ©ance; et levez cet obstacle sur-le-champ, en lui indiquant la voie de ma Femme de chambre. Il n'y a point de doute qu'il n'accepte; et vous aurez pour prix de vos peines la confidence d'un cĂ âur neuf, qui est toujours intĂ©ressante. La pauvre petite! comme elle rougira en vous remettant sa premiĂšre Lettre! Au vrai, ce rĂÂŽle de confident, contre lequel il s'est Ă©tabli des prĂ©jugĂ©s, me paraĂt un trĂšs joli dĂ©lassement, quand on est occupĂ© d'ailleurs; et c'est le cas oĂÂč vous serez. C'est de vos soins que va dĂ©pendre le dĂ©nouement de cette intrigue. Jugez du moment oĂÂč il faudra rĂ©unir les Acteurs. La Campagne offre mille moyens; et Danceny Ă coup sĂ»r, sera prĂÂȘt Ă s'y rendre Ă votre premier signal. Une nuit, un dĂ©guisement, une fenĂÂȘtre... que sais-je, moi? Mais enfin, si la petite fille en revient telle qu'elle y aura Ă©tĂ©, je m'en prendrai Ă vous. Si vous jugez qu'elle ait besoin de quelque encouragement de ma part, mandez-le-moi. Je crois lui avoir donnĂ© une assez bonne leçon sur le danger de garder des Lettres, pour oser lui Ă©crire Ă prĂ©sent; et je suis toujours dans le dessein d'en faire mon Ă©lĂšve. Je crois avoir oubliĂ© de vous dire que ses soupçons au sujet de sa correspondance trahie s'Ă©taient portĂ©s d'abord sur sa Femme de chambre, et que je les ai dĂ©tournĂ©s sur le Confesseur. C'est faire d'une pierre deux coups. Adieu, Vicomte; voilĂ bien longtemps que je suis Ă vous Ă©crire, et mon dĂner en a Ă©tĂ© retardĂ© mais l'amour-propre et l'amitiĂ© dictaient ma Lettre, et tous deux sont bavards. Au reste, elle sera chez vous Ă trois heures, et c'est tout ce qu'il vous faut. Plaignez-vous de moi Ă prĂ©sent, si vous l'osez; et allez revoir, si vous en ĂÂȘtes tentĂ©, le bois du Comte de B***. Vous dites qu'il le garde pour le plaisir de ses amis! Cet homme est donc l'ami de tout le monde? Mais adieu, j'ai faim. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXIV LE CHEVALIER DANCENY A MADAME DE VOLANGES MINUTE JOINTE A LA LETTRE LXVI DU VICOMTE A LA MARQUISE. Sans chercher, Madame, Ă justifier ma conduite, et sans me plaindre de la vĂÂŽtre, je ne puis que m'affliger d'un Ă©vĂ©nement qui fait le malheur de trois personnes, toutes trois dignes d'un sort plus heureux. Plus sensible encore au chagrin d'en ĂÂȘtre la cause qu'Ă celui d'en ĂÂȘtre victime, j'ai souvent essayĂ©, depuis hier, d'avoir l'honneur de vous rĂ©pondre sans pouvoir en trouver la force. J'ai cependant tant de choses Ă vous dire qu'il faut bien faire un effort sur soi-mĂÂȘme; et si cette Lettre a peu d'ordre et de suite, vous devez sentir assez combien ma situation est douloureuse, pour m'accorder quelque indulgence. Permettez-moi d'abord de rĂ©clamer contre la premiĂšre phrase de votre Lettre. Je n'ai abusĂ©, j'ose le dire, ni de votre confiance ni de l'innocence de Mademoiselle de Volanges; j'ai respectĂ© l'une et l'autre dans mes actions. Elles seules dĂ©pendaient de moi; et quand vous me rendriez responsable d'un sentiment involontaire, je ne crains pas d'ajouter que celui que m'a inspirĂ© Mademoiselle votre fille est tel qu'il peut vous dĂ©plaire, mais non vous offenser. Sur cet objet qui me touche plus que je ne puis vous dire, je ne veux que vous pour juge, et mes Lettres pour tĂ©moins. Vous me dĂ©fendez de me prĂ©senter chez vous Ă l'avenir, et sans doute je me soumettrai Ă tout ce qu'il vous plaira d'ordonner Ă ce sujet mais cette absence subite et totale ne donnera-t-elle donc pas autant de prise aux remarques que vous voulez Ă©viter, que l'ordre que, par cette raison mĂÂȘme, vous n'avez point voulu donner Ă votre porte? J'insisterai d'autant plus sur ce point, qu'il est bien plus important pour Mademoiselle de Volanges que pour moi. Je vous supplie donc de peser attentivement toutes choses, et de ne pas permettre que votre sĂ©vĂ©ritĂ© altĂšre votre prudence. PersuadĂ© que l'intĂ©rĂÂȘt seul de Mademoiselle votre fille dictera vos rĂ©solutions, j'attendrai de nouveaux ordres de votre part. Cependant, dans le cas oĂÂč vous me permettriez de vous faire ma cour quelquefois, je m'engage, Madame et vous pouvez compter sur ma promesse, Ă ne point abuser de ces occasions pour tenter de parler en particulier Ă Mademoiselle de Volanges, ou de lui faire tenir aucune Lettre. La crainte de ce qui pourrait compromettre sa rĂ©putation m'engage Ă ce sacrifice; et le bonheur de la voir quelquefois m'en dĂ©dommagera. Cet article de ma Lettre est aussi la seule rĂ©ponse que je puisse faire Ă ce que vous me dites sur le sort que vous destinez Ă Mademoiselle de Volanges, et que vous voulez rendre dĂ©pendant de ma conduite. Ce serait vous tromper que de vous promettre davantage. Un vil sĂ©ducteur peut plier ses projets aux circonstances, et calculer avec les Ă©vĂ©nements mais l'Amour qui m'anime ne me permet que deux sentiments le courage et la constance. Qui, moi! consentir Ă ĂÂȘtre oubliĂ© de Mademoiselle de Volanges, Ă l'oublier moi-mĂÂȘme? non, non jamais! Je lui serai fidĂšle; elle en a reçu le serment, et je le renouvelle en ce jour. Pardon, Madame, je m'Ă©gare, il faut revenir. Il me reste un autre objet Ă traiter avec vous, celui des Lettres que vous me demandez. Je suis vraiment peinĂ© d'ajouter un refus aux torts que vous me trouvez dĂ©jĂ mais, je vous en supplie, Ă©coutez mes raisons, et daignez vous souvenir, pour les apprĂ©cier, que la seule consolation au malheur d'avoir perdu votre amitiĂ© est l'espoir de conserver votre estime. Les Lettres de Mademoiselle de Volanges, toujours si prĂ©cieuses pour moi, me le deviennent bien plus dans ce moment. Elles sont l'unique bien qui me reste; elles seules me retracent encore un sentiment qui fait tout le charme de ma vie. Cependant, vous pouvez m'en croire, je ne balancerais pas un instant Ă vous en faire le sacrifice, et le regret d'en ĂÂȘtre privĂ© cĂ©derait au dĂ©sir de vous prouver ma dĂ©fĂ©rence respectueuse; mais des considĂ©rations puissantes me retiennent, et je m'assure que vous-mĂÂȘme ne pourrez les blĂÂąmer. Vous avez, il est vrai, le secret de Mademoiselle de Volanges; mais permettez- moi de le dire, je suis autorisĂ© Ă croire que c'est l'effet de la surprise, et non de la confiance. Je ne prĂ©tends pas blĂÂąmer une dĂ©marche qu'autorise, peut-ĂÂȘtre, la sollicitude maternelle. Je respecte vos droits, mais ils ne vont pas jusqu'Ă me dispenser de mes devoirs. Le plus sacrĂ© de tous est de ne jamais trahir la confiance qu'on nous accorde. Ce serait y manquer, que d'exposer aux yeux d'un autre les secrets d'un cĂ âur qui n'a voulu les dĂ©voiler qu'aux miens. Si Mademoiselle votre fille consent Ă vous les confier, qu'elle parle; ses Lettres vous sont inutiles. Si elle veut, au contraire, renfermer son secret en elle- mĂÂȘme, vous n'attendez pas, sans doute, que ce soit moi qui vous en instruise. Quant au mystĂšre dans lequel vous dĂ©sirez que cet Ă©vĂ©nement reste enseveli, soyez tranquille, Madame; sur tout ce qui intĂ©resse Mademoiselle de Volanges, je peux dĂ©fier le cĂ âur mĂÂȘme d'une mĂšre. Pour achever de vous ĂÂŽter toute inquiĂ©tude, j'ai tout prĂ©vu. Ce dĂ©pĂÂŽt prĂ©cieux, qui portait jusqu'ici pour suscription papiers Ă brĂ»ler porte Ă prĂ©sent papiers appartenant Ă Madame de Volanges . Ce parti que je prends doit vous prouver ainsi que mes refus ne portent pas sur la crainte que vous trouviez dans ces lettres un seul sentiment dont vous ayez personnellement Ă vous plaindre. VoilĂ , Madame, une bien longue Lettre. Elle ne le serait pas encore assez, si elle vous laissait le moindre doute de l'honnĂÂȘtetĂ© de mes sentiments, du regret bien sincĂšre de vous avoir dĂ©plu, et du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'ĂÂȘtre, etc. De ..., ce 9 septembre17** LETTRE LXV LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES ENVOYEE OUVERTE A LA MARQUISE DE MERTEUIL DANS LA LETTRE LXVI DU VICOMTE. Ăâ ma CĂ©cile, qu'allons-nous devenir? quel Dieu nous sauvera des malheurs qui nous menacent? Que l'Amour nous donne au moins le courage de les supporter! Comment vous peindre mon Ă©tonnement, mon dĂ©sespoir Ă la vue de mes Lettres, Ă la lecture du billet de Madame de Volanges? qui a pu nous trahir? sur qui tombent vos soupçons? auriez-vous commis quelque imprudence? que faites-vous Ă prĂ©sent? que vous a-t-on dit? Je voudrais tout savoir, et j'ignore tout. Peut-ĂÂȘtre vous-mĂÂȘme n'ĂÂȘtes-vous pas plus instruite que moi. Je vous envoie le billet de votre maman, et la copie de ma RĂ©ponse. J'espĂšre que vous approuverez ce que je lui dis. J'ai bien besoin que vous approuviez aussi les dĂ©marches que j'ai faites depuis ce fatal Ă©vĂ©nement, elles ont toutes pour but d'avoir de vos nouvelles, de vous donner des miennes; et, que sait- on? peut-ĂÂȘtre de vous revoir encore, et plus librement que jamais. Concevez-vous, ma CĂ©cile, quel plaisir de nous retrouver ensemble, de pouvoir nous jurer de nouveau un amour Ă©ternel, et de voir dans nos yeux, de sentir dans nos ĂÂąmes que ce serment ne sera pas trompeur? Quelles peines un moment si doux ne ferait-il pas oublier? HĂ© bien! j'ai l'espoir de le voir naĂtre, et je le dois Ă ces mĂÂȘmes dĂ©marches que je vous supplie d'approuver. Que dis-je? je le dois aux soins consolateurs de l'ami le plus tendre; et mon unique demande est que vous permettiez que cet ami soit aussi le vĂÂŽtre. Peut-ĂÂȘtre ne devais-je pas donner votre confiance sans votre aveu? mais j'ai pour excuse le malheur et la nĂ©cessitĂ©. C'est l'amour qui m'a conduit; c'est lui qui rĂ©clame votre indulgence, qui vous demande de pardonner une confidence nĂ©cessaire, et sans laquelle nous restions peut-ĂÂȘtre Ă jamais sĂ©parĂ©s [M. Danceny n'accuse pas vrai. Il avait dĂ©jĂ fait sa confidence Ă M. de Valmont avant cet Ă©vĂ©nement. Voyez la Lettre LVII]. Vous connaissez l'ami dont je vous parle; il est celui de la femme que vous aimez le mieux. C'est le Vicomte de Valmont. Mon projet, en m'adressant Ă lui, Ă©tait d'abord de le prier d'engager Madame de Merteuil Ă se charger d'une Lettre pour vous. Il n'a pas cru que ce moyen pĂ»t rĂ©ussir; mais au dĂ©faut de la MaĂtresse, il rĂ©pond de la Femme de chambre, qui lui a des obligations. Ce sera elle qui vous remettra cette Lettre, et vous pourrez lui donner votre RĂ©ponse. Ce secours ne nous sera guĂšre utile, si, comme le croit M. de Valmont, vous partez incessamment pour la campagne. Mais alors c'est lui-mĂÂȘme qui veut nous servir. La femme chez qui vous allez est sa parente. Il profitera de ce prĂ©texte pour s'y rendre dans le mĂÂȘme temps que vous; et ce sera par lui que passera notre correspondance mutuelle. Il assure mĂÂȘme que, si vous voulez vous laisser conduire, il nous procurera les moyens de nous y voir sans risquer de vous compromettre en rien. A prĂ©sent, ma CĂ©cile, si vous m'aimez, si vous plaignez mon malheur, si, comme je l'espĂšre, vous partagez mes regrets, refuserez-vous votre confiance Ă un homme qui sera notre ange tutĂ©laire? Sans lui, je serais rĂ©duit au dĂ©sespoir de ne pouvoir mĂÂȘme adoucir les chagrins que je vous cause. Ils finiront, je l'espĂšre mais, ma tendre amie, promettez-moi de ne pas trop vous y livrer, de ne point vous en laisser abattre. L'idĂ©e de votre douleur m'est un tourment insupportable. Je donnerais ma vie pour vous rendre heureuse! Vous le savez bien. Puisse la certitude d'ĂÂȘtre adorĂ©e porter quelque consolation dans votre ĂÂąme! La mienne a besoin que vous m'assuriez que vous pardonnez Ă l'amour les maux qu'il vous fait souffrir. Adieu, ma CĂ©cile, adieu, ma tendre amie. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Vous verrez, ma belle amie, en lisant les deux Lettres ci-jointes, si j'ai bien rempli votre projet. Quoique toutes deux soient datĂ©es d'aujourd'hui, elles ont Ă©tĂ© Ă©crites hier, chez moi, et sous mes yeux celle Ă la petite fille dit tout ce que nous voulions. On ne peut que s'humilier devant la profondeur de vos vues, si on en juge par le succĂšs de vos dĂ©marches. Danceny est tout de feu; et sĂ»rement Ă la premiĂšre occasion, vous n'aurez plus de reproches Ă lui faire. Si sa belle ingĂ©nue veut ĂÂȘtre docile, tout sera terminĂ© peu de temps aprĂšs son arrivĂ©e Ă la campagne; j'ai cent moyens tout prĂÂȘts. GrĂÂące Ă vos soins me voilĂ bien dĂ©cidĂ©ment l'ami de Danceny ; il ne lui manque plus que d'ĂÂȘtre Prince [Expression relative Ă un passage d'un PoĂšme de M. de Voltaire]. Il est encore bien jeune, ce Danceny! croiriez-vous que je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il promĂt Ă la mĂšre de renoncer Ă son amour; comme s'il Ă©tait bien gĂÂȘnant de promettre, quand on est dĂ©cidĂ© Ă ne pas tenir! Ce serait tromper, me rĂ©pĂ©tait-il sans cesse ce scrupule n'est-il pas Ă©difiant, surtout en voulant sĂ©duire la fille? VoilĂ bien les hommes! tous Ă©galement scĂ©lĂ©rats dans leurs projets, ce qu'ils mettent de faiblesse dans l'exĂ©cution, ils l'appellent probitĂ©. C'est votre affaire d'empĂÂȘcher que Madame de Volanges ne s'effarouche des petites Ă©chappĂ©es que notre jeune homme s'est permises dans sa Lettre; prĂ©servez-nous du Couvent; tĂÂąchez aussi de faire abandonner la demande des Lettres de la petite. D'abord il ne les rendra point, il ne le veut pas, et je suis de son avis; ici l'amour et la raison sont d'accord. Je les ai lues ces Lettres, j'en ai dĂ©vorĂ© l'ennui. Elles peuvent devenir utiles. Je m'explique. MalgrĂ© la prudence que nous y mettrons, il peut arriver un Ă©clat; il ferait manquer le mariage, n'est-il pas vrai, et Ă©chouer tous nos projets Gercourt? Mais comme, pour mon compte, j'ai aussi Ă me venger de la mĂšre, je me rĂ©serve en ce cas de dĂ©shonorer la fille. En choisissant bien dans cette correspondance, et n'en produisant qu'une partie, la petite Volanges paraĂtrait avoir fait toutes les premiĂšres dĂ©marches, et s'ĂÂȘtre absolument jetĂ©e Ă la tĂÂȘte. Quelques-unes des Lettres pourraient mĂÂȘme compromettre la mĂšre, et l'entacheraient au moins d'une nĂ©gligence impardonnable. Je sens bien que le scrupuleux Danceny se rĂ©volterait d'abord; mais comme il serait personnellement attaquĂ©, je crois qu'on en viendrait Ă bout. Il y a mille Ă parier contre un que la chance ne tournera pas ainsi; mais il faut tout prĂ©voir. Adieu, ma belle amie; vous seriez bien aimable de venir souper demain chez la MarĂ©chale de ***; je n'ai pas pu refuser. J'imagine que je n'ai pas besoin de vous recommander le secret, vis-Ă -vis de Madame de Volanges, sur mon projet de Campagne; elle aurait bientĂÂŽt celui de rester Ă la Ville au lieu qu'une fois arrivĂ©e, elle ne repartira pas le lendemain; et si elle nous donne seulement huit jours, je rĂ©ponds de tout. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Je ne voulais plus vous rĂ©pondre, Monsieur, et peut-ĂÂȘtre l'embarras que j'Ă©prouve en ce moment est-il lui-mĂÂȘme une preuve qu'en effet je ne le devrais pas. Cependant je ne veux vous laisser aucun sujet de plainte contre moi; je veux vous convaincre que j'ai fait pour vous tout ce que je pouvais faire. Je vous ai permis de m'Ă©crire, dites-vous? j'en conviens; mais quand vous me rappelez cette permission, croyez-vous que j'oublie Ă quelles conditions elle vous fut donnĂ©e? Si j'y eusse Ă©tĂ© aussi fidĂšle que vous l'avez Ă©tĂ© peu, auriez- vous reçu une seule rĂ©ponse de moi? VoilĂ pourtant la troisiĂšme; et quand vous faites tout ce qu'il faut pour m'obliger Ă rompre cette correspondance, c'est moi qui m'occupe des moyens de l'entretenir. Il en est un, mais c'est le seul; et si vous refusez de le prendre, ce sera, quoi que vous puissiez dire, me prouver assez combien peu vous y mettez de prix. Quittez donc un langage que je ne puis ni ne veux entendre; renoncez Ă un sentiment qui m'offense et m'effraie, et auquel, peut-ĂÂȘtre, vous devriez ĂÂȘtre moins attachĂ© en songeant qu'il est l'obstacle qui nous sĂ©pare. Ce sentiment est-il donc le seul que vous puissiez connaĂtre, et l'amour aura-t-il ce tort de plus Ă mes yeux, d'exclure l'amitiĂ©? vous-mĂÂȘme, auriez-vous celui de ne pas vouloir pour votre amie celle en qui vous avez dĂ©sirĂ© des sentiments plus tendres? Je ne veux pas le croire cette idĂ©e humiliante me rĂ©volterait, m'Ă©loignerait de vous sans retour. En vous offrant mon amitiĂ©, Monsieur, je vous donne tout ce qui est Ă moi, tout ce dont je puis disposer. Que pouvez-vous dĂ©sirer davantage? Pour me livrer Ă ce sentiment si doux, si bien fait pour mon cĂ âur, je n'attends que votre aveu; et la parole que j'exige de vous, que cette amitiĂ© suffira Ă votre bonheur. J'oublierai tout ce qu'on a pu me dire; je me reposerai sur vous du soin de justifier mon choix. Vous voyez ma franchise, elle doit vous prouver ma confiance; il ne tiendra qu'Ă vous de l'augmenter encore mais je vous prĂ©viens que le premier mot d'amour la dĂ©truit Ă jamais, et me rend toutes mes craintes; que surtout il deviendra pour moi le signal d'un silence Ă©ternel vis-Ă -vis de vous. Si, comme vous le dites, vous ĂÂȘtes revenu de vos erreurs , n'aimerez-vous pas mieux ĂÂȘtre l'objet de l'amitiĂ© d'une femme honnĂÂȘte, que celui des remords d'une femme coupable? Adieu, Monsieur; vous sentez qu'aprĂšs avoir parlĂ© ainsi je ne puis plus rien dire que vous ne m'ayez rĂ©pondu. De ..., ce 9 septembre 17** LETTRE LXVIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL Comment rĂ©pondre, Madame, Ă votre derniĂšre Lettre? Comment oser ĂÂȘtre vrai, quand ma sincĂ©ritĂ© peut me perdre auprĂšs de vous? N'importe, il le faut; j'en aurai le courage. Je me dis, je me rĂ©pĂšte, qu'il vaut mieux vous mĂ©riter que vous obtenir; et dussiez-vous me refuser toujours un bonheur que je dĂ©sirerai sans cesse, il faut vous prouver au moins que mon cĂ âur en est digne. Quel dommage que, comme vous le dites, je sois revenu de mes erreurs ! avec quels transports de joie j'aurais lu cette mĂÂȘme Lettre Ă laquelle je tremble de rĂ©pondre aujourd'hui! Vous m'y parlez avec franchise , vous me tĂ©moignez de la confiance , vous m'offrez enfin votre amitiĂ© que de biens, Madame, et quels regrets de ne pouvoir en profiter! Pourquoi ne suis-je plus le mĂÂȘme? Si je l'Ă©tais en effet; si je n'avais pour vous qu'un goĂ»t ordinaire, que ce goĂ»t lĂ©ger, enfant de la sĂ©duction et du plaisir, qu'aujourd'hui pourtant on nomme amour, je me hĂÂąterais de tirer avantage de tout ce que je pourrais obtenir. Peu dĂ©licat sur les moyens, pourvu qu'ils me procurassent le succĂšs, j'encouragerais votre franchise par le besoin de vous deviner; je dĂ©sirerais votre confiance, dans le dessein de la trahir; j'accepterais votre amitiĂ© dans l'espoir de l'Ă©garer. Quoi! Madame, ce tableau vous effraie? hĂ© bien! il serait pourtant tracĂ© d'aprĂšs moi, si je vous disais que je consens Ă n'ĂÂȘtre que votre ami. Qui, moi! je consentirais Ă partager avec quelqu'un un sentiment Ă©manĂ© de votre ĂÂąme? Si jamais je vous le dis, ne me croyez plus. De ce moment je chercherai Ă vous tromper; je pourrai vous dĂ©sirer encore, mais Ă coup sĂ»r je ne vous aimerai plus. Ce n'est pas que l'aimable franchise, la douce confiance, la sensible amitiĂ©, soient sans prix Ă mes yeux... Mais l'amour! l'amour vĂ©ritable, et tel que vous l'inspirez, en rĂ©unissant tous ces sentiments, en leur donnant plus d'Ă©nergie, ne saurait se prĂÂȘter, comme eux, Ă cette tranquillitĂ©, Ă cette froideur de l'ĂÂąme, qui permet des comparaisons, qui souffre mĂÂȘme des prĂ©fĂ©rences. Non, Madame, je ne serai point votre ami; je vous aimerai de l'amour le plus tendre, et mĂÂȘme le plus ardent, quoique le plus respectueux. Vous pourrez le dĂ©sespĂ©rer, mais non l'anĂ©antir. De quel droit prĂ©tendez-vous disposer d'un cĂ âur dont vous refusez l'hommage? Par quel raffinement de cruautĂ©, m'enviez-vous jusqu'au bonheur de vous aimer? Celui-lĂ est Ă moi, il est indĂ©pendant de vous; je saurai le dĂ©fendre. S'il est la source de mes maux, il en est aussi le remĂšde. Non, encore une fois, non. Persistez dans vos refus cruels; mais laissez-moi mon amour. Vous vous plaisez Ă me rendre malheureux! eh bien! soit; essayez de lasser mon courage, je saurai vous forcer au moins Ă dĂ©cider de mon sort; et peut-ĂÂȘtre, quelque jour, vous me rendrez plus de justice. Ce n'est pas que j'espĂšre vous rendre jamais sensible mais sans ĂÂȘtre persuadĂ©e, vous serez convaincue, vous vous direz Je l'avais mal jugĂ©. Disons mieux, c'est Ă vous que vous faites injustice. Vous connaĂtre sans vous aimer, vous aimer sans ĂÂȘtre constant, sont tous deux Ă©galement impossibles; et malgrĂ© la modestie qui vous pare, il doit vous ĂÂȘtre plus facile de vous plaindre, que de vous Ă©tonner de sentiments que vous faites naĂtre. Pour moi, dont le seul mĂ©rite est d'avoir su vous apprĂ©cier, je ne veux pas le perdre; et loin de consentir Ă vos offres insidieuses, je renouvelle Ă vos pieds le serment de vous aimer toujours. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXIX CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY BILLET ECRIT AU CRAYON, ET RECOPIE PAR DANCENY. Vous me demandez ce que je fais; je vous aime, et je pleure. Ma mĂšre ne me parle plus; elle m'a ĂÂŽtĂ© papier, plumes et encre; je me sers d'un crayon, qui par bonheur m'est restĂ©, et je vous Ă©cris sur un morceau de votre Lettre. Il faut bien que j'approuve tout ce que vous avez fait; je vous aime trop pour ne pas prendre tous les moyens d'avoir de vos nouvelles et de vous donner des miennes. Je n'aimais pas M. de Valmont, et je ne le croyais pas tant votre ami; je tĂÂącherai de m'accoutumer Ă lui, et je l'aimerai Ă cause de vous. Je ne sais pas qui est-ce qui nous a trahis; ce ne peut ĂÂȘtre que ma Femme de chambre ou mon Confesseur. Je suis bien malheureuse nous partons demain pour la campagne; j'ignore pour combien de temps. Mon Dieu! ne plus vous voir! Je n'ai plus de place. Adieu; tĂÂąchez de me lire. Ces mots tracĂ©s au crayons effaceront peut-ĂÂȘtre, mais jamais les sentiments gravĂ©s dans mon cĂ âur. De ..., ce 10 septembre 17** LETTRE LXX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL J'ai un avis important Ă vous donner, ma chĂšre amie. Je soupai hier, comme vous savez, chez la MarĂ©chale de ***, on y parla de vous, et j'en dis, non pas tout le bien que j'en pense, mais tout celui que je n'en pense pas. Tout le monde paraissait ĂÂȘtre de mon avis, et la conversation languissait, comme il arrive toujours, quand on ne dit que du bien de son prochain, lorsqu'il s'Ă©leva un contradicteur c'Ă©tait PrĂ©van. " A Dieu ne plaise, dit-il en se levant, que je doute de la sagesse de Madame de Merteuil! mais j'oserais croire qu'elle la doit plus Ă sa lĂ©gĂšretĂ© qu'Ă ses principes. Il est peut-ĂÂȘtre plus difficile de la suivre que de lui plaire; et comme on ne manque guĂšre, en courant aprĂšs une femme, d'en rencontrer d'autres sur son chemin, comme, Ă tout prendre, ces autres-lĂ peuvent valoir autant et plus qu'elle; les uns sont distraits par un goĂ»t nouveau, les autres s'arrĂÂȘtent de lassitude; et c'est peut-ĂÂȘtre la femme de Paris qui a eu le moins Ă se dĂ©fendre. Pour moi, ajouta-t-il encouragĂ© par le sourire de quelques femmes, je ne croirai Ă la vertu de Madame de Merteuil, qu'aprĂšs avoir crevĂ© six chevaux Ă lui faire ma cour. " Cette mauvaise plaisanterie rĂ©ussit, comme toutes celles qui tiennent Ă la mĂ©disance; et pendant le rire qu'elle excitait, PrĂ©van reprit sa place, et la conversation gĂ©nĂ©rale changea. Mais les deux Comtesses de P. , auprĂšs de qui Ă©tait notre incrĂ©dule, en firent avec lui leur conversation particuliĂšre, qu'heureusement je me trouvais Ă portĂ©e d'entendre. Le dĂ©fi de vous rendre sensible a Ă©tĂ© acceptĂ©; la parole de tout dire a Ă©tĂ© donnĂ©e; et de toutes celles qui se donneraient dans cette aventure, ce serait sĂ»rement la plus religieusement gardĂ©e. Mais vous voilĂ bien avertie, et vous savez le proverbe. Il me reste Ă vous dire que ce PrĂ©van, que vous ne connaissez pas, est infiniment aimable, et encore plus adroit. Que si quelquefois vous m'avez entendu dire le contraire, c'est seulement que je ne l'aime pas, que je me plais Ă contrarier ses succĂšs et que je n'ignore pas de quel poids est mon suffrage auprĂšs d'une trentaine de nos femmes les plus Ă la mode. En effet, je l'ai empĂÂȘchĂ© longtemps, par ce moyen, de paraĂtre sur ce que nous appelons le grand thĂ©ĂÂątre; et il faisait des prodiges, sans en avoir plus de rĂ©putation. Mais l'Ă©clat de sa triple aventure, en fixant les yeux sur lui, lui a donnĂ© cette confiance qui lui manquait jusque-lĂ , et l'a rendu vraiment redoutable. C'est enfin aujourd'hui le seul homme, peut-ĂÂȘtre, que je craindrais de rencontrer sur mon chemin; et votre intĂ©rĂÂȘt Ă part, vous me rendrez un vrai service de lui donner quelque ridicule chemin faisant. Je le laisse en bonnes mains; et j'ai l'espoir qu'Ă mon retour, ce sera un homme noyĂ©. Je vous promets, en revanche, de mener Ă bien l'aventure de votre pupille, et de m'occuper d'elle autant que de ma belle Prude. Celle-ci vient de m'envoyer un projet de capitulation. Toute sa Lettre annonce le dĂ©sir d'ĂÂȘtre trompĂ©e. Il est impossible d'en offrir un moyen plus commode et aussi plus usĂ©. Elle veut que je sois son ami . Mais moi, qui aime les mĂ©thodes nouvelles et difficiles, je ne prĂ©tends pas l'en tenir quitte Ă si bon marchĂ©; et assurĂ©ment je n'aurai pas pris tant de peine auprĂšs d'elle, pour terminer par une sĂ©duction ordinaire. Mon projet, au contraire, est qu'elle sente, qu'elle sente bien la valeur et l'Ă©tendue de chacun des sacrifices qu'elle me fera; de ne pas la conduire si vite que le remords ne puisse la suivre; de faire expirer sa vertu dans une lente agonie; de la fixer sans cesse sur ce dĂ©solant spectacle; et de ne lui accorder le bonheur de m'avoir dans ses bras, qu'aprĂšs l'avoir forcĂ©e Ă n'en plus dissimuler le dĂ©sir. Au fait, je vaux bien peu, si je ne vaux pas la peine d'ĂÂȘtre demandĂ©. Et puis-je me venger moins d'une femme hautaine, qui semble rougir d'avouer qu'elle adore? J'ai donc refusĂ© la prĂ©cieuse amitiĂ©, et m'en suis tenu Ă mon titre d'Amant. Comme je ne me dissimule point que ce titre, qui ne paraĂt d'abord qu'une dispute de mots, est pourtant d'une importance rĂ©elle Ă obtenir, j'ai mis beaucoup de soin Ă ma Lettre, et j'ai tĂÂąchĂ© d'y rĂ©pandre ce dĂ©sordre, qui peut seul peindre le sentiment. J'ai enfin dĂ©raisonnĂ© le plus qu'il m'a Ă©tĂ© possible car sans dĂ©raisonnement, point de tendresse; et c'est, je crois, par cette raison que les femmes nous sont si supĂ©rieures dans les Lettres d'Amour. J'ai fini la mienne par une cajolerie, et c'est encore une suite de mes profondes observations. AprĂšs que le cĂ âur d'une femme a Ă©tĂ© exercĂ© quelque temps, il a besoin de repos; et j'ai remarquĂ© qu'une cajolerie Ă©tait, pour toutes, l'oreiller le plus doux Ă leur offrir. Adieu, ma belle amie. Je pars demain. Si vous avez des ordres Ă me donner pour la Comtesse de ***, je m'arrĂÂȘterai chez elle, au moins pour dĂner. Je suis fĂÂąchĂ© de partir sans vous voir. Faites-moi passer vos sublimes instructions, et aidez-moi de vos sages conseils, dans ce moment dĂ©cisif. Surtout, dĂ©fendez-vous de PrĂ©van; et puissĂ©-je un jour vous dĂ©dommager de ce sacrifice! Adieu. De ..., ce 11 septembre 17** LETTRE LXXI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Mon Ă©tourdi de Chasseur n'a-t-il pas laissĂ© mon portefeuille Ă Paris! Les lettres de ma Belle, celles de Danceny pour la petite Volanges, tout est restĂ©, et j'ai besoin de tout. Il va partir pour rĂ©parer sa sottise; et tandis qu'il selle son cheval, je vous raconterai mon histoire de cette nuit car je vous prie de croire que je ne perds pas mon temps. L'aventure, par elle-mĂÂȘme, est bien peu de chose; ce n'est qu'un rĂ©chauffĂ© avec la Vicomtesse de M... Mais elle m'a intĂ©ressĂ© par les dĂ©tails. Je suis bien aise d'ailleurs de vous faire voir que si j'ai le talent de perdre les femmes, je n'ai pas moins, quand je veux, celui de les sauver. Le parti le plus difficile, ou le plus gai, est toujours celui que je prends; et je ne me reproche pas une bonne action, pourvu qu'elle m'exerce ou m'amuse. J'ai donc trouvĂ© la Vicomtesse ici, et comme elle joignait ses instances aux persĂ©cutions qu'on me faisait pour passer la nuit au chĂÂąteau " Eh bien! j'y consens, lui dis-je, Ă condition que je la passerai avec vous. " - " Cela m'est impossible, me rĂ©pondit-elle, Vressac est ici. " Jusque-lĂ je n'avais cru que lui dire une honnĂÂȘtetĂ© mais ce mot d'impossible, me rĂ©volta comme de coutume. Je me sentis humiliĂ© d'ĂÂȘtre sacrifiĂ© Ă Vressac, et je rĂ©solus de ne le pas souffrir j'insistai donc. Les circonstances ne m'Ă©taient pas favorables. Ce Vressac a eu la gaucherie de donner de l'ombrage au Vicomte; en sorte que la Vicomtesse ne peut plus le recevoir chez elle et ce voyage chez la bonne Comtesse avait Ă©tĂ© concertĂ© entre eux, pour tĂÂącher d'y dĂ©rober quelques nuits. Le Vicomte avait mĂÂȘme d'abord montrĂ© de l'humeur d'y rencontrer Vressac; mais comme il est encore plus Chasseur que jaloux, il n'en est pas moins restĂ© et la Comtesse, toujours telle que vous la connaissez, aprĂšs avoir logĂ© la femme dans le grand corridor, a mis le mari d'un cĂÂŽtĂ© et l'Amant de l'autre, et les a laissĂ©s s'arranger entre eux. Le mauvais destin de tous deux a voulu que je fusse logĂ© vis-Ă -vis. Ce jour-lĂ mĂÂȘme, c'est-Ă -dire hier, Vressac, qui, comme vous pouvez croire, cajole le Vicomte, chassait avec lui, malgrĂ© son peu de goĂ»t pour la chasse, et comptait bien se consoler la nuit, entre les bras de la femme, de l'ennui que le mari lui causait tout le jour mais moi, je jugeai qu'il aurait besoin de repos, et je m'occupai des moyens de dĂ©cider sa MaĂtresse Ă lui laisser le temps d'en prendre. Je rĂ©ussis, et j'obtins qu'elle lui ferait une querelle de cette mĂÂȘme partie de chasse, Ă laquelle, bien Ă©videmment, il n'avait consenti que pour elle. On ne pouvait prendre un plus mauvais prĂ©texte mais nulle femme n'a mieux que la Vicomtesse ce talent, commun Ă toutes, de mettre l'humeur Ă la place de la raison, et de n'ĂÂȘtre jamais si difficile Ă apaiser que quand elle a tort. Le moment d'ailleurs n'Ă©tait pas commode pour les explications; et ne voulant qu'une nuit, je consentais qu'ils se raccommodassent le lendemain. Vressac fut donc boudĂ© Ă son retour. Il voulut en demander la cause, on le querella. Il essaya de se justifier; le mari qui Ă©tait prĂ©sent, servit de prĂ©texte pour rompre la conversation; il tenta enfin de profiter d'un moment oĂÂč le mari Ă©tait absent, pour demander qu'on voulĂ»t bien l'entendre le soir ce fut alors que la Vicomtesse devint sublime. Elle s'indigna contre l'audace des hommes qui, parce qu'ils ont Ă©prouvĂ© les bontĂ©s d'une femme, croient avoir le droit d'en abuser encore, mĂÂȘme alors qu'elle a Ă se plaindre d'eux; et ayant changĂ© de thĂšse par cette adresse, elle parla si bien dĂ©licatesse et sentiment, que Vressac resta muet et confus; et que moi-mĂÂȘme je fus tentĂ© de croire qu'elle avait raison car vous saurez que comme ami de tous deux, j'Ă©tais en tiers dans cette conversation. Enfin, elle dĂ©clara positivement qu'elle n'ajouterait pas les fatigues de l'amour Ă celles de la chasse, et qu'elle se reprocherait de troubler d'aussi doux plaisirs. Le mari rentra. Le dĂ©solĂ© Vressac, qui n'avait plus la libertĂ© de rĂ©pondre, s'adressa Ă moi; et aprĂšs m'avoir fort longuement contĂ© ses raisons, que je savais aussi bien que lui, il me pria de parler Ă la Vicomtesse, et je le lui promis. Je lui parlai en effet; mais ce fut pour la remercier, et convenir avec elle de l'heure et des moyens de notre rendez-vous. Elle me dit que logĂ©e entre son mari et son Amant elle avait trouvĂ© plus prudent d'aller chez Vressac, que de le recevoir dans son appartement; et que, puisque je logeais vis-Ă -vis d'elle, elle croyait plus sĂ»r aussi de venir chez moi; qu'elle s'y rendrait aussitĂÂŽt que sa Femme de chambre l'aurait laissĂ©e seule; que je n'avais qu'Ă tenir ma porte entrouverte, et l'attendre. Tout s'exĂ©cuta comme nous en Ă©tions convenus; et elle arriva chez moi vers une heure du matin ... dans le simple appareil D'une beautĂ© qu'on vient d'arracher au sommeil [Racine. TragĂ©die de Britannicus]. Comme je n'ai point de vanitĂ©, je ne m'arrĂÂȘte pas aux dĂ©tails de la nuit mais vous me connaissez, et j'ai Ă©tĂ© content de moi. Au point du jour, il a fallu se sĂ©parer. C'est ici que l'intĂ©rĂÂȘt commence. L'Ă©tourdie avait cru laisser sa porte entrouverte, nous la trouvĂÂąmes fermĂ©e, et la clef Ă©tait restĂ©e en dedans vous n'avez pas d'idĂ©e de l'expression de dĂ©sespoir avec laquelle la Vicomtesse me dit aussitĂÂŽt " Ah! je suis perdue. " Il faut convenir qu'il eĂ»t Ă©tĂ© plaisant de la laisser dans cette situation mais pouvais-je souffrir qu'une femme fĂ»t perdue pour moi, sans l'ĂÂȘtre par moi? Et devais-je, comme le commun des hommes, me laisser maĂtriser par les circonstances? Il fallait donc trouver un moyen. Qu'eussiez-vous fait, ma belle amie? Voici ma conduite, et elle a rĂ©ussi. J'eus bientĂÂŽt reconnu que la porte en question pouvait s'enfoncer, en se permettant de faire beaucoup de bruit. J'obtins donc de la Vicomtesse, non sans peine, qu'elle jetterait des cris perçants et d'effroi, comme au voleur, Ă l'assassin, etc. Et nous convĂnmes qu'au premier cri, j'enfoncerais la porte, et qu'elle courrait Ă son lit. Vous ne sauriez croire combien il fallut de temps pour la dĂ©cider, mĂÂȘme aprĂšs qu'elle eut consenti. Il fallut pourtant finir par lĂ , et au premier coup de pied la porte cĂ©da. La Vicomtesse fit bien de ne pas perdre de temps; car au mĂÂȘme instant, le Vicomte et Vressac furent dans le corridor; et la Femme de chambre accourut aussi Ă la chambre de sa MaĂtresse. J'Ă©tais seul de sang-froid, et j'en profitai pour aller Ă©teindre une veilleuse qui brĂ»lait encore et la renverser par terre; car jugez combien il eĂ»t Ă©tĂ© ridicule de feindre cette terreur panique, en ayant de la lumiĂšre dans sa chambre. Je querellai ensuite le mari et l'Amant sur leur sommeil lĂ©thargique, en les assurant que les cris auxquels j'Ă©tais accouru, et mes efforts pour enfoncer la porte, avaient durĂ© au moins cinq minutes. La Vicomtesse qui avait retrouvĂ© son courage dans son lit, me seconda assez bien, et jura ses grands Dieux qu'il y avait un voleur dans son appartement; elle protesta avec plus de sincĂ©ritĂ© que de la vie elle n'avait eu tant de peur. Nous cherchions partout et nous ne trouvions rien, lorsque je fis apercevoir la veilleuse renversĂ©e, et conclus que, sans doute, un rat avait causĂ© le dommage et la frayeur; mon avis passa tout d'une voix, et aprĂšs quelques plaisanteries rebattues sur les rats, le Vicomte s'en alla le premier regagner sa chambre et son lit, en priant sa femme d'avoir Ă l'avenir des rats plus tranquilles. Vressac, restĂ© seul avec nous, s'approcha de la Vicomtesse pour lui dire tendrement que c'Ă©tait une vengeance de l'Amour; Ă quoi elle rĂ©pondit en me regardant " Il Ă©tait donc bien en colĂšre, car il s'est beaucoup vengĂ©, mais, ajouta-t-elle, je suis rendue de fatigue et je veux dormir. " J'Ă©tais dans un moment de bontĂ©; en consĂ©quence, avant de nous sĂ©parer, je plaidai la cause de Vressac, et j'amenai le raccommodement. Les deux Amants s'embrassĂšrent, et je fus, Ă mon tour, embrassĂ© par tous deux. Je ne me souciais plus des baisers de la Vicomtesse mais j'avoue que celui de Vressac me fit plaisir. Nous sortĂmes ensemble; et aprĂšs avoir reçu ses longs remerciements, nous allĂÂąmes chacun nous remettre au lit. Si vous trouvez cette histoire plaisante, je ne vous en demande pas le secret. A prĂ©sent que je m'en suis amusĂ©, il est juste que le Public ait son tour. Pour le moment, je ne parle que de l'histoire, peut-ĂÂȘtre bientĂÂŽt en dirons-nous autant de l'hĂ©roĂÂŻne? Adieu, il y a une heure que mon Chasseur attend; je ne prends plus que le moment de vous embrasser, et de vous recommander surtout de vous garder de PrĂ©van. Du ChĂÂąteau de ..., ce 13 septembre 17** LETTRE LXXII LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES REMISE SEULEMENT LE 14. Ăâ ma CĂ©cile! que j'envie le sort de Valmont! demain il vous verra. C'est lui qui vous remettra cette Lettre; et moi, languissant loin de vous, je traĂnerai ma pĂ©nible existence entre les regrets et le malheur. Mon amie, ma tendre amie, plaignez-moi de mes maux; surtout plaignez-moi des vĂÂŽtres; c'est contre eux que le courage m'abandonne. Qu'il m'est affreux de causer votre malheur! sans moi, vous seriez heureuse et tranquille. Me pardonnez-vous? dites! ah! dites que vous me pardonnez; dites-moi aussi que vous m'aimez, que vous m'aimerez toujours. J'ai besoin que vous me le rĂ©pĂ©tiez. Ce n'est pas que j'en doute mais il me semble que plus on en est sĂ»r, et plus il est doux de se l'entendre dire. Vous m'aimez, n'est-ce pas? oui, vous m'aimez de toute votre ĂÂąme. Je n'oublie pas que c'est la derniĂšre parole que je vous ai entendue prononcer. Comme je l'ai recueillie dans mon cĂ âur! comme elle s'y est profondĂ©ment gravĂ©e! et avec quels transports le mien y a rĂ©pondu! HĂ©las! dans ce moment de bonheur, j'Ă©tais loin de prĂ©voir le sort affreux qui nous attendait. Occupons-nous, ma CĂ©cile, des moyens de l'adoucir. Si j'en crois mon ami il suffira, pour y parvenir, que vous preniez en lui une confiance qu'il mĂ©rite. J'ai Ă©tĂ© peinĂ©, je l'avoue, de l'idĂ©e dĂ©savantageuse que vous paraissez avoir de lui. J'y ai reconnu les prĂ©ventions de votre Maman c'Ă©tait pour m'y soumettre que j'avais nĂ©gligĂ©, depuis quelque temps, cet homme vraiment aimable, qui aujourd'hui fait tout pour moi; qui enfin travaille Ă nous rĂ©unir, lorsque votre Maman nous a sĂ©parĂ©s. Je vous en conjure, ma chĂšre amie, voyez-le d'un oeil plus favorable. Songez qu'il est mon ami, qu'il veut ĂÂȘtre le vĂÂŽtre, qu'il peut me rendre le bonheur de vous voir. Si ces raisons ne vous ramĂšnent pas, ma CĂ©cile, vous ne m'aimez pas autant que je vous aime, vous ne m'aimez plus autant que vous m'aimiez. Ah! si jamais vous deviez m'aimer moins... Mais non, le cĂ âur de ma CĂ©cile est Ă moi; il y est pour la vie; et si j'ai Ă craindre les peines d'un amour malheureux, sa constance au moins me sauvera des tourments d'un amour trahi. Adieu, ma charmante amie; n'oubliez pas que je souffre, et qu'il ne tient qu'Ă vous de me rendre heureux, parfaitement heureux. Ecoutez le vĂ âu de mon cĂ âur, et recevez les plus tendres baisers de l'amour. Paris, ce 11 septembre 17**. LETTRE LXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Jointe Ă la prĂ©cĂ©dente. L'ami qui vous sert a su que vous n'aviez rien de ce qu'il vous fallait pour Ă©crire, et il y a dĂ©jĂ pourvu. Vous trouverez dans l'antichambre de l'appartement que vous occupez, sous la grande armoire Ă main gauche, une provision de papier, de plumes et d'encre, qu'il renouvellera quand vous voudrez, et qu'il lui semble que vous pouvez laisser Ă cette mĂÂȘme place si vous n'en trouvez pas de plus sĂ»re. Il vous demande de ne pas vous offenser, s'il a l'air de ne faire aucune attention Ă vous dans le cercle, et de ne vous y regarder que comme un enfant. Cette conduite lui paraĂt nĂ©cessaire pour inspirer la sĂ©curitĂ© dont il a besoin, et pouvoir travailler plus efficacement au bonheur de son ami et au vĂÂŽtre. Il tĂÂąchera de faire naĂtre les occasions de vous parler, quand il aura quelque chose Ă vous apprendre ou Ă vous remettre; et il espĂšre y parvenir, si vous mettez du zĂšle Ă le seconder. Il vous conseille aussi de lui rendre, Ă mesure, les Lettres que vous aurez reçues, afin de risquer moins de vous compromettre. Il finit par vous assurer que si vous voulez lui donner votre confiance, il mettra tous ses soins Ă adoucir la persĂ©cution qu'une mĂšre trop cruelle fait Ă©prouver Ă deux personnes, dont l'une est dĂ©jĂ son meilleur ami et l'autre lui paraĂt mĂ©riter l'intĂ©rĂÂȘt le plus tendre. Du ChĂÂąteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXIV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Eh! depuis quand, mon ami, vous effrayez-vous si facilement? ce PrĂ©van est donc bien redoutable? Mais voyez combien je suis simple et modeste! Je l'ai rencontrĂ© souvent, ce superbe vainqueur; Ă peine l'avais-je regardĂ©! Il ne fallait pas moins que votre Lettre pour m'y faire faire attention. J'ai rĂ©parĂ© mon injustice hier. Il Ă©tait Ă l'OpĂ©ra, presque vis-Ă -vis de moi, et je m'en suis occupĂ©e. Il est joli au moins, mais trĂšs joli; des traits fins et dĂ©licats! il doit gagner Ă ĂÂȘtre vu de prĂšs. Et vous dites qu'il veut m'avoir! assurĂ©ment il me fera honneur et plaisir. SĂ©rieusement, j'en ai fantaisie, et je vous confie ici que j'ai fait les premiĂšres dĂ©marches. Je ne sais pas si elles rĂ©ussiront. VoilĂ le fait. Il Ă©tait Ă deux pas de moi, Ă la sortie de l'OpĂ©ra, et j'ai donnĂ©, trĂšs haut, rendez-vous Ă la Marquise de *** pour souper le Vendredi chez la MarĂ©chale. C'est, je crois, la seule maison oĂÂč je peux le rencontrer. Je ne doute pas qu'il m'ait entendue. Si l'ingrat allait n'y pas venir? Mais, dites-moi donc, croyez- vous qu'il vienne? Savez-vous que, s'il n'y vient pas, j'aurai de l'humeur toute la soirĂ©e? Vous voyez qu'il ne trouvera pas tant de difficultĂ© Ă me suivre; et ce qui vous Ă©tonnera davantage, c'est qu'il en trouvera moins encore Ă me plaire. Il veut, dit-il, crever six chevaux Ă me faire sa cour! Oh! je sauverai la vie Ă ces chevaux-lĂ . Je n'aurai jamais la patience d'attendre si longtemps. Vous savez qu'il n'est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis dĂ©cidĂ©e, et je le suis pour lui. Oh! ça, convenez qu'il y a plaisir Ă me parler raison! Votre avis important n'a-t-il pas un grand succĂšs? Mais que voulez-vous? je vĂ©gĂšte depuis si longtemps! il y a plus de six semaines que je ne me suis pas permis une gaietĂ©. Celle-lĂ se prĂ©sente; puis-je me la refuser? le sujet n'en vaut-il pas la peine? en est-il de plus agrĂ©able, dans quelque sens que vous preniez ce mot? Vous-mĂÂȘme, vous ĂÂȘtes forcĂ© de lui rendre justice; vous faites plus que le louer, vous en ĂÂȘtes jaloux. Eh bien! je m'Ă©tablis juge entre vous deux mais d'abord, il faut s'instruire, et c'est ce que je veux faire. Je serai juge intĂšgre, et vous serez pesĂ©s tous deux dans la mĂÂȘme balance. Pour vous, j'ai dĂ©jĂ vos mĂ©moires, et votre affaire est parfaitement instruite. N'est-il pas juste que je m'occupe Ă prĂ©sent de votre adversaire? Allons, exĂ©cutez-vous de bonne grĂÂące; et, pour commencer, apprenez-moi je vous prie, quelle est cette triple aventure dont il est le hĂ©ros. Vous m'en parlez, comme si je ne connaissais autre chose, et je n'en sais pas le premier mot. Apparemment elle se sera passĂ©e pendant mon voyage Ă GenĂšve, et votre jalousie vous aura empĂÂȘchĂ© de me l'Ă©crire. RĂ©parez cette faute au plus tĂÂŽt; songez que rien de ce qui l'intĂ©resse ne m'est Ă©tranger . Il me semble bien qu'on en parlait encore Ă mon retour mais j'Ă©tais occupĂ©e d'autre chose, et j'Ă©coute rarement en ce genre tout ce qui n'est pas du jour ou de la veille. Quand ce que je vous demande vous contrarierait un peu, n'est-ce pas le moindre prix que vous deviez aux soins que je me suis donnĂ©s pour vous? ne sont-ce pas eux qui vous ont rapprochĂ© de votre PrĂ©sidente, quand vos sottises vous en avaient Ă©loignĂ©? n'est-ce pas encore moi qui ai remis entre vos mains de quoi vous venger du zĂšle amer de Madame de Volanges? Vous vous ĂÂȘtes plaint si souvent du temps que vous perdiez Ă aller chercher vos aventures. A prĂ©sent vous les avez sous la main. L'amour, la haine, vous n'avez qu'Ă choisir, tout couche sous le mĂÂȘme toit; et vous pouvez, doublant, votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre. C'est mĂÂȘme encore Ă moi que vous devez l'aventure de la Vicomtesse. J'en suis assez contente mais, comme vous dites, il faut qu'on en parle car si l'occasion a pu vous engager, comme je le conçois, Ă prĂ©fĂ©rer pour le moment le mystĂšre Ă l'Ă©clat, il faut convenir pourtant que cette femme ne mĂ©ritait pas un procĂ©dĂ© si honnĂÂȘte. J'ai d'ailleurs Ă m'en plaindre. Le Chevalier de Belleroche la trouve plus jolie que je ne voudrais; et par beaucoup de raisons, je serai bien aise d'avoir un prĂ©texte pour rompre avec elle or, il n'en est pas de plus commode, que d'avoir Ă dire On ne peut plus voir cette femme-lĂ . Adieu, Vicomte; songez que, placĂ© oĂÂč vous ĂÂȘtes, le temps est prĂ©cieux je vais employer le mien Ă m'occuper du bonheur de PrĂ©van. Paris, ce 15 septembre l7**. LETTRE LXXV Nota Dans cette Lettre, CĂ©cile Volanges rend compte avec le plus grand dĂ©tail de tout ce qui est relatif Ă elle dans les Ă©vĂ©nements que le Lecteur a vus Lettre LIX et suivantes. On a cru devoir supprimer cette rĂ©pĂ©tition. Elle parle enfin du Vicomte de Valmont, et elle exprime ainsi CECILE VOLANGES A SOPHIE CARNAY Je t'assure que c'est un homme bien extraordinaire. Maman en dit beaucoup de mal; mais le Chevalier Danceny en dit beaucoup de bien, et je crois que c'est lui qui a raison. Je n'ai jamais vu d'homme aussi adroit. Quand il m'a rendu la Lettre de Danceny, c'Ă©tait au milieu de tout le monde, et personne n'en a rien vu; il est vrai que j'ai eu bien peur parce que je n'Ă©tais prĂ©venue de rien mais Ă prĂ©sent je m'y attendrai. J'ai dĂ©jĂ fort bien compris comment il voulait que je fisse pour lui remettre ma RĂ©ponse. Il est bien facile de s'entendre avec lui, car il a un regard qui dit tout ce qu'il veut. Je ne sais pas comment il fait il me disait dans le billet dont je t'ai parlĂ© qu'il n'aurait pas l'air de s'occuper de moi devant Maman en effet, on dirait toujours qu'il n'y songe pas; et pourtant toutes les fois que je cherche ses yeux, je suis sĂ»re de les rencontrer tout de suite. Il y a ici une bonne amie de Maman, que je ne connaissais pas, qui a aussi l'air de ne guĂšre aimer M. de Valmont, quoiqu'il ait bien des attentions pour elle. J'ai peur qu'il ne s'ennuie bientĂÂŽt de la vie qu'on mĂšne ici, et qu'il ne s'en retourne Ă Paris; cela serait bien fĂÂącheux. Il faut qu'il ait bien bon cĂ âur d'ĂÂȘtre venu exprĂšs pour rendre service Ă son ami et Ă moi! Je voudrais bien lui en tĂ©moigner ma reconnaissance, mais je ne sais comment faire pour lui parler; et quand j'en trouverais l'occasion, je serais si honteuse, que je ne saurais peut-ĂÂȘtre que lui dire. Il n'y a que Madame de Merteuil avec qui je parle librement, quand je parle de mon amour. Peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme qu'avec toi, Ă qui je dis tout, si c'Ă©tait en causant, je serais embarrassĂ©e. Avec Danceny lui-mĂÂȘme, j'ai souvent senti, comme malgrĂ© moi, une certaine crainte qui m'empĂÂȘchait de lui dire tout ce que je pensais. Je me le reproche bien Ă prĂ©sent, et je donnerais tout au monde pour trouver le moment de lui dire une fois, une seule fois, combien je l'aime. M. de Valmont lui a promis que, si je me laissais conduire, il nous procurerait l'occasion de nous revoir. Je ferai bien assez ce qu'il voudra; mais je ne peux pas concevoir que cela soit possible. Adieu, ma bonne amie, je n'ai plus de place [Mademoiselle de Volanges ayant, peu de temps aprĂšs, changĂ© de confidente, comme on le verra par la suite de ces Lettres, on ne trouvera plus dans ce Recueil aucune de celles qu'elle a continuĂ© d'Ă©crire Ă son amie du Couvent, elles n'apprendraient rien au Lecteur]. Du ChĂÂąteau de ..., ce 14 septembre 17** LETTRE LXXVI LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Ou votre Lettre est un persiflage, que je n'ai pas compris; ou vous Ă©tiez, en me l'Ă©crivant, dans un dĂ©lire trĂšs dangereux. Si je vous connaissais moins, ma belle amie, je serais vraiment trĂšs effrayĂ©; et quoi que vous en puissiez dire, je ne m'effraierais pas trop facilement. J'ai beau vous lire et vous relire, je n'en suis pas plus avancĂ©; car, de prendre votre Lettre dans le sens naturel qu'elle prĂ©sente, il n'y a pas moyen. Qu'avez- vous donc voulu dire? Est-ce seulement qu'il Ă©tait inutile de se donner tant de soins contre un ennemi si peu redoutable? mais, dans ce cas, vous pourriez avoir tort. PrĂ©van est rĂ©ellement aimable; il l'est plus que vous ne le croyez; il a surtout le talent trĂšs utile d'occuper beaucoup de son amour, par l'adresse qu'il a d'en parler dans le cercle, et devant tout le monde, en se servant de la premiĂšre conversation qu'il trouve. Il est peu de femmes qui se sauvent alors du piĂšge d'y rĂ©pondre, parce que toutes ayant des prĂ©tentions Ă la finesse, aucune ne veut perdre l'occasion d'en montrer. Or, vous savez assez que femme qui consent Ă parler d'amour, finit bientĂÂŽt par en prendre, ou au moins par se conduire comme si elle en avait. Il gagne encore Ă cette mĂ©thode, qu'il a rĂ©ellement perfectionnĂ©e, d'appeler souvent les femmes elles-mĂÂȘmes en tĂ©moignage de leur dĂ©faite; et cela, je vous en parle pour l'avoir vu. Je n'Ă©tais dans le secret que de la seconde main; car jamais je n'ai Ă©tĂ© liĂ© avec PrĂ©van mais enfin nous y Ă©tions six et la Comtesse de P***, tout en se croyant bien fine, et ayant l'air en effet, pour tout ce qui n'Ă©tait pas instruit, de tenir une conversation gĂ©nĂ©rale, nous raconta dans le plus grand dĂ©tail, et comme quoi elle s'Ă©tait rendue Ă PrĂ©van, et tout ce qui s'Ă©tait passĂ© entre eux. Elle faisait ce rĂ©cit avec une telle sĂ©curitĂ©, qu'elle ne fut pas mĂÂȘme troublĂ©e par un fou rire qui nous prit Ă tous six en mĂÂȘme temps; et je me souviendrai toujours qu'un de nous ayant voulu, pour s'excuser, feindre de douter de ce qu'elle disait, ou plutĂÂŽt de ce qu'elle avait l'air de dire, elle rĂ©pondit gravement qu'Ă coup sĂ»r nous n'Ă©tions aucun aussi bien instruits qu'elle; et elle ne craignit pas mĂÂȘme de s'adresser Ă PrĂ©van, pour lui demander si elle s'Ă©tait trompĂ©e d'un mot. J'ai donc pu croire cet homme dangereux pour tout le monde mais pour vous, Marquise, ne suffisait-il pas qu'il fĂ»t joli, trĂšs joli , comme vous le dites vous-mĂÂȘme? ou qu'il vous fĂt une de ces attaques, que vous vous plaisiez quelquefois Ă rĂ©compenser, sans autre motif que de les trouver bien faites ? ou que vous eussiez trouvĂ© plaisant de vous rendre par une raison quelconque? ou que sais-je? puis-je deviner les mille caprices qui gouvernent la tĂÂȘte d'une femme, et par qui seuls vous tenez encore Ă votre sexe? A prĂ©sent que vous ĂÂȘtes avertie du danger, je ne doute pas que vous ne vous en sauviez facilement mais pourtant fallait-il vous avertir. Je reviens donc Ă mon texte; qu'avez-vous voulu dire? Si ce n'est qu'un persiflage sur PrĂ©van, outre qu'il est bien long, ce n'Ă©tait pas vis-Ă -vis de moi qu'il Ă©tait utile; c'est dans le monde qu'il faut lui donner quelque bon ridicule, et je vous renouvelle ma priĂšre Ă ce sujet. Ah! je crois tenir le mot de l'Ă©nigme! votre Lettre est une prophĂ©tie, non de ce que vous ferez, mais de ce qu'il vous croira prĂÂȘte Ă faire au moment de la chute que vous lui prĂ©parez. J'approuve assez ce projet; il exige pourtant de grands mĂ©nagements. Vous savez comme moi que, pour l'effet public, avoir un homme ou recevoir ses soins, est absolument la mĂÂȘme chose, Ă moins que cet homme ne soit un sot; et PrĂ©van ne l'est pas, Ă beaucoup prĂšs. S'il peut gagner seulement une apparence, il se vantera, et tout sera dit. Les sots y croiront, les mĂ©chants auront l'air d'y croire quelles seront vos ressources? Tenez, j'ai peur. Ce n'est pas que je doute de votre adresse mais ce sont les bons nageurs qui se noient. Je ne me crois pas plus bĂÂȘte qu'un autre; des moyens de dĂ©shonorer une femme, j'en ai trouvĂ© cent, j'en ai trouvĂ© mille mais quand je me suis occupĂ© de chercher comment elle pourrait s'en sauver, je n'en ai jamais vu la possibilitĂ©. Vous-mĂÂȘme, ma belle amie, dont la conduite est un chef-d'Ă âuvre, cent fois j'ai cru vous voir plus de bonheur que de bien jouĂ©. Mais aprĂšs tout, je cherche peut-ĂÂȘtre une raison Ă ce qui n'en a point. J'admire comment, depuis une heure, je traite sĂ©rieusement ce qui n'est, Ă coup sĂ»r, qu'une plaisanterie de votre part. Vous allez vous moquer de moi! HĂ© bien! soit; mais dĂ©pĂÂȘchez-vous, et parlons d'autre chose. D'autre chose! je me trompe, c'est toujours de la mĂÂȘme; toujours des femmes Ă avoir ou Ă perdre, et souvent tous les deux. J'ai ici, comme vous l'avez fort bien remarquĂ©, de quoi m'exercer dans les deux genres, mais non pas avec la mĂÂȘme facilitĂ©. Je prĂ©vois que la vengeance ira plus vite que l'amour. La petite Volanges est rendue, j'en rĂ©ponds; elle ne dĂ©pend plus que de l'occasion, et je me charge de la faire naĂtre. Mais il n'en est pas de mĂÂȘme de Madame de Tourvel cette femme est dĂ©solante, je ne la conçois pas; j'ai cent preuves de son amour, mais j'en ai mille de sa rĂ©sistance; et en vĂ©ritĂ©, je crains qu'elle ne m'Ă©chappe. Le premier effet qu'avait produit mon retour me faisait espĂ©rer davantage. Vous devinez que je voulais en juger par moi-mĂÂȘme; et pour m'assurer de voir les premiers mouvements, je ne m'Ă©tais fait prĂ©cĂ©der par personne, et j'avais calculĂ© ma route pour arriver pendant qu'on serait Ă table. En effet, je tombai des nues, comme une DivinitĂ© d'OpĂ©ra qui vient faire un dĂ©nouement. Ayant fait assez de bruit en entrant pour fixer les regards sur moi, je pus voir du mĂÂȘme coup d'oeil la joie de ma vieille tante, le dĂ©pit de Madame de Volanges, et le plaisir dĂ©contenancĂ© de sa fille. Ma Belle, par la place qu'elle occupait, tournait le dos Ă la porte. OccupĂ©e dans ce moment Ă couper quelque chose, elle ne tourna seulement pas la tĂÂȘte mais j'adressai la parole Ă Madame de Rosemonde; et au premier mot, la sensible DĂ©vote ayant reconnu ma voix, il lui Ă©chappa un cri dans lequel je crus reconnaĂtre plus d'amour que de surprise et d'effroi. Je m'Ă©tais alors assez avancĂ© pour voir sa figure le tumulte de son ĂÂąme, le combat de ses idĂ©es et de ses sentiments, s'y peignirent de vingt façons diffĂ©rentes. Je me mis Ă table Ă cĂÂŽtĂ© d'elle; elle ne savait exactement rien de ce qu'elle faisait ni de ce qu'elle disait. Elle essaya de continuer de manger; il n'y eut pas moyen enfin, moins d'un quart d'heure aprĂšs, son embarras et son plaisir devenant plus forts qu'elle, elle n'imagina rien de mieux que de demander permission de sortir de table, et elle se sauva dans le parc, sous le prĂ©texte d'avoir besoin de prendre l'air. Madame de Volanges voulut l'accompagner; la tendre Prude ne le permit pas trop heureuse, sans doute, de trouver un prĂ©texte pour ĂÂȘtre seule, et se livrer sans contrainte Ă la douce Ă©motion de son cĂ âur. J'abrĂ©geai le dĂner le plus qu'il me fut possible. A peine avait-on servi le dessert, que l'infernale Volanges, pressĂ©e apparemment du besoin de me nuire, se leva de sa place pour aller trouver la charmante malade mais j'avais prĂ©vu ce projet, et je le traversai. Je feignis donc de prendre ce mouvement particulier pour le mouvement gĂ©nĂ©ral; et m'Ă©tant levĂ© en mĂÂȘme temps, la petite Volanges et le CurĂ© du lieu se laissĂšrent entraĂner par ce double exemple; en sorte que Madame de Rosemonde se trouva seule Ă table avec le vieux Commandeur de T. , et tous deux prirent aussi le parti d'en sortir. Nous allĂÂąmes donc tous rejoindre ma Belle, que nous trouvĂÂąmes dans le bosquet prĂšs du ChĂÂąteau; et comme elle avait besoin de solitude et non de promenade, elle aima autant revenir avec nous, que nous faire rester avec elle. DĂšs que je fus assurĂ© que Madame de Volanges n'aurait pas l'occasion de lui parler seule, je songeai Ă exĂ©cuter vos ordres, et je m'occupai des intĂ©rĂÂȘts de votre pupille. AussitĂÂŽt aprĂšs le cafĂ©, je montai chez moi, et j'entrai aussi chez les autres, pour reconnaĂtre le terrain; je fis mes dispositions pour assurer la correspondance de la petite; et aprĂšs ce premier bienfait, j'Ă©crivis un mot pour l'en instruire et lui demander sa confiance; je joignis mon billet Ă la Lettre de Danceny. Je revins au salon. J'y trouvai ma Belle Ă©tablie sur une chaise longue dans un abandon dĂ©licieux. Ce spectacle, en Ă©veillant mes dĂ©sirs, anima mes regards; je sentis qu'ils devaient ĂÂȘtre tendres et pressants, et je me plaçai de maniĂšre Ă pouvoir en faire usage. Leur premier effet fut de faire baisser les grands yeux modestes de la cĂ©leste Prude. Je considĂ©rai quelque temps cette figure angĂ©lique; puis, parcourant toute sa personne je m'amusais Ă deviner les contours et les formes Ă travers un vĂÂȘtement lĂ©ger, mais toujours importun. AprĂšs ĂÂȘtre descendu de la tĂÂȘte aux pieds, je remontais des pieds Ă la tĂÂȘte. Ma belle amie, le doux regard Ă©tait fixĂ© sur moi; sur-le-champ il se baissa de nouveau, mais voulant en favoriser le retour, je dĂ©tournai mes yeux. Alors s'Ă©tablit entre nous cette convention tacite, premier traitĂ© de l'amour timide, qui, pour satisfaire le besoin mutuel de se voir, permet aux regards de se succĂ©der en attendant qu'ils se confondent. PersuadĂ© que ce nouveau plaisir occupait ma Belle tout entiĂšre, je me chargeai de veiller Ă notre commune sĂ»retĂ© mais aprĂšs m'ĂÂȘtre assurĂ© qu'une conversation assez vive nous sauvait des remarques du cercle, je tĂÂąchai d'obtenir de ses yeux qu'ils parlassent franchement leur langage. Pour cela je surpris d'abord quelques regards; mais avec tant de rĂ©serve, que la modestie n'en pouvait ĂÂȘtre alarmĂ©e; et pour mettre la timide personne plus Ă son aise, je paraissais moi-mĂÂȘme aussi embarrassĂ© qu'elle. Peu Ă peu nos yeux, accoutumĂ©s Ă se rencontrer, se fixĂšrent plus longtemps; enfin ils ne se quittĂšrent plus, et j'aperçus dans les siens cette douce langueur, signal heureux de l'amour et du dĂ©sir; mais ce ne fut qu'un moment; et bientĂÂŽt revenue Ă elle-mĂÂȘme, elle changea, non sans quelque honte, son maintien et son regard. Ne voulant pas qu'elle pĂ»t douter que j'eusse remarquĂ© ses divers mouvements, je me levai avec vivacitĂ©, en lui demandant, avec l'air de l'effroi, si elle se trouvait mal. AussitĂÂŽt tout le monde vint l'entourer. Je les laissai tous passer devant moi; et comme la petite Volanges, qui travaillait Ă la tapisserie auprĂšs d'une fenĂÂȘtre, eut besoin de quelque temps pour quitter son mĂ©tier, je saisis ce moment pour lui remettre la Lettre de Danceny. J'Ă©tais un peu loin d'elle; je jetai l'EpĂtre sur ses genoux. Elle ne savait en vĂ©ritĂ© qu'en faire. Vous auriez trop ri de son air de surprise et d'embarras; pourtant, je ne riais point, car je craignais que tant de gaucherie ne nous trahĂt. Mais un coup d'oeil et un geste fortement prononcĂ©s lui firent enfin comprendre qu'il fallait mettre le paquet dans sa poche. Le reste de la journĂ©e n'eut rien d'intĂ©ressant. Ce qui s'est passĂ© depuis amĂšnera peut-ĂÂȘtre des Ă©vĂ©nements dont vous serez contente, au moins pour ce qui regarde votre pupille; mais il vaut mieux employer son temps Ă exĂ©cuter ses projets qu'Ă les raconter. VoilĂ d'ailleurs la huitiĂšme page que j'Ă©cris, et j'en suis fatiguĂ©; ainsi, adieu. Vous vous doutez bien, sans que je vous le dise, que la petite a rĂ©pondu Ă Danceny [Cette Lettre ne s'est pas retrouvĂ©e]. J'ai eu aussi une RĂ©ponse de ma Belle, Ă qui j'avais Ă©crit le lendemain de mon arrivĂ©e. Je vous envoie les deux Lettres. Vous les lirez ou vous ne les lirez pas car ce perpĂ©tuel rabĂÂąchage, qui dĂ©jĂ ne m'amuse pas trop, doit ĂÂȘtre bien insipide, pour toute personne dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Encore une fois, adieu. Je vous aime toujours beaucoup; mais je vous en prie, si vous me reparlez de PrĂ©van, faites en sorte que je vous entende. Du ChĂÂąteau de ..., ce 17 septembre 17** LETTRE LXXVII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL D'oĂÂč peut venir, Madame, le soin cruel que vous mettez Ă me fuir? comment se peut-il que l'empressement le plus tendre de ma part n'obtienne de la vĂÂŽtre que des procĂ©dĂ©s qu'on se permettrait Ă peine envers l'homme dont on aurait le plus Ă se plaindre? Quoi! l'amour me ramĂšne Ă vos pieds; et quand un heureux hasard me place Ă cĂÂŽtĂ© de vous, vous aimez mieux feindre une indisposition, alarmer vos amis, que de consentir Ă rester prĂšs de moi! Combien de fois hier n'avez-vous pas dĂ©tournĂ© vos yeux pour me priver de la faveur d'un regard? et si un seul instant j'ai pu y voir moins de sĂ©vĂ©ritĂ©, ce moment a Ă©tĂ© si court qu'il semble que vous ayez voulu moins m'en faire jouir que me faire sentir ce que je perdais Ă en ĂÂȘtre privĂ©. Ce n'est lĂ , j'ose le dire, ni le traitement que mĂ©rite l'amour, ni celui que peut se permettre l'amitiĂ©; et toutefois, de ces deux sentiments, vous savez si l'un m'anime, et j'Ă©tais, ce me semble, autorisĂ© Ă croire que vous ne vous refusiez pas Ă l'autre. Cette amitiĂ© prĂ©cieuse, dont sans doute vous m'avez cru digne, puisque vous avez bien voulu me l'offrir, qu'ai-je donc fait pour l'avoir perdue depuis? me serais-je nui par ma confiance, et me puniriez-vous de ma franchise? ne craignez-vous pas au moins d'abuser de l'une et de l'autre? En effet, n'est-ce pas dans le sein de mon amie, que j'ai dĂ©posĂ© le secret de mon cĂ âur? n'est-ce pas vis-Ă -vis d'elle seule, que j'ai pu me croire obligĂ© de refuser des conditions qu'il me suffisait d'accepter, pour me donner la facilitĂ© de ne les pas tenir, et peut-ĂÂȘtre celle d'en abuser utilement? Voudriez-vous enfin, par une rigueur si peu mĂ©ritĂ©e, me forcer Ă croire qu'il n'eĂ»t fallu que vous tromper pour obtenir plus d'indulgence? Je ne me repens point d'une conduite que je vous devais, que je me devais Ă moi-mĂÂȘme; mais par quelle fatalitĂ©, chaque action louable devient-elle pour moi le signal d'un malheur nouveau? C'est aprĂšs avoir donnĂ© lieu au seul Ă©loge que vous ayez encore daignĂ© faire de ma conduite, que j'ai eu, pour la premiĂšre fois, Ă gĂ©mir du malheur de vous avoir dĂ©plu. C'est aprĂšs vous avoir prouvĂ© ma soumission parfaite, en me privant du bonheur de vous voir, uniquement pour rassurer votre dĂ©licatesse, que vous avez voulu rompre toute correspondance avec moi, m'ĂÂŽter ce faible dĂ©dommagement d'un sacrifice que vous aviez exigĂ©, et me ravir jusqu'Ă l'amour qui seul avait pu vous en donner le droit. C'est enfin aprĂšs vous avoir parlĂ© avec une sincĂ©ritĂ© que l'intĂ©rĂÂȘt mĂÂȘme de cet amour n'a pu affaiblir, que vous me fuyez aujourd'hui comme un sĂ©ducteur dangereux, dont vous auriez reconnu la perfidie. Ne vous lasserez-vous donc jamais d'ĂÂȘtre injuste? Apprenez-moi du moins quels nouveaux torts ont pu vous porter Ă tant de sĂ©vĂ©ritĂ©, et ne refusez pas de me dicter les ordres que vous voulez que je suive; quand je m'engage Ă les exĂ©cuter, est-ce trop prĂ©tendre que de demander Ă les connaĂtre? De ..., ce 15 septembre 17** LETTRE LXXVIII LA PRESIDENTE DE TOURVEL AU VICOMTE DE VALMONT Vous paraissez, Monsieur, surpris de ma conduite, et peu s'en faut mĂÂȘme que vous ne m'en demandiez compte, comme ayant le droit de la blĂÂąmer. J'avoue que je me serais crue plus autorisĂ©e que vous Ă m'Ă©tonner et Ă me plaindre; mais depuis le refus contenu dans votre derniĂšre rĂ©ponse, j'ai pris le parti de me renfermer dans une indiffĂ©rence qui ne laisse plus lieu aux remarques ni aux reproches. Cependant, comme vous me demandez des Ă©claircissements, et que, grĂÂąces au Ciel, je ne sens rien en moi qui puisse m'empĂÂȘcher de vous les donner, je veux bien entrer encore une fois en explication avec vous. Qui lirait vos Lettres me croirait injuste ou bizarre. Je crois mĂ©riter que personne n'ait cette idĂ©e de moi; il me semble surtout que vous Ă©tiez moins qu'un autre dans le cas de la prendre. Sans doute, vous avez senti qu'en nĂ©cessitant ma justification vous me forciez Ă rappeler tout ce qui s'est passĂ© entre nous. Apparemment vous avez cru n'avoir qu'Ă gagner Ă cet examen comme, de mon cĂÂŽtĂ©, je ne crois pas avoir Ă y perdre, au moins Ă vos yeux, je ne crains pas de m'y livrer. Peut-ĂÂȘtre est-ce, en effet, le seul moyen de connaĂtre qui de nous deux a le droit de se plaindre de l'autre. A compter, Monsieur, du jour de votre arrivĂ©e dans ce ChĂÂąteau, vous avouerez, je crois, qu'au moins votre rĂ©putation m'autorisait Ă user de quelque rĂ©serve avec vous, et que j'aurais pu, sans craindre d'ĂÂȘtre taxĂ©e d'un excĂšs de pruderie, m'en tenir aux seules expressions de la politesse la plus froide. Vous-mĂÂȘme m'eussiez traitĂ©e avec indulgence, et vous eussiez trouvĂ© simple qu'une femme aussi peu formĂ©e n'eĂ»t pas mĂÂȘme le mĂ©rite nĂ©cessaire pour apprĂ©cier le vĂÂŽtre. C'Ă©tait sĂ»rement lĂ le parti de la prudence; et il m'eĂ»t d'autant moins coĂ»tĂ© Ă suivre, que je ne vous cacherai pas que, quand Madame de Rosemonde vint me faire part de votre arrivĂ©e, j'eus besoin de me rappeler mon amitiĂ© pour elle, et celle qu'elle a pour vous, pour ne pas lui laisser voir combien cette nouvelle me contrariait. Je conviens volontiers que vous vous ĂÂȘtes montrĂ© d'abord sous un aspect plus favorable que je ne l'avais imaginĂ©; mais vous conviendrez Ă votre tour qu'il a bien peu durĂ©, et que vous vous ĂÂȘtes bientĂÂŽt lassĂ© d'une contrainte, dont apparemment vous ne vous ĂÂȘtes pas cru suffisamment dĂ©dommagĂ© par l'idĂ©e avantageuse qu'elle m'avait fait prendre de vous. C'est alors qu'abusant de ma bonne foi, de ma sĂ©curitĂ©, vous n'avez pas craint de m'entretenir d'un sentiment dont vous ne pouviez pas douter que je ne me trouvasse offensĂ©e; et moi, tandis que vous ne vous occupiez qu'Ă aggraver vos torts en les multipliant, je cherchais un motif pour les oublier, en vous offrant l'occasion de les rĂ©parer, au moins en partie. Ma demande Ă©tait si juste que vous-mĂÂȘme ne crĂ»tes pas devoir vous y refuser mais vous faisant un droit de mon indulgence, vous en profitĂÂątes pour me demander une permission, que, sans doute, je n'aurais pas dĂ» accorder, et que pourtant vous avez obtenue. Des conditions qui y furent mises, vous n'en avez tenu aucune; et votre correspondance a Ă©tĂ© telle, que chacune de vos Lettres me faisait un devoir de ne plus vous rĂ©pondre. C'est dans le moment mĂÂȘme oĂÂč votre obstination me forçait Ă vous Ă©loigner de moi que, par une condescendance peut-ĂÂȘtre blĂÂąmable, j'ai tentĂ© le seul moyen qui pouvait me permettre de vous en rapprocher mais de quel prix est Ă vos yeux un sentiment honnĂÂȘte? Vous mĂ©prisez l'amitiĂ©; et dans votre folle ivresse, comptant pour rien les malheurs et la honte, vous ne cherchez que des plaisirs et des victimes. Aussi lĂ©ger dans vos dĂ©marches qu'inconsĂ©quent dans vos reproches, vous oubliez vos promesses, ou plutĂÂŽt vous vous faites un jeu de les violer, et aprĂšs avoir consenti Ă vous Ă©loigner de moi, vous revenez ici sans y ĂÂȘtre rappelĂ©; sans Ă©gard pour mes priĂšres, pour mes raisons, sans avoir mĂÂȘme l'attention de m'en prĂ©venir, vous n'avez pas craint de m'exposer Ă une surprise dont l'effet, quoique bien simple assurĂ©ment, aurait pu ĂÂȘtre interprĂ©tĂ© dĂ©favorablement pour moi, par les personnes qui nous entouraient. Ce moment d'embarras que vous aviez fait naĂtre, loin de chercher Ă en distraire, ou Ă le dissiper, vous avez paru mettre tous vos soins Ă l'augmenter encore. A table, vous choisissez prĂ©cisĂ©ment votre place Ă cĂÂŽtĂ© de la mienne une lĂ©gĂšre indisposition me force d'en sortir avant les autres; et au lieu de respecter ma solitude, vous engagez tout le monde Ă venir la troubler. RentrĂ©e au salon, si je fais un pas, je vous trouve Ă cĂÂŽtĂ© de moi; si je dis une parole, c'est toujours vous qui me rĂ©pondez. Le mot le plus indiffĂ©rent vous sert de prĂ©texte pour ramener une conversation que je ne voulais pas entendre, qui pouvait mĂÂȘme me compromettre car enfin, Monsieur, quelque adresse que vous y mettiez, ce que je comprends, je crois que les autres peuvent aussi le comprendre. ForcĂ©e ainsi par vous Ă l'immobilitĂ© et au silence, vous n'en continuez pas moins de me poursuivre; je ne puis lever les yeux sans rencontrer les vĂÂŽtres. Je suis sans cesse obligĂ©e de dĂ©tourner mes regards; et par une inconsĂ©quence bien incomprĂ©hensible, vous fixez sur moi ceux du cercle, dans un moment oĂÂč j'aurais voulu pouvoir mĂÂȘme me dĂ©rober aux miens. Et vous vous plaignez de mes procĂ©dĂ©s! et vous vous Ă©tonnez de mon empressement Ă vous fuir! Ah! blĂÂąmez-moi plutĂÂŽt de mon indulgence, Ă©tonnez-vous que je ne sois pas partie au moment de votre arrivĂ©e. Je l'aurais dĂ» peut-ĂÂȘtre, et vous me forcerez Ă ce parti violent mais nĂ©cessaire, si vous ne cessez enfin des poursuites offensantes. Non, je n'oublie point, je n'oublierai jamais ce que je me dois, ce que je dois Ă des nĂ âuds que j'ai formĂ©s, que je respecte et que je chĂ©ris; et je vous prie de croire que, si jamais je me trouvais rĂ©duite Ă ce choix malheureux de les sacrifier ou de me sacrifier moi-mĂÂȘme, je ne balancerais pas un instant. Adieu, Monsieur. De ..., ce 16 septembre l7**. LETTRE LXXIX LE VICOMTE DE VALMONT A LA MARQUISE DE MERTEUIL Je comptais aller Ă la chasse ce matin mais il fait un temps dĂ©testable. Je n'ai pour toute lecture qu'un Roman nouveau, qui ennuierait mĂÂȘme une Pensionnaire. On dĂ©jeunera au plus tĂÂŽt dans deux heures ainsi malgrĂ© ma longue Lettre d'hier, je vais encore causer avec vous. Je suis bien sĂ»r de ne pas vous ennuyer, car je vous parlerai du trĂšs joli PrĂ©van . Comment n'avez-vous pas su sa fameuse aventure, celle qui a sĂ©parĂ© les insĂ©parables . Je parie que vous vous la rappellerez au premier mot. La voici pourtant, puisque vous la dĂ©sirez. Vous vous souvenez que tout Paris s'Ă©tonnait que trois femmes, toutes trois jolies, ayant toutes trois les mĂÂȘmes talents, et pouvant avoir les mĂÂȘmes prĂ©tentions, restassent intimement liĂ©es entre elles depuis le moment de leur entrĂ©e dans le monde. On crut d'abord en trouver la raison dans leur extrĂÂȘme timiditĂ© mais bientĂÂŽt, entourĂ©es d'une cour nombreuse dont elles partageaient les hommages, et Ă©clairĂ©es sur leur valeur par l'empressement et les soins dont elles Ă©taient l'objet, leur union n'en devint pourtant que plus forte; et l'on eĂ»t dit que le triomphe de l'une Ă©tait toujours celui des deux autres. On espĂ©rait au moins que le moment de l'amour amĂšnerait quelque rivalitĂ©. Nos agrĂ©ables se disputaient l'honneur d'ĂÂȘtre la pomme de discorde; et moi-mĂÂȘme, je me serais mis alors sur les rangs, si la grande faveur oĂÂč la Comtesse de ... s'Ă©leva dans ce mĂÂȘme temps, m'eĂ»t permis de lui ĂÂȘtre infidĂšle avant d'avoir obtenu l'agrĂ©ment que je demandais. Cependant nos trois BeautĂ©s, dans le mĂÂȘme carnaval, firent leur choix comme de concert; et loin qu'il excitĂÂąt les orages qu'on s'en Ă©tait promis, il ne fit que rendre leur amitiĂ© plus intĂ©ressante, par le charme des confidences. La foule des prĂ©tendants malheureux se joignit alors Ă celle des femmes jalouses, et la scandaleuse constance fut soumise Ă la censure publique. Les uns prĂ©tendaient que dans cette sociĂ©tĂ© des insĂ©parables ainsi la nommait-on alors, la loi fondamentale Ă©tait la communautĂ© de biens, et que l'amour mĂÂȘme y Ă©tait soumis; d'autres assuraient que les trois Amants, exempts de rivaux, ne l'Ă©taient pas de rivales on alla mĂÂȘme jusqu'Ă dire qu'ils n'avaient Ă©tĂ© admis que par dĂ©cence, et n'avaient obtenu qu'un titre sans fonction. Ces bruits, vrais ou faux, n'eurent pas l'effet qu'on s'en Ă©tait promis. Les trois couples, au contraire, sentirent qu'ils Ă©taient perdus s'ils se sĂ©paraient dans ce moment; ils prirent le parti de faire tĂÂȘte Ă l'orage. Le public, qui se lasse de tout, se lassa bientĂÂŽt d'une satire infructueuse. EmportĂ© par sa lĂ©gĂšretĂ© naturelle, il s'occupa d'autres objets puis, revenant Ă celui-ci avec son inconsĂ©quence ordinaire, il changea la critique en Ă©loge. Comme ici tout est de mode, l'enthousiasme gagna; il devenait un vrai dĂ©lire, lorsque PrĂ©van entreprit de vĂ©rifier ces prodiges, et de fixer sur eux l'opinion publique et la sienne. Il rechercha donc ces modĂšles de perfection. Admis facilement dans leur sociĂ©tĂ©, il en tira un favorable augure. Il savait assez que les gens heureux ne sont pas d'un accĂšs si facile. Il vit bientĂÂŽt, en effet, que ce bonheur si vantĂ© Ă©tait, comme celui des Rois, plus enviĂ© que dĂ©sirable. Il remarqua que, parmi ces prĂ©tendus insĂ©parables, on commençait Ă rechercher les plaisirs du dehors, qu'on s'y occupait mĂÂȘme de distraction; et il en conclut que les liens d'amour ou d'amitiĂ© Ă©taient dĂ©jĂ relĂÂąchĂ©s ou rompus, et que ceux de l'amour- propre et de l'habitude conservaient seuls quelque force. Cependant les femmes, que le besoin rassemblait, conservaient entre elles l'apparence de la mĂÂȘme intimitĂ© mais les hommes, plus libres dans leurs dĂ©marches, retrouvaient des devoirs Ă remplir ou des affaires Ă suivre; ils s'en plaignaient encore, mais ne s'en dispensaient plus, et rarement les soirĂ©es Ă©taient complĂštes. Cette conduite de leur part fut profitable Ă l'assidu PrĂ©van, qui, placĂ© naturellement auprĂšs de la dĂ©laissĂ©e du jour, trouvait Ă offrir alternativement, et selon les circonstances, le mĂÂȘme hommage aux trois amies. Il sentit facilement que faire un choix entre elles, c'Ă©tait se perdre; que la fausse honte de se trouver la premiĂšre infidĂšle effaroucherait la prĂ©fĂ©rĂ©e; que la vanitĂ© blessĂ©e des deux autres les rendrait ennemies du nouvel Amant, et qu'elles ne manqueraient pas de dĂ©ployer contre lui la sĂ©vĂ©ritĂ© des grands principes; enfin, que la jalousie ramĂšnerait Ă coup sĂ»r les soins d'un rival qui pouvait ĂÂȘtre encore Ă craindre. Tout fĂ»t devenu obstacle; tout devenait facile dans son triple projet; chaque femme Ă©tait indulgente, parce qu'elle y Ă©tait intĂ©ressĂ©e, chaque homme, parce qu'il croyait ne pas l'ĂÂȘtre. PrĂ©van, qui n'avait alors qu'une seule femme Ă sacrifier, fut assez heureux pour qu'elle prĂt de la cĂ©lĂ©britĂ©. Sa qualitĂ© d'Ă©trangĂšre et l'hommage d'un grand Prince assez adroitement, refusĂ© avaient fixĂ© sur elle l'attention de la Cour et de la Ville; son Amant en partageait l'honneur, et en profita auprĂšs de ses nouvelles MaĂtresses. La seule difficultĂ© Ă©tait de mener de front ces trois intrigues, dont la marche devait forcĂ©ment se rĂ©gler sur la plus tardive; en effet, je tiens d'un de ses confidents que sa plus grande peine fut d'en arrĂÂȘter une, qui se trouva prĂÂȘte Ă Ă©clore prĂšs de quinze jours avant les autres. Enfin le grand jour arriva. PrĂ©van, qui avait obtenu les trois aveux, se trouvait dĂ©jĂ maĂtre des dĂ©marches, et les rĂ©gla comme vous allez voir. Des trois maris, l'un Ă©tait absent, l'autre partait le lendemain au point du jour, le troisiĂšme Ă©tait Ă la Ville. Les insĂ©parables amies devaient souper chez la veuve future; mais le nouveau MaĂtre n'avait pas permis que les anciens Serviteurs y fussent invitĂ©s. Le matin mĂÂȘme de ce jour, il fait trois lots des Lettres de sa Belle, il accompagne l'un du portrait qu'il avait reçu d'elle le second d'un chiffre amoureux qu'elle-mĂÂȘme avait peint, le troisiĂšme d'une boucle de ses cheveux; chacune reçut pour complet ce tiers de sacrifice, et consentit, en Ă©change, Ă envoyer Ă l'Amant disgraciĂ© une Lettre Ă©clatante de rupture. C'Ă©tait beaucoup; ce n'Ă©tait pas assez. Celle dont le mari Ă©tait Ă la Ville ne pouvait disposer que de la journĂ©e; il fut convenu qu'une feinte indisposition la dispenserait d'aller souper chez son amie, et que la soirĂ©e serait toute Ă PrĂ©van la nuit fut accordĂ©e par celle dont le mari fut absent et le point du jour, moment du dĂ©part du troisiĂšme Ă©poux, fut marquĂ© par la derniĂšre, pour l'heure du Berger. PrĂ©van qui ne nĂ©glige rien, court ensuite chez la belle Ă©trangĂšre, y porte et y fait naĂtre l'humeur dont il avait besoin, et n'en sort qu'aprĂšs avoir Ă©tabli une querelle qui lui assure vingt-quatre heures de libertĂ©. Ses dispositions ainsi faites, il rentra chez lui, comptant prendre quelque repos; d'autres affaires l'y attendaient. Les Lettres de rupture avaient Ă©tĂ© un coup de lumiĂšre pour les Amants disgraciĂ©s chacun d'eux ne pouvait douter qu'il n'eĂ»t Ă©tĂ© sacrifiĂ© Ă PrĂ©van; et le dĂ©pit d'avoir Ă©tĂ© jouĂ©, se joignant Ă l'humeur que donne presque toujours la petite humiliation d'ĂÂȘtre quittĂ©, tous trois, sans se communiquer, mais comme de concert, avaient rĂ©solu d'en avoir raison, et pris le parti de la demander Ă leur fortunĂ© rival. Celui-ci trouva donc chez lui les trois cartels; il les accepta loyalement mais ne voulant perdre ni les plaisirs, ni l'Ă©clat de cette aventure, il fixa les rendez- vous au lendemain matin, et les assigna tous les trois au mĂÂȘme lieu et Ă la mĂÂȘme heure. Ce fut Ă une des portes du bois de Boulogne. Le soir venu, il courut sa triple carriĂšre avec un succĂšs Ă©gal; au moins s'est-il vantĂ© depuis que chacune de ses nouvelles MaĂtresses avait reçu trois fois le gage et le serment de son amour. Ici, comme vous le jugez bien, les preuves manquent Ă l'histoire; tout ce que peut faire l'Historien impartial, c'est de faire remarquer au Lecteur incrĂ©dule que la vanitĂ© et l'imagination exaltĂ©es peuvent enfanter des prodiges, et de plus, que la matinĂ©e qui devait suivre une si brillante nuit, paraissait devoir dispenser de mĂ©nagement pour l'avenir. Quoi qu'il en soit, les faits suivants ont plus de certitude. PrĂ©van se rendit exactement au rendez-vous qu'il avait indiquĂ©; il y trouva ses trois rivaux, un peu surpris de leur rencontre, et peut-ĂÂȘtre chacun d'eux dĂ©jĂ consolĂ© en partie, en se voyant des compagnons d'infortune. Il les aborda d'un air affable et cavalier, et leur tint ce discours, qu'on m'a rendu fidĂšlement " Messieurs, leur dit-il, en vous trouvant rassemblĂ©s ici, vous avez devinĂ© sans doute que vous aviez tous trois le mĂÂȘme sujet de plainte contre moi. Je suis prĂÂȘt Ă vous rendre raison. Que le sort dĂ©cide, entre vous, qui des trois tentera le premier une vengeance Ă laquelle vous avez tous un droit Ă©gal. Je n'ai amenĂ© ici ni second, ni tĂ©moins. Je n'en ai point pris pour l'offense; je n'en demande point pour la rĂ©paration. " Puis cĂ©dant Ă son caractĂšre joueur " Je sais, ajouta-t-il, qu'on gagne rarement le sept et le va ; mais quel que soit le sort qui m'attend, on a toujours assez vĂ©cu, quand on a eu le temps d'acquĂ©rir l'amour des femmes et l'estime des hommes. " Pendant que ses adversaires Ă©tonnĂ©s se regardaient en silence, et que leur dĂ©licatesse calculait peut-ĂÂȘtre que ce triple combat ne laissait pas la partie Ă©gale, PrĂ©van reprit la parole " Je ne vous cache pas, continua-t-il donc, que la nuit que je viens de passer m'a cruellement fatiguĂ©. Il serait gĂ©nĂ©reux Ă vous de me permettre de rĂ©parer mes forces. J'ai donnĂ© mes ordres pour qu'on tĂnt ici un dĂ©jeuner prĂÂȘt; faites-moi l'honneur de l'accepter. DĂ©jeunons ensemble, et surtout dĂ©jeunons gaiement. On peut se battre pour de semblables bagatelles; mais elles ne doivent pas, je crois, altĂ©rer notre humeur. " Le dĂ©jeuner fut acceptĂ©. Jamais, dit-on, PrĂ©van ne fut plus aimable. Il eut l'adresse de n'humilier aucun de ses rivaux; de leur persuader que tous eussent eu facilement les mĂÂȘmes succĂšs, et surtout de les faire convenir qu'ils n'en eussent pas plus que lui laissĂ© Ă©chapper l'occasion. Ces faits une fois avouĂ©s, tout s'arrangeait de soi-mĂÂȘme. Aussi le dĂ©jeuner n'Ă©tait-il pas fini, qu'on y avait dĂ©jĂ rĂ©pĂ©tĂ© dix fois que de pareilles femmes ne mĂ©ritaient pas que d'honnĂÂȘtes gens se battissent pour elles. Cette idĂ©e amena la cordialitĂ©; le vin la fortifia; si bien que peu de moments aprĂšs, ce ne fut pas assez de n'avoir plus de rancune, on se jura amitiĂ© sans rĂ©serve. PrĂ©van, qui sans doute aimait bien autant ce dĂ©nouement que l'autre, ne voulait pourtant y rien perdre de sa cĂ©lĂ©britĂ©. En consĂ©quence, pliant adroitement ses projets aux circonstances " En effet, dit-il aux trois offensĂ©s, ce n'est pas de moi, mais de vos infidĂšles MaĂtresses que vous avez Ă vous venger. Je vous en offre l'occasion. DĂ©jĂ je ressens, comme vous-mĂÂȘmes, une injure que bien tĂÂŽt je partagerai car si chacun de vous n'a pu parvenir Ă en fixer une seule, puis-je espĂ©rer de les fixer toutes trois? Votre querelle devient la mienne. Acceptez pour ce soir un souper dans ma petite maison, et j'espĂšre ne pas diffĂ©rer plus long temps votre vengeance. " On voulut le faire expliquer mais lui, avec ce ton de supĂ©rioritĂ© que la circonstance l'autorisait Ă prendre " Messieurs, rĂ©pondit-il, je crois vous avoir prouvĂ© que j'avais quelque esprit de conduite; reposez-vous sur moi. " Tous consentirent; et aprĂšs avoir embrassĂ© leur nouvel ami, ils se sĂ©parĂšrent jusqu'au soir, en attendant l'effet de ses promesses. Celui-ci, sans perdre de temps, retourne Ă Paris, et va, suivant l'usage, visiter ses nouvelles conquĂÂȘtes. Il obtint de toutes trois qu'elles viendraient le soir mĂÂȘme souper en tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte Ă sa petite maison. Deux d'entre elles firent bien quelques difficultĂ©s, mais que reste-t-il Ă refuser le lendemain? Il donna le rendez-vous Ă une heure de distance, temps nĂ©cessaire Ă ses projets. AprĂšs ces prĂ©paratifs, il se retira, fit avertir les trois autres conjurĂ©s, et tous quatre allĂšrent gaiement attendre leurs victimes. On entend arriver la premiĂšre. PrĂ©van se prĂ©sente seul, la reçoit avec l'air de l'empressement, la conduit jusque dans le sanctuaire dont elle se croyait la DivinitĂ©; puis, disparaissant sur un lĂ©ger prĂ©texte, il se fait remplacer aussitĂÂŽt par l'Amant outragĂ©. Vous jugez que la confusion d'une femme qui n'a point encore l'usage des aventures rendait, en ce moment, le triomphe bien facile tout reproche qui ne fut pas fait fut comptĂ© pour une grĂÂące; et l'esclave fugitive, livrĂ©e de nouveau Ă son ancien maĂtre, fut trop heureuse de pouvoir espĂ©rer son pardon, en reprenant sa premiĂšre chaĂne. Le traitĂ© de paix se ratifia dans un lieu plus solitaire, et la scĂšne, restĂ©e vide, fut alternativement remplie par les autres Acteurs, Ă peu prĂšs de la mĂÂȘme maniĂšre, et surtout avec le mĂÂȘme dĂ©nouement. Chacune des femmes pourtant se croyait encore seule en jeu. Leur Ă©tonnement et leur embarras augmentĂšrent, quand, au moment du souper, les trois couples se rĂ©unirent; mais la confusion fut au comble, quand PrĂ©van, qui reparut au milieu de tous, eut la cruautĂ© de faire aux trois infidĂšles des excuses, qui, en livrant leur secret, leur apprenaient entiĂšrement jusqu'Ă quel point elles avaient Ă©tĂ© jouĂ©es. Cependant on se mit Ă table, et peu aprĂšs la contenance revint les hommes se livrĂšrent, les femmes se soumirent. Tous avaient la haine dans le cĂ âur; mais les propos n'en Ă©taient pas moins tendres la gaietĂ© Ă©veilla le dĂ©sir, qui, Ă son tour, lui prĂÂȘta de nouveaux charmes. Cette Ă©tonnante orgie dura jusqu'au matin; et quand on se sĂ©para, les femmes durent se croire pardonnĂ©es mais les hommes, qui avaient conservĂ© leur ressentiment, firent dĂšs le lendemain une rupture qui n'eut point de retour; et non contents de quitter leurs lĂ©gĂšres MaĂtresses, ils achevĂšrent leur vengeance, en publiant leur aventure. Depuis ce temps, une d'elles est au Couvent, et les deux autres languissent exilĂ©es dans leurs Terres. VoilĂ l'histoire de PrĂ©van; c'est Ă vous de voir si vous voulez ajouter Ă sa gloire, et vous atteler Ă son char de triomphe. Votre Lettre m'a vraiment donnĂ© de l'inquiĂ©tude, et j'attends avec impatience une rĂ©ponse plus sage et plus claire Ă la derniĂšre que je vous ai Ă©crite. Adieu, ma belle amie, mĂ©fiez-vous des idĂ©es plaisantes ou bizarres qui vous sĂ©duisent toujours trop facilement. Songez que, dans la carriĂšre que vous courez, l'esprit ne suffit pas, qu'une seule imprudence y devient un mal sans remĂšde. Souffrez enfin que la prudente amitiĂ© soit quelquefois le guide de vos plaisirs. Adieu. Je vous aime pourtant comme si vous Ă©tiez raisonnable. De ..., ce 18 septembre 17** LETTRE LXXX LE CHEVALIER DANCENY A CECILE VOLANGES CĂ©cile, ma chĂšre CĂ©cile, quand viendra le temps de nous revoir? qui m'apprendra Ă vivre loin de vous? qui m'en donnera la force et le courage? Jamais, non, jamais, je ne pourrai supporter cette fatale absence. Chaque jour ajoute Ă mon malheur et n'y point voir de terme! Valmont qui m'avait promis des secours, des consolations, Valmont me nĂ©glige, et peut-ĂÂȘtre m'oublie. Il est auprĂšs de ce qu'il aime; il ne sait plus ce qu'on souffre quand on en est Ă©loignĂ©. En me faisant passer votre derniĂšre Lettre, il ne m'a point Ă©crit. C'est lui pourtant qui doit m'apprendre quand je pourrai vous voir et par quel moyen. N'a-t-il donc rien Ă me dire? Vous-mĂÂȘme, vous ne m'en parlez pas, serait-ce que vous n'en partagez plus le dĂ©sir? Ah! CĂ©cile, CĂ©cile, je suis bien malheureux. Je vous aime plus que jamais mais cet amour, qui fait le charme de ma vie, en devient le tourment. Non, je ne peux plus vivre ainsi, il faut que je vous voie, il le faut, ne fĂ»t-ce qu'un moment. Quand je me lĂšve, je me dis; " Je ne la verrai pas. " Je me couche en disant " Je ne l'ai point vue. " Les journĂ©es si longues n'ont pas un moment pour le bonheur. Tout est privation, tout est regret, tout est dĂ©sespoir; et tous ces maux me viennent d'oĂÂč j'attendais tous mes plaisirs! Ajoutez Ă ces peines mortelles mon inquiĂ©tude sur les vĂÂŽtres, et vous aurez une idĂ©e de ma situation. Je pense Ă vous sans cesse, et n'y pense jamais sans trouble. Si je vous vois affligĂ©e, malheureuse, je souffre de tous vos chagrins; si je vous vois tranquille et consolĂ©e, ce sont les miens qui redoublent. Partout je trouve le malheur. Ah! qu'il n'en Ă©tait pas ainsi, quand vous habitiez les mĂÂȘmes lieux que moi! Tout alors Ă©tait plaisir. La certitude de vous voir embellissait mĂÂȘme les moments de l'absence; le temps qu'il fallait passer loin de vous m'approchait de vous en s'Ă©coulant. L'emploi que j'en faisais ne vous Ă©tait jamais Ă©tranger. Si je remplissais des devoirs, ils me rendaient plus digne de vous; si je cultivais quelque talent, j'espĂ©rais vous plaire davantage. Lors mĂÂȘme que les distractions du monde m'emportaient loin de vous, je n'en Ă©tais point sĂ©parĂ©. Au Spectacle, je cherchais Ă deviner ce qui vous aurait plu; un concert me rappelait vos talents et nos si douces occupations. Dans le cercle, comme aux promenades, je saisissais la plus lĂ©gĂšre ressemblance. Je vous comparais Ă tout; partout vous aviez l'avantage. Chaque moment du jour Ă©tait marquĂ© par un hommage nouveau, et chaque soir j'en apportais le tribut Ă vos pieds. A prĂ©sent, que me reste-t-il? des regrets douloureux, des privations Ă©ternelles, et un lĂ©ger espoir que le silence de Valmont diminue, que le vĂÂŽtre change en inquiĂ©tude. Dix lieues seulement nous sĂ©parent, et cet espace si facile Ă franchir devient pour moi seul un obstacle insurmontable! et quand, pour m'aider Ă le vaincre, j'implore mon ami, ma MaĂtresse, tous deux restent froids et tranquilles! Loin de me secourir, ils ne me rĂ©pondent mĂÂȘme pas. Qu'est donc devenue l'amitiĂ© active de Valmont? que sont devenus, surtout, vos sentiments si tendres, et qui vous rendaient si ingĂ©nieuse pour trouver les moyens de nous voir tous les jours? Quelquefois, je m'en souviens, sans cesser d'en avoir le dĂ©sir, je me trouvais forcĂ© de le sacrifier Ă des considĂ©rations, Ă des devoirs; que ne me disiez-vous pas alors? par combien de prĂ©textes ne combattiez-vous pas mes raisons! Et qu'il vous en souvienne, ma CĂ©cile, toujours mes raisons cĂ©daient Ă vos dĂ©sirs. Je ne m'en fais point un mĂ©rite! je n'avais pas mĂÂȘme celui du sacrifice. Ce que vous dĂ©siriez d'obtenir, je brĂ»lais de l'accorder. Mais enfin je demande Ă mon tour et quelle est cette demande? de vous voir un moment, de vous renouveler et de recevoir le serment d'un amour Ă©ternel. N'est-ce donc plus votre bonheur comme le mien? Je repousse cette idĂ©e dĂ©sespĂ©rante, qui mettrait le comble Ă mes maux. Vous m'aimez, vous m'aimerez toujours; je le crois, j'en suis sĂ»r, je ne veux jamais en douter mais ma situation est affreuse et je ne puis la soutenir plus longtemps. Adieu, CĂ©cile. Paris, ce 18 septembre 17** LETTRE LXXXI LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Que vos craintes me causent de pitiĂ©! Combien elles me prouvent ma supĂ©rioritĂ© sur vous! et vous voulez m'enseigner, me conduire? Ah! mon pauvre Valmont, quelle distance il y a encore de vous Ă moi! Non, tout l'orgueil de votre sexe ne suffirait pas pour remplir l'intervalle qui nous sĂ©pare. Parce que vous ne pourriez exĂ©cuter mes projets, vous les jugez impossibles! Etre orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir calculer mes moyens et juger de mes ressources! Au vrai, Vicomte, vos conseils m'ont donnĂ© de l'humeur, et je ne puis vous le cacher. Que pour masquer votre incroyable gaucherie auprĂšs de votre PrĂ©sidente, vous m'Ă©taliez comme un triomphe d'avoir dĂ©concertĂ© un moment cette femme timide et qui vous aime, j'y consens; d'en avoir obtenu un regard, un seul regard, je souris et vous le passe. Que sentant, malgrĂ© vous, le peu de valeur de votre conduite, vous espĂ©riez la dĂ©rober Ă mon attention, en me flattant de l'effort sublime de rapprocher deux enfants qui, tous deux, brĂ»lent de se voir, et qui, soit dit en passant, doivent Ă moi seule l'ardeur de ce dĂ©sir, je le veux bien encore. Qu'enfin vous vous autorisiez de ces actions d'Ă©clat, pour me dire d'un ton doctoral qu'il vaut mieux employer son temps Ă exĂ©cuter ses projets qu'Ă les raconter ; cette vanitĂ© ne me nuit pas, et je la pardonne. Mais que vous puissiez croire que j'aie besoin de votre prudence, que je m'Ă©garerais en ne dĂ©fĂ©rant pas Ă vos avis, que je dois leur sacrifier un plaisir, une fantaisie en vĂ©ritĂ©, Vicomte, c'est aussi vous trop enorgueillir de la confiance que je veux bien avoir en vous! Et qu'avez-vous donc fait que je n'aie surpassĂ© mille fois? Vous avez sĂ©duit, perdu mĂÂȘme beaucoup de femmes mais quelles difficultĂ©s avez-vous eues Ă vaincre? quels obstacles Ă surmonter? oĂÂč est le mĂ©rite qui soit vĂ©ritablement Ă vous? Une belle figure, pur effet du hasard; des grĂÂąces, que l'usage donne presque toujours, de l'esprit Ă la vĂ©ritĂ©, mais auquel du jargon supplĂ©erait au besoin; une impudence assez louable, mais peut-ĂÂȘtre uniquement due Ă la facilitĂ© de vos premiers succĂšs; si je ne me trompe, voilĂ tous vos moyens car, pour la cĂ©lĂ©britĂ© que vous avez pu acquĂ©rir, vous n'exigerez pas, je crois, que je compte pour beaucoup l'art de faire naĂtre ou de saisir l'occasion d'un scandale. Quant Ă la prudence, Ă la finesse, je ne parle pas de moi mais quelle femme n'en aurait pas plus que vous? Eh! votre PrĂ©sidente vous mĂšne comme un enfant. Croyez-moi, Vicomte, on acquiert rarement les qualitĂ©s dont on peut se passer. Combattant sans risque, vous devez agir sans prĂ©caution. Pour vous autres hommes, les dĂ©faites ne sont que des succĂšs de moins. Dans cette partie si inĂ©gale, notre fortune est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner. Quand je vous accorderais autant de talents qu'Ă nous, de combien encore ne devrions-nous pas vous surpasser, par la nĂ©cessitĂ© oĂÂč nous sommes d'en faire un continuel usage! Supposons, j'y consens, que vous mettiez autant d'adresse Ă nous vaincre, que nous Ă nous dĂ©fendre ou Ă cĂ©der, vous conviendrez au moins qu'elle vous devient inutile aprĂšs le succĂšs. Uniquement occupĂ© de votre nouveau goĂ»t, vous vous y livrez sans crainte, sans rĂ©serve ce n'est pas Ă vous que sa durĂ©e importe. En effet, ces liens rĂ©ciproquement donnĂ©s et reçus, pour parler le jargon de l'amour, vous seul pouvez, Ă votre choix, les resserrer ou les rompre heureuses encore, si dans votre lĂ©gĂšretĂ©, prĂ©fĂ©rant le mystĂšre Ă l'Ă©clat, vous vous contentez d'un abandon humiliant, et ne faites pas de l'idole de la veille la victime du lendemain. Mais qu'une femme infortunĂ©e sente la premiĂšre le poids de sa chaĂne, quels risques n'a-t-elle pas Ă courir, si elle tente de s'y soustraire, si elle ose seulement la soulever? Ce n'est qu'en tremblant qu'elle essaie d'Ă©loigner d'elle l'homme que son cĂ âur repousse avec effort. S'obstine-t-il Ă rester, ce qu'elle accordait Ă l'amour, il faut le livrer Ă la crainte Ses bras s'ouvrent encor, quand son cĂ âur est fermĂ©. Sa prudence doit dĂ©nouer avec adresse ces mĂÂȘmes liens que vous auriez rompus. A la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s'il est sans gĂ©nĂ©rositĂ© et comment en espĂ©rer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d'en avoir, jamais pourtant on ne le blĂÂąme d'en manquer? Sans doute, vous ne nierez pas ces vĂ©ritĂ©s que leur Ă©vidence a rendues triviales. Si cependant vous m'avez vue, disposant des Ă©vĂ©nements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies; ĂÂŽter aux uns la volontĂ©, aux autres la puissance de me nuire; si j'ai su tour Ă tour, et suivant mes goĂ»ts mobiles, attacher Ă ma suite ou rejeter loin de moi Ces Tyrans dĂ©trĂÂŽnĂ©s devenus mes esclaves [On ne sait si ce vers, ainsi que celui qui se trouve plus haut, Ses bras s'ouvrent encor, quand son cĂ âur est fermĂ© , sont des citations d'Ouvrages peu connus; ou s'ils font partie de la prose de Madame de Merteuil. Ce qui le ferait croire, c'est la multitude de fautes de ce genre qui se trouvent dans toutes les Lettres de cette correspondance. Celles du Chevalier Danceny sont les seules qui en soient exemptes peut-ĂÂȘtre que, comme il s'occupait quelquefois de PoĂ©sie, son oreille plus exercĂ©e lui faisait Ă©viter plus facilement ce dĂ©faut.] si, au milieu de ces rĂ©volutions frĂ©quentes, ma rĂ©putation s'est pourtant conservĂ©e pure; n'avez-vous pas dĂ» en conclure que, nĂ©e pour venger mon sexe et maĂtriser le vĂÂŽtre, j'avais su me crĂ©er des moyens inconnus jusqu'Ă moi? Ah! gardez vos conseils et vos craintes pour ces femmes Ă dĂ©lire, et qui se disent Ă sentiment; dont l'imagination exaltĂ©e ferait croire que la nature a placĂ© leurs sens dans leur tĂÂȘte; qui, n'ayant jamais rĂ©flĂ©chi, confondent sans cesse l'amour et l'Amant; qui, dans leur folle illusion, croient que celui-lĂ seul avec qui elles ont cherchĂ© le plaisir en est l'unique dĂ©positaire; et vraies superstitieuses, ont pour le PrĂÂȘtre le respect et la foi qui n'est dĂ» qu'Ă la DivinitĂ©. Craignez encore pour celles qui, plus vaines que prudentes, ne savent pas au besoin consentir Ă se faire quitter. Tremblez surtout pour ces femmes actives dans leur oisivetĂ©, que vous nommez sensibles, et dont l'amour s'empare si facilement et avec tant de puissance; qui sentent le besoin de s'en occuper encore, mĂÂȘme lorsqu'elles n'en jouissent pas; et s'abandonnant sans rĂ©serve Ă la fermentation de leurs idĂ©es, enfantent par elles ces Lettres si douces, mais si dangereuses Ă Ă©crire; et ne craignent pas de confier ces preuves de leur faiblesse Ă l'objet qui les cause imprudentes, qui, dans leur Amant actuel, ne savent pas voir leur ennemi futur. Mais moi, qu'ai-je de commun avec ces femmes inconsidĂ©rĂ©es? quand m'avez-vous vue m'Ă©carter des rĂšgles que je me suis prescrites, et manquer Ă mes principes? je dis mes principes, et je le dis Ă dessein car ils ne sont pas comme ceux des autres femmes, donnĂ©s au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes rĂ©flexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage. EntrĂ©e dans le monde dans le temps oĂÂč, fille encore, j'Ă©tais vouĂ©e par Ă©tat au silence et Ă l'inaction, j'ai su en profiter pour observer et rĂ©flĂ©chir. Tandis qu'on me croyait Ă©tourdie ou distraite, Ă©coutant peu Ă la vĂ©ritĂ© les discours qu'on s'empressait Ă me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on cherchait Ă me cacher. Cette utile curiositĂ©, en servant Ă m'instruire, m'apprit encore Ă dissimuler forcĂ©e souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui m'entouraient, j'essayai de guider les miens Ă mon grĂ©; j'obtins dĂšs lors de prendre Ă volontĂ© ce regard distrait que vous avez louĂ© si souvent. EncouragĂ©e par ce premier succĂšs, je tĂÂąchai de rĂ©gler de mĂÂȘme les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m'Ă©tudiais Ă prendre l'air de la sĂ©rĂ©nitĂ©, mĂÂȘme celui de la joie; j'ai portĂ© le zĂšle jusqu'Ă me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l'expression du plaisir. Je me suis travaillĂ©e avec le mĂÂȘme soin et plus de peine, pour rĂ©primer les symptĂÂŽmes d'une joie inattendue. C'est ainsi que j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si Ă©tonnĂ©. J'Ă©tais bien jeune encore, et presque sans intĂ©rĂÂȘt mais je n'avais Ă moi que ma pensĂ©e, et je m'indignais qu'on pĂ»t me la ravir ou me la surprendre contre ma volontĂ©. Munie de ces premiĂšres armes, j'en essayai l'usage non contente de ne plus me laisser pĂ©nĂ©trer, je m'amusais Ă me montrer sous des formes diffĂ©rentes; sĂ»re de mes gestes, j'observais mes discours; je rĂ©glai les uns et les autres, suivant les circonstances, ou mĂÂȘme seulement suivant mes fantaisies dĂšs ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu'il m'Ă©tait utile de laisser voir. Ce travail sur moi-mĂÂȘme avait fixĂ© mon attention sur l'expression des figures et le caractĂšre des physionomies; et j'y gagnai ce coup d'oeil pĂ©nĂ©trant, auquel l'expĂ©rience m'a pourtant appris Ă ne pas me fier entiĂšrement; mais qui, en tout, m'a rarement trompĂ©e. Je n'avais pas quinze ans, je possĂ©dais dĂ©jĂ les talents auxquels la plus grande partie de nos Politiques doivent leur rĂ©putation, et je ne me trouvais encore qu'aux premiers Ă©lĂ©ments de la science que je voulais acquĂ©rir. Vous jugez bien que, comme toutes les jeunes filles, je cherchais Ă deviner l'amour et ses plaisirs mais n'ayant jamais Ă©tĂ© au Couvent, n'ayant point de bonne amie, et surveillĂ©e par une mĂšre vigilante, je n'avais que des idĂ©es vagues et que je ne pouvais fixer; la nature mĂÂȘme, dont assurĂ©ment je n'ai eu qu'Ă me louer depuis, ne me donnait encore aucun indice. On eĂ»t dit qu'elle travaillait en silence Ă perfectionner son ouvrage. Ma tĂÂȘte seule fermentait; je ne dĂ©sirais pas de jouir, je voulais savoir; le dĂ©sir de m'instruire m'en suggĂ©ra les moyens. Je sentis que le seul homme avec qui je pouvais parler sur cet objet, sans me compromettre, Ă©tait mon Confesseur. AussitĂÂŽt je pris mon parti; je surmontai ma petite honte; et me vantant d'une faute que je n'avais pas commise, je m'accusai d'avoir fait tout ce que font les femmes . Ce fut mon expression; mais en parlant ainsi je ne savais en vĂ©ritĂ© quelle idĂ©e j'exprimais. Mon espoir ne fut ni tout Ă fait trompĂ©, ni entiĂšrement rempli, la crainte de me trahir m'empĂÂȘchait de m'Ă©clairer mais le bon PĂšre me fit le mal si grand que j'en conclus que le plaisir devait ĂÂȘtre extrĂÂȘme; et au dĂ©sir de le connaĂtre succĂ©da celui de le goĂ»ter. Je ne sais oĂÂč ce dĂ©sir m'aurait conduite; et alors dĂ©nuĂ©e d'expĂ©rience, peut- ĂÂȘtre une seule occasion m'eĂ»t perdue heureusement pour moi, ma mĂšre m'annonça peu de jours aprĂšs que j'allais me marier; sur-le-champ la certitude de savoir Ă©teignit ma curiositĂ©, et j'arrivai vierge entre les bras de M. de Merteuil. J'attendais avec sĂ©curitĂ© le moment qui devait m'instruire, et j'eus besoin de rĂ©flexion pour montrer de l'embarras et de la crainte. Cette premiĂšre nuit, dont on se fait pour l'ordinaire une idĂ©e si cruelle ou si douce ne me prĂ©sentait qu'une occasion d'expĂ©rience douleur et plaisir, j'observai tout exactement, et ne voyais dans ces diverses sensations que des faits Ă recueillir et Ă mĂ©diter. Ce genre d'Ă©tude parvint bientĂÂŽt Ă me plaire mais fidĂšle Ă mes principes, et sentant peut-ĂÂȘtre par instinct, que nul ne devait ĂÂȘtre plus loin de ma confiance que mon mari, je rĂ©solus, par cela seul que j'Ă©tais sensible, de me montrer impassible Ă ses yeux. Cette froideur apparente fut par la suite le fondement inĂ©branlable de son aveugle confiance j'y joignis, par une seconde rĂ©flexion, l'air d'Ă©tourderie qu'autorisait mon ĂÂąge; et jamais il ne me jugea plus enfant que dans les moments oĂÂč je le jouais avec plus d'audace. Cependant, je l'avouerai, je me laissai d'abord entraĂner par le tourbillon du monde, et je me livrai tout entiĂšre Ă ses distractions futiles. Mais au bout de quelques mois, M. de Merteuil m'ayant menĂ©e Ă sa triste campagne, la crainte de l'ennui fit revenir le goĂ»t de l'Ă©tude; et ne m'y trouvant entourĂ©e que de gens dont la distance avec moi me mettait Ă l'abri de tout soupçon, j'en profitai pour donner un champ plus vaste Ă mes expĂ©riences. Ce fut lĂ , surtout, que je m'assurai que l'amour que l'on nous vante comme la cause de nos plaisirs n'en est au plus que le prĂ©texte. La maladie de M. de Merteuil vint interrompre de si douces occupations; il fallut le suivre Ă la Ville, oĂÂč il venait chercher des secours. Il mourut, comme vous savez, peu de temps aprĂšs; et quoique Ă tout prendre, je n'eusse pas Ă me plaindre de lui, je n'en sentis pas moins vivement le prix de la libertĂ© qu'allait me donner mon veuvage, et je me promis bien d'en profiter. Ma mĂšre comptait que j'entrerais au Couvent, ou reviendrais vivre avec elle. Je refusai l'un et l'autre parti; et tout ce que j'accordai Ă la dĂ©cence fut de retourner dans cette mĂÂȘme campagne oĂÂč il me restait bien encore quelques observations Ă faire. Je les fortifiai par le secours de la lecture mais ne croyez pas qu'elle fĂ»t toute du genre que vous la supposez. J'Ă©tudiai nos mĂ âurs dans les Romans; nos opinions dans les Philosophes; je cherchai mĂÂȘme dans les Moralistes les plus sĂ©vĂšres ce qu'ils exigeaient de nous, et je m'assurai ainsi de ce qu'on pouvait faire, de ce qu'on devait penser et de ce qu'il fallait paraĂtre. Une fois fixĂ©e sur ces trois objets, le dernier seul prĂ©sentait quelques difficultĂ©s dans son exĂ©cution; j'espĂ©rai les vaincre et j'en mĂ©ditai les moyens. Je commençais Ă m'ennuyer de mes plaisirs rustiques, trop peu variĂ©s pour ma tĂÂȘte active; je sentais un besoin de coquetterie qui me raccommoda avec l'amour; non pour le ressentir Ă la vĂ©ritĂ©, mais pour l'inspirer et le feindre. En vain m'avait-on dit et avais-je lu qu'on ne pouvait feindre ce sentiment, je voyais pourtant que, pour y parvenir, il suffisait de joindre Ă l'esprit d'un Auteur le talent d'un ComĂ©dien. Je m'exerçai dans les deux genres, et peut- ĂÂȘtre avec quelque succĂšs mais au lieu de rechercher les vains applaudissements du ThĂ©ĂÂątre, je rĂ©solus d'employer Ă mon bonheur ce que tant d'autres sacrifiaient Ă la vanitĂ©. Un an se passa dans ces occupations diffĂ©rentes. Mon deuil me permettant alors de reparaĂtre, je revins Ă la Ville avec mes grands projets; je ne m'attendais pas au premier obstacle que j'y rencontrai. Cette longue solitude, cette austĂšre retraite avaient jetĂ© sur moi un vernis de pruderie qui effrayait nos plus agrĂ©ables; ils se tenaient Ă l'Ă©cart, et me laissaient livrĂ©e Ă une foule d'ennuyeux, qui tous prĂ©tendaient Ă ma main. L'embarras n'Ă©tait pas de les refuser; mais plusieurs de ces refus dĂ©plaisaient Ă ma famille, et je perdais dans ces tracasseries intĂ©rieures le temps dont je m'Ă©tais promis un si charmant usage. Je fus donc obligĂ©e, pour rappeler les uns et Ă©loigner les autres, d'afficher quelques inconsĂ©quences, et d'employer Ă nuire Ă ma rĂ©putation le soin que je comptais mettre Ă la conserver. Je rĂ©ussis facilement, comme vous pouvez croire. Mais n'Ă©tant emportĂ©e par aucune passion, je ne fis que ce que je jugeai nĂ©cessaire et mesurai avec prudence les doses de mon Ă©tourderie. DĂšs que j'eus touchĂ© le but que je voulais atteindre, je revins sur mes pas, et fis honneur de mon amendement Ă quelques-unes de ces femmes qui, dans l'impuissance d'avoir des prĂ©tentions Ă l'agrĂ©ment, se rejettent sur celles du mĂ©rite et de la vertu. Ce fut un coup de partie qui me valut plus que je n'avais espĂ©rĂ©. Ces reconnaissantes DuĂšgnes s'Ă©tablirent mes apologistes; et leur zĂšle aveugle pour ce qu'elles appelaient leur ouvrage fut portĂ© au point qu'au moindre propos qu'on se permettait sur moi, tout le parti Prude criait au scandale et Ă l'injure. Le mĂÂȘme moyen me valut encore le suffrage de nos femmes Ă prĂ©tentions, qui, persuadĂ©es que je renonçais Ă courir la mĂÂȘme carriĂšre qu'elles, me choisirent pour l'objet de leurs Ă©loges, toutes les fois qu'elles voulaient prouver qu'elles ne mĂ©disaient pas de tout le monde. Cependant ma conduite prĂ©cĂ©dente avait ramenĂ© les Amants; et pour me mĂ©nager entre eux et mes fidĂšles protectrices, je me montrai comme une femme sensible, mais difficile, Ă qui l'excĂšs de sa dĂ©licatesse fournissait des armes contre l'amour. Alors je commençai Ă dĂ©ployer sur le grand ThĂ©ĂÂątre les talents que je m'Ă©tais donnĂ©s. Mon premier soin fut d'acquĂ©rir le renom d'invincible. Pour y parvenir, les hommes qui ne me plaisaient point furent toujours les seuls dont j'eus l'air d'accepter les hommages. Je les employais utilement Ă me procurer les honneurs de la rĂ©sistance, tandis que je me livrais sans crainte Ă l'Amant prĂ©fĂ©rĂ©. Mais, celui-lĂ , ma feinte timiditĂ© ne lui a jamais permis de me suivre dans le monde; et les regards du cercle ont Ă©tĂ©, ainsi, toujours fixĂ©s sur l'Amant malheureux. Vous savez combien je me dĂ©cide vite c'est pour avoir observĂ© que ce sont presque toujours les soins antĂ©rieurs qui livrent le secret des femmes. Quoi qu'on puisse faire, le ton n'est jamais le mĂÂȘme, avant ou aprĂšs le succĂšs. Cette diffĂ©rence n'Ă©chappe point Ă l'observateur attentif et j'ai trouvĂ© moins dangereux de me tromper dans le choix, que de le laisser pĂ©nĂ©trer. Je gagne encore par lĂ d'ĂÂŽter les vraisemblances, sur lesquelles seules on peut nous juger. Ces prĂ©cautions et celle de ne jamais Ă©crire, de ne livrer jamais aucune preuve de ma dĂ©faite, pouvaient paraĂtre excessives, et ne m'ont jamais paru suffisantes. Descendue dans mon cĂ âur, j'y ai Ă©tudiĂ© celui des autres. J'y ai vu qu'il n'est personne qui n'y conserve un secret qu'il lui importe qui ne soit point dĂ©voilĂ© vĂ©ritĂ© que l'AntiquitĂ© paraĂt avoir mieux connue que nous, et dont l'histoire de Samson pourrait n'ĂÂȘtre qu'un ingĂ©nieux emblĂšme. Nouvelle Dalila, j'ai toujours, comme elle, employĂ© ma puissance Ă surprendre ce secret important. HĂ©! de combien de nos Samsons modernes, ne tiens-je pas la chevelure sous le ciseau! et ceux-lĂ , j'ai cessĂ© de les craindre; ce sont les seuls que je me sois permis d'humilier quelquefois. Plus souple avec les autres, l'art de les rendre infidĂšles pour Ă©viter de leur paraĂtre volage, une feinte amitiĂ©, une apparente confiance, quelques procĂ©dĂ©s gĂ©nĂ©reux, l'idĂ©e flatteuse et que chacun conserve d'avoir Ă©tĂ© mon seul Amant, m'ont obtenu leur discrĂ©tion. Enfin, quand ces moyens m'ont manquĂ©, j'ai su, prĂ©voyant mes ruptures, Ă©touffer d'avance, sous le ridicule ou la calomnie, la confiance que ces hommes dangereux auraient pu obtenir. Ce que je vous dis lĂ , vous me le voyez pratiquer sans cesse; et vous doutez de ma prudence! HĂ© bien! rappelez-vous le temps oĂÂč vous me rendĂtes vos premiers soins jamais hommage ne me flatta autant; je vous dĂ©sirais avant de vous avoir vu. SĂ©duite par votre rĂ©putation, il me semblait que vous manquiez Ă ma gloire; je brĂ»lais de vous combattre corps Ă corps. C'est le seul de mes goĂ»ts qui ait jamais pris un moment d'empire sur moi. Cependant, si vous eussiez voulu me perdre; quels moyens eussiez-vous trouvĂ©s? de vains discours qui ne laissent aucune trace aprĂšs eux, que votre rĂ©putation mĂÂȘme eĂ»t aidĂ© Ă rendre suspects, et une suite de faits sans vraisemblance, dont le rĂ©cit sincĂšre aurait eu l'air d'un Roman mal tissu. A la vĂ©ritĂ©, je vous ai depuis livrĂ© tous mes secrets mais vous savez quels intĂ©rĂÂȘts nous unissent, et si de nous deux, c'est moi qu'on doit taxer d'imprudence. [On saura dans la suite, Lettre CLII, non pas le secret de M. de Valmont Ă peu prĂšs de quel genre il Ă©tait; et le Lecteur sentira qu'on n'a pas pu l'Ă©claircir davantage sur cet objet] Puisque je suis en train de vous rendre compte, je veux le faire exactement. Je vous entends d'ici me dire que je suis au moins Ă la merci de ma Femme de chambre; en effet, si elle n'a pas le secret de mes sentiments, elle a celui de mes actions. Quand vous m'en parlĂÂątes jadis, je vous rĂ©pondis seulement que j'Ă©tais sĂ»re d'elle; et la preuve que cette rĂ©ponse suffit alors Ă votre tranquillitĂ©, c'est que vous lui avez confiĂ© depuis, et pour votre compte, des secrets assez dangereux. Mais Ă prĂ©sent que PrĂ©van vous donne de l'ombrage, et que la tĂÂȘte vous en tourne, je me doute bien que vous ne me croyez plus sur parole. Il faut donc vous Ă©difier. PremiĂšrement, cette fille est ma sĂ âur de lait, et ce lien qui ne nous en paraĂt pas un, n'est pas sans force pour les gens de cet Ă©tat de plus, j'ai son secret, et mieux encore; victime d'une folie de l'amour, elle Ă©tait perdue si je ne l'eusse sauvĂ©e. Ses parents, tout hĂ©rissĂ©s d'honneur, ne voulaient pas moins que la faire enfermer. Ils s'adressĂšrent Ă moi. Je vis, d'un coup d'oeil, combien leur courroux pouvait m'ĂÂȘtre utile. Je le secondai, et sollicitai l'ordre, que j'obtins. Puis passant tout Ă coup au parti de la clĂ©mence auquel j'amenai ses parents, et profitant de mon crĂ©dit auprĂšs du vieux Ministre, je les fis tous consentir Ă me laisser dĂ©positaire de cet ordre, et maĂtresse d'en arrĂÂȘter ou demander l'exĂ©cution, suivant que je jugerais du mĂ©rite de la conduite future de cette fille. Elle sait donc que j'ai son sort entre les mains, et quand, par impossible, ces moyens puissants ne l'arrĂÂȘteraient point, n'est-il pas Ă©vident que sa conduite dĂ©voilĂ©e et sa punition authentique ĂÂŽteraient bientĂÂŽt toute crĂ©ance Ă ses discours? A ces prĂ©cautions que j'appelle fondamentales, s'en joignent mille autres, ou locales ou d'occasion, que la rĂ©flexion et l'habitude font trouver au besoin; dont le dĂ©tail serait minutieux, mais dont la pratique est importante, et qu'il faut vous donner la peine de recueillir dans l'ensemble de ma conduite, si vous voulez parvenir Ă les connaĂtre. Mais de prĂ©tendre que je me sois donnĂ© tant de soins pour n'en pas retirer de fruits; qu'aprĂšs m'ĂÂȘtre autant Ă©levĂ©e au-dessus des autres femmes par mes travaux pĂ©nibles, je consente Ă ramper comme elles dans ma marche, entre l'imprudence et la timiditĂ©; que surtout je pusse redouter un homme au point de ne plus voir mon salut que dans la fuite? Non, Vicomte; jamais. Il faut vaincre ou pĂ©rir. Quant Ă PrĂ©van, je veux l'avoir et je l'aurai; il veut le dire, et il ne le dira pas en deux mots, voilĂ notre Roman. Adieu. De ..., ce 20 septembre 17** LETTRE LXXXII CECILE VOLANGES AU CHEVALIER DANCENY Mon Dieu, que votre Lettre m'a fait de peine! J'avais bien besoin d'avoir tant d'impatience de la recevoir! J'espĂ©rais y trouver de la consolation, et voilĂ que je suis plus affligĂ©e qu'avant de l'avoir reçue. J'ai bien pleurĂ© en la lisant ce n'est pas cela que je vous reproche; j'ai dĂ©jĂ bien pleurĂ© des fois Ă cause de vous, sans que ça me fasse de la peine. Mais cette fois-ci, ce n'est pas la mĂÂȘme chose. Qu'est-ce donc que vous voulez dire, que votre amour devient un tourment pour vous, que vous ne pouvez plus vivre ainsi, ni soutenir plus longtemps votre situation? Est-ce que vous allez cesser de m'aimer, parce que cela n'est pas si agrĂ©able qu'autrefois? Il me semble que je ne suis pas plus heureuse que vous, bien au contraire; et pourtant je ne vous aime que davantage. Si M. de Valmont ne vous a pas Ă©crit, ce n'est pas ma faute; je n'ai pas pu l'en prier, parce que je n'ai pas Ă©tĂ© seule avec lui, et que nous sommes convenus que nous ne nous parlerions jamais devant le monde et ça, c'est encore pour vous; afin qu'il puisse faire le plus tĂÂŽt ce que vous dĂ©sirez. Je ne dis pas que je ne le dĂ©sire pas aussi, et vous devez en ĂÂȘtre bien sĂ»r mais comment voulez- vous que je fasse? Si vous croyez que c'est facile, trouvez donc le moyen, je ne demande pas mieux. Croyez-vous qu'il me soit bien agrĂ©able d'ĂÂȘtre grondĂ©e tous les jours par Maman, elle qui auparavant ne me disait jamais rien, bien au contraire? A prĂ©sent, c'est pis que si j'Ă©tais au Couvent. Je m'en consolais pourtant en songeant que c'Ă©tait pour vous; il y avait mĂÂȘme des moments oĂÂč je trouvais que j'en Ă©tais bien aise; mais quand je vois que vous ĂÂȘtes fĂÂąchĂ© aussi, et ça sans qu'il y ait du tout de ma faute, je deviens plus chagrine que pour tout ce qui vient de m'arriver jusqu'ici. Rien que pour recevoir vos Lettres, c'est un embarras, que si M. de Valmont n'Ă©tait pas aussi complaisant et aussi adroit qu'il l'est, je ne saurais comment faire; et pour vous Ă©crire, c'est plus difficile encore. De toute la matinĂ©e, je n'ose pas, parce que Maman est tout prĂšs de moi, et qu'elle vient Ă tout moment dans ma chambre. Quelquefois je le peux l'aprĂšs-midi; sous prĂ©texte de chanter ou de jouer de la harpe; encore faut-il que j'interrompe Ă chaque ligne pour qu'on entende que j'Ă©tudie. Heureusement ma Femme de chambre s'endort quelquefois le soir, et je lui dis que je me coucherai bien toute seule, afin qu'elle s'en aille et me laisse de la lumiĂšre. Et puis, il faut que je me mette sous mon rideau, pour qu'on ne puisse pas voir de clartĂ©, et puis que j'Ă©coute au moindre bruit pour pouvoir tout cacher dans mon lit, si on venait. Je voudrais que vous y fussiez, pour voir! Vous verriez bien qu'il faut bien aimer pour faire ça. Enfin, il est bien vrai que je fais tout ce que je peux, et que je voudrais en pouvoir faire davantage. AssurĂ©ment, je ne refuse pas de vous dire que je vous aime et que je vous aimerai toujours; jamais je ne l'ai dit de meilleur cĂ âur; et vous ĂÂȘtes fĂÂąchĂ©! Vous m'aviez pourtant bien assurĂ©, avant que je vous l'eusse dit, que cela suffisait pour vous rendre heureux. Vous ne pouvez pas le nier c'est dans vos Lettres. Quoique je ne les aie plus, je m'en souviens comme quand je les lisais tous les jours. Et parce que nous voilĂ absents, vous ne pensez plus de mĂÂȘme! Mais cette absence ne durera pas toujours, peut-ĂÂȘtre? Mon Dieu, que je suis malheureuse! et c'est bien vous qui en ĂÂȘtes cause! A propos de vos Lettres, j'espĂšre que vous avez gardĂ© celles que Maman m'a prises, et qu'elle vous a renvoyĂ©es; il faudra bien qu'il vienne un temps oĂÂč je ne serai plus si gĂÂȘnĂ©e qu'Ă prĂ©sent, et vous me les rendrez toutes. Comme je serai heureuse, quand je pourrai les garder toujours, sans que personne ait rien Ă y voir! A prĂ©sent, je les remets Ă M. de Valmont, parce qu'il y aurait trop Ă risquer autrement malgrĂ© cela je ne lui en rends jamais, que cela ne me fasse bien de la peine. Adieu, mon cher ami. Je vous aime de tout mon cĂ âur. Je vous aimerai toute ma vie. J'espĂšre qu'Ă prĂ©sent vous n'ĂÂȘtes plus fĂÂąchĂ©; et si j'en Ă©tais sĂ»re, je ne le serais plus moi-mĂÂȘme. Ecrivez-moi le plus tĂÂŽt que vous pourrez, car je sens que jusque-lĂ je serai toujours triste. Du ChĂÂąteau de ce 21 septembre 17** LETTRE LXXXIII LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRESIDENTE DE TOURVEL De grĂÂące, Madame, renouons cet entretien si malheureusement rompu! Que je puisse achever de vous prouver combien je diffĂšre de l'odieux portrait qu'on vous avait fait de moi; que je puisse, surtout, jouir encore de cette aimable confiance que vous commenciez Ă me tĂ©moigner! Que de charmes vous savez prĂÂȘter Ă la vertu! comme vous embellissez et faites chĂ©rir tous les sentiments honnĂÂȘtes! Ah! c'est lĂ votre sĂ©duction; c'est la plus forte; c'est la seule qui soit, Ă la fois, puissante et respectable. Sans doute il suffit de vous voir, pour dĂ©sirer de vous plaire; de vous entendre dans le cercle, pour que ce dĂ©sir augmente. Mais celui qui a le bonheur de vous connaĂtre davantage, qui peut quelquefois lire dans votre ĂÂąme, cĂšde bientĂÂŽt Ă un plus noble enthousiasme, et pĂ©nĂ©trĂ© de vĂ©nĂ©ration comme d'amour, adore en vous l'image de toutes les vertus. Plus fait qu'un autre, peut-ĂÂȘtre, pour les aimer et les suivre, entraĂnĂ© par quelques erreurs qui m'avaient Ă©loignĂ© d'elles, c'est vous qui m'en avez rapprochĂ©, qui m'en avez de nouveau fait sentir tout le charme me ferez-vous un crime de ce nouvel amour? blĂÂąmerez-vous votre ouvrage? Vous reprocheriez-vous mĂÂȘme l'intĂ©rĂÂȘt que vous pourriez y prendre? Quel mal peut-on craindre d'un sentiment si pur, et quelles douceurs n'y aurait-il pas Ă le goĂ»ter? Mon amour vous effraie, vous le trouvez violent, effrĂ©nĂ©? TempĂ©rez-le par un amour plus doux; ne refusez pas l'empire que je vous offre, auquel je jure de ne jamais me soustraire, et qui, j'ose le croire, ne serait pas entiĂšrement perdu pour la vertu. Quel sacrifice pourrait me paraĂtre pĂ©nible, sĂ»r que votre cĂ âur m'en garderait le prix? Quel est donc l'homme assez malheureux pour ne pas savoir jouir des privations qu'il s'impose; pour ne pas prĂ©fĂ©rer un mot, un regard accordĂ©s, Ă toutes les jouissances qu'il pourrait ravir ou surprendre! et vous avez cru que j'Ă©tais cet homme-lĂ ! et vous m'avez craint! Ah! pourquoi votre bonheur ne dĂ©pend-il pas de moi? comme je me vengerais de vous, en vous rendant heureuse! Mais ce doux empire, la stĂ©rile amitiĂ© ne le produit pas; il n'est dĂ» qu'Ă l'amour. Ce mot vous intimide! et pourquoi? un attachement plus tendre, une union plus forte, une seule pensĂ©e; le mĂÂȘme bonheur comme les mĂÂȘmes peines, qu'y a-t-il donc lĂ d'Ă©tranger Ă votre ĂÂąme? Tel est pourtant l'amour! tel est au moins celui que vous inspirez et que je ressens! C'est lui surtout, qui, calculant sans intĂ©rĂÂȘt, sait apprĂ©cier les actions sur leur mĂ©rite et non sur leur valeur; trĂ©sor inĂ©puisable des ĂÂąmes sensibles, tout devient prĂ©cieux, fait par lui ou pour lui. Ces vĂ©ritĂ©s si faciles Ă saisir, si douces Ă pratiquer, qu'ont-elles donc d'effrayant? Quelles craintes peut aussi vous causer un homme sensible, Ă qui l'amour ne permet plus un autre bonheur que le vĂÂŽtre? C'est aujourd'hui l'unique vĂ âu que je forme je sacrifierai tout pour le remplir, exceptĂ© le sentiment qui l'inspire; et ce sentiment lui-mĂÂȘme, consentez Ă le partager, et vous le rĂ©glerez Ă votre choix. Mais ne souffrons plus qu'il nous divise, lorsqu'il devrait nous rĂ©unir. Si l'amitiĂ© que vous m'avez offerte n'est pas un vain mot; si, comme vous me le disiez hier, c'est le sentiment le plus doux que votre ĂÂąme connaisse; que ce soit elle qui stipule entre nous, je ne la rĂ©cuserai point mais juge de l'amour, qu'elle consente Ă l'Ă©couter; le refus de l'entendre deviendrait une injustice, et l'amitiĂ© n'est point injuste. Un second entretien n'aura pas plus d'inconvĂ©nients que le premier le hasard peut encore en fournir l'occasion; vous pourriez vous-mĂÂȘme en indiquer le moment. Je veux croire que j'ai tort; n'aimerez-vous pas mieux me ramener que me combattre, et doutez-vous de ma docilitĂ©? Si ce tiers importun ne fĂ»t pas venu nous interrompre, peut-ĂÂȘtre serais-je dĂ©jĂ entiĂšrement revenu Ă votre avis; qui sait jusqu'oĂÂč peut aller votre pouvoir? Vous le dirai-je? cette puissance invincible, Ă laquelle je me livre sans oser la calculer, ce charme irrĂ©sistible, qui vous rend souveraine de mes pensĂ©es comme de mes actions, il m'arrive quelquefois de les craindre. HĂ©las! cet entretien que je vous demande, peut-ĂÂȘtre est-ce Ă moi Ă le redouter! peut-ĂÂȘtre aprĂšs, enchaĂnĂ© par mes promesses, me verrai-je rĂ©duit Ă brĂ»ler d'un amour que je sens bien qui ne pourra s'Ă©teindre, sans oser mĂÂȘme implorer votre secours! Ah! Madame, de grĂÂące, n'abusez pas de votre empire! Mais quoi! si vous devez en ĂÂȘtre plus heureuse, si je dois vous en paraĂtre plus digne de vous, quelles peines ne sont pas adoucies par ces idĂ©es consolantes! Oui, je le sens; vous parler encore, c'est vous donner contre moi de plus fortes armes; c'est me soumettre plus entiĂšrement Ă votre volontĂ©. Il est plus aisĂ© de se dĂ©fendre contre vos Lettres; ce sont bien vos mĂÂȘmes discours, mais vous n'ĂÂȘtes pas lĂ pour leur prĂÂȘter des forces. Cependant, le plaisir de vous entendre m'en fait braver le danger au moins aurai-je ce bonheur d'avoir tout fait pour vous, mĂÂȘme contre moi; et mes sacrifices deviendront un hommage. Trop heureux de vous prouver de mille maniĂšres, comme je le sens de mille façons, que, sans m'en excepter, vous ĂÂȘtes, vous serez toujours l'objet le plus cher Ă mon cĂ âur. Du ChĂÂąteau de ce 23 septembre 17** LETTRE LXXXIV LE VICOMTE DE VALMONT A CECILE VOLANGES Vous avez vu combien nous avons Ă©tĂ© contrariĂ©s hier. De toute la journĂ©e je n'ai pas pu vous remettre la Lettre que j'avais pour vous; j'ignore si j'y trouverai plus de facilitĂ© aujourd'hui. Je crains de vous compromettre, en y mettant plus de zĂšle que d'adresse; et je ne me pardonnerais pas une imprudence qui vous deviendrait si fatale, et causerait le dĂ©sespoir de mon ami, en vous rendant Ă©ternellement malheureuse. Cependant je connais les impatiences de l'amour; je sens combien il doit ĂÂȘtre pĂ©nible, dans votre situation, d'Ă©prouver quelque retard Ă la seule consolation que vous puissiez goĂ»ter dans ce moment. A force de m'occuper des moyens d'Ă©carter les obstacles, j'en ai trouvĂ© un dont l'exĂ©cution sera aisĂ©e, si vous y mettez quelque soin. Je crois avoir remarquĂ© que la clef de la porte de votre Chambre, qui donne sur le corridor, est toujours sur la cheminĂ©e de votre Maman. Tout deviendrait facile avec cette clef, vous devez bien le sentir; mais Ă son dĂ©faut, je vous en procurerai une semblable, et qui la supplĂ©era. Il me suffira, pour y parvenir, d'avoir l'autre une heure ou deux Ă ma disposition. Vous devez trouver aisĂ©ment l'occasion de la prendre, et pour qu'on ne s'aperçoive pas qu'elle manque, j'en joins ici une Ă moi, qui est assez semblable, pour qu'on n'en voie pas la diffĂ©rence, Ă moins qu'on ne l'essaie; ce qu'on ne tentera pas. Il faudra seulement que vous ayez soin d'y mettre un ruban, bleu et passĂ©, comme celui qui est Ă la vĂÂŽtre. Il faudrait tĂÂącher d'avoir cette clef pour demain ou aprĂšs-demain, Ă l'heure du dĂ©jeuner; parce qu'il vous sera plus facile de me la donner alors, et qu'elle pourra ĂÂȘtre remise Ă sa place pour le soir, temps oĂÂč votre Maman pourrait y faire plus d'attention. Je pourrai vous la rendre au moment du dĂner, si nous nous entendons bien. Vous savez que quand on passe du salon Ă la salle Ă manger, c'est toujours Madame de Rosemonde qui marche la derniĂšre. Je lui donnerai la main. Vous n'aurez qu'Ă quitter votre mĂ©tier de tapisserie lentement, ou bien laisser tomber quelque chose, de façon Ă rester en arriĂšre vous saurez bien alors prendre la clef, que j'aurai soin de tenir derriĂšre moi. Il ne faudra pas nĂ©gliger, aussitĂÂŽt aprĂšs l'avoir prise, de rejoindre ma vieille tante, et de lui faire quelques caresses. Si par hasard vous laissiez tomber cette clef, n'allez pas vous dĂ©concerter; je feindrai que c'est moi, et je vous rĂ©ponds de tout. Le peu de confiance que vous tĂ©moigne votre Maman et ses procĂ©dĂ©s si durs envers vous autorisent de reste cette petite supercherie. C'est au surplus le seul moyen de continuer Ă recevoir les Lettres de Danceny, et Ă lui faire passer les vĂÂŽtres; tout autre est rĂ©ellement trop dangereux, et pourrait vous perdre tous deux sans ressource aussi ma prudente amitiĂ© se reprocherait-elle de les employer davantage. Une fois maĂtres de la clef, il nous restera quelques prĂ©cautions Ă prendre contre le bruit de la porte et de la serrure mais elles sont bien faciles. Vous trouverez, sous la mĂÂȘme armoire oĂÂč j'avais mis votre papier, de l'huile et une plume. Vous allez quelquefois chez vous Ă des heures oĂÂč vous y ĂÂȘtes seule il faut en profiter pour huiler la serrure et les gonds. La seule attention Ă avoir, est de prendre garde aux taches qui dĂ©poseraient contre vous. Il faudra aussi attendre que la nuit soit venue, parce que, si cela se fait avec l'intelligence dont vous ĂÂȘtes capable, il n'y paraĂtra plus le lendemain matin. Si pourtant on s'en aperçoit, n'hĂ©sitez pas Ă dire que c'est le Frotteur du ChĂÂąteau. Il faudrait, dans ce cas, spĂ©cifier le temps, mĂÂȘme les discours qu'il vous aura tenus comme par exemple, qu'il prend ce soin contre la rouille, pour toutes les serrures dont on ne fait pas usage. Car vous sentez qu'il ne serait pas vraisemblable que vous eussiez Ă©tĂ© tĂ©moin de ce tracas sans en demander la cause. Ce sont ces petits dĂ©tails qui donnent la vraisemblance, et la vraisemblance rend les mensonges sans consĂ©quence, en ĂÂŽtant le dĂ©sir de les vĂ©rifier. AprĂšs que vous aurez lu cette Lettre, je vous prie de la relire, et mĂÂȘme de vous en occuper d'abord, c'est qu'il faut bien savoir ce qu'on veut bien faire; ensuite, pour vous assurer que je n'ai rien omis. Peu accoutumĂ© Ă employer la finesse pour mon compte, je n'en ai pas grand usage; il n'a pas mĂÂȘme fallu moins que ma vive amitiĂ© pour Danceny, et l'intĂ©rĂÂȘt que vous inspirez, pour me dĂ©terminer Ă me servir de ces moyens, quelque innocents qu'ils soient. Je hais tout ce qui a l'air de la tromperie; c'est lĂ mon caractĂšre. Mais vos malheurs m'ont touchĂ© au point que je tenterai tout pour les adoucir. Vous pensez bien que, cette communication une fois Ă©tablie entre nous, il me sera bien plus facile de vous procurer, avec Danceny, l'entretien qu'il dĂ©sire. Cependant ne lui parlez pas encore de tout ceci; vous ne feriez qu'augmenter son impatience, et le moment de la satisfaire n'est pas encore tout Ă fait venu. Vous lui devez, je crois, de la calmer plutĂÂŽt que de l'aigrir. Je m'en rapporte lĂ - dessus Ă votre dĂ©licatesse. Adieu, ma belle pupille car vous ĂÂȘtes ma pupille. Aimez un peu votre tuteur, et surtout ayez avec lui de la docilitĂ©; vous vous en trouverez bien. Je m'occupe de votre bonheur, et soyez sĂ»re que j'y trouverai le mien. De ..., ce 24 septembre 17** LETTRE LXXXV LA MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT Enfin vous serez tranquille et surtout vous me rendrez justice. Ecoutez, et ne me confondez plus avec les autres femmes. J'ai mis Ă fin mon aventure avec PrĂ©van; Ă fin ! entendez-vous bien ce que cela veut dire? A prĂ©sent vous allez juger qui de lui ou de moi pourra se vanter. Le rĂ©cit ne sera pas si plaisant que l'action aussi ne serait-il pas juste que, tandis que vous n'avez fait que raisonner bien ou mal sur cette affaire, il vous en revĂnt autant de plaisir qu'Ă moi, qui y donnais mon temps et ma peine. Cependant, si vous avez quelque grand coup Ă faire, si vous devez tenter quelque entreprise oĂÂč ce Rival dangereux vous paraisse Ă craindre, arrivez. Il vous laisse le champ libre, au moins pour quelque temps; peut-ĂÂȘtre mĂÂȘme ne se relĂšvera-t-il jamais du coup que je lui ai portĂ©. Que vous ĂÂȘtes heureux de m'avoir pour amie! Je suis pour vous une FĂ©e bienfaisante. Vous languissez loin de la BeautĂ© qui vous engage; je dis un mot, et vous vous retrouvez auprĂšs d'elle. Vous voulez vous venger d'une femme qui vous nuit; je vous marque l'endroit oĂÂč vous devez frapper et la livre Ă votre discrĂ©tion. Enfin, pour Ă©carter de la lice un concurrent redoutable, c'est encore moi que vous invoquez, et je vous exauce. En vĂ©ritĂ©, si vous ne passez pas votre vie Ă me remercier, c'est que vous ĂÂȘtes un ingrat. Je reviens Ă mon aventure et la reprends d'origine. Le rendez-vous, donnĂ© si haut, Ă la sortie de l'OpĂ©ra [Voyez la Lettre LXXIV], fut entendu comme je l'avais espĂ©rĂ©. PrĂ©van s'y rendit; et quand la MarĂ©chale lui dit obligeamment qu'elle se fĂ©licitait de le voir deux fois de suite Ă ses jours, il eut soin de rĂ©pondre que depuis Mardi soir il avait dĂ©fait mille arrangements, pour pouvoir ainsi disposer de cette soirĂ©e. A bon entendeur, salut! Comme je voulais pourtant savoir, avec plus de certitude, si j'Ă©tais ou non le vĂ©ritable objet de cet empressement flatteur, je voulus forcer le soupirant nouveau de choisir entre moi et son goĂ»t dominant. Je dĂ©clarai que je ne jouerais point; en effet, il trouva, de son cĂÂŽtĂ©, mille prĂ©textes pour ne pas jouer; et mon premier triomphe fut sur le lansquenet. Je m'emparai de l'EvĂÂȘque de ... pour ma conversation; je le choisis Ă cause de sa liaison avec le hĂ©ros du jour, Ă qui je voulais donner toute facilitĂ© de m'aborder. J'Ă©tais bien aise aussi d'avoir un tĂ©moin respectable qui pĂ»t, au besoin, dĂ©poser de ma conduite et de mes discours. Cet arrangement rĂ©ussit. AprĂšs les propos vagues et d'usage, PrĂ©van, s'Ă©tant bientĂÂŽt rendu maĂtre de la conversation, prit tour Ă tour diffĂ©rents tons, pour essayer celui qui pourrait me plaire. Je refusai celui du sentiment, comme n'y croyant pas; j'arrĂÂȘtai par mon sĂ©rieux sa gaietĂ© qui me parut trop lĂ©gĂšre pour un dĂ©but; il se rabattit sur la dĂ©licate amitiĂ©; et ce fut sous ce drapeau banal que nous commençĂÂąmes notre attaque rĂ©ciproque. Au moment du souper, l'EvĂÂȘque, ne descendait pas; PrĂ©van me donna donc la main, et se trouva naturellement placĂ© Ă table Ă cĂÂŽtĂ© de moi. Il faut ĂÂȘtre juste; il soutint avec beaucoup d'adresse notre conversation particuliĂšre, en ne paraissant s'occuper que de la conversation gĂ©nĂ©rale, dont il eut l'air de faire tous les frais. Au dessert, on parla d'une PiĂšce nouvelle qu'on devait donner le Lundi suivant aux Français. Je tĂ©moignai quelques regrets de n'avoir pas ma loge; il m'offrit la sienne que je refusai d'abord, comme cela se pratique Ă quoi il rĂ©pondit assez plaisamment que je ne l'entendais pas, qu'Ă coup sĂ»r il ne ferait pas le sacrifice de sa loge Ă quelqu'un qu'il ne connaissait pas, mais qu'il m'avertissait seulement que Madame la MarĂ©chale en disposerait. Elle se prĂÂȘta Ă cette plaisanterie, et j'acceptai. RemontĂ© au salon, il demanda, comme vous pouvez croire, une place dans cette loge; et comme la MarĂ©chale, qui le traite avec beaucoup de bontĂ©, la lui promit s'il Ă©tait sage , il en prit l'occasion d'une de ces conversations Ă double entente, pour lesquelles vous m'avez vantĂ© son talent. En effet, s'Ă©tant mis Ă ses genoux, comme un enfant soumis, disait-il, sous prĂ©texte de lui demander ses avis et d'implorer sa raison, il dit beaucoup de choses flatteuses et assez tendres, dont il m'Ă©tait facile de me faire l'application. Plusieurs personnes ne s'Ă©tant pas remises au jeu l'aprĂšs-souper, la conversation fut plus gĂ©nĂ©rale et moins intĂ©ressante mais nos yeux parlĂšrent beaucoup. Je dis nos yeux je devrais dire les siens; car les miens n'eurent qu'un langage, celui de la surprise. Il dut penser que je m'Ă©tonnais et m'occupais excessivement de l'effet prodigieux qu'il faisait sur moi. Je crois que je le laissai fort satisfait; je n'Ă©tais pas moins contente. Le Lundi suivant, je fus aux Français, comme nous en Ă©tions convenus. MalgrĂ© votre curiositĂ© littĂ©raire, je ne puis vous rien dire du Spectacle, sinon que PrĂ©van a un talent merveilleux pour la cajolerie, et que la PiĂšce est tombĂ©e voilĂ tout ce que j'y ai appris. Je voyais avec peine finir cette soirĂ©e, qui rĂ©ellement me plaisait beaucoup; et pour la prolonger, j'offris Ă la MarĂ©chale de venir souper chez moi ce qui me fournit le prĂ©texte de le proposer Ă l'aimable Cajoleur, qui ne demanda que le temps de courir, pour se dĂ©gager, jusque chez les Comtesses de P. [Voyez la lettre LXX]. Ce nom me rendit toute ma colĂšre; je vis clairement qu'il allait commencer les confidences je me rappelai vos sages conseils et me promis bien de poursuivre l'aventure; sĂ»re que je le guĂ©rirais de cette dangereuse indiscrĂ©tion. Etranger dans ma sociĂ©tĂ©, qui ce soir-lĂ Ă©tait peu nombreuse, il me devait les soins d'usage; aussi, quand on alla souper, m'offrit-il la main. J'eus la malice, en l'acceptant, de mettre dans la mienne un lĂ©ger frĂ©missement, et d'avoir, pendant ma marche, les yeux baissĂ©s et la respiration haute. J'avais l'air de pressentir ma dĂ©faite, et de redouter
Jai commencĂ© un traitement au Metformine. Mon indice lors du dĂ©but du traitement Ă©tait de 14 mmol/L Ă jeun. Combien de temps aprĂšs le traitement puis-je espérer voir des réQuasiment toute consommation de cannabis laisse des traces de THC dans le corps humain. Le temps nĂ©cessaire au corps pour Ă©liminer la prĂ©sence de cannabis dĂ©pend dâun certain nombre de facteurs, notamment le mĂ©tabolisme et la consommation de chacun. Le THC laisse des traces dans la salive, lâurine, le sang et les cheveux, mais la pĂ©riode pendant laquelle un consommateur peut ĂȘtre positif au cannabis varie. THC et THC-COOH Le THC, le cannabinoĂŻde responsable de lâeffet psychoactif du cannabis, est Ă©liminĂ© rapidement du corps, en quelques heures. Sa prĂ©sence peut en revanche ĂȘtre dĂ©tectĂ©e par la recherche du THC-COOH, un mĂ©tabolite créé par le foie lorsquâil assimile le THC. Et le THC-COOH reste bieeeeen plus longtemps dans le corps. Le THC et ses mĂ©tabolites sont en effet liposolubles et sâaccumulent dans les rĂ©serves de graisse dans tout le corps. Ces molĂ©cules sont ensuite libĂ©rĂ©es lentement au fil du temps, ce qui entraĂźne une pĂ©riode considĂ©rablement plus longue pour que le corps se purge des traces de cannabis, en particulier pour les utilisateurs chroniques. En France, les substances recherchĂ©es lors dâun dĂ©pistage au cannabis sont le delta-9-THC le THC et le 11-carboxy-THC le THC-COOH. Combien de temps le THC met pour disparaĂźtre du corps ? La pĂ©riode pendant laquelle le THC reste dans le corps, et donc sa durĂ©e de dĂ©tection, dĂ©pend notamment de votre poids de votre taux de graisse des quantitĂ©s consommĂ©es de la frĂ©quence de votre consommation Comme ces facteurs varient entre chaque individu, il nây a pas de rĂšgle prĂ©cise mais certaines grandes tendances peuvent ĂȘtre dessinĂ©es. Les durĂ©es officielles de dĂ©tection du THC sont les suivantes. Le THC dans la salive Le THC est Ă©liminĂ© de la salive en 1h, mais peut ĂȘtre dĂ©tectĂ© jusquâĂ 12h aprĂšs le dernier usage. En cas de consommation intensive ou quotidienne, certains consommateurs gardent du THC dans la salive entre 24h et 8 jours. Une Ă©tude de 2014 sur les cannabinoĂŻdes dans la salive a rĂ©vĂ©lĂ© que les mĂ©tabolites du THC Ă©taient dĂ©tectables dans la salive des utilisateurs occasionnels pendant un Ă trois jours et des utilisateurs chroniques jusquâĂ 29 jours. Le THC dans le sang A partir de lâinhalation, du THC actif peut ĂȘtre trouvĂ© dans la circulation sanguine en quelques secondes et peut ĂȘtre dĂ©tectĂ© dans le plasma pendant plusieurs heures, selon la frĂ©quence dâutilisation et la quantitĂ©. La concentration plasmatique de THC culmine en Ă peine 3 Ă 8 minutes aprĂšs lâinhalation, puis diminue rapidement avec une demi-vie dâenviron 30 minutes. Le THC peut ĂȘtre dĂ©tectĂ© dans le sang jusquâĂ 2 jours aprĂšs le derniĂšre prise de cannabis. Les gros consommateurs de cannabis pourront ĂȘtre positifs au cannabis pendant 1 mois aprĂšs lâarrĂȘt de leur consommation, avec les mĂ©tabolites du THC qui restent dĂ©tectables plusieurs semaines aprĂšs la consommation. En cas dâingestion du THC, ces durĂ©es de dĂ©tection du cannabis sont les mĂȘmes. Le THC dans lâurine Le cannabis peut ĂȘtre dĂ©tectĂ© dans lâurine. En fonction des habitudes de consommation, il a Ă©tĂ© observĂ© que les fumeurs occasionnels 3 tafs en soirĂ©e pouvaient rester positifs pendant 1 Ă 6 jours les fumeurs modĂ©rĂ©s, 7 Ă 13 jours les fumeurs frĂ©quents, au moins 15 jours les gros fumeurs, au moins 30 jours certains trĂšs gros fumeurs ont trouvĂ© des traces de THC dans lâurine jusquâĂ 90 jours aprĂšs avoir arrĂȘtĂ© Le THC dans les cheveux Le THC a besoin de 7 jours pour apparaĂźtre dans les cheveux. Les cheveux retracent en revanche une pĂ©riode de 90 jours de tout ce qui passe dans votre corps. Il existe de plus en plus de preuves que les mĂ©thodes de dĂ©pistage du THC dans les cheveux ne sont pas en mesure de dĂ©tecter avec prĂ©cision le cannabis. Certaines recherches suggĂšrent en effet que la prĂ©sence de THC et de mĂ©tabolites du THC peut ĂȘtre transfĂ©rĂ©e aux follicules pileux des non-utilisateurs par contact avec les mains, la transpiration ou par la fumĂ©e. Par exemple, si quelquâun fume un joint et expire prĂšs dâune personne qui ne consomme pas de cannabis, le THC peut ĂȘtre transfĂ©rĂ© dans la tĂȘte ou les poils du non-fumeur. Le risque de trouver du THC dans les cheveux augmente nĂ©anmoins considĂ©rablement avec une frĂ©quence dâutilisation accrue. Une Ă©tude de 2015 a rĂ©vĂ©lĂ© que, aprĂšs avoir donnĂ© aux participants 50 milligrammes de THCA chaque jour pendant un mois, aucun THC nâa Ă©tĂ© trouvĂ© dans les Ă©chantillons de cheveux, mais du THC-COOH Ă©tait toujours dĂ©tectĂ©. Combien de temps faut-il pour que le THC se dĂ©compose mĂ©tabolisation ? Le THC qui pĂ©nĂštre dans votre corps est absorbĂ© dans la circulation sanguine. Une partie du THC est temporairement stockĂ©e dans les organes et les tissus graisseux. Dans les reins, le THC peut ĂȘtre rĂ©absorbĂ© dans la circulation sanguine. Le THC est dĂ©composĂ© dans le foie. Il possĂšde plus de 80 mĂ©tabolites, mais les plus importants sont le 11-OH-THC 11-hydroxy-delta-9-tĂ©trahydrocannabinol et le THCCOOH 11-nor-9-carboxy-delta-9-tĂ©trahydrocannabinol. Les tests de dĂ©pistage de drogues recherchent ces mĂ©tabolites, qui restent dans votre corps plus longtemps que le THC. Finalement, le THC et ses mĂ©tabolites sont excrĂ©tĂ©s dans lâurine et les selles. Facteurs qui peuvent influencer la durĂ©e pendant laquelle le THC reste dans le corps DiffĂ©rents facteurs peuvent influencer la durĂ©e pendant laquelle le THC reste dans le corps. Dosage Plus la quantitĂ© de THC consommĂ©e est Ă©levĂ©e, plus il faudra du temps au corps pour se dĂ©barrasser du THC et de ses mĂ©tabolites correspondants. FrĂ©quence de consommation La durĂ©e et la frĂ©quence de consommation ont une influence substantielle sur la durĂ©e de vie du cannabis dans votre corps. La plupart des recherches sur la dĂ©tection des cannabinoĂŻdes dĂ©montrent que le THC reste dans le corps des consommateurs rĂ©guliers pendant beaucoup plus longtemps que les consommateurs occasionnels. La frĂ©quence de consommation de cannabis est Ă©galement un facteur de risque notable de dĂ©velopper des symptĂŽmes de sevrage du cannabis. La gĂ©nĂ©tique La gĂ©nĂ©tique a Ă©galement un impact sur la durĂ©e pendant laquelle le THC reste dans le corps. Par exemple, les gens hĂ©ritent de diffĂ©rentes variantes de la superfamille des enzymes du cytochrome P450, qui modifient le THC dans le corps, entraĂźnant lâĂ©limination du cannabis par lâurine. Graisse La quantitĂ© de graisse dans le corps est Ă©galement un facteur important. Le mĂ©tabolite THC-COOH est liposoluble et se lie aux molĂ©cules de graisse, oĂč elles peuvent ĂȘtre stockĂ©es pendant une longue pĂ©riode de temps. Dans la mĂȘme veine, faire du sport peut Ă©galement avoir un impact sur les niveaux de mĂ©tabolites dĂ©tectables du THC. Lorsque la graisse est brĂ»lĂ©e, le THC dormant des graisses peut ĂȘtre libĂ©rĂ© dans le sang et excrĂ©tĂ© par le corps dans lâurine ou les matiĂšres fĂ©cales. MĂ©tabolisme Un corps avec des fonctions mĂ©taboliques plus Ă©levĂ©es peut dĂ©composer les cannabinoĂŻdes Ă un rythme plus rapide, raccourcissant la durĂ©e pendant laquelle le THC et ses mĂ©tabolites resteront dĂ©tectables dans le corps. Eliminer le THC Pour Ă©liminer le THC de son corps, il est souvent recommandĂ© de boire de grandes quantitĂ©s dâeau, de thĂ©, de cafĂ© ou de jus de canneberge pendant 2 semaines, en faisant attention Ă ne pas crĂ©er de surhydratation, avec un risque de coma hydraulique ». Les personnes en surpoids qui voudraient intensifier leur pratique sportive pour Ă©liminer plus rapidement doivent Ă©galement ĂȘtre attentives au fait que la perte de poids relĂąchera dans le corps le THC stockĂ© dans les graisses. Y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire pour mĂ©taboliser plus rapidement ? Il nây a pas grand-chose que vous puissiez faire pour accĂ©lĂ©rer le temps que met le THC Ă quitter votre organisme. Une fois quâil est dans votre corps, ce dernier a besoin de temps pour le dĂ©composer. Faire de lâexercice, manger sainement et sâhydrater peuvent vous aider, mais pas de façon radicale. Il existe un certain nombre de remĂšdes et de kits de dĂ©sintoxication disponibles sur Internet. Beaucoup nĂ©cessitent de boire beaucoup dâeau pour diluer lâurine, puis dâutiliser des complĂ©ments Ă base de plantes comme la crĂ©atinine ou la vitamine B-12 pour masquer la dilution. Ces kits ne fonctionnent pas de maniĂšre fiable. Comment savoir si on est encore positif au THC ? Le plus simple pour savoir si lâon est encore positif au THC est de se tester, soit avec des appareils dâautotest, soit en faisant un test en clinique. Ces tests sont parfois onĂ©reux et non-remboursĂ©s mais peuvent aider Ă savoir oĂč vous en ĂȘtes, notamment avec une mesure prĂ©cise et exacte des niveaux de THC dans votre salive ou votre urine. Peut-on ĂȘtre positif au THC en consommant du CBD ? Tout dĂ©pend de ce que vous appelez CBD . Si câest un extrait de cannabidiol pur, par exemple un isolat, ou une huile Ă spectre large Ă 0% de THC, alors non, vous ne pouvez pas ĂȘtre positif au THC en consommant du CBD. Si en revanche vous consommez du CBD » sous forme de fleur ou dâhuile Ă spectre complet avec -0,3% de THC, vous pouvez potentiellement dĂ©clencher un test positif au THC, par exemple lors dâun contrĂŽle routier avec un test salivaire.
Aubout de combien de temps fait-elle effet ? On fait le point. Comme lâindiquait la Haute AutoritĂ© de SantĂ© (HAS) dans son avis rendu fin aoĂ»t,
282 articles avec medecine prophetique - exorcisme ۧÙŰ·Űš ۧÙÙŰšÙÙ Ű§Ù۱ÙÙŰ© ۧÙێ۱ŰčÙŰ© ÙÙ ÙÙŰŁÙÙÙ ÙÙŰŽÙŰź ۧÙ۟۶ÙŰ±Ù Parmi les intĂ©rĂȘts de la rouqiya -Elle permet de se rapprocher davantage d'Allah et augmente la confiance [At-tawakul] en lui -Elle Barre la voie aux devins et aux charlatans et le recours Ă eux -Elle constitue le traitement le plus efficace contre les maladies contemporaines tels que l'anxiĂ©tĂ©, la tristesse, l'inquiĂ©tude et le souci. -Elle constitue une aide et un service, le messager d'Allah Ű”ÙÙ Ű§ÙÙÙ ŰčÙÙÙ ÙŰłÙÙ a dit "Quiconque peut aider son frĂšre le fasse " -Elle est une Sunnah en effet la mĂšre des croyantes Aicha Ű±Ű¶Ù Ű§ÙÙÙ ŰčÙÙۧ rapporte " Lorsque le messager d'Allah se plaignait d'un mal Jibril l'exorcisĂ©. " -Elle empĂȘche le croyant de dĂ©laisser le Quran, Ibn l-Qayim disait "Rentre dans le fait de dĂ©laisser le Qoran, le fait de ne pas s'en servir comme traitement pour la recherche de la guĂ©rison ". Les rĂšgles de biensĂ©ances de la rouqiya Concernant le Raqi Celui qui exerce la Roqiya -Il doit Purifier son intention et faire preuve de sincĂ©ritĂ© envers Allah dans La roqiya, dans son apprentissage et dans sa mise en pratique. -Il doit Avoir une forte certitude [Yaqine] en Allah et placer vĂ©ritablement sa confiance en lui. -Il doit faire preuve de droiture au niveau de sa religion et de sa 'Aqida [son dogme] -Il doit avoir la certitude que c'est Allah qui accorde la guĂ©rison, et que ce qu'il fait n'est seulement qu'une cause et rien d'autre. -Il doit accorder un vif intĂ©rĂȘt au fait de ne s'alimenter que de nourriture licite conformĂ©ment au Hadith Certes Allah, TrĂšs Haut est PuretĂ©. Il n`accepte que ce qui est pur. Il ordonne aux croyants ce qu'il a ordonnĂ© Ă Ses EnvoyĂ©s. Or, Il a dit âčĂ Messagers! mangez de ce qui est permis et agrĂ©able et faites du bien.âș 2351, dit aussi âčĂ les croyants! mangez des nourritures licites que Nous vous avons attribuĂ©es.âș 2172. " LĂ -dessus, le ProphĂšte fit allusion Ă l`homme qui prolonge ses voyages pieux, qui a des cheveux longs et poudreux et tend les mains vers le ciel, disant O Seigneur, O Seigneur», et cependant il se nourrit de choses dĂ©fendues, boit des liquides dĂ©fendus, se revĂȘt d`habits dĂ©fendus, et il a Ă©tĂ© nourri de choses dĂ©fendues. Comment donc pourrait-il ĂȘtre exaucĂ©?». -s'Ă©loigner des choses interdites parmi les paroles et les actes, et prendre garde aux invocation contraire au coran et la Sunnah. -Il doit Rechercher les moments favorables et ou les invocations sont exaucĂ©es -Il doit Utiliser les versets du Qoran et les invocations rapportĂ©s appropriĂ©s -Il doit ĂȘtre dans un Ă©tat agrĂ©e par Allah, c'est Ă dire en Ă©tat d'ablutions et de propretĂ©, et dĂ©barrasser le lieu de ce qui peut empĂȘcher les anges d'entrer tel que les chiens ou les Images. -Il doit Lire la Roqiya avec mĂ©ditation et concentration, tout en respectant la conduite a adopter lorsqu'on invoque Allah. -Il doit Cacher les secrets, en effet en pratiquant la Roqiya Ă d'autres on peut ĂȘtre amener Ă connaitre certains de leurs secrets. -Il doit faire preuve de douceur et de misĂ©ricorde Ă l'Ă©gard du malade, et surveiller son Ă©tat psychologique et physique. -Il ne doit pas employer la duretĂ© durant la lecture Concernant le Malade -Il doit avoir la certitude que la guĂ©rison vient d'Allah, par consĂ©quent la Roqiya, le Raqiy, le mĂ©decin et le traitement ne sont que des causes. -Il doit chercher Ă ressentir la magnificence du coran et le fait qu'il est une guĂ©rison pour toutes les maladies. -Il ne doit pas suivre le traitement par la Roqiya, tout en consultant les charlatans. -Il doit s'en remettre vĂ©ritablement Ă Allah, placer sa confiance en lui et avoir une certitude complĂšte en la parole d'Allah sens du verset ".. et quand je suis malade, c'est Lui qui me guĂ©rit ". s26 v80 -Il doit se repentir de ses pĂ©chĂ©s, et reconnaitre sa nĂ©gligence. -Il doit multiplier les invocations et persister dans sa recherche de la guĂ©rison. -Il doit continuer le traitement par la Roqiya durant sa maladie ainsi que la lecture des invocations journaliĂšres que l'on rĂ©cite matin et soir. -Il doit multiplier les aumĂŽnes. Concernant la Roqiya -Elle doit ĂȘtre fait avec le Coran, Allah dit sens du verset " Et nous faisons descendre du Qoran ce qui est une guerison et une misĂ©ricorde pour les croyants" -Ou Alors Ă l'aide des noms et des attributs d'Allah sens du verset "C'est Ă Allah qu'appartient les plus beaux noms. Invoquez-le par ses noms." -Ou Alors Ă l'aide de ce qui a Ă©tĂ© rapportĂ© de maniĂšre authentique dans la Sunnah " Il n y a aucun mal Ă recourir Ă la Roqiya tant que cela n'est pas du Shirk " -Elle doit ĂȘtre fait en langue arabe, Ibn Hajar a dit dans Fath Al Bari " Les savants sont unanimes quant au fait que le Roqiya n'est permise que lorsqu'elle remplie les trois conditions suivantes Ătre fait avec la parole d'Allah Le Quran ou avec ses noms et attributs, Etre rĂ©alisĂ© en langue Arabe, Elle doit ĂȘtre comprĂ©hensible par autrui. Parmi Les Causes de la maladie -Le fait de faire peu de Dhikr et de ne pas rĂ©citer [rĂ©guliĂšrement] les Invocations de protection tirĂ©es de Quran et de la Sunnah. -La propagation de la jalousie, du mauvais Ćil et de la sorcellerie entre les gens. -Le fait de s'ĂȘtre montrĂ© injuste envers des Jinn ou de les avoir nuit dans leurs lieux d'habitations. Par exemple Verser de l'eau chaude sans mentionner le nom d'Allah ou uriner dans un trou ou grotte etc.... -La peur soudaine et forte, l'extrĂȘme colĂšre, la grande tristesse ainsi que la joie extrĂȘme. -La prolifĂ©ration des causes permettant l'entrĂ©e des Jinn et diables dans les maisons ceci par l'existence de choses ou d'objets empĂȘchant l'entrĂ©e des anges tels que la prĂ©sence de chiens, d'images d'ĂȘtres animĂ©es, des nombreux pĂ©chĂ©s et du non accomplissement des priĂšres. -Le fait de se dĂ©nudĂ© sans mentionnĂ© le nom d'Allah, ceci d'aprĂšs la parole du prophĂšte Ű”ÙÙ Ű§ÙÙÙ ŰčÙÙÙ ÙŰłÙÙ " Le voile qui empĂȘche les yeux des djinns de voir les parties intimes des humains rĂ©side dans le fait de dire "Bismillah"" avant de se dĂ©shabiller". [At-tabarani] -Le non accomplissement des Nawafil et autres priĂšres surĂ©rogatoires dans la maison, le messager d'Allah Ű”ÙÙ Ű§ÙÙÙ ŰčÙÙÙ ÙŰłÙÙ a dit "Faites des priĂšres dans vos maisons et n'en faites pas un cimetiĂšre" L'Imam an-nawawi a dit au sujet de l'ordre du prophĂšte mentionnĂ© dans ce hadith Le messager d'Allah ordonnĂ© ceci afin qu'Allah bĂ©nisse cette maison, qu'il y fasse descendre la misĂ©ricorde ainsi que les anges et que les diables fuient. ŰŁÙŰčÙÙŰ°Ù ŰšÙۧÙÙÙÙÙÙ Ù ÙÙÙ Ű§ÙŰŽÙÙÙÙŰ·ÙۧÙÙ Ű§Ù۱ÙÙŰŹÙÙÙ Ù Ù ÙÙÙ ÙÙÙ ÙŰČÙÙÙ ÙÙÙÙÙÙŰźÙÙÙ ÙÙÙÙÙÙŰ«ÙÙ٠» Le fait de se frotter les dents avec ce morceau de bois dâAraq, ramĂšne de trĂšs nombreux bienfaits tels que la propretĂ© et lâhygiĂšne. Le Siwak purifie lâhaleine de la bouche, permet dâobtenir une rĂ©compense, de suivre le ProphĂšte -priĂšres et bĂ©nĂ©diction d'Allah sur lui-et de satisfaire Allah. Sheykh 'Abd Al 'Aziz Ar-RĂąjihĂź [dans son Charh Sahih Al Boukhari] mentionne que les savants ont mentionnĂ©s que lâutilisation du Siwak comporte plus de 1OO bienfaits, parmi ces bienfaits il yâa le fait que lâutilisation du Siwak aide a prononcer lâattestation de foi avant de mourir. Dans un autre cours, la question suivante lui fut posĂ©e Question Noble Cheikh, vous avez mentionnez dans le cours prĂ©cĂ©dent quelques bienfaits que comporte lâutilisation du Siwak, vous aviez dit que son utilisation aide Ă prononcer lâattestation de foi lors de lâagonie, ceci est-il authentique et confirmĂ© ? RĂ©ponse Oui, les savants ont mentionnĂ©s que parmi les bienfaits de son utilisation, il yâa le fait que cela aide le musulman Ă prononcer lâattestation de foi avant de mourir. Ceci est ce que les savants ont mentionnĂ©s, ils ont affirmĂ©s que cela fait partie des bienfaits de son utilisation et que ceci est confirmĂ©. Ù۶ÙÙŰ© ۧÙŰŽÙŰźŰ Ű°Ù۱ŰȘÙ ÙÙ Ű§Ùۯ۱۳ ۧÙÙ Ű§Ű¶Ù ŰšŰč۶ ÙÙۧۊۯ ۧÙŰłÙŰ§Ù Ű Ù۰Ù۱ŰȘÙ ŰŁÙÙ Ù۳ۧŰčŰŻ ÙÙ Ű§ÙÙŰ·Ù ŰšŰ§ÙŰŽÙۧۯ۩ ÙÙ ŰۧÙŰ© ۧÙۧŰŰȘ۶ۧ۱ Ű ÙÙÙ Ù۰ۧ ۫ۧۚŰȘ ÙŰ”ŰÙŰ Ű ÙŰčÙ Ű°Ù۱ ۧÙŰčÙÙ Ű§ŰĄ ŰŁÙ Ù Ù ÙÙŰ§ŰŠŰŻÙ ŰŁÙÙ Ù۰Ù۱ ۧÙŰŽÙۧۯ۩ ŰčÙŰŻ ۧÙÙ ÙŰȘ Ű Ù۰ۧ ۰ÙŰ±Ù ŰŁÙÙ Ű§ÙŰčÙÙ ÙۧÙÙۧ Ű„Ù Ù۰ۧ Ù Ù ÙÙŰ§ŰŠŰŻÙ Ű ÙŰ„ÙÙ Ű«Ű§ŰšŰȘ . ÙŰčÙ Cheikh AbdelAzĂźz Bnou Abdillah Ar-RĂąjihĂź - ۧÙŰŽÙŰź Űčۚۯ ۧÙŰčŰČÙŰČ ŰšÙ Űčۚۯ ۧÙÙÙ Ű§Ù۱ۧۏŰÙ Ibn Majah a rapportĂ© dans ses "sounans" ces paroles dont la validitĂ© est incertaine "Lorsque le prophĂšte avait la migraine il se couvrait la tĂšte de hennĂ© et disait il apaise la migraine si Allah le permet." La migraine est une douleur siĂ©geant dâun seul cotĂ© de la tĂšte. Si elle persiste, on lâappelle dans ce cas "chaqiqa" c'est-Ă -dire une douleur qui nâattaque quâun seul cotĂ©. Si elle englobe toute la tĂšte comme un casque qui la couvre, elle sâappelle alors un mal de tĂȘte. Cette douleur peut atteindre Ă©galement soit le front soit lâocciput. La migraine revĂȘt plusieurs formes et remonte Ă des causes diffĂ©rentes. Elles consiste en un chauffement de la tĂȘte du Ă la vapeur qui tend Ă en sortir. Ne trouvant aucun accĂšs lui permettant de sâextĂ©rioriser, elle cause la migraine de mĂȘme que le contenu dâun rĂ©cipient le fait sâil se rĂ©chauffe et dĂ©sire en sortir. Tout Ă©lĂ©ment humide rĂ©chauffe requiert un espace plus vaste que son espace originale. Si cette vapeur sâĂ©tend dans toute la tĂȘte et se trouve incapable de se diffuser et de se dĂ©composer, elle circule dans la tĂȘte et prend la nomination de "vertige". La migraine rĂ©sulte de plusieurs causes 1 parmi lesquelles on cite - La suprĂ©matie de lâun des quatre caractĂšres. - Lâexistence de lĂ©sions dans lâestomac qui entraĂźnent la migraine rĂ©sultant de lâenflure car le nerf qui descend de la tĂȘte est liĂ©e Ă lâestomac. - Un gaz gastro-intestinal Ă©pais de lâestomac qui remonte Ă la tĂȘte lui causant la migraine. - Lâenflure des veines de lâestomac qui engendre le mal de tĂȘte corrĂ©lĂ© au mal de lâestomac en raison du lien entre le deux. - La rĂ©plĂ©tion qui fait que les aliments descendent alors quâune part de ces aliments demeure crue, ce qui entraĂźne le mal de tĂȘte causant une lourdeur accablante. - La migraine se manifeste aprĂšs le coĂŻt en raison de lâaffaiblissement du corps Ă ce moment, ce qui permet Ă lâair chaud dây accĂ©der excessivement. - La migraine qui se dĂ©ploie aprĂšs le vomissement en raison de la prĂ©pondĂ©rance de la siccitĂ© ou bien la montĂ©e des vapeurs provenant de lâestomac. - La migraine qui rĂ©sulte de lâardeur de la chaleur et du rĂ©chauffement de lâair. - La migraine due Ă lâintensitĂ© du froid, la concentration des vapeurs dans la tĂȘte et sa non dĂ©composition. - La migraine quâengendre la veille et lâinsomnie. - La pression exercĂ©e sur la tĂȘte et tout corps lourd qui y est posĂ©. - Parler beaucoup cause la migraine car ceci amoindrit la force du cerveau. - LâintensitĂ© du mouvement et le sportif excessif. - Les symptĂŽmes psychologiques tels que le souci et lâattristement, le chagrin et la hantise ainsi que les idĂ©es obscures. - La faim intolĂ©rable qui fait que les vapeurs, ne trouvant rien pour y diffuser leurs effets, se multiplient et remontent au cerveau, lâaccablant dâune douleur cuisante. - Lâenflure localisĂ©e dans la pĂ©ritoine du cerveau de façon Ă ce que le soufrant ressente quâon lui assĂšne des coups de marteau sur la tĂȘte. - La fiĂšvre qui sâenflamme dans la tĂȘte, lui causant une douleur languissante. Et Allah est omniscient. - La cause de la migraine dite "chaqiqa" qui attaque un cotĂ© de la tĂȘte remonte Ă la prĂ©sence dâune matiĂšre entre les veines de la tĂȘte qui sây produit ou qui y accĂšde. Le cotĂ© faible de la tĂȘte lâaccueille. Cette matiĂšre est vaporeuse ou bien consiste t-elle en une humeur chaude ou froide. Sa caractĂ©ristique est lâĂ©lancement des artĂšres surtout sanguinaire. Si on parvient Ă la normaliser par les bandages empĂȘchant ainsi lâĂ©lancement, la douleur sâapaise sur le champ. Abou Naâima a mentionnĂ© dans le livre "la mĂ©decine du prophĂšte" que ce genre de migraine affectait le prophĂšte." Il demeurait ainsi un ou deux jours, ne sortant guĂšre. Ce mĂȘme livre rapporte dâaprĂšs Ibn Abass "Le prophĂšte, nous a prononcĂ© un discours alors que sa tĂȘte Ă©tait bandĂ©e." Dans le sahih est indiquĂ© que "Mohammed a dit alors quâil endurait la maladie de sa mort Oh, ma tĂȘte ! Et il bandait sa tĂȘte durant sa maladie." Le bandage de la tĂȘte attĂ©nue la migraine dite chaqiqa ainsi que dâautres maux de tĂȘte. Le remĂšde de la migraine varie en fonction de son genre et de ses causes. Certaines migraines sont traitĂ©es par le vomissement, dâautres par lâabsorption de certains aliments, par la sĂ©rĂ©nitĂ© et la quiĂ©tude, par les compresses, par le refroidissement, par le rĂ©chauffement ou enfin par lâĂ©vitement dâentendre les sons ou de percevoir les mouvements. Le traitement de la migraine par le hennĂ©, conformĂ©ment au hadith prĂ©citĂ©, est partiel et non total. Câest la cure appropriĂ©e Ă lâun des genres de migraine. La migraine qui rĂ©sulte dâune chaleur ardente alors que toute matiĂšre nĂ©cessitant le vomissement est absente, pourra ĂȘtre sensiblement apaisĂ©e par le hennĂ©. PulvĂ©risĂ© et mĂ©langĂ© au vinaigre, il pallie la migraine sâil est frictionnĂ© sur le front. Le hennĂ© renferme une force concevable au nerf qui attĂ©nue ses douleurs lorsquâil y est appliquĂ©. Ceci ne concerne pas exclusivement la tĂȘte mais tous les organes. Le hennĂ© est prĂ©henseur et resserre les organes. Il allĂšge la tumeur chaude et enflamme lorsquâil y est appliquĂ©. AlBoukhari a rapportĂ© dans son livre lâhistoire de mĂȘme que Abou dawoud dans son livre al-sounan que le ProphĂšte a conseillĂ© tout souffrant dâun mal Ă la tĂȘte et qui sâest plaint auprĂšs de lui de sâappliquer des ventouses. Il a de mĂȘme recommandĂ© Ă celui qui souffre dâun mal aux pieds de se teindre au hennĂ©. At-tirmidhi a rapportĂ© ces paroles de salma Oum RafĂ©â, servante du prophĂšte A chaque fois que le prophĂšte Ă©tait atteint dâulcĂšre ou de panaris, il y appliquait le hennĂ©. Le hennĂ© est froid au premier degrĂ© et sec au deuxiĂšme degrĂ©. La force de lâarbre de hennĂ© et de ses branches est formĂ©e dâune force dĂ©composĂ©e acquise Ă partir dâune essence liquide et modĂ©rĂ©ment chaude et dâune force prĂ©henseuse acquise Ă partir dâune essence terrestre et froide. Parmi ses utilitĂ©s, on cite quâil est un dĂ©composant qui pallie les brĂ»lures. Il contient une force correspondante eu nerf sâil y est appliquĂ©. MĂąchĂ©, il est dâun effet bĂ©nĂ©fique dans la lutte contre les ulcĂšres de la bouche et les pustules qui apparaissent Ă la racine de la langue. Il guĂ©rit lâaphte siĂ©geant sur la muqueuse de la bouche des garçons. Son utilisation en compresses remĂ©die aux tumeurs chaudes et enflammĂ©es et exerce sur les abcĂšs le mĂȘme effet quâexercice le sang dragon. Si les fleurs sont mĂ©langĂ©es Ă la cire clarifiĂ©e et Ă lâessence de roses, elles remĂ©dient aux douleurs du flanc. Parmi ses traits spĂ©ciaux si on en enduit sur la partie infĂ©rieure du pied dâun garçon manifestant les symptĂŽmes de la variole, le hennĂ© empĂȘche ce mal dâatteindre les yeux. Ceci est indubitablement correct et prouvĂ©. Les fleurs de hennĂ© dĂ©posĂ©es entre les plis des habits en laine les embaument et les prĂ©servent contre les mites. Il prĂ©serve miraculeusement de la lĂšpre si on en boit durant quarante jours lâessence de son eau en raison de vingt portions par jour accompagnĂ©es de dix portions de sucre. Lâessence de ce breuvage est obtenue en laissant macĂ©rer les feuilles de hennĂ© dans de lâeau limpide submergeante puis en les essorant et les mettant Ă part. En marge de ceci, on devra se nourrir de viande de mouton. Il a Ă©tĂ© relatĂ© quâun homme dont les ongles des doigts de la main se sont fendillĂ©s a dĂ©clarĂ© quâil rĂ©compenserait toute personne capable de le guĂ©rir, mais en vain. Une femme lui prescrit alors de boire le hennĂ© durant les dix jours mais il sâen abstint. Il le macĂ©ra dans de lâeau et lâabsorba. Il sâen trouva rĂ©tabli et ses ongles reprirent leur belle forme. Le hennĂ© appliquĂ© en pĂąte sur les ongles, les embellit. MĂ©langĂ© au beurre et dĂ©posĂ© en compresses sur les restes dâune tumeur chaude qui suinte une eau jaune, il lui est utile, de mĂȘme quâil remĂ©die Ă la gale ulcĂ©rĂ©e et chronique de façon efficace. Le hennĂ© laisse pousser les cheveux en les fortifiant et les embellissant et tonifie la tĂȘte. Il traite les ampoules et les pustules accidentelles qui se manifestent dans les jambes, les pieds et le reste du corps. 1 La migraine est une douleur qui nâaffecte quâun cotĂ© de la tĂȘte. Ses causes sont trĂšs variĂ©es de sorte quâil nous est impossible de les limiter dans ce domaine. Parmi les causes de la migraine Les cas de fiĂšvre la migraine sâĂ©tend dans la tĂȘte entiĂšre. La sinusite nasale la migraine frappe la partie antĂ©rieure de la tĂȘte, surtout le matin. La tumeur cĂ©rĂ©brale la migraine est profonde et interne permanente et croissante. La faiblesse de la vue la migraine affecte la partie antĂ©rieure de la tĂȘte aprĂšs avoir affaibli la vue. Lâaugmentation de la tension artĂ©rielle la migraine atteint alors la partie postĂ©rieure de la tĂȘte. La migraine neuralgique la migraine est alors partielle, sâactive le matin et sâaccompagne de vomissement. Il existe plusieurs autres causes. La cure de la migraine se fait par le traitement de sa cause provocatrice. Son lĂ©nifiant le plus utilisĂ© pour lâapaiser temporairement est lâaspirine. Source La medecine ProphĂ©tique par Ibn Qayyim Al Jawziyya page85 Chapitre XIV copiĂ© de Imam Muhammad Ibn AbĂź Bakr Ibn QayyĂźm al-jawziya - ۧÙŰ„Ù Ű§Ù Ù ŰÙ ŰŻ ŰšÙ ŰŁŰšÙ ŰšÙ۱ Ű§ŰšÙ ÙÙÙ Ű§ÙŰŹÙŰČÙŰ© La mer morte, n'est autre qu'une Ă©tendue d'eau recouvrant le peuple de Loth, les sodomes. Ils furent chĂątiĂ©s de leurs actes pervers malgrĂ© que Loth leur a Ă©tĂ© envoyĂ© comme guide. Djibril A3leihi salam retourna de fond en comble la citĂ©, et Allah taala envoya sur eux des pierres ! Puis suivis Ă cela une forte pluie qui crĂ©a un lac, l'actuelle "mer morte". Une mer que beaucoup de gens frĂ©quentes pour des cures de balnĂ©othĂ©rapie ou tout simplement se baigner. Ils passent matin et soir devant ce lac sans connaĂźtre l'histoire de ce lac maudit ! Cheikh Al Albany rahimahuLlah a interdit de se rendre Ă la mer morte, car il y a toujours le chĂątiment d'Allah taala. ChĂątiment envoyĂ© au peuple de Loth a3leihi salam. Traduction rapprochĂ©e "Elle cette ville se trouvait sur un chemin connu de tous" C'est Ă dire sur une route connue de tous et empreintĂ©e jusqu'Ă aujourdâhui, comme il est dit Traduction rapprochĂ©e "Et vous passez certainement auprĂšs dâeux, le matin et la nuit. Ne raisonnez-vous donc pas ?" Il taala dit Ă©galement Traduction rapprochĂ©e "Et certainement nous avons laissĂ© des ruines de cette citĂ© un signe d'avertissement Ă©vident pour des gens qui comprennent". Ù Ű§ ŰÙÙ ŰŽŰŻ ۧÙ۱ŰÙ ÙŰČÙۧ۱۩ ۧÙŰšŰ۱ ۧÙÙ ÙŰȘ Ű Cheikh Mouhammad Nacer-dine Al-Albany - ۧÙŰŽÙŰź Ù ŰÙ ŰŻ Ùۧ۔۱ ۧÙŰŻÙÙ Ű§ÙŰŁÙۚۧÙÙ Allah le TrĂšs-Haut, dit traduction rapprochĂ©e "Ils s'y dĂ©saltereront avec de coupes remplies de boisson melĂ©e de gingembre".LXXV-17 Abou Nou'aim a mentionnĂ© dans le livre, la mĂ©decine prophĂ©tique, d'aprĂšs un rĂ©cit d'Abi said Al-Khodry qu'Allah soit satisfait de lui qui dit "Le roi des Bysantins a offert a l'EnvoyĂ© d'Allah sallallahou 'alaihi wa salam une jarre de gingembre, il a donnĂ© Ă chaque personne un morceau Ă manger, et moi aussi, il m'a donnĂ© un morceau Ă manger!". Le gingembre est chaud au deuxiĂšme degrĂ©, humide au premier degrĂ© ; -il est rechauffant, aide la digestion, relache le ventre de façon modĂ©rĂ©e ; -il est utile contre l'obstruction du foie causĂ©e par le froid et l'humiditĂ©; -il est utile Ă©galement contre l'obscuritĂ© visuelle causĂ©e par l'humiditĂ© Si on en mange ou on en enduit les yeux. -Il aide au coit, et dĂ©compose les flatuositĂ©s grosses produites dans les intestins et l'estomac. -GĂ©nĂ©ralement, il est bon pour le foie et l'estomac de tempĂ©rament froid. -Si on en prend avec le sucre, un pesĂ©e de deux dirhams dans l'eau chaude il Ă©coulera la visquositĂ© de la salive. -Il peut aussi etre un composant des pates qui dĂ©composent le flegme et le font fondre. Le gingembre acidulĂ© est chaud et sec ; -il excite le coit et augmente le sperme; -il rĂ©chauffe l'estomac et le foie, et aide Ă savourer la nourriture; -il dĂ©ssĂšche le flegme abondant dans le corps, et augmente la protection; -il est compatible au froid du foie et de l'estomac, en les dissipant de l'humectation produite de manger des fruits; -il rafraichit l'odeur de l'haleine; -et par lui on Ă©loigne le prĂ©judice des aliments gros et froids. extrait du livre tibb an-nabawi le mĂ©decine prophĂštique copiĂ© de Imam Muhammad Ibn AbĂź Bakr Ibn QayyĂźm al-jawziya - ۧÙŰ„Ù Ű§Ù Ù ŰÙ ŰŻ ŰšÙ ŰŁŰšÙ ŰšÙ۱ Ű§ŰšÙ ÙÙÙ Ű§ÙŰŹÙŰČÙŰ© La feuille de sĂ©nĂ© ou sana maki "ۧÙŰłÙۧ Ù ÙÙ" est une plante mĂ©dicinale utilisĂ©e comme puissant laxatif Al-Tirmizi a mentionnĂ© dans son al-JamĂ©â dâaprĂšs Maâdan Ben Abi talha, lui-mĂȘme rapportant dâaprĂšs Abi el-Dardaâ que le prophĂšte sallallahou alayhi we selam a vomi puis fit des ablutions. Je rencontrai une fois Thaouban dans la mosquĂ©e de Damas et lui relatai cet incident. Il dit alors "Câest vrai, câest moi qui lui ai versĂ© lâeau de lâablution." Al-Tirmizi a dit "ceci est le plus vĂ©ridique dans ce chapitre". Le vomissement est lâun des cinq vidages qui constituent les principes du vidage et qui sont La diarrhĂ©e, le vomissement, le rejet du sang, lâexpulsion des vapeurs et la sueur. La Sounna "tradition du prophĂšte" les indiqua. La diarrhĂ©e a Ă©tĂ© mentionnĂ©e dans ce hadith "le meilleur de vos remĂšdes est la purgation" et dans le hadith relatif Ă la sĂ©nĂ©. Le rejet du sang a Ă©tĂ© mentionnĂ©e dans le hadith concernant les ventouses et les saignĂ©es. Lâexpulsion des vapeurs sera mentionnĂ©e au cour de ce chapitre si Allah le permet. Lâexsudation de la sueur ne se produit pas par des incisions mais plutĂŽt par une poussĂ©e de la matiĂšre Ă la surface du corps et lorsque celle-ci rencontre des pores ouverts, elle sâen extĂ©riorise. Le vomissement se prĂ©sente sous deux formes -Le vomissement par domination et agitation et un vomissement par demande et appel. Le premier genre ne sera repoussĂ© que sâil est excessif et menace dâatrophie. Il sera donc interrompu par ce qui le retient. -Le deuxiĂšme genre est profitable sâil se produit en temps propice et selon des conditions fixĂ©es. Les causes du vomissement se ramĂšnent Ă dix - La domination de la bile jaune qui flotte Ă la surface de lâestomac recherchant Ă remonter. - La domination du flegme visqueux qui sâest mu dans lâestomac et exige de sâextĂ©rioriser. - Une faiblesse qui survient dans lâestomac, le rendant incapable de digĂ©rer les aliments qui seront repoussĂ©es vers le haut. - La prĂ©sence dâune humeur mauvaise qui se dĂ©verserait dans lâestomac, entravant la digestion et affaiblissant sa fonction. - LâexcĂšs de nourriture et de breuvage que lâestomac ne pourrait supporter et quâil serait incapable de retenir, rejetant ainsi ce surplus. - LâincompatibilitĂ© de la nourriture et du breuvage avec lâestomac qui exige alors leur repoussement et leur rejet. - Lâexistence dans lâestomac dâun Ă©lĂ©ment qui agite lâaliment par sa nature et sa condition. LâĂ©lĂ©ment sera alors rejetĂ©. - Le blasement qui provoque la nausĂ©e et le haut le cĆur. - Les symptĂŽmes psychologiques tels que le souci languissant, lâaffliction et la tristesse et la prĂ©occupation de la nature et des forces naturelles par ces phĂ©nomĂšnes en leur accordant un grand intĂ©rĂȘt au lieu dâamĂ©nager le corps, dâamender la nourriture en la mĂ»rissent et la digĂ©rant. Cette nourriture sera donc rejetĂ©e. Ceci pourra rĂ©sulter du mouvement des humeurs lorsque lâon mange des matiĂšres nuisibles car lâĂąme et le corps rĂ©agissent en influençant lâĂ©tat de lâindividu. - Le caractĂšre transportatif de la nature celui qui observe une personne vomir, vomit lui-mĂȘme car la nature est transportative. Un mĂ©decin habile mâa dit "jâavais un neveu habile Ă enduire les yeux de kohol. Il est devenu oculiste. Lorsquâil ouvrait lâĆil dâun individu et quâil observait lâophtalmie et enduisait les paupiĂšres de kohol, il devenait lui-mĂȘme atteint de conjonctivite. Lorsque la contagion devient frĂ©quent est rĂ©pĂ©tĂ©e, il renonça Ă ce mĂ©tier. Je lui demandai pour quelle raison as-tu abandonnĂ© ton mĂ©tier ?" Il rĂ©pondit " la transportation de la nature qui est portative." Ce mĂ©decin me raconta aussi "Je reconnais un autre homme qui a vu un abcĂšs dans le corps dâun homme qui le grattait et il mit Ă se gratter lui-mĂȘme, au mĂȘme endroit et un abcĂšs y apparaĂźt." Je dis "Il apparaĂźt que la nature est prĂȘte Ă recevoir lâeffet des Ă©lĂ©ment extĂ©rieures et que la matiĂšre sây forme calme et fixe mais elle se mue pour lâune des causes sus indiquĂ©es." Ces causes provoquent dans le mouvement de cette matiĂšre qui ne nĂ©cessite pas le mouvement de par son essence mĂȘme. Etant donnĂ© que les humeurs, dans les pays chauds et durant les pĂ©riodes chaudes, sâattirent vers le haut, le vomissement est bĂ©nĂ©fique et puisque ces humeurs, dans les pays froids et attirĂ©es vers le haut, leur vomissement par purgation se rĂ©vĂšle plus salutaire. LâĂ©limination des humeurs et leur propulsion auront lieu par lâattraction et le vidage. Lâattraction est le moyen le plus difficile alors que le vidage est le plus accessible. La diffĂ©rence entre les deux consiste Ă ce que la matiĂšre qui se dĂ©verse ou remonte nâest pas encore stable et nĂ©cessite lâattraction. Si elle est ascendante, elle est attirĂ©e dâen bas et si elle se dĂ©verse, elle est attirĂ© dâen haut. Si elle se stabilise dans son endroit, elle sera vomie par la voie la plus proche. Si la matiĂšre atrophie les organes supĂ©rieurs, elles sera attirĂ©e dâen bas et si elle dĂ©dommage les organes infĂ©rieurs, elle sera attirĂ©e dâen haut et si elle se stabilise, elle sera vomie par lâendroit le plus proche dâelle. Ainsi le ProphĂšte faisait une saignĂ©e tantĂŽt sur le haut de son dos, tantĂŽt sur sa tĂȘte et parfois sur son pied. Il se vidait de la sorte du sang malĂ©fique par lâendroit le plus proche. Et Allah est omniscient. Le vomissement purifie et fortifie lâestomac, vivifie la vue, Ă©limine la lourdeur de la tĂȘte, remĂ©die aux ulcĂšres du fois et de la vessies et aux maladies chroniques telles que la lĂšpres, lâhydropisie, la paralysie et le tremblement convulsif, de mĂȘme quâil combat lâictĂšre. Lâhomme sain devra recourir au vomissement deux fois consĂ©cutives par mois sans lui fixer une d date prĂ©cise pour que le second vomissement compense ce que le premier nâa pas pu accomplir et purifie les dĂ©chets dont il a causĂ© le dĂ©versements. Le recours excessif au vomissement nuit a lâestomac et le rend susceptible de recevoir les dĂ©chets comme il nuit aux dents, Ă la vue et Ă lâouie et peut ĂȘtre fendra tâil une veine. Devra Ă©viter le vomissement celui qui souffre dâune tumeur dans le gorge ou dâune faiblesse dans la poitrine ou celui dont le cou est dĂ©licat ou celui qui est susceptible de cracher le sang ou celui qui sây adapte difficilement. Ceux qui ne sont point adroits et qui se nourrissent jusqu'Ă la rĂ©plĂ©tion puis rejettent la nourriture, se nuisent largement, car ce phĂ©nomĂšne accĂ©lĂšre la vieillesse et cause des maladies nocives et rend le vomissement une habitude rĂ©pĂ©tĂ©e. Le vomissement qui sâaccompagne dâune siccitĂ©, dâune faiblesse des intestins ou de la dĂ©crĂ©pitude du malade est extrĂȘmement dangereux Le plus propice des moments au vomissement est lâĂ©tĂ© et le printemps. A lâexclusion de lâhiver et de lâautomne. Durant le vomissement, on devra boire du jus de pommes accompagnĂ© dâun soupçon de lentisque. Lâeau de rose est Ă©galement remarquablement efficace. Le vomissement est vidĂ© fu haut de lâestomac et attirĂ© dâen bas Ă lâinverse de la purgation. Hippocrate a dit "Le vidage, durant lâĂ©tĂ©, se produira dâen haut plus que le vidage occasionnĂ© par le mĂ©dicament alors quâen hiver, il se produit dâen bas". La mĂ©decine ProphĂ©tique par Ibn Qayyim Aljawziyya Chapitre XXX - Page 133 Ă 136 copiĂ© de Imam Muhammad Ibn AbĂź Bakr Ibn QayyĂźm al-jawziya - ۧÙŰ„Ù Ű§Ù Ù ŰÙ ŰŻ ŰšÙ ŰŁŰšÙ ŰšÙ۱ Ű§ŰšÙ ÙÙÙ Ű§ÙŰŹÙŰČÙŰ© Allah le TrĂšs-Haut a dit traduction rapprochĂ©e ÙÙŰ·ÙÙÛĄŰÙÛŹ Ù ÙÙÙ۶ÙÙŰŻÙÛŹ -ÙąÙ© "Et les bananiers chargĂ©s de fruit du sommet jusqu'en bas" sourate 56 verset 29 La majoritĂ© des interprĂštes disent que le Tahl est la banane ; et l'adjectif mandoud se traduit par disposĂ© en couche ; comme le peigne. On dit aussi que le Tahl c'est l'arbre Ă Ă©pine ou un fruit est posĂ© Ă la place de chaque Ă©pine ; leurs fruit sont donc disposĂ©s les uns sur les autres; Ă l'instar du bananier. Ces derniĂšres paroles sont les plus justes. Et ceux qui ont mentionnĂ© les bananes de nos anciens donneraient des exemples approximatifs sans spĂ©cification ; et Allah est l'omnicient ! La banane est chaude et humide, la meilleure est la mĂ»re et douce ; Elle est favorable contre la rudesse de la poitrine, du poumon, de la toux et contre les lĂ©sions du reins et de la vessie ; Elle est diurĂ©tique, augmente la quantitĂ© du sperme, et excite au coĂŻt ; Elle relĂąche en outre le ventre. On en mange avant le repas, elle nuit Ă l'estomac et augmente la bile, et le flegme. Son antidote le sucre ou le miel. Source Ibn Al Qayyim Al-Jawziah dans "La mĂ©decine prophĂ©tique" copiĂ© de Imam Muhammad Ibn AbĂź Bakr Ibn QayyĂźm al-jawziya - ۧÙŰ„Ù Ű§Ù Ù ŰÙ ŰŻ ŰšÙ ŰŁŰšÙ ŰšÙ۱ Ű§ŰšÙ ÙÙÙ Ű§ÙŰŹÙŰČÙŰ© ÙÙŰ·ÙÙÛĄŰÙÛŹ Ù ÙÙÙ۶ÙÙŰŻÙÛŹ -ÙąÙ© Question Est-il licite de faire la dissection pour les Ă©tudiants en mĂ©decine, cela impose-t-il de faire les ablutions ou la douche rituelle ? RĂ©ponse Louange Ă Allah et priĂšre et salut sur le ProphĂšte ainsi que sur sa famille et ses compagnons. AprĂšs ce prĂ©ambule La rĂ©union du ComitĂ© des Grands OulĂ©mas a Ă©ditĂ© une dĂ©cision Ă propos de l'avis religieux sur la dissection, sous le numĂ©ro 47 en date du 20/8/1396. Voici son contenu Louange Ă Allah, l'Unique, et que la priĂšre et le salut soient sur le ProphĂšte ultime, Mohammad ainsi que sur sa famille et ses compagnons. AprĂšs ce prĂ©ambule Au cours de la neuviĂšme Ă©dition de la rĂ©union du ComitĂ© des Grands OulĂ©mas qui s'est tenue Ă la ville de TĂąif au mois de ChĂą`bĂąn 1396, le comitĂ© a examinĂ© le discours de son excellence, le ministre de la justice numĂ©ro 3231/2/K suite au courrier du reprĂ©sentant du ministre des affaires Ă©trangĂšres 313446/2/1 du 6/8/1395, qui contenait une copie de la circulaire de l'Ambassade Malaisienne Ă Djeddah, sur la question de l'avis et de l'attitude du royaume de l'Arabie Saoudite vis-Ă -vis de la pratique d'opĂ©rations mĂ©dicales sur le cadavre d'un musulman, et ce pour les raisons des services mĂ©dicaux. On a Ă©galement exposĂ© l'Ă©tude Ă©tablie par le ComitĂ© Permanent des Recherches Scientifiques et de la DĂ©livrance des Fatwas Al-IftĂąâ Ă ce propos. Il semble que le sujet se divise en trois parties - PremiĂšrement l'autopsie ayant pour but la vĂ©rification et l'investigation criminelle. - DeuxiĂšmement l'autopsie ayant pour but le diagnostic des maladies contagieuses, pour que des mesures prĂ©ventives soient mises en place pour s'en protĂ©ger. - TroisiĂšmement la dissection autopsie pour deux raisons scientifiques d'apprentissage et d'enseignement. AprĂšs dĂ©libĂ©ration des avis, discussions et Ă©tudes du rapport prĂ©sentĂ© par la commission dĂ©jĂ mentionnĂ©e, le comitĂ© a dĂ©cidĂ© ce qui suit - Pour les deux premiers types le comitĂ© juge qu'ils sont permis vu leurs grands bĂ©nĂ©fices dans de nombreux domaines de sĂ©curitĂ©, de justice et de prĂ©vention contre la propagation de maladie contagieuse dans la sociĂ©tĂ©. L'inconvĂ©nient de porter atteinte Ă la dignitĂ© du cadavre autopsiĂ© est largement surpassĂ© par les bĂ©nĂ©fices nombreux et gĂ©nĂ©raux qui sont attendus. De ce fait, le comitĂ© dĂ©cide Ă l'unanimitĂ© la permission de la pratique de l'autopsie pour ces deux raisons, que le cadavre autopsiĂ© soit celui d'un musulman ou pas. - Quant au troisiĂšme type, l'autopsie ou la dissection pour des raisons scientifiques, vu que la charia islamique qui venu pour atteindre les bĂ©nĂ©fices et les rendre membres est aussi pour empĂȘcher les maux et les minimiser, en commettant le minimum de mal pour empĂȘcher le plus grave, et prĂ©vu qu' en cas de bĂ©nĂ©fices contradictoires le plus important est tenu en compte, vu Ă©galement que la dissection d'un animal ne peut pas rĂ©pondre aux mĂȘmes exigences que celle d'un cadavre humain, et vu que les bĂ©nĂ©fices de la dissection humaine sont largement dĂ©montrĂ©s par les diffĂ©rents dĂ©veloppements scientifiques dans les diffĂ©rents domaines mĂ©dicaux, pour toutes ces raisons, le comitĂ© juge de permettre la dissection du cadavre humain en gĂ©nĂ©ral. Cependant, vu que la charia islamique prend Ă©normĂ©ment soin de la dignitĂ© du musulman mort, comme elle prĂ©serve celle du vivant, comme le rapporte imam Ahmed et Abou DĂąwoud, d'aprĂšs `A`icha qu'Allah soit satisfait d'elle que le ProphĂšte Salla Allah `Alaihi Wa Sallam a dit " Casser l'os d'un mort est pareil Ă le casser de son vivant. " et vu que la dissection constitue une profanation vis-Ă -vis de sa dignitĂ©, il a Ă©tĂ© donc dit que la nĂ©cessitĂ© est absente puisqu'il est possible de se procurer des cadavres non protĂ©gĂ©s, le comitĂ© juge alors qu'il est suffisant de faire la dissection de ce genre de cadavres et de ne pas porter atteinte aux cadavres des morts protĂ©gĂ©s, dans ces circonstances. DeuxiĂšmement l'autopsie n'impose ni les ablutions ni le bain rituel. Qu'Allah vous accorde la rĂ©ussite et que les priĂšres et le salut soient sur notre ProphĂšte Mohammad, ainsi que sur sa famille et ses compagnons. Parmi les Fatwas Ă©mises par le ComitĂ© Permanent], numĂ©ro 8693 question 5. copiĂ© de ÙÙ ÙŰŹÙŰČ ŰȘێ۱ÙŰ Ű§Ùۏ۫۫ ÙŰ·Ùۧۚ ۧÙŰ·Űš Űł 5 ÙÙ ÙŰŹÙŰČ ŰȘێ۱ÙŰ Ű§Ùۏ۫۫ ÙŰ·Ùۧۚ ۧÙŰ·ŰšŰ ÙÙÙ ÙŰłŰȘÙŰŹŰš ۰ÙÙ Ű§ÙÙ۶ÙŰĄ ŰŁÙ Ű§ÙŰșŰłÙŰ ŰŹ 5 ۧÙŰÙ ŰŻ ÙÙÙ ÙŰŰŻÙ ÙۧÙŰ”Ùۧ۩ ÙۧÙŰłÙŰ§Ù ŰčÙÙ Ű±ŰłÙÙÙ ÙŰąÙÙ ÙŰ”ŰŰšÙ .. ÙŰšŰčŰŻ ۔ۯ۱ Ù۱ۧ۱ Ù Ù Ù ŰŹÙŰł ÙÙŰŠŰ© Ùۚۧ۱ ۧÙŰčÙÙ Ű§ŰĄ ÙÙ ŰÙÙ Ű§ÙŰȘێ۱ÙŰ Ű±ÙÙ 47 ÙŰȘۧ۱ÙŰź 20 / 8 / 1396 ÙÙ. Ù۰ۧ Ù Ű¶Ù ÙÙÙ Ű§ÙŰÙ ŰŻ ÙÙÙ ÙŰŰŻÙŰ ÙŰ”ÙÙ Ű§ÙÙÙ ÙŰłÙÙ ŰčÙÙ Ù Ù Ùۧ ÙŰšÙ ŰšŰčŰŻÙŰ Ù ŰÙ ŰŻ ÙŰčÙÙ ŰąÙÙ ÙŰ”ŰŰšÙ .. ÙŰšŰčŰŻ ÙÙÙ Ű§ÙŰŻÙ۱۩ ۧÙŰȘۧ۳ŰčŰ© ÙÙ ŰŹÙŰł ÙÙŰŠŰ© Ùۚۧ۱ ۧÙŰčÙÙ Ű§ŰĄ ۧÙÙ ÙŰčÙŰŻŰ© ÙÙ Ù ŰŻÙÙŰ© ۧÙŰ·Ű§ŰŠÙ ÙÙ ŰŽÙ۱ ŰŽŰčŰšŰ§Ù ŰčŰ§Ù 1396 ÙÙ . 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Le sommeil pendant la journĂ©e est mauvais car il entraĂźne des maladies d'humiditĂ©s et de congestions, gĂąte le teint, provoque des inflammations de la rate, mollesse et paresse, il affaiblit le dĂ©sir, sauf en Ă©tĂ©, pendant les fortes chaleurs. Le plus mauvais sommeil est celui du dĂ©but de journĂ©e, et pire encore le sommeil en fin de journĂ©e, aprĂ©s la priĂšre du 'Asr. 'Abd Allah Ibn AbbĂąs vit un de ses enfants dormir le matin et lui dit "LĂšve-toi ! Dors-tu au moment oĂč la subsistance est distribuĂ©e ?" On dit que le sommeil la journĂ©e est de 3 types une biensĂ©ance, une perte et une stupiditĂ© - La biensĂ©ance est le somme lors de la forte chaleur et c'Ă©tait l'habitude du messager d'Allah -salaAllah 'alayhi wa Salam-. - La perte est le somme de la matinĂ©e qui dĂ©tourne le dormeur des affaires de la vie prĂ©sente et de l'au-delĂ . - Et la stupiditĂ© est le somme aprĂšs Al 'Asr. Un pieux prĂ©dĂ©cesseur a dit "Quiconque dort aprĂšs Al 'Asr et perd la raison, ne doit blĂąmer que lui-mĂȘme." Un poĂšte a dit Le somme de la matinĂ©e amĂšne au jeune abrutissement Et celui de la fin de la journĂ©e, folie Le somme de la matinĂ©e empĂȘche la subsistance, car c'est le moment oĂč les gens cherchent leur subsistance, et le moment oĂč elle est partagĂ©e. Ce somme est donc une privation sauf en cas d'Ă©vĂšnement ou de nĂ©cessitĂ©. Il est trĂšs nuisible au corps car il le ramollit, corrompt les excĂ©dents qui doivent ĂȘtre dĂ©composĂ©s par l'exercice, et ainsi provoquent abattement, peine, et faiblesse. S'il survient avant la selle, le dĂ©placement, l'exercice et la mise en activitĂ© de l'estomac, c'est la maladie incurable qui provoque plusieurs sortes de maladies. " L'authentique de la mĂ©decine prophĂ©tique", Chapitre IntitulĂ© "Concernant le sommeil et l'Ă©veil", page 238 Imam Muhammad Ibn AbĂź Bakr Ibn QayyĂźm al-jawziya - ۧÙŰ„Ù Ű§Ù Ù ŰÙ ŰŻ ŰšÙ ŰŁŰšÙ ŰšÙ۱ Ű§ŰšÙ ÙÙÙ Ű§ÙŰŹÙŰČÙŰ© Question Est il permis de se laver avec de lâeau sur laquelle a Ă©tĂ© lu le coran dans les lieux dâaisances ? RĂ©ponse Oui, il nây a aucun mal Ă se laver dans les lieux dâaisances avec de leau sur laquelle a Ă©tĂ© lue le coran. extrait du livre fath al-haq al-moubin fi ahkam roqa al-sarâ, wa as-sihr, wa al-3ayn Cheikh 'Abdel-'AzĂźz Ibn 'Abdi-llĂąh Ibn BĂąz - ۧÙŰŽÙŰź ŰčۚۯۧÙŰčŰČÙŰČ ŰšÙ ŰčۚۯۧÙÙÙ ŰšÙ ŰšŰ§ŰČ Sommaire - La patience l'imam Abdur-RahmĂąn Ibn Hasan Ăl sh-Shaykh - Pourquoi nos invocations ne sont-elles pas exaucĂ©es ? Shaykh Muhammad Ibn Salih Al UthaymĂźn - Le repentir Shaykh Muhammad ibn Salih Al-'Uthaymin - Mon conseil aux malades Shaykh Moqbil Al Wadi'i - La mĂ©decine ProphĂ©tique l'imam Ibn Al-Qayyim - La roqya Shaykh ibrĂąhĂźm ar rouhayli - La purification du malade Shaykh Muhammad ibn Salih Al-'Uthaymin -Le tabac est-il illicite ? quelques chiffres - Quelques liens utiles Question Quel est le regard de la religion sur le traitement prĂ©ventif, comme la vaccination ? RĂ©ponse Il nây a pas de mal Ă se prĂ©munir contre une maladie ou ses causes directes, conformĂ©ment au hadith authentique du ProphĂšte, priĂšre et salut dâAllah sur lui Quiconque mange sept datte de MĂ©dine le matin, aucune sorcellerie, ni poison ne peut lâatteindre. » Donc, ce hadith incite Ă la prĂ©vention contre les maladies. De mĂȘme, si on craint une maladie ou une Ă©pidĂ©mie dans le pays ou ailleurs, on se vaccine par prĂ©vention. Comme on se soigne pour une maladie qui nous atteint, on traite une maladie que lâon craint au moyen de mĂ©dicaments. Par contre, il nâest pas permis de porter des amulettes contre la maladie, les djinns ou le mauvais Ćil, car le ProphĂšte, priĂšre et salut dâAllah sur lui, nous lâa interdit. Il a mĂȘme dit que cela faisait partie du polythĂ©isme mineur. Par consĂ©quent, il faut Ă©viter cela. Majmuc FatĂąwĂą wa MaqĂąlĂąt Mutanawica copiĂ© de Cheikh 'Abdel-'AzĂźz Ibn 'Abdi-llĂąh Ibn BĂąz - ۧÙŰŽÙŰź ŰčۚۯۧÙŰčŰČÙŰČ ŰšÙ ŰčۚۯۧÙÙÙ ŰšÙ ŰšŰ§ŰČ
JamilRahmani : « LâIslam a imprĂ©gnĂ© ma vie ». 13 aoĂ»t 2020. 3084. crĂ©dit photo DR. Jamil Rahmani est chef du service rĂ©animation-anesthĂ©sie de lâhĂŽpital Franco-Britannique de Levallois Perret. Il est Ă©galement lâauteur de romans Ă©crits avec son Entrevue avec Fatima Benazzouz â Hijama Je suis enceinte, puis-je pratiquer la hijama ? », Jâallaite, est-ce compatible ? », Un enfant peut il effectuer une sĂ©ance de hijama ? », Est-ce que ça fait mal ? » Autant de questions que je me suis posĂ© et que tu te poses peut-ĂȘtre. Alors aujourdâhui je te livre lâinterview de Fatima Benazzouz, spĂ©cialiste dans le domaine et qui va rĂ©pondre in sha Allah Ă toutes ces questions. Câest parti ! 1. As salamu aleykum Fatima, alors peux tu te prĂ©senter Ă nous rapidement ? Wa aleykum salam MPA . Alors, aprĂšs une carriĂšre de plus de 20 ans en tant que technicienne de laboratoire et prĂ©leveuse en milieu hospitalier, jâai dĂ©veloppĂ© deux maladies auto immunes. Au fond de moi je savais que mon hygiĂšne de vie mauvaise alimentation, manque de sommeil, mauvais gestion de stress au quotidien etc.. Ă©tait responsable de mes problĂšmes de santĂ©. Je me suis tournĂ©e vers des solutions complĂ©mentaires naturelles. PassionnĂ©e par lâunivers de la santĂ© verte et des techniques naturelles, jâai recherchĂ© autour de moi des informations qui pouvaient expliquer les raisons de mes problĂšmes. Le mĂ©tier de naturopathe mâest apparu comme une Ă©vidence. Je voulais devenir Naturopathe dâabord pour moi afin de mieux me connaĂźtre et mieux comprendre mieux le fonctionnement du corps humain dâun point vue holistique, mais aussi en faire mon mĂ©tier pour aider les personnes qui dĂ©sirent se prendre en main par des techniques naturelles. Jâai suivi pendant 16 mois la formation de Naturopathe au CENATHO de Paris. Au cours de cette formation, mon attirance pour les techniques de rĂ©flexologie, ventouses et massages Ă©nergĂ©tiques mâont motivĂ©es Ă me spĂ©cialiser dans ces pratiques et Ă explorer leurs diffĂ©rentes utilisations. La hijama est une technique qui rĂ©sonne en moi dâune part par mes origines , et dâautre part par ma religion musulmane. Je la pratiquais rĂ©guliĂšrement depuis quelques annĂ©es . Cela mâ a Ă©tĂ© dâune Ă©vidence pour ĂȘtre formĂ©e Ă cette pratique. Son efficacitĂ© avait fait ses preuves sur moi , de plus elle nous a Ă©tĂ© recommandĂ© dans la Sunna. En tant que Naturopathe, la hijama est une pratique en plus qui fait partie des techniques naturelles que je peux proposer aux patients. 2. Alors pour rappel, dis nous quâest ce que la hijama? en quoi cela consiste ? Câest une mĂ©thode thĂ©rapeutique qui utilise les ventouses humides. Le nom de hijama » dĂ©coule du mot Hajm» signifie le fait dâaspirer. Ce terme Ă©tait utilisĂ© pour dĂ©signer lâaction dâun bĂ©bĂ© lors de la tĂ©tĂ©e du sein maternel. Elle consiste Ă aspirer le sang par le biais de ventouses tout en effectuant des piqĂ»res superficielles de la peau. Ces lĂ©gĂšres brĂšches cutanĂ©es permettent lâĂ©vacuation dâun sang contenant des dĂ©chets cellulaires et des substances pathologiques. 3. Pourquoi faire des sĂ©ances de Hijama ? Quels en sont les bienfaits ? Dâune part, rappelons que cette pratique relĂšve de la mĂ©decine prophĂ©tique et elle nous est recommandĂ©e par le prophĂšte sws. Quelle excellente mĂ©dication quâest la hijama Elle Ă©limine le sang impur, amĂ©liore la vision et fortifie lâĂ©tat physique » Boukhari et Mouslim. Cliquez pour tweeterDâautre part, elle possĂšde en effet de multiples bienfaits dont les 9 principaux sont Action Ă©puratrice et rĂ©gulatrice aide Ă Ă©liminer les dĂ©chets Action anxiolytique diminue le stress et lâanxiĂ©tĂ© via la sĂ©crĂ©tion dâendorphines Action hormonale entraĂźne une stimulation des glandes hormonales Action immunitaire en stimulant notamment la moelle osseuse Action anti-inflammatoire elle diminue lâinflammation Action anti-allergique stimule la cortisone Action bien ĂȘtre le patient est dĂ©tendu et relaxĂ© pendant la Hijama, massage ventouse Action analgĂ©sique diminue la douleur grĂące Ă la sĂ©crĂ©tion dâendorphines Action neurologique fortifie la mĂ©moire et la capacitĂ© de raisonnement, entraĂźne une meilleure transmission de lâinformation entre les neurones en stimulant la connexion inter-neurones et le passage des neurotransmetteurs. La hijama est remĂšde Ă tous les maux toutes les maladies sauf la vieillesse. Faites vous soigner » Boukhari et Mouslim Cliquez pour tweeter4. Ă partir de quel Ăąge peut on la pratiquer ? La Hijama humide est contre indiquĂ©e aux enfants de moins de 10 ans ou dâun poids infĂ©rieur Ă 40 kg, mais on peut la pratiquer sĂšche, câest Ă dire sans faire saigner, aprĂšs 3 ans jusquâau 9 ans. 5. Quel est lâintĂ©rĂȘt pour un enfant de le faire ? Les bienfaits sont identiques quâil soit un adulte ou un enfant. 6. Les femmes enceintes et allaitantes peuvent elles le faire ? Ă partir du 3Ăšme trimestre, la femme enceinte pourra pratiquer la Hijama. Il nây a pas de contre-indications spĂ©cifiques pour la femme allaitante. 7. Quelles sont les principales contre-indications ? Le seul Ă©lĂ©ment qui puisse contre indiquer la Hijama est lâĂ©tat gĂ©nĂ©ral de santĂ© du patient mais aussi Les troubles de la coagulation, tels que les hĂ©mophilies , les thrombopĂ©nies baisse des plaquettes , Lâaplasie mĂ©dullaire, Le diabĂšte de type 1, La grossesse avant le 3Ăšme trimestre, Lâinsuffisante rĂ©nale sĂ©vĂšre dialyses , Les maladies respiratoires sĂ©vĂšres, Les hospitalisĂ©s en fin de vie, Lâhyperthermie. Plus gĂ©nĂ©ralement, toute personne en Ă©tat de sous-vitalitĂ© , ne pourra pas recevoir de Hijama pour Ă©viter dâaccentuer la fatigue . 8. Quelles sont les recommandations avant et aprĂšs une sĂ©ance de Hijama ? Il nây a quâune seule recommandation avant la Hijama en dehors des contre-indications prĂ©cĂ©demment citĂ©es, câest dâĂȘtre Ă jeĂ»n de 3 Ă 4 h avant la sĂ©ance. AprĂšs la sĂ©ance, il faut Ă©viter de manger pendant 48h des produits laitiers laits , fromages , yaourtsâŠ, de la viande rouge et de la charcuterie car ces produits contiennent des graisses saturĂ©es mauvais gras. Il est prĂ©fĂ©rable de ne prendre sa douche que le lendemain matin. Il est aussi important de sâhydrater et se reposer un maximum aprĂšs la sĂ©ance. Et le prophĂšte sws Similaire Ă hijama - la cupping therapie - soignez vous avec cette medecine traditionnelle chinoise PAR MOIS - 3 MOIS (AOĂ»T 2022) 1 Salam'alaykom Combien coĂ»te pour faire une hijama? Comment savoir si la personne est bonne et fait bien son soin? Chokran d'avance 2 generalement c'est gratuit et tu donne ce que tu veux en general 20 euro et tu paie ton kit 15 euro vers la bouche a oreille t un homme? 3 Merci pour tes rĂ©ponses Non je suis une femme en genĂ©ral une photo de profil avec une fleur c'est une femme ;- ou sinon les personne qui font hijama elle font quoi formation ou comme mĂ©tier??? j'ai peur de tomber sur une personne sans expĂ©rience ou sans formation...! 4 Merci pour tes rĂ©ponses Non je suis une femme en genĂ©ral une photo de profil avec une fleur c'est une femme ;- ou sinon les personne qui font hijama elle font quoi formation ou comme mĂ©tier??? j'ai peur de tomber sur une personne sans expĂ©rience ou sans formation...! jai pas fait attention a ta photo de profil dsl bin hijama y a des soeurs qui savent faire en ayant appris sur le tas moi je le fais chez un frere sa femme ausis le fait il est bien ta pas de trace qui reste au bout de 2 semaine ca part faut pas tomber sur un charcutier Soomy 5 Je sais pas si je suis HS mais je connais qqn qui l'a fait chez une personne qui pratique la mĂ©decine chinoise Ă domicile, La personne que je connais a fait de l'acupuncture et des saignĂ©es Hijama elle se sent bcp mieux elle ma dit avoir payĂ© 40 euros fais signe si tu veux plus d'info 6 Je sais pas si je suis HS mais je connais qqn qui l'a fait chez une personne qui pratique la mĂ©decine chinoise Ă domicile, La personne que je connais a fait de l'acupuncture et des saignĂ©es Hijama elle se sent bcp mieux elle ma dit avoir payĂ© 40 euros fais signe si tu veux plus d'info tu as deux sorte de hijama celle ou le sang sort et celle ou juste tu met la ventouse la meilleure est clairmerent celle ou le mauvais sang sort c'est pour ca faut pas tomber sur un boucher car il doit inciser delicatement pour ne laisser aucune trace Soomy 7 tu as deux sorte de hijama celle ou le sang sort et celle ou juste tu met la ventouse la meilleure est clairmerent celle ou le mauvais sang sort c'est pour ca faut pas tomber sur un boucher car il doit inciser delicatement pour ne laisser aucune trace la personne que je connais a fait avec des ventouses... elle se dit satisfaite perso moi ca me ferait flipper lol 8 la personne que je connais a fait avec des ventouses... elle se dit satisfaite perso moi ca me ferait flipper lol non rien de flippant wallah moi je l'ai fait avec incision tu sens rien je l'ai fait ds le dos y a des pote sur la tete le genou etc et les anges ont recommandĂ© au prophete aleyhi salam que sa oumma pratique la hijama 9 Soumiyah 40⏠Hijama c'est chĂšre Non! Si vous connaissez un personne qui a fait une formation... qui fait hijama pour Femmes sur Bruxelles belgique MP Merci Soomy 10 Soumiyah 40⏠Hijama c'est chĂšre Non! Si vous connaissez un personne qui a fait une formation... qui fait hijama pour Femmes sur Bruxelles belgique MP Merci Je rectifie c'est 30 euros Et la personne m'a dit qu'elle la fait avec des ventouses avec une aiguille dedans donc ça a fait sortir du sang J'ai le numĂ©ro de tel si vous voulez et c'est Ă noisy le sec C'est une femme qui le fait 11 Je rectifie c'est 30 euros Et la personne m'a dit qu'elle la fait avec des ventouses avec une aiguille dedans donc ça a fait sortir du sang J'ai le numĂ©ro de tel si vous voulez et c'est Ă noisy le sec C'est une femme qui le fait maintenant elle veut une en belgique lol 12 Je rectifie c'est 30 euros Et la personne m'a dit qu'elle la fait avec des ventouses avec une aiguille dedans donc ça a fait sortir du sang J'ai le numĂ©ro de tel si vous voulez et c'est Ă noisy le sec C'est une femme qui le fait salam alaykum je connais pas ce truc, c'est quoi le but de se faire saignĂ©e ?? stp " le mauvais sang " ? 13 salam alaykum je connais pas ce truc, c'est quoi le but de se faire saignĂ©e ?? stp " le mauvais sang " ? w aleykoum salam c bien contre le sihr et maladie par exemple cholesterol ou bien arthrose etc 14 salam wa rahmatoullah. sa depend pour le prix sa peu aller de 15 a 30 euros. moi jme les fai tou seul avec produit etc.. et el hamdoulilah ya pas de probleme 15 w aleykoum salam c bien contre le sihr et maladie par exemple cholesterol ou bien arthrose etc salam alaykum ca doit faire mal.... merci car je connaissais pas du tout et ca s'appelle " hijama " , des saignĂ©es ?. 16 la hijama sert a absorbĂ© le mauvais sang et il peu avoir du sihr a extraire du sang, il y a plein de hadith sur le la hijama c fortement recommandĂ©, le faire au moins une fois dans l'annĂ©e, vous vous sentirez lĂ©ger, souple machallah h_meo lien France Palestine 17 C'est de l'ignorance... Si ce n'est pas pratiquĂ© dans un hĂŽpital pour baisser la tension sanguine. En claire faire baisser la pression artĂ©rielle qui la raison de de bien des maux.. mais cette tension n'est qu'une consĂ©quence d'autre chose. Ouvrez un bouquin de mĂ©decine sur l'anatomie du systĂšme circulatoire Sanguin.. vous comprendrez un peu mieux ces pratiques 18 Ă©coute c toi qui est ignorant, avant de faire la saignĂ©e on est deja renseignĂ© sur cette pratique auprĂ©s de personnes de confiance et qui ont deja fait la hijama, tu va pas mapprendre quelque chose moi qui Ă©tait auxiliaire ambulancier au niveau de la tension artĂ©rielle c sans risque pour une personne qui a fait la formation et qui le pratique de le voir les femmes allaient voir les femmes et les hommes essayaient de renseigner auprĂ©s de l'imam de votre ville. lah i chafi mouslimin ajmahin 19 C'est de l'ignorance... Si ce n'est pas pratiquĂ© dans un hĂŽpital pour baisser la sanguine. En claire faire baisser la pression artĂ©rielle qui la raison de de bien des maux.. mais cette tension n'est qu'une consĂ©quence d'autre chose. Ouvrez un bouquin de mĂ©decine sur l'anatomie du systĂšme circulatoire Sanguin.. vous comprendrez un peu mieux ces pratiques ...il faut tester avant de juger. h_meo lien France Palestine 20 ...il faut tester avant de juger. Je teste pas.. Si un besoin mon mĂ©decin me recommandera le traitement adaptĂ© ... S'inventer des maladies, symptĂŽmes et traitement sans formations sĂ©rieuse c'est de l'ignorance.. 21 tu as deux sorte de hijama celle ou le sang sort et celle ou juste tu met la ventouse la meilleure est clairmerent celle ou le mauvais sang sort c'est pour ca faut pas tomber sur un boucher car il doit inciser delicatement pour ne laisser aucune trace comment tu peux te faire le tri entre le mauvais et le bon sang, quand c'est le mĂȘme liquide qui circule dans les vaisseaux et le coeur? la saignĂ©e = La phlĂ©botomie Ă©tait pratiquĂ©e avant la naissance de l'Islam, elle a Ă©tĂ© prĂ©conisĂ© par Hippocrate et elle indiquĂ©e dans certaines cas seulement et lĂ il faut passer par un mĂ©decin et faire des examens pour poser un diagnostic. s'il faut pratiquer la saignĂ©e juste parce qu'on a trouvĂ© un hadith ça n'a aucun intĂ©rĂȘt. c'est exactement comme si tu te blesses accidentellement. mais prĂ©s tout, on a le droit de se blesser volontairement sauf s'il s'agit d'une tentative de suicide, et lĂ tu risques de te retrouver dans un hopital psychiatrique contre ta volontĂ© 22 Salam comment tu peux te faire le tri entre le mauvais et le bon sang, quand c'est le mĂȘme liquide qui circule dans les vaisseaux et le coeur? la saignĂ©e = La phlĂ©botomie Ă©tait pratiquĂ©e avant la naissance de l'Islam, elle a Ă©tĂ© prĂ©conisĂ© par Hippocrate et elle indiquĂ©e dans certaines cas seulement et lĂ il faut passer par un mĂ©decin et faire des examens pour poser un diagnostic. s'il faut pratiquer la saignĂ©e juste parce qu'on a trouvĂ© un hadith ça n'a aucun intĂ©rĂȘt. c'est exactement comme si tu te blesses accidentellement. mais prĂ©s tout, on a le droit de se blesser volontairement sauf s'il s'agit d'une tentative de suicide, et lĂ tu risques de te retrouver dans un hopital psychiatrique contre ta volontĂ© Fais-en une et tu verras comme le tri se fait... Salam. 23 Salam Fais-en une et tu verras comme le tri se fait... Salam. je me blesse assez souvent, mon sang est renouvelĂ© assez rĂ©guliĂšrement je ne doute pas des bienfaits de la phlĂ©botomie mais pour ça il faut qu'elle soit indiquĂ©e par mon mĂ©decin avec des examens qui confirme cet indication. et s'il faut le faire, il faut qu'elle soit pratiquĂ©e dans les rĂšgles de l'art avec des instruments stĂ©riles. par contre parler du mauvais sang qui sort, ce n'est pas le terme appropriĂ©. d'ailleurs la question ne se pose mĂȘme pas parce que il nâexiste pas un mĂ©lange constituĂ© de mauvais et bon sang. 24 Salam je me blesse assez souvent, mon sang est renouvelĂ© assez rĂ©guliĂšrement je ne doute pas des bienfaits de la phlĂ©botomie mais pour ça il faut qu'elle soit indiquĂ©e par mon mĂ©decin avec des examens qui confirme cet indication. et s'il faut le faire, il faut qu'elle soit pratiquĂ©e dans les rĂšgles de l'art avec des instruments stĂ©riles. par contre parler du mauvais sang qui sort, ce n'est pas le terme appropriĂ©. d'ailleurs la question ne se pose mĂȘme pas parce que il nâexiste pas un mĂ©lange constituĂ© de mauvais et bon sang. Fais-en une. Tu comprendras. Salam. 25 Salam'alaykom Combien coĂ»te pour faire une hijama? Comment savoir si la personne est bonne et fait bien son soin? Chokran d'avance Bonjour, Le meilleur moyen de savoir si tu peux avoir confiance en cette personne est de lui poser des questions Puisque tu souhaites que cette personne rĂ©alise un acte mĂ©dical sur toi, je te conseillerais de lui poser des questions pour ĂȘtre sĂ»re que cette personne aie quelques connaissances mĂ©dicales utiles. Le genre de question que je lui poserais si j'Ă©tais Ă ta place 1 "OĂč avez-vous appris ?" 2 "Depuis combien de temps vous pratiquez ?" 3 Des questions pour savoir quelle est l'intĂ©rĂȘt de cette approche plutĂŽt qu'une approche mĂ©dicamenteuse. 4 Des questions un peu technique sur la stĂ©rilisation et la cicatrisation surtout gaffe Ă la transmission du SIDA/hĂ©patites et autres saloperies!!! 5 Des questions sur le volume de sang et la durĂ©e de l'intervention pourquoi autant et pas plus ? Ce sont des bonnes questions pour diffĂ©rencier les charlatans de ceux qui ont Ă©tudiĂ© la question et s'intĂ©ressent sĂ©rieusement Ă leurs patients. PS es-tu sĂ»re que c'est de cela que tu as vraiment besoin ? Les saignĂ©es peuvent parfois aggraver l'Ă©tat d'un malade ou faire croire Ă celui-ci qu'il va aller mieux alors que son Ă©tat se dĂ©tĂ©riore pendant ce temps-lĂ ... 26 Salam Fais-en une. Tu comprendras. Salam. une petite alors? avec une aiguille, ça marche? par contre c'est quelqu'un veut n7ajem lih bla sabone , je suis volontiers DerniĂšre Ă©dition 24 AoĂ»t 2014 Nalinux It's not a bug, it's a feature. 27 A quoi on reconnait du "bon" et du "mauvais" sang ? Y a t il eu des Ă©tudes prouvant que cette mĂ©thode donne des rĂ©sultats diffĂ©rents d un placebo ? En gros qu est ce qui prouve que ça n est pas de la simple superstition ? Drianke ۧÙÙÙÙ Ű„ÙŰȘŰ ÙÙۧ ŰŁŰšÙۧۚ ۧÙŰźÙ۱ Ùۣ۱ŰČÙÙۧ Ù Ù ŰÙŰȘ Ùۧ ÙŰŰȘ۳ۚ 28 wa aleykoum selam c'est la saignĂ©e tout simplement, mĂ©decine ancestrale pratiquĂ©e partout dans ce monde que ce soit l'Asie, l'Europe, l'Afrique....c'est connu mais on le pratique plus chez nous depuis longtemps sauf chez les rebouteux peut-ĂȘtre... on soignait les maux par la saignĂ©e ainsi que les maux occultes... salam alaykum je connais pas ce truc, c'est quoi le but de se faire saignĂ©e ?? stp " le mauvais sang " ? Drianke ۧÙÙÙÙ Ű„ÙŰȘŰ ÙÙۧ ŰŁŰšÙۧۚ ۧÙŰźÙ۱ Ùۣ۱ŰČÙÙۧ Ù Ù ŰÙŰȘ Ùۧ ÙŰŰȘ۳ۚ 29 traduit on est francophone ici doukkala air line.... u par contre c'est quelqu'un veut n7ajem lih bla sabone , je suis volontiers Drianke ۧÙÙÙÙ Ű„ÙŰȘŰ ÙÙۧ ŰŁŰšÙۧۚ ۧÙŰźÙ۱ Ùۣ۱ŰČÙÙۧ Ù Ù ŰÙŰȘ Ùۧ ÙŰŰȘ۳ۚ 30 Tu ne dois pas savoir ce qu'est l'arthrose je pense....le sang on s'en fiche dans cette pathologie en fait on a besoin plutĂŽt d'huile car ça rouille... w aleykoum salam c bien contre le sihr et maladie par exemple cholesterol ou bien arthrose etc Drianke ۧÙÙÙÙ Ű„ÙŰȘŰ ÙÙۧ ŰŁŰšÙۧۚ ۧÙŰźÙ۱ Ùۣ۱ŰČÙÙۧ Ù Ù ŰÙŰȘ Ùۧ ÙŰŰȘ۳ۚ 31 wa aleykoum selam tu as connu les ampoules chez nous on pratique ça? ça fait pas plus mal...ou les cataplasmes de moutarde pour les bronches....c'est une pratique de mĂ©decine ancestrale connue...avant pas sure qu'il avait des petites lames pour les incisions celĂ devait ĂȘtre au silex ... salam alaykum ca doit faire mal.... merci car je connaissais pas du tout et ca s'appelle " hijama " , des saignĂ©es ?. Drianke ۧÙÙÙÙ Ű„ÙŰȘŰ ÙÙۧ ŰŁŰšÙۧۚ ۧÙŰźÙ۱ Ùۣ۱ŰČÙÙۧ Ù Ù ŰÙŰȘ Ùۧ ÙŰŰȘ۳ۚ 32 La saignĂ©e est prĂ©conisĂ©e quand on a trop de fer par exemple, tu sais trĂšs bien que celĂ existe de puis mathuzalem faut arrĂȘter de parler de superstition...quand c'est un sujet ou y'a l'islam alors on est des tarĂ©s quand on regarde l'histoire du monde et de la mĂ©decine on est loin d'ĂȘtre des kons justement du fait d'ĂȘtre des musulmans! A ton avis le don de sang c'est quoi si ce n'est qu'une saignĂ©e? A quoi on reconnait du "bon" et du "mauvais" sang ? Y a t il eu des Ă©tudes prouvant que cette mĂ©thode donne des rĂ©sultats diffĂ©rents d un placebo ? En gros qu est ce qui prouve que ça n est pas de la simple superstition ? 33 Tu ne dois pas savoir ce qu'est l'arthrose je pense....le sang on s'en fiche dans cette pathologie en fait on a besoin plutĂŽt d'huile car ça rouille... tu serais etonnĂ© du "pouvoir de la hijama" Nalinux It's not a bug, it's a feature. 34 La saignĂ©e est prĂ©conisĂ©e quand on a trop de fer par exemple, tu sais trĂšs bien que celĂ existe de puis mathuzalem faut arrĂȘter de parler de superstition...quand c'est un sujet ou y'a l'islam alors on est des tarĂ©s quand on regarde l'histoire du monde et de la mĂ©decine on est loin d'ĂȘtre des kons justement du fait d'ĂȘtre des musulmans! A ton avis le don de sang c'est quoi si ce n'est qu'une saignĂ©e? Le don du sang c est pour le donner a d autres, c est pas pour sa santĂ© personnelle. Ăa n a absolument aucun rapport, et tu le sais trĂšs bien. Si la saignĂ©e est prĂ©conisĂ©e lorsqu il y a trop de fer, comment est dĂ©terminĂ© ce trop plein de fer par celui qui la pratique ? C est pas une histoire de musulmans ou pas. Comme tu le dit, c est une pratique ancienne, avant mĂȘme l Islam. De plus, elle Ă©tait aussi pratiquĂ©e en Europe catholique. La danse de la pluie aussi est une pratique ancienne. Est elle efficace ? C est pas parce que un truc est ancien que il est nĂ©cessairement faux, mais pas nĂ©cessairement vrai non plus. Si c est efficace, ca doit se prouver. Ou sont les preuves ? Comment diffĂ©rencier du bon et du mauvais sang, sans faire d analyses en laboratoire ? Qu est ce qui prouve que ca n est pas de la simple superstition et un effet placebo ? 35 A quoi on reconnait du "bon" et du "mauvais" sang ? Y a t il eu des Ă©tudes prouvant que cette mĂ©thode donne des rĂ©sultats diffĂ©rents d un placebo ? En gros qu est ce qui prouve que ça n est pas de la simple superstition ? la hijama a guerrit pas mal de personne et ce n'est pas du a l'effet placebo de toute façon il est clairement prouvĂ© que les toxines par ex peuvent causĂ© pas mal de probleme notament l'obeisitĂ© etc la hijama permet d'epurer ce sang et degager les toxines maintenant si tu es musulmans sache que Anas Ibn MĂąlik quâAllah lâagrĂ©e rapporte que le Messager dâAllah salla Allahou alayhi wa salam a dit Pendant mon Voyage Nocturne, je ne suis pas passĂ© devant un groupe sans quâils ne me disent Ă Muhammad ! Ordonne Ă ta communautĂ© de pratiquer Al-HijĂąmah. » LesmĂ©canismes Ă lâorigine des douleurs neuropathiques pĂ©riphĂ©riques demeurent encore mĂ©connus. Câest pourquoi soulager les personnes qui en sont victimes reste difficile. Cependant, un nouveau traitement basĂ© sur lâaction des endorphines, substances produites par notre cerveau, est en dĂ©veloppement. La saison des abricots arrive, et en plus d'ĂȘtre dĂ©licieux, les abricots ont de nombreux bienfaits pour la santĂ©. Ce fruit, si appĂ©tissant en Ă©tĂ©, peut protĂ©ger contre le cancer, aide Ă perdre du poids et empĂȘche les crises plus l'abricot est biologique, mieux il conservera toutes ses propriĂ©tĂ©s bĂ©nĂ©fiques, puisque les pesticides et les herbicides Ă©liminent, dans de nombreux cas, ses de l'abricotLes abricots bĂ©nĂ©fiques sont composĂ©s de diffĂ©rentes vitamines et minĂ©raux tels queCalciumFerMagnĂ©siumZincSĂ©lĂ©niumIodeSodiumPotassiumPhosphoreFibreVitamine contient beaucoup de vitamines et de minĂ©raux qui contribuent Ă la protection et au bon fonctionnement des organes. Parlant un peu de ses propriĂ©tĂ©s les plus remarquables, nous soulignons ce qui suitCaloriesLes abricots sont des fruits Ă faible teneur en calories. Chaque 100 grammes de ce fruit contient seulement environ 50 calories, ce qui en fait un fruit qui peut aider Ă perdre du Les abricots sont riches en fibres solubles, dissoutes comme un gel, aidant Ă lier les acides gras pour faciliter l'excrĂ©tion des abricots frais sont une source riche en potassium, cependant, quand ils sont secs, ils contiennent beaucoup plus de ce minĂ©ral. Le potassium liĂ© au sodium aide Ă niveler l'eau intracellulaire et extracellulaire, rĂ©sultant en une pression artĂ©rielle abricots ont la quantitĂ© de fer nĂ©cessaire pour aider le corps Ă absorber les diffĂ©rents minĂ©raux et pour Ă©viter les problĂšmes anĂ©miques. Pour que le fer soit absorbĂ© efficacement dans le corps, il est nĂ©cessaire d'avoir une source de vitamine C. Les abricots sont riches en vitamine C, c'est pourquoi ils sont apprĂ©ciĂ©s pour avoir ces abricots sont une riche source de vitamines, qui deviennent de puissants antioxydants. Ils ont une teneur Ă©levĂ©e en bĂȘta-carotĂšne qui se transforme en vitamine A qui protĂšge le corps contre les effets des radicaux d'abricotAcuitĂ© visuelleLes abricots sont riches en bĂȘta - carotĂšne, un composĂ© qui est converti en vitamine A dans le corps et ce qui est essentiel pour la bonne santĂ© de contre les toxinesLes abricots aident Ă Ă©liminer les toxines du cĂŽlon, des reins, de l'estomac et du foie grĂące Ă leur teneur Ă©levĂ©e en fibres. Ils sont Ă©galement riches en posatio, ce qui rĂ©duit les chances d'obtenir des Ă perdre du poidsEn plus d'avoir un effet rassasiant, les abricots contiennent des sucres naturels dans les fruits qui vont augmenter les niveaux de sucre dans le abricots sont riches en antioxydants, en particulier en acide chlorogĂ©nique, connu pour protĂ©ger le corps contre le cancer et d'autres maladies le coeurLes abricots sont riches en fer et en vitamine E, des substances essentielles pour maintenir un cĆur en les reinsLe potassium des abricots est un composant qui rĂ©duit les maladies rĂ©nales. Manger ce fruit prĂ©vient la nĂ©phrite et aide Ă Ă©liminer les calculs la peauLes niveaux de vitamine C des abricots sont trĂšs Ă©levĂ©s et cette vitamine est un ingrĂ©dient essentiel pour maintenir une peau jeune et abricots contiennent du lycopĂšne Ă la vitamine C Ă travers l'acide chlorogĂ©nique. Tous ces antioxydants rendent le corps en forme et protĂšgent contre les radicaux libres qui causent des maladies telles que le cancer, les maladies auto-immunes et le ViagraPour mettre fin aux problĂšmes d'une mauvaise Ă©rection, il faut suivre un rĂ©gime abricot stable et ainsi remplacer la cĂ©lĂšbre traite Ă©galement le problĂšme de la mauvaise Ă©rection qui ne laisse pas d'avoir une relation calme et consommation d'abricots peut-elle attĂ©nuer les maladies?Oui, l'abricot peut contribuer Ă attĂ©nuer plusieurs problĂšmes de santĂ©, tels que les suivantsAnĂ©mieĂtant un fruit riche en fer, l'abricot peut favoriser la lutte contre l'anĂ©mie. En outre, il contient du fer du cuivre et de la vitamine C, qui facilitent l'absorption du fer dans le corps. Autrement dit, la consommation rĂ©guliĂšre de l'abricot aide le corps Ă rĂ©cupĂ©rer facilement de l' abricots contiennent de la cellulose et de la pectine qui agissent comme un laxatif qui aide Ă combattre la constipation. La cellulose est un type de fibre soluble qui favorise les mouvements de l' digestifsLa consommation rĂ©guliĂšre des abricots tous aide Ă prĂ©parer l'estomac afin que la nourriture ne tombe pas lourde, et aussi causer une mauvaise digestion. Les abricots neutralisent aussi les acides avec leur rĂ©action qui souffrent des problĂšmes avec la tempĂ©rature, peuvent consommer un abricot pour abaisser la tempĂ©rature. Un remĂšde naturel et trĂšs efficace pour rĂ©duire la fiĂšvre est de liquĂ©fier ce fruit, avec de l'eau et un peu de miel. En cas de problĂšmes de fiĂšvre, gĂ©nĂ©ralement le corps commence Ă montrer un peu de hydrate et nourrit le corps avec des minĂ©raux et des vitamines qui servent de dĂ©fense contre cette de la peauL'huile d'abricot aide la peau Ă maintenir un ton clair et sain, ce qui empĂȘche la lumiĂšre du soleil qui les affectent. Pour en profiter, utiliser de l'huile d'abricot directement sur la peauĂ l'aide d'un massage doux. En mĂȘme temps, il sert Ă guĂ©rir les maladies cutanĂ©es telles que la gale, l'eczĂ©ma ou les les problĂšmes d'ostĂ©oporoseL'abricot contient du calcium qui renforce les os et les articulations. Les propriĂ©tĂ©s de ce fruit renforcent l'ensemble du systĂšme osseux, prĂ©venant ainsi les problĂšmes de dĂ©calcification, tels que l' les problĂšmes cĂ©rĂ©braux cardiovasculairesLa consommation d'abricots rĂ©gule la pression artĂ©rielle, ce qui empĂȘche l'obstruction des artĂšres. Pour cette raison, c'est un fruit qui contribue Ă la prĂ©vention de maladies telles que la dĂ©mence sĂ©nile, l'irrigation cĂ©rĂ©brale ou cardiaque et la redoutable maladie d' d'abricotLes abricots aptes Ă la fabrication de jus devraient avoir une couleur jaune foncĂ©, presque orange. Il est important qu'ils soient durs et frais. Il faut enlever l'os et ce n'est pas grave si la peau reste, en fait, sans ĂȘtre organique, c'est mieux. La saveur est amĂ©liorĂ©e si nous la combinons avec des d'abricotPour les smoothies, il est prĂ©fĂ©rable d'utiliser des abricots secs car ils sont plus d'abricotLes noyaux d'abricot contiennent de l'amygdaline, qui est utilisĂ©e pour fabriquer le mĂ©dicament contre le cancer. Ce mĂ©dicament n'est pas approuvĂ© pour utilisation aux Ătats-Unis, mais les noyaux d'abricot contenant de l'amygdaline sont souvent vendus comme supplĂ©ments. Alors que des Ă©tudes de laboratoire ont suggĂ©rĂ© que l'amygdale a des propriĂ©tĂ©s anticancĂ©reuses, les essais cliniques Ă l'Institut national du cancer ne l'ont pas trouvĂ© efficace. Pendant ce temps, la consommation de l'amygdale, un glucoside cyanogĂšne, peut entraĂźner des effets secondaires d'un empoisonnement au cyanure, rapporte Memorial Cancer Center Sloan-Kettering Ă New pour amĂ©liorer l'effet d'abricotLes troubles de la vision L'abricot se combine trĂšs bien avec Ă©pinards, chou, mandarine, abricot, courge, canneberge, mĂ»re, carotte et de nervositĂ© L'abricot se combine trĂšs bien avec l'avoine, le germe de blĂ©, les noix, la laitue, avocat, noix de cajou, pois, fruits de la passion, le pollen, le malt, le miel, pois chiches, noix du BrĂ©sil, la gelĂ©e royale, la banane et les grains problĂšmes cutanĂ©s L'abricot se combine trĂšs bien avec le lait de soja, les lĂ©gumes, l'artichaut, les endives, les carottes, l'escarole, l'ail, l'huile d'onagre et la contre l'obĂ©sitĂ© L'abricot est trĂšs utile en le prenant comme le seul dĂźner pendant 15 jours indĂ©sirables d'abricotEffets secondairesIl est possible d'Ă©prouver des symptĂŽmes de toxicitĂ© lĂ©gĂšre de cyanure en mangeant des noyaux d'abricot. Ces symptomes incluent le mal de tĂȘte, le vomissement, la nausĂ©e et le secondaires gravesLes symptĂŽmes les plus troublants associĂ©s Ă une intoxication au cyanure comprennent la surveillance de la perte, cyanose diminution de l'oxygĂšne dans le sang, ce qui peut provoquer une coloration bleutĂ©e de la peau, ptosis causes paupiĂšres tombĂ©, et l'hypotension artĂ©rielle. Cela peut aussi entraĂźner des neuropathies ou des dommages aux nerfs. L'empoisonnement au cyanure peut Ă©galement entraĂźner des dommages au et allaitementLes experts conseillent les femmes enceintes ou allaitantes d'Ă©viter les noyaux d'abricot en raison du risque de toxicitĂ© au d'AbricotĂviter de prendre de l'abricot dans le cas d'une gastro-entĂ©rite ou un processus diarrhĂ©ique, car l'abricot a un grand pouvoir Phenolic compounds and vitamins in wild and cultivated apricot Prunus armeniaca L. fruits grown in irrigated and dry farming conditions[2] 8 Amazing Apricot Benefits The Nutritional Heavyweight Among Fruits[3] 27 Amazing Benefits And Uses Of Apricots Sices effets persistent au-delĂ de 48h aprĂšs la sĂ©ance, consultez un mĂ©decin. La quantitĂ© de sang extraite nâest en aucun cas un signe de hijĂąma profitable, « rĂ©ussie » ou autre. La quantitĂ© de sang variera dâune personne Ă lâautre et des fois, pour une mĂȘme personne dâune sĂ©ance Ă lâautre en fonction de :-La pĂ©riode du mois lunaire (le sang est agitĂ© par l FORMATION SHIATSU COMMISSION 36,50âŹCOMME D AUTRES MEDECINES ALTERNATIVES, LE SHIATSU EST UNE METHODE DE SOIN GLOBAL. CETTE THERAPIE ANCESTRALE COMBINE DES CONCEPTS DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE CHINOISE MTC FORMATION SHIATSU TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUSVotre Formation Certifiante Souhaitez-vous profiter d'une promotion exclusive pour cette formation ? Oui! Je souhaite obtenir cette formation Soigner efficacement grĂące au massage shiatsu De nos jours, nombreux sont ceux qui souffrent de douleurs chroniques, de problĂšmes de santĂ© divers, de stress et de troubles Ă©motionnels. La mĂ©decine conventionnelle fait de son mieux pour traiter ces symptĂŽmes, sans pour autant soigner le corps dans son ensemble. Peu Ă peu, ces manifestations physiques ou psychologiques finissent par nuire au bonheur et au bien-ĂȘtre de lâindividu. La solution rĂ©side donc ailleurs, dans une approche de soin plus naturelle et holistique. Le shiatsu est lâune dâelles. Le shiatsu regroupe des techniques utilisĂ©es en acupuncture, en yoga stretching, en massages thaĂŻ, suĂ©dois, classique⊠Sa particularitĂ© est dâajouter la dimension de lâesprit Ă lâapproche physique ce qui en fait lâune des thĂ©rapies naturelles les plus efficaces. Une thĂ©rapie ancestrale Comme dâautres mĂ©decines alternatives, le shiatsu est une mĂ©thode de soin global. Cette thĂ©rapie ancestrale combine des concepts de la mĂ©decine traditionnelle chinoise MTC et des techniques manuelles japonaises. Elle est destinĂ©e Ă soutenir le corps dans son processus naturel de guĂ©rison. Ce systĂšme de soin complet peut servir en traitement symptomatique, mais aussi prĂ©ventif. Il peut ĂȘtre employĂ© Ă tout moment de la vie sauf en cas dâurgence vitale. Comme lâacupuncture, le shiatsu stimule lâĂ©nergie vitale du corps le qi ou chi. La personne prend conscience de son corps et de son esprit, comme dâun ensemble indissociable. En comprenant ses zones de tension ou de faiblesse sur le plan physique ou Ă©motionnel, la guĂ©rison peut alors se produire. Toucher pour soigner dĂ©couvrez le massage Shiatsu La pratique du shiatsu peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une forme de massage. Ce forme de massage est dispensĂ© Ă travers les vĂȘtements, et intĂšgre des points de pression et des postures simples. Le shiatsu travaille ainsi le corps physique, les muscles, les articulations, le sang... De plus en plus populaire en France, cette mĂ©thode de soin ne cesse de se dĂ©velopper, et la demande pour les praticiens en massage shiatsu ne cesse de croĂźtre. Une voie ouverte sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre Cette formation est destinĂ©e Ă vous former Ă la pratique du shiatsu. En onze modules, vous dĂ©couvrirez la thĂ©orie et la pratique grĂące Ă de nombreux exercices. Nous mettons Ă votre disposition des supports PDF tĂ©lĂ©chargeables, mais aussi des fichiers MP3, des visuels et des vidĂ©os. Ils faciliteront votre apprentissage de la thĂ©orie, mais aussi de la pratique. Vous Ă©tudierez Ă votre rythme, en pratiquant chez vous ou en dĂ©placement, en fonction de votre emploi du temps, de votre rythme de vie et de votre temps libre. Ă lâissue des onze modules, un examen final validera votre certification de praticien en massage shiatsu. En vous lançant dans ce mĂ©tier passionnant et enrichissant de praticien en massage shiatsu, vous amĂ©liorerez Ă©galement votre propre santĂ© en nourrissant votre corps et votre esprit de nouvelles connaissances. Et quelle satisfaction vous aurez de voir tant de gens se transformer grĂące Ă vous ! Voici le programme dĂ©taillĂ© de la formation Cliquez sur chaque module pour en dĂ©couvrir le contenu MODULE 1 â LES BASES DE LA TRADITION SHIATSU Ce premier module dĂ©finit le mĂ©tier de praticien shiatsu et pose les bases de la pratique. Dans ce module, vous dĂ©couvrirez âą lâhistoire du shiatsu ; âą les bases de lâapproche par la mĂ©decine traditionnelle chinoise ; âą la science du qi et de lâĂ©nergie ; âą la thĂ©orie du yin et du yang ; âą la technique Ă deux mains ; âą les mĂ©ridiens ; âą les cinq Ă©lĂ©ments ; âą le cycle de production mutuelle et le cycle de restriction mutuelle ; âą lâĂ©quilibre entre production et restriction ; âą le fonctionnement du shiatsu ; âą le travail sur le qi ; âą les bienfaits du shiatsu sur la santĂ©. MODULE 2 âPRĂPARATION DU PRATICIEN Dans ce module, vous dĂ©couvrirez comment se prĂ©pare le praticien avant de donner un traitement shiatsu. Cette prĂ©paration sâarticule autour de deux aspects la prĂ©paration mentale et la prĂ©paration physique axĂ©e sur le corps. Ce module abordera âą lâexercice de respiration consciente ; âą lâexercice dâobservation consciente ; âą lâexercice de prise de conscience du ciel et de la terre ; âą les postures lors de la pratique ; âą les exercices pour les mains, les doigts et les poignets ; âą lâexercice de respiration par le ventre ; âą lâexercice de respiration ventre assis ; âą la relaxation musculaire progressive ; âą la mĂ©ditation scan du corps » ; âą comment prendre soin de son alimentation. MODULE 3 âPRĂREQUIS Ă LA PRATIQUE DU SHIATSU, LES BONNES POSTURES ET LES TECHNIQUES DE PRESSION Ce module abordera la pratique du shiatsu. Les Ă©lĂ©ments de base indispensables Ă votre future pratique seront dĂ©taillĂ©s. Dans ce module, vous Ă©tudierez âą Le pouvoir de lâintention ; âą Un exercice pour prendre conscience de son qi ; âą La visualisation mentale etun exercice pour la dĂ©velopper ; âą Les contre-indications Ă la pratique du shiatsu ; âą les bases de la pratique le hara, le relĂąchement et le travail avec le poids du corps ; âą Comment pratiquer le shiatsu ; âą Le mouvement de base ; âą La bonne utilisation du hara dans cette position ; âą Les points de pression ; âą La pression des paumes, du pouce et des doigts ; âą La technique Dragonâs Mouth ; âą La pression des coudes, des genoux et des pieds ; âą La technique des deux mains connectĂ©es. MODULE 4 âLA ROUTINE DE BASE SHIATSU BIEN-ĂTRE ET RELĂCHEMENT Dans ce module, nous dĂ©velopperons dâautres mouvements shiatsu et certains principes. Vous dĂ©couvrirez âą les techniques de rotation et dâĂ©tirement les mouvements rotatoires, les rotations de bras et de jambe ; âą lâĂ©tirement global ; âą lâĂ©tirement latĂ©ral ; âą lâĂ©tirement du bras ; âą lâĂ©tirement de lâensemble du haut du corps ; âą la routine de base ; âą comment Ă©couter le hara ; âą comment terminer la routine. MODULE 5 â THĂORIE ET TECHNIQUES SUR LES MĂRIDIENS ANTĂRIEURS Dans ce nouveau module, nous aborderons les points suivants âą la diffĂ©rence entre mĂ©decine traditionnelle chinoise et shiatsu ; âą les mĂ©ridiens shiatsu ; âą la classification des mĂ©ridiens ; âą les points de pression et les mĂ©ridiens, les tsubos ; âą le cycle mĂ©ridien ; âą les mĂ©ridiens des poumons et du gros intestin ; âą les mĂ©ridiens de la rate et de lâestomac ; âą la routine shiatsu pour les mĂ©ridiens antĂ©rieurs. MODULE 6 â THĂORIE ET TECHNIQUES SUR LES MĂRIDIENS POSTĂRIEURS Dans ce module, nous poursuivrons notre apprentissage des mĂ©ridiens. Nous aborderons âą le mĂ©ridien du cĆur ; âą le mĂ©ridien de lâintestin grĂȘle ; âą le mĂ©ridien de la vessie ; âą le mĂ©ridien du rein ; âą les rotations du bassin ; âą la routine shiatsu pour le traitement des mĂ©ridiens postĂ©rieurs. MODULE 7 â THĂORIE ET TECHNIQUES SUR LES MĂRIDIENS LATĂRAUX Dans ce module, nous Ă©tudierons les quatre derniers mĂ©ridiens et les techniques manuelles pour les traiter âą le mĂ©ridien du pĂ©ricarde ; âą le mĂ©ridien du triple rĂ©chauffeur ; âą le mĂ©ridien de la vĂ©sicule biliaire ; âą le mĂ©ridien du foie ; âą la routine shiatsu pour les mĂ©ridiens latĂ©raux. MODULE 8 â LE BILAN SHIATSU Ătablir un bilan shiatsu permet de cibler un ou plusieurs mĂ©ridiens en dĂ©sĂ©quilibre. Il vous guidera dans les traitements que vous proposez. Voici les notions abordĂ©es dans ce module âą les causes habituelles de la maladie ; âą le concept des huit principes ; âą les quatre examens du bilan shiatsu ; âą le kyo et le jitsu ; âą les postures et les modĂšles du qi ; âą la palpation ; âą le bilan par les mĂ©ridiens ; âą le bilan hara ; âą lâinterrogatoire shiatsu. MODULE 9 â INTERPRĂTER UN BILAN SHIATSU Dans ce module, vous apprendrez Ă dĂ©tecter les zones ou les mĂ©ridiens Ă travailler. Vous apprendrez Ă©galement Ă interprĂ©ter un bilan pour prĂ©parer une sĂ©ance de soin. Voici les points abordĂ©s âą lâĂ©lĂ©ment mĂ©tal les mĂ©ridiens des poumons et du gros intestin et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; âą lâĂ©lĂ©ment eau les mĂ©ridiens du rein et de la vessie et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; âą lâĂ©lĂ©ment bois les mĂ©ridiens du foie et de la vĂ©sicule biliaire et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; âą lâĂ©lĂ©ment feu les mĂ©ridiens du cĆur, du triple rĂ©chauffeur, du pĂ©ricarde et de lâintestin grĂȘle et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; âą lâĂ©lĂ©ment terre les mĂ©ridiens de la rate et de lâestomac et les signes de dĂ©sĂ©quilibre ; âą comment interprĂ©ter le bilan shiatsu ; âą comment interprĂ©ter le bilan hara. MODULE 10 â LâORGANISATION DâUNE SĂANCE SHIATSU Dans ce module, vous dĂ©couvrirez dâautres techniques en shiatsu et quelques cas particuliers. Les points suivants seront abordĂ©s âą L'organisation dâune sĂ©ance shiatsu ; âą Le soin shiatsu ; âą lâimportance de maintenir le contact avec vos deux mains ; âą Le ressenti du client pendant le soin ; âą La durĂ©e dâune sĂ©ance shiatsu ; âą Les Ă©lĂ©ments clĂ©s de la sĂ©ance ; âą LâaprĂšs-traitement ; âą Des conseils sur le mode de vie ; âą Des conseils pour les mĂ©ridiens des poumons et du gros intestin mĂ©tal ; âą Des conseils pour les mĂ©ridiens du cĆur et de lâintestin grĂȘle feu ; âą Des conseils pour les mĂ©ridiens de lâestomac et de la rate terre ; âą Des conseils pour les mĂ©ridiens de la vessie et des reins eau ; âą Des conseils pour les mĂ©ridiens du triple rĂ©chauffeur et du pĂ©ricarde feu ; âą Des conseils pour les mĂ©ridiens du foie et de la vĂ©sicule biliaire bois âą Comment travailler en rythme et de façon fluide ; âą Comment sâentraĂźner sur le mĂ©ridien du poumon. 11 â TRAITEMENT DES MALADIES ET SYMPTĂMES COURANTS Voici les Ă©lĂ©ments qui constituent ce dernier module âą Le traitement shiatsu du visage ; âą Le shiatsu pour les enfants ; âą Le shiatsu pour la femme enceinte ; âą La routine shiatsu en position assise ; âą Le traitement shiatsu pour les maladies et symptĂŽmes courants asthme, rhume, toux, troubles ORL, problĂšmes oculaires, fiĂšvre, maux de tĂȘte, douleur de hanche, insomnie, troubles digestifs, problĂšmes et douleurs articulaires, douleurs lombaires, problĂšmes circulatoires, sinusite ; âą Les conseils dâinstallation et de dĂ©veloppement de votre activitĂ© ; âą Le marchĂ© du shiatsu et comment cibler vos clients ; âą Comment crĂ©er votre propre site internet ; âą DiffĂ©rentes stratĂ©gies de communication ; âą Vos tarifs et votre revenu ; âą Comment gĂ©rer les tĂąches administratives ; âą Les lieux dâexercice travailler Ă domicile, pour une clinique ou une entreprise. Une fois terminĂ© le programme avec succĂšs, vous avez la possibilitĂ© dâimprimer votre certification Vous ĂȘtes prĂȘts Ă commencer ? DEVENEZ PRATICIEN EN SHIATSU POUR 87 ⏠AU LIEU DE 525 ⏠! JE MâOFFRE LA FORMATION ET JE DĂMARRE MAINTENANT Ils nous font confiance Caroline A. Je suis ravie des formations. J'ai commencĂ© Ă en acheter une, puis j'en ai pris 6! le contenu est vraiment top. J'avais commencĂ© une formation Ă 6000 euros en ligne dans une autre grande Ă©cole, je suis entrain de rĂ©silier je vais y perdre beaucoup mais tant pis. La qualitĂ© des supports est incomparable! Camille J. Les cours sont structurĂ©s, clairs et Ă©tayĂ©s d'exemples concrets. La prĂ©sentation est trĂšs attractive et les exercices pertinents. Merci Susana M. Les cours sont trĂšs abordables et trĂšs variĂ©s. La palette proposĂ©e est grande et intĂ©ressante. C'est gĂ©nial que de pouvoir Ă©tudier Ă son rythme et de revenir facilement sur des modules prĂ©cĂ©dents. Tout est facilement tĂ©lĂ©chargeable et grĂące à ça on peut soit les imprimer soit les garder sur ordinateur pour Ă©tudier partout ! Tout est bien expliquĂ© et facile Ă comprendre. Merci de mettre de tels cours Ă portĂ©e de main ! Questions frĂ©quemment posĂ©es Comment dois-je procĂ©der pour mâinscrire ? Une fois le paiement validĂ©, vous ĂȘtes dirigĂ© vers une plateforme oĂč vous devez crĂ©er un mot de passe. DĂšs rĂ©ception de cet e-mail, vous bĂ©nĂ©ficiez dâune pĂ©riode dâessai de 30 jours. Que dois-je faire si je perds mes identifiants ? Vous pouvez adresser votre requĂȘte par e-mail Ă lâadresse suivante support Nous vous conseillons toutefois de noter vos identifiants dĂšs rĂ©ception de lâe-mail confirmant votre inscription. Combien de temps faut-il pour valider lâensemble de la formation ? Vous avez un accĂšs illimitĂ© et Ă vie aux programmes de formation. Vous pouvez dĂ©buter votre formation lorsque vous le dĂ©sirez, il nây a pas de limite de temps pour la valider. Notez quâil vous faudra prĂ©voir entre 30 minutes et 2 heures pour complĂ©ter chaque module. Des dĂ©placements sont-ils Ă prĂ©voir ? Non. Lâensemble de la formation se dĂ©roule en ligne. GrĂące Ă vos identifiants, les outils et supports pĂ©dagogiques sont accessibles depuis nâimporte quel ordinateur, tablette ou smartphone. Les formations sont accessibles de nâimporte quel endroit, dans la mesure oĂč vous disposez dâune connexion Internet. Si je change dâavis, puis-je annuler mon inscription ? Oui, vous disposez dâun dĂ©lai de rĂ©traction de 30 jours Ă compter de la validation du paiement. Comment suis-je Ă©valuĂ© en cours de formation ? Vous trouverez un quiz Ă la fin de chaque module. Ces quiz ne sont pas obligatoires mais sont recommandĂ©s pour faire le point et vous prĂ©parer Ă lâexamen final. A la fin de la formation, un examen sous forme de questionnaire Ă choix multiples est proposĂ©. Pour le valider, il faut obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses. Si votre score est infĂ©rieur Ă 80 % de bonnes rĂ©ponses, vous aurez la possibilitĂ© de repassez lâexamen. DĂšs que vous lâaurez rĂ©ussi, vous pourrez imprimer votre certification en ligne. Que dois-je faire si je nâarrive pas Ă tĂ©lĂ©charger les supports ? DĂ©connectez-vous et relancez votre connexion sur le site. Si un support audio ou PDF prĂ©sente des difficultĂ©s de lecture, tentez son ouverture sur un autre navigateur ou mettez-le en pause selon votre dĂ©bit Internet, cela peut demander un certain temps de chargement. Veillez Ă tenir votre navigateur Ă jour et vĂ©rifiez vos plug-in. Pensez Ă©galement Ă vider vos caches et vos cookies de temps Ă autre. Vous pouvez aussi vĂ©rifier quâaucun pare-feu ni anti-virus ne bloque lâouverture. Que dois-je faire si je nâarrive pas Ă visualiser les tests ou imprimer ma certification ? Vous devez tĂ©lĂ©charger la derniĂšre version dâAdobe Flash Player et changer de navigateur. Il vous faudra utiliser Firefox ou Microsoft Edge. Quels sont les supports utilisĂ©s pour les formations ? Le certificat ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă un diplĂŽme seul le ministĂšre de lâĂducation nationale est habilitĂ© Ă en dĂ©livrer. Il permet cependant de valoriser de maniĂšre officielle le niveau de qualification obtenu grĂące Ă cette formation. Que ce soit pour rassurer vos clients ou pour renforcer votre CV, ce certificat peut ĂȘtre un atout supplĂ©mentaire dans votre parcours professionnel. Nos certificats attestent non seulement des connaissances acquises au cours de la formation, mais aussi de votre assiduitĂ© Ă suivre le cours. Pour obtenir un certificat, vous devez avoir suivi lâintĂ©gralitĂ© de la formation et avoir accompli les tests prĂ©vus dans le programme. Par ailleurs, vous devez obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses lors de lâexamen final. Si vous avez validĂ© lâexamen, lâordinateur gĂ©nĂšre le certificat, mais celui-ci nâest pas datĂ©. Vous pouvez ajouter la date Ă la main ou en utilisant le logiciel Photoshop. Nous offrons aussi la possibilitĂ© Ă ceux et Ă celles qui en font la demande de leur envoyer un certificat original signĂ©, imprimĂ© par nos soins, avec le tampon de notre sociĂ©tĂ© et la date de validation de lâexamen. Le coĂ»t est de 33 ⏠frais de port inclus. Il suffit pour cela de nous fournir la preuve que vous avez rĂ©ussi lâexamen soit en faisant une capture dâĂ©cran, soit en scannant le certificat imprimable que vous avez obtenu de confirmer la date ; de confirmer lâadresse postale pour lâenvoi. Ce certificat vous sera envoyĂ© par la poste sous 15 jours. Nos formations sont reconnues par IPHM International Practioners of Holistic Medecine. Les formations sont-elles accessibles Ă tous ? Nos formations sâadressent aussi bien aux dĂ©butants quâaux professionnels. Quâil sâagisse de complĂ©ter vos connaissances ou dâapprendre un nouveau mĂ©tier, nos formations vous seront accessibles. Le langage utilisĂ© est simple et les techniques couvertes largement expliquĂ©es. Nos formations sont reconnues internationalement Nos formations sont accrĂ©ditĂ©es par IâIPHM International Practitioners of HolisticMedecine, le CMA ComplementaryMedical Association et le CPD Centre of CPD Excellence, ce qui signifie que vous pouvez exercer partout dans le monde. Leur objectif est de vous donner des outils thĂ©oriques et pratiques pour conseiller des particuliers, ou Ă©largir vos connaissances si vous ĂȘtes dĂ©jĂ praticien. DEVENEZ PRATICIEN EN SHIATSU POUR 87 ⏠AU LIEU DE 525 ⏠! JE MâOFFRE LA FORMATION ET JE DĂMARRE MAINTENANT Besoin dâaide ? Contactez-nous via support ou +33 01 74 90 03 95 Working... METHODE PLUS JAMAIS D'ACNE COMMISSION 25,90âŹLE BEST SELLER DE MIKE WALDEN ENFIN DISPONIBLE EN FRANCAIS SOIGNEZ VOTRE ACNE DE L'INTERIEUR POUR DES RESULTATS DURABLES. METHODE HOLISTIQUE TESTEE CLINIQUEMENT. 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Justin Skluzacek - Michigan âAprĂšs avoir appliquĂ© plusieurs de vos suggestions dans ma vie quotidienne, jâai vu une diffĂ©rence remarquable sur mon acnĂ© ! 6 semaines seulement aprĂšs le dĂ©but du programme et il ne me restait plus quâun modeste et UNIQUE petit bouton sur le nez. Le reste de mon visage Ă©tait tout Ă fait clair et le nombre points noirs et mĂȘme de marques rouges que jâavais depuis des annĂ©es ont complĂštement disparusâ. Isabel Bruso - BC, Canada âJâai eu une acnĂ© sĂ©vĂšre Ă la fois sur mon visage et le dos, et aprĂšs avoir essayĂ© des dizaines de traitements des dermatologues, je me suis retrouvĂ© encore frustrĂ©e par mon problĂšme dâacnĂ© invalidante. Votre programme a fait un travail fantastique et mâa montrĂ© le droit chemin⊠En moins dâun mois, la plupart de mon acnĂ© a disparu totalement !â Edith Morozin - France âEn ce moment ma peau est parfaitement claire, pour la premiĂšre fois en 3 ans. Cela fait environ 9 semaines et tout mon acnĂ© a disparue. Câest une nouvelle sensation de se rĂ©veiller tous les matins avec la peau claire.â Amy Mullery - Dublin, Ireland âAujourdâhui, je n'ai plus de nouvelles Ă©ruptions. Ma peau paraĂźt plus jeune, plus lumineuse et plus lisse aprĂšs moins de 7 semaines. Ce livre a Ă©tĂ© de loin mon meilleur investissement depuis des annĂ©es.â Kevin Larcom - Idaho âIl a fallu peu moins de deux mois pour que je vois vraiment une diffĂ©rence. Mon acnĂ©, les points noirs et beaucoup dâautres problĂšmes de peau que jâavais ⊠comme lâeczĂ©ma ⊠avait complĂštement disparu ! Câest totalement incroyable âŠâ Sharon Milano - âMa peau brille et semble dynamique. SĂ©cheresse partie, des kystes disparus, les points noirs disparus et je me sens en pleine forme !â Peter Chadwick - âVotre systĂšme mâa vraiment aidĂ© Ă garder ma peau sous contrĂŽle sur le long terme, sans les effets secondaires des mĂ©dicaments et produits chimiques. 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Oui je veux vivre sans acnĂ© !TĂ©lĂ©chargez TOUT, TOUT DE SUITE Soit environ 39âŹTTC TVA rĂ©duite Ă 5,5% selon votre pays - voir page suivante Avec tous mes voeux de succĂšs pour en finir avec l'acnĂ© ! SpĂ©cialiste certifiĂ© en nutrition, consultant en santĂ©, chercheur en mĂ©decine et auteur de la mĂ©thode "Plus Jamais d'AcnĂ©" Politique de confidentialitĂ© - Termes et conditions - Contact Ce site utilise des cookies pour vous assurer la meilleure expĂ©rience utilisateur possible. Si vous continuez sur ce site, nous considĂ©rons que vous acceptez notre politique de de confidentialitĂ© FORMATION EN KINESIOLOGIE COMMISSION 36,50âŹLA KINESIOLOGIE EST UNE THERAPIE ETONNANTE, QUI MELE LES AVANTAGES DE LOSTEOPATHIE, DE LA CHIROPRACTIE ET DE S'APPUIE SUR LES PRINCIPES DE LA MEDECINE CHINOISE. FORMATION EN KINESIOLOGIE TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUSVotre Formation Certifiante Souhaitez-vous profiter d'une promotion exclusive pour cette formation ? Oui! Je souhaite obtenir cette formation Soigner par le toucher devenez praticien en kinĂ©siologie La kinĂ©siologie est une thĂ©rapie Ă©tonnante, qui mĂȘle les avantages de lâostĂ©opathie, de la chiropractie et de lâacupuncture. En sâappuyant sur les principes de la mĂ©decine chinoise, la kinĂ©siologie cherche Ă comprendre les dĂ©sĂ©quilibres touchant la santĂ© dâun individu pour que ce dernier retrouve lâĂ©quilibre sur tous les plans physique, Ă©motionnel, psychologique, mental, affectif et spirituel. La kinĂ©siologie part dâun indicateur simple le corps indique, grĂące Ă un test musculaire,ce qui doit ĂȘtre traitĂ©. Vous serez dâailleurs surpris de constater combien cette approche peut rĂ©soudre les troubles que dâautres traitements et thĂ©rapies ne parviennent pas Ă rĂ©gler. Quel est le contenu du programme ? Notre formation en kinĂ©siologie couvre les aspects fondamentaux de cette pratique en revenant aux principes essentiels de la mĂ©decine chinoise. Vous Ă©tudierez aussi les mĂ©thodes dĂ©veloppĂ©es par les pionniers de cette discipline notamment le Touch for Health qui sert de base au dĂ©roulement dâune sĂ©ance. Ă lâissue des 9 modules de cette formation, vous connaĂźtrez les mĂ©ridiens et les muscles correspondants, selon les techniques de la kinĂ©siologie actuelle. Vous dĂ©couvrirez la technique Touch for Health, abrĂ©gĂ©e TFH, et traduite en français par la SantĂ© par le toucher » ou SPT. Vous comprendrez la structure anatomique squelettique et musculaire et le systĂšme Ă©nergĂ©tique des mĂ©ridiens dans le corps, ainsi que leur correspondance avec les Ă©lĂ©ments, les saisons, les organes, etc. Chaque module apporte des informations thĂ©oriques, des explications dĂ©taillĂ©es des mouvements, des exercices prĂ©cis Ă rĂ©aliser, des techniques spĂ©cifiques et des Ă©tudes de cas. Ă qui sâadresse cette formation ? Cette formation en kinĂ©siologie sâadresse Ă tous. Ă la diffĂ©rence de la kinĂ©siologie appliquĂ©e, qui ne peut ĂȘtre enseignĂ©e quâĂ des professionnels de santĂ©, les kinĂ©siologies spĂ©cialisĂ©es Ă©nergĂ©tique, lâĂdu-kinĂ©siologie, le Brain Gym, le One Brain, etc. dispensĂ©es ici et regroupĂ©es sous le terme simple de kinĂ©siologie » sont accessibles Ă tous. John Thie a Ă©tĂ© le premier chiropracteur Ă vulgariser lâapproche de la kinĂ©siologie. Il souhaitait que chacun puisse en faire profiter sa famille et ses proches, et ensuite partager cette approche du toucher et de la santĂ© avec le plus grand nombre. En suivant cette formation, vous participez ainsi Ă ce grand partage nous vous enseignons les techniques utilisĂ©es en kinĂ©siologie pour votre bien-ĂȘtre et celui des autres. Pour rĂ©sumer, cette formation en kinĂ©siologie permet de âConnaĂźtre lâorigine et les diffĂ©rentes approches de la kinĂ©siologie ; âRetrouver lâintelligence du corps pour devenir son propre soignant ; âDĂ©velopper des connaissances en physiologie, anatomie, psychologie et Ă©nergie, afin de proposer des soins adaptĂ©s Ă tous ; âDĂ©couvrir le Touch for Health la SantĂ© par le toucher, technique conçue par un AmĂ©ricain, le Dr John Thie ; âPratiquer le test musculaire pour orienter un soin, puis vĂ©rifier ses bĂ©nĂ©fices ; âComprendre les mĂ©ridiens utilisĂ©s en mĂ©decine traditionnelle chinoise, afin de les mettre en correspondance avec les muscles principaux du corps humain ; âRĂ©tablir lâĂ©quilibre entre les dimensions physiques, structurelles, et psycho-Ă©motionnelles dâune personne ; âComprendre lâintĂ©rĂȘt de la kinĂ©siologie dans la rĂ©solution de nombreux problĂšmes liĂ©s notamment au stress, Ă la fatigue, les Ă©motions, le mental, etc. âPartager les bĂ©nĂ©fices de la kinĂ©siologie avec les autres. Voici le programme dĂ©taillĂ© de la formation Cliquez sur chaque module pour en dĂ©couvrir le contenu Module 1 - Introduction Ă la kinĂ©siologie Dans ce premier module Vous dĂ©couvrez ce quâest la kinĂ©siologie, dâoĂč elle vient, et Ă qui ou Ă quel type de problĂšme elle sâadresse ; Vous comprenez quâelle aide les personnes Ă se rééquilibrer ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail toutes les prĂ©cautions Ă prendre pour vous-mĂȘme et pour les autres ; Vous comprenez lâimportance du test musculaire et du travail de John Thie, le Touch for Health, comme base de toutes vos sĂ©ances ; Vous dĂ©couvrez le dĂ©roulement dâune sĂ©ance. Module 2 - PrĂ©tests et bases de la kinĂ©siologie Ă©nergĂ©tique Dans ce deuxiĂšme module Vous Ă©tudiez les principes de la mĂ©decine chinoise qi, yin, yang, mĂ©ridiens... ; Vous reprenez des notions anatomiques de base le squelette, la colonne vertĂ©brale, etc. ; Vous portez votre attention sur votre posture, votre ancrage et votre soliditĂ© ; Vous dĂ©couvrez les prĂ©tests et les exercices prĂ©liminaires ; Vous Ă©tudiez les cinq prĂ©tests dâhydratation, de sĂ©dation du muscle, du champ Ă©nergĂ©tique, de la surcharge, et du croisement de la ligne mĂ©diane. Module 3 - Touch for Health, correspondances entre les mĂ©ridiens et les muscles Dans ce troisiĂšme module Vous comprenez ce quâest le triangle de santĂ© et la sĂ©ance de base du Touch for Health ; Vous dĂ©couvrez trois techniques supplĂ©mentaires le zip up, le switching et le rééquilibrage de lâĂ©nergie auriculaire ; Vous apprenez la technique de libĂ©ration du stress Ă©motionnel LSE ; Vous intĂ©grez les correspondances entre mĂ©ridiens et muscles principaux et secondaires ; Vous commencez lâĂ©tude dĂ©taillĂ©e des mĂ©ridiens et des muscles associĂ©s ils apparaĂźtront deux par deux dans chaque module. Ă chaque fois, vous dĂ©couvrez le trajet, le lien avec la physiologie, les analogies, les points de correction, les aliments ou les mots-clĂ©s ; Vous Ă©tudiez les mĂ©ridiens vaisseau conception et vaisseau gouverneur en dĂ©tail. Module 4 - Les techniques de rééquilibrage Dans ce quatriĂšme module Vous comprenez le travail Ă effectuer durant la sĂ©ance en tenant compte du protocole et du dialogue ; Vous dĂ©couvrez les points de correction les touchers rĂ©flexes, la technique des rĂ©flexes spinaux, les points neuro-vasculaires, les points neuro-lymphatiques, la technique du traçage du mĂ©ridien, les techniques dâacupression et de rééquilibrage des mĂ©ridiens ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens de lâestomac et de la rate. Module 5 - Localisation de circuit, points dâalarme et excĂšs des mĂ©ridiens Dans ce cinquiĂšme module Vous apprenez Ă vous servir de la localisation de circuit ; Vous dĂ©couvrez les points dâalarme de chaque mĂ©ridien, ainsi que les notions de vide et dâexcĂšs ; Vous intĂ©grez les lois horaires et Ă©nergĂ©tiques, la roue des 14 mĂ©ridiens/muscles, et le cycle des cinq Ă©lĂ©ments ; Vous comprenez les Ă©tapes dâune sĂ©ance complĂšte ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens du cĆur et de lâintestin grĂȘle. Module 6 - Les points dâacupression Dans ce sixiĂšme module Vous Ă©tudiez les points dâacupression et comment ils sont dĂ©finis ; Vous comprenez comment agir pour la tonification et la sĂ©dation des mĂ©ridiens ; Vous analysez en dĂ©tail les mĂ©ridiens de la vessie et du rein. Module 7 - Ăducation kinesthĂ©sique et Brain Gym Dans ce septiĂšme module Vous reliez la kinĂ©siologie aux mĂ©thodes dâapprentissage en Ă©tudiant le Brain Gym et lâĂducation kinesthĂ©sique ; Vous dĂ©couvrez des exercices Ă utiliser pour lâapprentissage et pour la libĂ©ration de certains stress, notamment les techniques de lâECAP ĂnergĂ©tique, Clair, Actif et Positif ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens du maĂźtre cĆur et du triple rĂ©chauffeur. Module 8 - Fonctionnement du cerveau, Ă©motion, douleur Dans ce huitiĂšme module Vous Ă©tablissez les liens entre le fonctionnement du cerveau, le stress et lâĂ©motion grĂące Ă lâintroduction du One Brain; Vous dĂ©couvrez des techniques supplĂ©mentaires pour dĂ©tacher le stress de lâĂ©motion ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens de la vĂ©sicule biliaire et du foie. Module 9 - La roue des Ă©motions, le mĂ©ridien du poumon, le mĂ©ridien du gros intestin Dans ce neuviĂšme module Vous apprenez Ă relier les mĂ©ridiens Ă chaque Ă©motion ; Vous Ă©tudiez en dĂ©tail les mĂ©ridiens du poumon et du gros intestin ; Vous rĂ©visez tout ce que vous aurez appris durant la formation ; Vous disposez de liens et de rĂ©fĂ©rences bibliographiques pour approfondir votre apprentissage ; Vous contrĂŽlez vos connaissances grĂące Ă un examen final sous forme de QCM. Nous vous souhaitons une excellente formation en kinĂ©siologie et une belle rĂ©ussite dans cette pratique thĂ©rapeutique remarquable ! MODULE 10 â La cure en pratique, livres et films sur la psychanalyse Dans ce dixiĂšme module Vous revenez sur tous les aspects pratiques, techniques et thĂ©oriques de la cure psychanalytique ; Vous apprenez Ă diffĂ©rencier clairement tous les psys » psychiatre, psychologue, psychothĂ©rapeute et psychanalyste ; Vous dĂ©terminez ce qui compte lors dâun premier entretien ; Vous savez comment choisir un psychanalyste ; Vous Ă©tablissez un rĂ©capitulatif de tout ce que vous aurez appris pendant la formation ; Vous rĂ©flĂ©chissez Ă votre pratique ; Vouspassez lâexamen final qui marque la fin de la formation et le dĂ©but de votre pratique. Une fois terminĂ© le programme avec succĂšs, vous avez la possibilitĂ© dâimprimer votre certification Vous ĂȘtes prĂȘts Ă commencer ? DEVENEZ PRATICIEN EN KINĂSIOLOGIE POUR 87 ⏠AU LIEU DE 525 ⏠! JE MâOFFRE LA FORMATION ET JE DĂMARRE MAINTENANT Questions frĂ©quemment posĂ©es Comment dois-je procĂ©der pour mâinscrire ? Une fois le paiement validĂ©, vous ĂȘtes dirigĂ© vers une plateforme oĂč vous devez crĂ©er un mot de passe. DĂšs rĂ©ception de cet e-mail, vous bĂ©nĂ©ficiez dâune pĂ©riode dâessai de 30 jours. Que dois-je faire si je perds mes identifiants ? Vous pouvez adresser votre requĂȘte par e-mail Ă lâadresse suivante support Nous vous conseillons toutefois de noter vos identifiants dĂšs rĂ©ception de lâe-mail confirmant votre inscription. Combien de temps faut-il pour valider lâensemble de la formation ? Vous avez un accĂšs illimitĂ© et Ă vie aux programmes de formation. Vous pouvez dĂ©buter votre formation lorsque vous le dĂ©sirez, il nây a pas de limite de temps pour la valider. Notez quâil vous faudra prĂ©voir entre 30 minutes et 2 heures pour complĂ©ter chaque module. Des dĂ©placements sont-ils Ă prĂ©voir ? Non. Lâensemble de la formation se dĂ©roule en ligne. GrĂące Ă vos identifiants, les outils et supports pĂ©dagogiques sont accessibles depuis nâimporte quel ordinateur, tablette ou smartphone. Les formations sont accessibles de nâimporte quel endroit, dans la mesure oĂč vous disposez dâune connexion Internet. Si je change dâavis, puis-je annuler mon inscription ? Oui, vous disposez dâun dĂ©lai de rĂ©traction de 30 jours Ă compter de la validation du paiement. Comment suis-je Ă©valuĂ© en cours de formation ? Vous trouverez un quiz Ă la fin de chaque module. Ces quiz ne sont pas obligatoires mais sont recommandĂ©s pour faire le point et vous prĂ©parer Ă lâexamen final. A la fin de la formation, un examen sous forme de questionnaire Ă choix multiples est proposĂ©. Pour le valider, il faut obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses. Si votre score est infĂ©rieur Ă 80 % de bonnes rĂ©ponses, vous aurez la possibilitĂ© de repassez lâexamen. DĂšs que vous lâaurez rĂ©ussi, vous pourrez imprimer votre certification en ligne. Que dois-je faire si je nâarrive pas Ă tĂ©lĂ©charger les supports ? DĂ©connectez-vous et relancez votre connexion sur le site. Si un support audio ou PDF prĂ©sente des difficultĂ©s de lecture, tentez son ouverture sur un autre navigateur ou mettez-le en pause selon votre dĂ©bit Internet, cela peut demander un certain temps de chargement. Veillez Ă tenir votre navigateur Ă jour et vĂ©rifiez vos plug-in. Pensez Ă©galement Ă vider vos caches et vos cookies de temps Ă autre. Vous pouvez aussi vĂ©rifier quâaucun pare-feu ni anti-virus ne bloque lâouverture. Que dois-je faire si je nâarrive pas Ă visualiser les tests ou imprimer ma certification ? Vous devez tĂ©lĂ©charger la derniĂšre version dâAdobe Flash Player et changer de navigateur. Il vous faudra utiliser Firefox ou Microsoft Edge. Quels sont les supports utilisĂ©s pour les formations ? Le certificat ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă un diplĂŽme seul le ministĂšre de lâĂducation nationale est habilitĂ© Ă en dĂ©livrer. Il permet cependant de valoriser de maniĂšre officielle le niveau de qualification obtenu grĂące Ă cette formation. Que ce soit pour rassurer vos clients ou pour renforcer votre CV, ce certificat peut ĂȘtre un atout supplĂ©mentaire dans votre parcours professionnel. Nos certificats attestent non seulement des connaissances acquises au cours de la formation, mais aussi de votre assiduitĂ© Ă suivre le cours. Pour obtenir un certificat, vous devez avoir suivi lâintĂ©gralitĂ© de la formation et avoir accompli les tests prĂ©vus dans le programme. Par ailleurs, vous devez obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses lors de lâexamen final. Si vous avez validĂ© lâexamen, lâordinateur gĂ©nĂšre le certificat, mais celui-ci nâest pas datĂ©. Vous pouvez ajouter la date Ă la main ou en utilisant le logiciel Photoshop. Nous offrons aussi la possibilitĂ© Ă ceux et Ă celles qui en font la demande de leur envoyer un certificat original signĂ©, imprimĂ© par nos soins, avec le tampon de notre sociĂ©tĂ© et la date de validation de lâexamen. Le coĂ»t est de 33 ⏠frais de port inclus. Il suffit pour cela de nous fournir la preuve que vous avez rĂ©ussi lâexamen soit en faisant une capture dâĂ©cran, soit en scannant le certificat imprimable que vous avez obtenu de confirmer la date ; de confirmer lâadresse postale pour lâenvoi. Ce certificat vous sera envoyĂ© par la poste sous 15 jours. Nos formations sont reconnues par IPHM International Practioners of Holistic Medecine. Les formations sont-elles accessibles Ă tous ? Nos formations sâadressent aussi bien aux dĂ©butants quâaux professionnels. Quâil sâagisse de complĂ©ter vos connaissances ou dâapprendre un nouveau mĂ©tier, nos formations vous seront accessibles. Le langage utilisĂ© est simple et les techniques couvertes largement expliquĂ©es. Nos formations sont reconnues internationalement Nos formations sont accrĂ©ditĂ©es par IâIPHM International Practitioners of HolisticMedecine, le CMA ComplementaryMedical Association et le CPD Centre of CPD Excellence, ce qui signifie que vous pouvez exercer partout dans le monde. Leur objectif est de vous donner des outils thĂ©oriques et pratiques pour conseiller des particuliers, ou Ă©largir vos connaissances si vous ĂȘtes dĂ©jĂ praticien. DEVENEZ PRATICIEN EN KINĂSIOLOGIE POUR 87 ⏠AU LIEU DE 525 ⏠! JE MâOFFRE LA FORMATION ET JE DĂMARRE MAINTENANT Besoin dâaide ? Contactez-nous via support ou +33 01 74 90 03 95 Working... GUERISSEZ VOTRE PROSTATE EN 21 JOURS - TRAITEMENT TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUS" Ne Laissez Pas Les MĂ©dicaments Pour La Prostate Ou La Chirurgie Vous Transformer En EUNUQUE! "De nouveaux Ă©lĂ©ments permettent de guĂ©rir les problĂšmes de prostate en 21 jours ou moins, sans subir les horribles effets secondaires des opĂ©rations, sans prendre de mĂ©dicaments, et sans utiliser des herbes Ă la modeâ, comme le palmier nain ou le bĂȘta-sitostĂ©rol. Afin de prouver que mes mĂ©thodes fonctionnent, je vous permettrai de les utiliser gratuitement et sans risques, si vous le voulezâŠCher Ami,Je mâappelle Yann Legros. Tout dâabord, sachez que je ne suis PAS un ne suis ni un mĂ©decin, ni un nâai jamais rien Ă©tudiĂ© sur la mĂ©decine, la pharmacologie ou le bien-ĂȘtre Ă lâĂ©cole. Selon moi, je suis un "expertâ, parce que ...Je Pense Savoir Comment NâImporte Quel Homme Peut RĂ©soudre Ses ProblĂšmes De Prostate EnJuste 21 Jours, Ou Moins. Je le sais bienâŠpuisque je lâai dĂ©jĂ plus, je lâai fait sans opĂ©rations invasives, sans prendre de mĂ©dicaments sur ordonnance, et sans dĂ©penser trop dâ ce qui sâest passĂ©Jâai commencĂ© Ă avoir des problĂšmes de prostate Ă lâĂąge de 31 ans, jâĂ©tais vraiment jeune pour avoir cette maladie. Toutefois, ce nâest pas surprenant, puisque cette maladie est hĂ©rĂ©ditaire dans ma fait, mon grand-pĂšre a eu des problĂšmes de prostate pendant toute sa vie on a dĂ» lâemmener plusieurs fois Ă lâhĂŽpital, en ambulance, et en pleine nuit, Ă cause de lâĂ©largissement de sa prostate... mon oncle avait toutes sortes de problĂšmes de prostate il a fini par la faire enlever... et rĂ©cemment, mon pĂšre avait une tumeur dans la sienne.Ainsi, comme vous pouvez le constater ...Les ProblĂšmes De Prostate Sont Une "MalĂ©diction Familiale" Pour pourquoi les urologues ont mis en garde tous les hommes de ma famille Ă ce fait, nous sommes tous des bombes Ă retardement, nous finirons tous par avoir des problĂšmes de lorsque jâai ressenti une douleur dans "ma partie inferieure", je savais exactement Ă quoi mâen tenir. Jâai dâabord essayĂ© de lâignorer, je me disais que la douleur allait surement disparaitre par elle-mĂȘme ? Cependant, la douleur est restĂ©e, et elle est devenue 100 fois pire au fil du temps. Jâavais envie dâuriner toutes les heures, et je ne pouvais pas mâasseoir tranquillement pour regarder la tĂ©lĂ©vision, car je devais me prĂ©cipiter aux toilettes Ă tout bout de champ. CâĂ©tait toujours pĂ©nible de commencer Ă uriner normalement, ce nâĂ©tait pas un flot dâurine, mais seulement un mince filet brulant, qui sâarrĂȘtait subitement et ne recommençait pas Ă couler. MĂȘme lorsque jâarrivais Ă expulser un peu plus dâurine, jâavais lâimpression de ne jamais âviderâ complĂštement ma vessie. Lâurine continuait Ă couler pendant des heures dans mes sous-vĂȘtements, et laissait des taches humides sur mon pantalon. Jâavais honte, car je voyais souvent des gens me montrer du doigt, en se moquant de y a encore autre chose MĂȘme lorsque jâai dĂ©cidĂ© de ne rien boire pendant dâaller me coucher, je devais me lever 5, 6 ou 7 fois par nuit, car j'avais vraiment envie d'uriner, mais je restais debout dans les toilettes pendant plusieurs minutesâŠPendant Qu'un Mince Filet TrĂšs Douloureux Sortait De Mon PĂ©nis!Comme vous pouvez lâimaginer, je ne dormais pas passais plusieurs jours Ă la maison avec un coussin chauffant et un oreiller entre mes jambes, afin de me sentir plus mĂȘme devenu insupportable de quitter la me souviens que je devais soigneusement planifier mes sorties, car je devais toujours ĂȘtre Ă proximitĂ© des toilettes. J'Ă©tais toujours assis dans une cabine, car j'avais honte de me mettre debout devant un urinoir, puisque je passais mon temps Ă me dandiner et Ă tousser. Je me demandais si le silence qui m'entourait faisait penser aux autres hommes que je me donnais du savez quoi?Ce nâest pas tout, car mes problĂšmes de prostate ont empirĂ© aprĂšs quelques Ne Pouvais MĂȘme Pas Avoir De Relations Sexuelles Sans Souffrir Horriblement !Ceci nâest pas drĂŽle non rares fois oĂč j'avais une Ă©rection qui Ă©tait si molle que je n'arrivais pas Ă pĂ©nĂ©trer ma partenaire, je ressentais une brĂ»lure intolĂ©rable lors de l'Ă©jaculation. HonnĂȘtement, si je n'Ă©tais pas mariĂ© en ce temps-lĂ , j'aurais pensĂ© que j'Ă©tais atteint d'une maladie sexuellement transmissible, Ă cause de la douleur Ă©pouvantable que je ressentais lorsque j'urinais ou que j'avais des relations va sans dire que ...Ces ProblĂšmes MâOnt Vraiment Fait Perdre La TĂȘte !Je ne supporte aucune douleur dans CETTE partie de mon si je dĂ©teste aller chez le docteur, je savais quâil fallait que je trouve une solution Ă cette situation. Alors, jâai consultĂ© plusieurs experts, et je me suis renseignĂ© sur toutes sortes de soi-disant âsolutionsâ qui paraissaient bien pire que mon problĂšme de un exemple On m'avait parlĂ© de plusieurs mĂ©dicaments sur ordonnance, mais le problĂšme est qu'ils pouvaient faire rapidement chuter ma tension artĂ©rielle, ou me donner des vertiges mĂȘme pendant que je conduisais, ou encore me donner des Ă©jaculations âsĂšchesâ, des migraines, des douleurs d'estomac⊠Ou me faire uriner dans mon pantalon⊠Ou me rendre impuissantâŠBref, si ça continuait, jâallais devenir un eunuque !Cela ne sâarrĂȘte pas lĂ On mâa dit que si ces mĂ©dicaments fonctionnaient, ils nâĂ©taient plus aussi efficaces aprĂšs quelques temps, et je risquais dâavoir les mĂȘmes problĂšmes par la suite. Un expert mâa dit que si je ne rĂ©agissais pas vite, je devrais envisager la chirurgie de vous ignorez ce quâest le TURP, voici une explication Câest Une OpĂ©ration Horrible Et Invasive De âPlomberieâ Qui Consiste Ă InsĂ©rer Un Instrument MĂ©tallique Dans Votre PĂ©nis, Afin DâEnlever Des Morceaux De Votre Prostate!Vous vous rendez compte ?Ce nâest pas tout Je me souviens avoir entendu dire que le TURP ne fonctionnait pas toujours. De plus, si cette opĂ©ration Ă©chouait, le patient pouvait souffrir dâincontinence, ou il aurait peut-ĂȘtre mĂȘme besoin de chirurgie reconstructive. Voici Quelques Mauvais Effets Secondaires De LâOpĂ©ration Du Sang Dans Vos Urines Pendant Les Semaines Qui Suivent LâOpĂ©ration, LâImpression DâAvoir Des Lames De Rasoir Dans Vos Urines, Des Spasmes De La Vessie, Une Plus Grande Envie DâUriner Urgemmentâ, LâImpuissance, Et Ainsi De SuiteâŠJe ne sais pas ce que vous en pensez mais moi, jâai des frissons, rien que dây plusieurs hommes qui ont des problĂšmes de prostate ressentent la mĂȘme chose, lorsquâils entendent parler de leurs âoptions.â Vous vous demandez sans doute ce que jâai fait ensuite ?Je me suis mis Ă faire PLUSIEURS recherches par moi-mĂȘme, et jâai essayĂ© plusieurs moyens de rĂ©soudre mes problĂšmes. Jâai fait des recherches sur les remĂšdes habituels pour la prostate, comme le palmier nain, le bĂȘta-sitostĂ©rol, et jâai mangĂ© beaucoup de tomates cuites, mais en vain soyons honnĂȘtes, si ces solutions populaires fonctionnaient VRAIMENT, nous nâaurions pas Ă faire face Ă une telle Ă©pidĂ©mie de problĂšmes de prostate...Je ne savais vraiment plus quoi faireâŠ.et un jour, presque par hasard âŠJâai fait une dĂ©couverte !Une dĂ©couverte qui mâa vraiment aidĂ© Ă surmonter mes problĂšmes de cela ne mâa mĂȘme pas coĂ»tĂ© beaucoup dâ ce qui sâest passĂ© Pendant mes recherches sur la relation entre les problĂšmes de prostate et lâestrogĂšne, lâinflammation et lâexcĂšs de DHT tous ces Ă©lĂ©ments sont cauchemardesques pour ceux qui ont des problĂšmes de prostate, je suis tombĂ© sur quelques mĂ©thodes "alternatives" dont je nâavais jamais encore entendu parler. Ces mĂ©thodes ne sont pas dangereuses et sont naturelles, mais ...La SociĂ©tĂ© Pense Quâelles Sont "Marginales"MĂȘme par les soi-disant spĂ©cialistes de santĂ© "naturel".Il est vrai que ces mĂ©thodes SONT "peu orthodoxes." MĂȘme si elles sont simples, 100% non-invasives et ne coutent pas cher, la plupart des gens ne pensent mĂȘme pas Ă les essayer en fait, on en entend rarement parler.Mais, comme je nâavais rien Ă perdre, et je me suis dit "Pourquoi pas?"Quel a Ă©tĂ© le rĂ©sultat ? Ces remĂšdes ont fonctionnĂ© si rapidement et si efficacement, que...Jâai Senti La DiffĂ©rence En Seulement 3 Semaines !En fait, voici ce qui sâest passĂ© pendant ces premiĂšres semaines...Je ressentais moins de brĂ»lures alors que jâurinaisJe dormais mieux la nuit, car jâurinais moins urine Ă©tait fluide et il y avait moins dâĂ©gouttementsMa vessie Ă©tait vidĂ©e aprĂšs une visite aux toilettesJe nâavais presque plus de douleurs lorsque jâurinaisMon dĂ©sir sexuel est revenu en forceJe nâavais PLUS de douleurs pendant les relations sexuellesJâai ressenti DâAUTRES bienfaits pour ma santĂ© qui nâavaient rien Ă voir avec la prostate jâai perdu du poids, ma peau avait meilleure apparence, mes selles Ă©taient rĂ©guliĂšres, jâavais dâavantage dâĂ©nergie, je dormais mieux, etcâŠJâĂ©tais dans un Ă©tat presquâeuphorique !Câest comme si vous aviez toujours mal Ă la tĂȘte, et quâensuite, vous Ă©tiez tout simplement heureux de ne plus avoir de douleurs. Mais je dois reconnaĂźtre que jâĂ©tais encore me demandais si cela pouvait vraiment ĂȘtre aussi facile ? Est-ce que jâavais ratĂ© quelque chose ?Je me suis aussi demandĂ© siça arrivait vraiment, ou si câĂ©tait simplement un "hasard"temporaire ?Eh bien, je vous dirai ceci Je nâai eu aucun problĂšme de prostate depuis 8 nâai plus de douleurs Durant les relations nâai plus de problĂšmes pour je nâai littĂ©ralement...Plus Aucun ProblĂšme De Prostate !En fait, le rĂ©sultat de mon test dâAPS Ă©tait de .04 - presque zĂ©ro!Mon mĂ©decin Ă©tait Ă©bahi Ă©tant donnĂ© mes antĂ©cĂ©dents familiaux.Tout Ă©tait facile, naturel et nâai pas subi dâopĂ©ration, ni de tests invasifs, et je nâai pas pris de mĂ©dicaments. Jâai simplement suivi quelques simples "rĂšgles" que jâai apprises durant mes recherches, et 3 semaines plus tard, je me suis senti 100 fois mieux. Aimeriez-vous essayer mes mĂ©thodes, afin de voir si elles peuvent Ă©galement fonctionner pour vous ?Est-ce que vous aimeriez les utiliser sans risques ? Si câest le cas, lisez ceci RĂ©cemment, jâai dĂ©cidĂ© de regrouper mes recherches dans un livre Ă©lectronique court et facile Ă lire vous pouvez le lire en 15 minutes, Ă peu prĂšs, et dâoffrir ce livre aux hommes qui ont des problĂšmes de prostate. Cette mĂ©thode sâappelle..."GuĂ©rissez Votre Prostate En 21 Jours"Voici quelques secrets que vous dĂ©couvrirez Ă lâintĂ©rieur de ce guide Une herbe bon marchĂ© que les spĂ©cialistes de santĂ© chinois ont utilisĂ© depuis des milliers dâannĂ©es, afin dâattaquer les douleurs de la prostate, mĂȘme celles qui persistent. Ne pensez plus au palmier nain, Ă la beta sitostĂ©rol et aux autres mĂ©dicaments "Ă la mode" pour la prostate. Essayez plutĂŽt cette pilule qui agit rapidement et ne coute pas cher, et vous constaterez que votre prostate rapetissera rapidement, et vous vous sentirez de nouveau comme un homme qui a une vingtaine dâannĂ©es. Page 10Le "fruit miracle" dĂ©licieux qui peut rapetisser votre prostate et augmenter votre dĂ©sir sexuel en mĂȘme temps. Les gens ont de bonnes raisons dâappeler ce fruit dĂ©licieux "le Viagra naturel" ! Allez Ă la page 13 pour en savoir plus.Un moyen secret de guĂ©rir l'inflammation de votre prostate. Si vous vivez dans un pays industrialisĂ©, votre corps est probablement en proie Ă des inflammations ; ainsi, vous ĂȘtes affaibli, vous prenez du poids, votre vie sexuelle en souffre, vous ĂȘtes malade, vous avez des problĂšmes mentaux et, bien sĂ»r, des douleurs de prostate. Voici ce que les meilleurs experts mĂ©dicaux du monde recommandent pour Ă©liminer l'inflammation rapidement et en toute sĂ©curitĂ©. Page 16"LâĂ©lixir miracle" qui soulage la prostate et Ă©limine Ă©galement la graisse corporelle. Ajoutez simplement de lâeau Ă la recette qui se trouve Ă la page 21, et vous perdrez immĂ©diatement 2-3 kilos ! Au fait, ceci vous permet aussi de contrĂŽler votre "graisse de vacances ", de mieux dormir et dâavoir plus dâĂ©nergie.La consommation dâeau est primordiale pour la santĂ© de votre prostate. Vous saurez exactement quelle eau vous devriez boire, elle nâest pas embouteillĂ©e et ne vient pas du robinet! Vous saurez Ă©galement la quantitĂ© que vous devez boire pour avoir les meilleurs rĂ©sultats. Page 14Le nutriment trĂšs bon marchĂ© et âpas sexyâ qui rapetisse les prostates Ă©largies. Si vous ĂȘtes atteint dâHBP ou de symptĂŽmes de prostatite, ce nutriment nâest PROBABLEMENT pas suffisant dans votre ; allez Ă la page 19 pour en savoir plus.Il y a un docteur spĂ©cial qui nâest PAS un urologue, que vous devriez consulter dĂšs que vous avez des problĂšmes de prostate. Jâai rĂ©cemment fait cette dĂ©couverte, et une visite chez ce docteur spĂ©cial mâa permis de ne plus jamais dĂ©pendre des mĂ©dicaments sur ordonnance. Cela a Ă©galement fait des merveilles pour ma prostate, sans que jâaie Ă subir un examen invasif, et sans mĂȘme avoir Ă enlever mon pantalon. Vous pouvez en savoir page en allant sur la page 25.3 astuces Ă©tonnamment surprenantes pour combattre la prostatite. Une de ces mĂ©thodes a Ă©tĂ© utilisĂ© depuis des centaines dâannĂ©es par certaines tribus amĂ©rindiennes, et trĂšs peu de personnes la connaissent ; allez Ă la page 29 pour en savoir plus.Certains supplĂ©ments pour la prostate aggravent non seulement vos problĂšmes, mais vous transforment Ă©galement en fille ! Ce nâest pas une blague, allez Ă la page 34 pour en savoir plus et comment y remĂ©dier.Il se peut que vos problĂšmes de prostate ne soient mĂȘme pas causĂ©s par votre prostate. C'est pourquoi certains hommes consultent un docteur aprĂšs l'autre pendant des annĂ©es, sans pour autant trouver de solution durable. Il vous suffit de consulter le spĂ©cialiste de la page 32, afin de vous dĂ©barrasser dĂ©finitivement de vos problĂšmes !Un moyen peu connu d'utiliser des graines de lin mais pas sous forme dâhuile ou de pilules afin de ne plus souffrir d'inconfort de la prostate. Un spĂ©cialiste trĂšs rĂ©putĂ© de santĂ© naturelle m'a parlĂ© de ce remĂšde ; il ne coĂ»te pas cher, on peut vite le tester et il fonctionne rapidementâŠallez Ă la page 36 pour en savoir plus.Et encore plusâŠĂcoutez, je ne peux vous garantir aucun rĂ©sultat; en fait, toute personne qui vous fait cette promesse est un MENTEUR. AprĂšs tout, je ne connais ni lâhistoire de votre famille, ni votre rĂ©gime alimentaire, ni votre style de vie, et encore moins votre vĂ©ritable problĂšme je le rĂ©pĂšte, je ne suis PAS un docteur, et je ne prĂ©tends pas en ĂȘtre un sur Internet.Câest pour cette raison que je vais vous offrir mon livre Ă©lectronique GuĂ©rissez Votre Prostate En 21 Joursâ pour seulement 39,03⏠TTC. Au lieu de 97,00âŹJe vous offre aussi une garantie de remboursement de 30 joursSi, pendant le mois qui suit, vous n'allez pas aux toilettes plus facilement, si vous ne dormez pas mieux et si votre performance sexuelle n'est pas plus explosive et indolore, si votre docteur n'est pas Ă©tonnĂ© de constater l'amĂ©lioration de l'Ă©tat de votre prostate, ou si vous n'ĂȘtes pas satisfait de ce livre Ă©lectronique pour une raison QUELCONQUE, envoyez moi un e-mail et je vous rembourserai votre histoires, et sans poser de plus, vous pouvez garder le livre Ă©lectronique, mĂȘme en Ă©tant remboursĂ©. Donc, vous ne courez AUCUN risque...Vous Pouvez CarrĂ©ment Tout Utiliser Gratuitement, Si Vous Le Voulez !Cliquez ci-dessous pour recevoir discrĂštement votre commandeCliquez Ici Pour TĂ©lĂ©charger Ce Livre Ă Travers Notre Serveur CryptĂ© Et SĂ©curisĂ©Je vous souhaite une excellente santĂ©, - Yann Legros, Victime PrĂ©coce De ProblĂšmes De Prostate, Et Auteur De âGuĂ©rissez Votre Prostate En 21 Joursâ Encore une chose... Si vous commandez ce livre avant ce soir, je vous enverrai un guide spĂ©cial, qui sâintitule " Voici Comment Vous Pouvez Ralentir, ArrĂȘter, Ou MĂȘme Inverser Votre Processus De Vieillissement, Et Retrouver Et Augmenter Toute LâĂnergie De Votre Jeunesse, Ainsi Que La VitalitĂ© Et La Passion Sexuelle Que Vous Aviez Autrefois ! "Ce guide coĂ»te normalement âŹ, et il rĂ©vĂšle un secret, qui vous permet de "rajeunir " votre corps de maniĂšre rapide et naturelle, et en toute sĂ©curitĂ©. Si vous avez plus de 35 ans ou pas!, ce rapport peut vous aider Ă vous sentir ou mĂȘme Ă PARAITRE plus jeune quâil y a 20 ans... et vous rendre le dĂ©sir sexuel endiablĂ© que vous aviez Ă lâĂąge de 19 ans. Lâauteur de ce rapport a dit "Câest comme si vous preniez une nouvelle forme de Viagra, qui affecte votre corps entier, au lieu d'augmenter la taille de votre anatomie d'une quinzaine de centimĂštres."Il lâa Ă©crit quand il avait une soixantaine dâannĂ©es !Vous savez quoi ? Si vous commandez ce livre avant ce soir, je vous enverrai immĂ©diatement ce guide, qui coĂ»te normalement âŹ, et je vous lâenverrai gratuitement !De plus, vous pouvez le GARDER câest un cadeau que je vous fais, mĂȘme si vous voulez ĂȘtre remboursĂ© plus tard. 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Contactez-nous Commander Accueil Questions FrĂ©quentes Qui sommes-nous ? Contactez-nous Commander Cours de Pilates en ligne accessibles 24h/24 depuis chez vousPlus de 9500 membres suivent nos cours de Pilates sur Internet Pilates123 vous propose des cours de Pilates en ligne accessibles depuis chez vous 24 h/24 enseignĂ©s par votre propre pratiquer le Pilates? AmĂ©lioration de la posture les exercices faisant travailler le tronc et la ceinture abdominale sont parfaits pour tonifier et raffermir les muscles qui maintiennent la colonne vertĂ©brale. AmĂ©liore, tonifie et renforce les abdos idĂ©al pour sculpter votre ventre rapidement. DĂ©tente musculaire les tensions musculaires et raideurs peuvent ĂȘtre soulagĂ©es efficacement et en douceur. DĂ©tente psychologique un Ă©norme avantage du Pilates est son potentiel Ă faciliter lâĂ©vacuation du stress, notamment grĂące Ă lâimportance de la respiration. AmĂ©lioration de la condition physique les bĂ©nĂ©fices physiques sont nombreux, comme le gain de force, de souplesse⊠Soulager des problĂšmes articulaires cette technique douce est un bon moyen de soulager les lombalgies, sciatiques, et autres douleurs articulaires. Les cours de Pilates en ligne, câest plus pratique !Aucun besoin de vous dĂ©placer pour suivre vos cours de Pilates. Avec Pilates123 pratiquez le Pilates de chez vous en suivant votre coach quand vous le voulez et oĂč vous voulez, grĂące aux diffĂ©rents modules vidĂ©os proposĂ©s. Les cours proposĂ©s favorisent le raffermissement de la ceinture abdominal, une meilleure maĂźtrise mentale, la perte de poids ainsi quâune vie sexuelle plus tonique. Une instructrice diplĂŽmĂ©e qui enseigne depuis plus de 11 ans vous accompagneMadelaine Kahts, diplĂŽmĂ©e en Master de Pilates qui enseigne depuis plus de 11 ans vous coachera. Câest grĂące Ă Internet quâelle partage son savoir-faire avec le plus grand nombre. En effet, son objectif dans la vie est dâaider le plus de monde possible Ă retrouver la forme grĂące au Pilates. MĂȘme sans expĂ©rience prĂ©alable, le Pilates est un entraĂźnement idĂ©al pour les hommes et les femmes, de tout Ăąge et de toutes les conditions physiques ; du dĂ©butant au sportif confirmĂ©. PrĂ©sentation de la mĂ©thodePilates123Pilates123 vous propose 3 modules dâentraĂźnement qui vous permettront de progresser Ă votre rythme. VidĂ©o 1 EntraĂźnement de base SĂ©ance idĂ©ale pour les novices et pour les personnes souffrant de maux de dos. Regarder un extrait Madelaine vous invite pendant prĂšs de 40 minutes Ă suivre un entraĂźnement tonifiant et vivifiant qui reste doux pour le corps. Les exercices renforcent en premier lieu le bas du dos, lâabdomen, le bassin et les fesses. Les avantages sont nombreux une bonne posture, un dos souple, une plus grande libertĂ© de respiration, le dĂ©veloppement des muscles forts et souples. Et surtout, ce rĂ©sultat est obtenu sans douleur ni blessure ! VidĂ©o 2 EntraĂźnement spĂ©cial abdominaux SĂ©ance permettant de sculpter les abdominaux, idĂ©ale pour dĂ©butants et personnes confirmĂ©es. Regarder un extrait Cette sĂ©ance de plus de 30 minutes propose une suite dâexercices particuliĂšrement efficaces pour ceux et celles qui dĂ©sirent perdre leurs petites rondeurs au ventre ou pour les femmes qui ont accouchĂ© rĂ©cemment et souhaitent retrouver leur taille rapidement. VidĂ©o 3 EntraĂźnement avancĂ© EntraĂźnement actif de haut niveau pour personnes dĂ©sirant suivre des exercices avancĂ©s. Regarder un extrait Avec Pilates123, vous nâavez pas besoin dâacheter un autre module dâentraĂźnement, car vous recevrez automatiquement lâaccĂšs Ă une vidĂ©o proposant des exercices de Pilates avancĂ©s Ă suivre une fois que vous ĂȘtes prĂȘt Ă passer Ă un niveau plus avancĂ©. Guide pratique de rĂ©fĂ©rence plus de 170 pages illustrĂ©es Câest un complĂ©ment essentiel aux vidĂ©os ! Le guide suit le dĂ©roulement des vidĂ©os et vous permettra de retrouver facilement par Ă©crit les diffĂ©rents exercices de Pilates que Madelaine vous enseigne. BONUS GRATUIT 4 heures de musique Zen Recevez en cadeau 35 titres musicaux en format MP3. Cela reprĂ©sente plus de 4 heures de musique de relaxation pouvant accompagner vos sĂ©ances de Pilates, mais aussi de massage, de yoga ou toute autre activitĂ© zen. Extrait jâai perdu 7 centimĂštres de tour de taille » GrĂące Ă lâentrainement spĂ©cial abdominaux et en ne le suivant quâune dizaine de fois, jâai perdu 7 centimĂštres de tour de taille et plusieurs kilos. Et je trouve super pratique de pouvoir pratiquer chez moi sur mon iPad quand je veux. Merci Madelaine pour vos cours! â Karen H. Poitiers, France Les avantages de la mĂ©thode Pilates123 Plus de 9500 personnes Ă travers le monde suivent les cours de Pilates proposĂ©s par Pilates123. Les raisons de ce succĂšs sont nombreuses Musclez, dessinez votre silhouette et perdez du poids â grĂące Ă des exercices doux Ă faire chez soi Cours disponibles 24 h/24 h â plus besoin de se dĂ©placer pour suivre des cours de Pilates IdĂ©al pour tous les niveaux â que vous soyez dĂ©butant ou expert vous trouverez un cours qui vous conviendra Accessible de partoutâ visionnez vos cours sur lâappareil que vous avez Moins cher â Pilates123 coĂ»te moins cher quâun seul cours de Pilates en salle Pilates123 fonctionne sur tous vos appareils Une fois inscrit, vous allez pouvoir suivre vos cours de Pilates sur tous vos appareils que ce soit un ordinateur PC & Mac, un tĂ©lĂ©phone portable iPhone ou Android, ou une tablette iPad ou Android. Vous pourrez mĂȘme visualiser les cours sur votre tĂ©lĂ©vision en commandant un DVD Ă demander aprĂšs votre achat. LâaccĂšs instantanĂ© câest facile et pratique ! Aucune attente de livraison Aucun frais dâexpĂ©dition Aucun risque que votre commande ne soit perdue Meilleur pour lâenvironnement MĂȘme si vous nâavez jamais tĂ©lĂ©chargĂ© quoi que ce soit sur Internet, câest trĂšs facile et nous sommes toujours disponibles pour vous aider. Pas encore convaincu ? Essayez Pilates123 Pendant 30 Jours Gratuitement ! Nous vous offrons une pĂ©riode de 30 jours pour essayer gratuitement les entraĂźnements de Pilates123! Vous avez 30 jours pour Ă©tudier et mettre en pratique les diffĂ©rentes techniques prĂ©sentĂ©es dans les vidĂ©os et le guide pratique⊠Et si, pour quelque raison que ce soit, vous nâĂȘtes pas satisfait, vous pourrez nous contacter et demander un remboursement complet. Câest notre façon de vous prouver notre bonne foi et de vous offrir une garantie Ă 100%. Nous sommes persuadĂ©s que vous allez ĂȘtre convaincu par la qualitĂ© de notre formation. Pratiquer le Pilates aux heures qui me conviennent » Nâayant que peu de temps disponible, les vidĂ©os de coaching me permettent de pratiquer le Pilates aux heures qui me conviennent. De plus, vous proposez 3 vidĂ©os pour moins que ce quâun seul cours en studio me coĂ»terait. â Robert Suisez MontrĂ©al, Canada Ătes-vous prĂȘt ? AccĂ©dez aux cours en moins de 5 minutes⊠DĂšs que votre commande sera validĂ©e, vous recevrez un email avec un lien vous donnant accĂšs instantanĂ©ment Ă la zone de tĂ©lĂ©chargement. OFFRE SPĂCIALE maiCommandez aujourdâhui et recevez 50% de rĂ©duction = Seulement 35 ⏠pour un accĂšs Ă vieprix normal 70 ⏠En mai, recevez le pack complet avec une remise de 50% du prix courant. Obtenez toutes les vidĂ©os, le guide pratique ainsi que les 35 titres de musique dĂšs aujourdâhui pour seulement 35⏠soit la moitiĂ© du tarif habituel. Pilates123 est moins cher quâun seul cours de Pilates que vous pourriez suivre en salle. Et sachez que Pilates123 nâest pas un abonnement. 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INITIATION A LA PRATIQUE DU MAGNETISME COMMISSION 87,30âŹFORMATION INITIATIQUE A LA PRATIQUE DU MAGNETISMEUN ACCOMPAGNEMENT COMPLET PAR BETTY KHAN MAGNETISEUR DEPUIS PLUS DE 8 ANS EN FORMATION COMPOSEE DE 6 MODULES RICHES ET DE 34 VIDEOS INITIATION A LA PRATIQUE DU MAGNETISME TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUSDerniĂšre Ă©tape nE QUITTEZ PAS CETTE PAGE AVANT D'AVOIR RĂ©cupĂ©rĂ 1 EXTRAIT OFFERT DE LA FORMATION ! J'espĂšre que ce cadeau vous plaira et je vous dis Ă trĂs bientĂŽt TĂ©lĂ©charger ma vidĂ©o offerte COMMENT S'INITIER Ă LA PRATIQUE DU MAGNĂ©TISME SANS AVOIR HĂRITĂ D'UN DON Cliquez sur l'Ă©cran pour lancer la lecture de la vidĂ©o PrĂ©sentation de la formation par Betty KHAN AccĂ©dez Ă la formation Cette pratique Ă©nergĂ©tique n'a jamais Ă©tĂ© aussi simple et accessible grĂące Ă la formation en ligne de Betty Khan. Parce que le magnĂ©tisme nâest pas un don rĂ©servĂ© Ă une Ă©lite mais une capacitĂ© que chacun possĂšde, elle a dĂ©cidĂ© de vous apprendre Ă le dĂ©velopper tout en vous protĂ©geant. Et oui ! il est possible de rĂ©veiller le guĂ©risseur qui sommeille en vous et d'apporter du mieux-ĂȘtre Ă votre entourage ! Au travers de plus de 34 vidĂ©os, vous serez totalement immergĂ©s dans son univers afin qu'elle vous initie aux subtilitĂ©s et aux techniques de cette pratique ancestrale. FORMATION GRAND PUBLIC BĂ©nĂ©ficiez de l'expertise et de la pĂ©dagogie de Betty Khan en magnĂ©tisme en parcourant les diffĂ©rents modules riches et intenses. OBJECTIFS DE LA FORMATION Apprendre les bases initiatiques du magnĂ©tisme, dĂ©couvrir et acquĂ©rir toutes les connaissances nĂ©cessaires permettant de commencer Ă pratiquer tout en sachant se protĂ©ger. OFFRE SPĂCIALE ! 241 ⏠au lieu de 349 ⏠soit 30 % de remise immĂ©diate ! Offre SpĂ©ciale "DĂ©couverte de la pratique du MagnĂ©tisme" Betty Khan vous propose une formation Ă la pratique du magnĂ©tisme complĂšte qui se veut initiatique telle qu'elle l'a elle-mĂȘme pratiquĂ©e pendant des annĂ©es dans son cabinet. Elle est entiĂšrement le fruit de son expĂ©rience et de ses rencontres mais aussi de ses recherches. Ătant d'une nature extrĂȘmement intuitive et sensible aux Ă©nergies subtiles, elle a le souhait de vous partager son Univers et de vous permettre d'y accĂ©der pour Ă votre tour le partager. Que vous souhaitiez magnĂ©tiser vos proches, soulager vos animaux ou simplement vĂ©rifier si vous avez du magnĂ©tisme, cette formation rĂ©pondra Ă vos attentes. Le magnĂ©tisme peut Ă©galement ĂȘtre un excellent complĂ©ment Ă votre pratique si vous Ă©tudiez dĂ©jĂ certaines techniques du bien ĂȘtre telles que lâostĂ©opathie, la sophrologie, la naturopathie, la rĂ©flexologie, le shiatsu, ou toute forme de massage oĂč lâĂ©nergie vitale est importante. Betty KHAN MagnĂ©tiseur, Psycho-Ă©nergĂ©ticienne depuis plus de 8 ans, elle consulte en cabinet et propose tout au long de l'annĂ©e des rendez-vous visant la formation Ă la pratique du magnĂ©tisme, des soins Ă©nergĂ©tiques, de la lithothĂ©rapie, ... Se dĂ©roulant sur une ou plusieurs journĂ©es, elle a pour habitude d'alterner l'enseignement et les champs d'expĂ©riences. A ce jour, plus de 150 personnes ont reçu son enseignement. Elle intervient Ă©galement comme confĂ©renciĂšre sur des sujets tel que les chakras, la mĂ©ditation, ou lien avec la spiritualitĂ© mais surtout pour le plaisir d'Ă©changer et de partager. " Le magnĂ©tisme n'est pas un don rĂ©servĂ© Ă une Ă©lite mais une capacitĂ© que chacun possĂšde." Betty Khan une occasion unique de bĂ©nĂ©ficier d'un enseignement INITIATIQUE complet DU MAGNĂTISME par unE spĂ©cialiste. Vous pourrez visionner depuis chez vous cette formation Ă votre rythme et y revenir autant de fois que vous le souhaitez. Chaque technique fait l'objet d'une vidĂ©o particuliĂšre oĂč sont fournies des explications approfondies accompagnĂ©es d'une dĂ©monstration afin qu'elles soient bien comprises et intĂ©grĂ©es. Il s'agit de la mĂȘme formation que Betty Khan enseigne tout au long de l'annĂ©e en prĂ©sentiel, adaptĂ©e et mise en ligne afin que tous puissent en bĂ©nĂ©ficier. AprĂšs avoir visionnĂ© cette formation, vous aurez toutes les connaissances nĂ©cessaires vous permettant de commencer Ă pratiquer. Ensuite, il ne vous restera plus qu'Ă exercer pour dĂ©velopper votre propre expĂ©rience. Pratiquer le magnĂ©tisme nâa jamais Ă©tĂ© aussi simple. Formez-vous avec une experte ! AccĂ©dez Ă la formation AU TOTAL 34 VIDĂOS, ĂQUIVALENT Ă 2 JOURS EN PRĂSENTIEL Cette formation est composĂ©e de 6 modules comportant un total de 34 vidĂ©os que vous pourrez visualiser Ă votre rythme sans limitation dans le temps. Une mise Ă jour Ă vie pour tous les membres de la formation. Afin de mieux vous accompagner un livret de formation sera consultable en ligne ou tĂ©lĂ©chargeable. Une attestation de participation pourra vous ĂȘtre fournie sur simple demande une fois la formation terminĂ©e. + 3 BONUS OFFERTS ! BONUS N°1 1 Session vidĂ©o de groupe Skype en live tous les mois ! Une Occasion unique pour vous d'Ă©claircir vos points d'interrogations sur la formation Afin de vous permettre d'Ă©changer et dâinteragir avec Betty Khan et les Ă©lĂšves en direct et ainsi de faire un bilan ou de poser vos questions. BONUS N°2 1 planche chakra rĂ©alisĂ©e par Betty Khan Cette magnifique planche des Chakras illustre parfaitement le systĂšme Ă©nergĂ©tique de lâĂȘtre humain dans sa globalitĂ©, son mouvement et sa subtilitĂ©. Elle est une excellente ressource et guide de rĂ©fĂ©rence rapide pour tous ceux qui travaillent avec les chakras ou qui souhaitent les interprĂ©ter facilement. Cela met lâaccent sur leurs diffĂ©rents aspects aussi bien physiques, Ă©motionnels, psychologiques et spirituels. BONUS N°3 Pour les personnes qui intĂšgrent aujourd'hui la formation, une surprise pour la suite vous est rĂ©servĂ©e ... vous allez ADORER !!! Contenu de la formation en ligne rĂ©partie en 6 modules ludiques et pĂ©dagogiques MODULE 1 Les principes de l'Ă©nergie et du magnĂ©tisme MODULE 2 DĂ©couvrir et dĂ©velopper son magnĂ©tisme MODULE 3La protection et la purification Ă©nergĂ©tique MODULE 4Les diffĂ©rentes pratiques et protocoles MODULE 5 Quelques exemples de maux Ă traiter MODULE 6LâĂ©thique du magnĂ©tiseur et son savoir ĂȘtre Une formation complĂšte MODULE 1 Les principes de l'Ă©nergie et du magnĂ©tisme Qu'est-ce que l'Ă©nergie ? Le magnĂ©tisme ? un magnĂ©tiseur ? Des termes vagues, que l'on entend souvent et qui portent Ă confusion... Dans ce premier chapitre, Betty KHAN vous initiera aux principes de l'Ă©nergie, du magnĂ©tisme de maniĂšre Ă mieux en comprendre le fonctionnement. MODULE 2DĂ©couvrir et dĂ©velopper son magnĂ©tisme Ă travers divers exercices ludiques et pĂ©dagogiques, vous apprendrez Ă dĂ©couvrir et Ă approfondir vos ressentis des Ă©nergies subtiles. A l'issu de ce chapitre, vous aurez dĂ©jĂ la maĂźtrise de la connexion et de la dĂ©connexion Ă©nergĂ©tique. Vous commencerez Ă dĂ©velopper votre potentiel de magnĂ©tiseur en pratiquant sur un fruit. MODULE 3La protection et la purification Ă©nergĂ©tique LâĂ©nergie qui nous entoure peut ĂȘtre Ă la fois positive ou nĂ©gative. Ainsi, il est importance de savoir ce que nous devons faire pour Ă©viter que cette nĂ©gativitĂ© nous affecte. Dans ce 3e chapitre, vous dĂ©couvrirez diverses possibilitĂ©s pour mieux vous protĂ©ger pendant et en dehors de vos consultations. Les notions de nettoyage Ă©nergĂ©tique y seront Ă©galement abordĂ©es de maniĂšre Ă savoir vous purifier ainsi que votre espace de vie. MODULE 4Les diffĂ©rentes pratiques et protocoles Ce chapitre abordera un aspect plus pratique. Vous apprendrez Ă maĂźtriser les diffĂ©rentes passes magnĂ©tiques puis les protocoles qui vous permettront de structurer vos sĂ©ances. L'apprentissage de la pratique du magnĂ©tisme Ă distance vous fera prendre conscience qu'elle ne connaĂźt ni la distance ni les frontiĂšres. Une initiation Ă la pratique du pendule, vous permettra d'acquĂ©rir un outil trĂšs prĂ©cieux lors de vos soins. MODULE 5 Quelques exemples de maux Ă traiter Les bienfaits du magnĂ©tisme sont trĂšs vastes mais certains maux sont plus souvent rencontrĂ©s que d'autres, ainsi nous aborderont une listes non exhaustives de cas Ă traiter les fractures, entorses, tendinites, maux de dos, zona, verrues, eczĂ©ma, migraines, ... Dans ce 4e chapitre, les subtilitĂ©s de certains cas tels que les brĂ»lures, les femmes enceintes, les accompagnements de cancer, de fins de vie... mĂ©riteront d'ĂȘtre Ă©galement dĂ©taillĂ©s. MODULE 6 LâĂ©thique du magnĂ©tiseur et son savoir ĂȘtre Le magnĂ©tisme est un art ancestral qui requiert un Ă©tat d'ĂȘtre et un savoir faire pour devenir un bon magnĂ©tiseur. Betty KHAN a Ă©tablit pour vous une charte, un code de conduite qui vous accompagnera sur ce chemin. UNE FORMATION RICHE ET COMPLĂTE qui vous guide Ă©tape par Ă©tape dans la pratique du magnĂtisme Planche 7 chakras "La verticalitĂ© de l'ĂȘtre" rĂ©alisĂ©e par Betty Khan OFFERTE !!! Betty KHAN sera gĂ©nĂ©reuse et vous partagera son expĂ©rience et ses astuces de maniĂšre Ă ce que vous puissiez vous les approprier. Un contenu riche et accessible mais aussi de nombreux exercices ludiques et pĂ©dagogiques âLa boule d'Ă©nergie âComment magnĂ©tiser un fruit âEntretenir son magnĂ©tisme auprĂšs de la nature âLe systĂšme Ă©nergĂ©tique L'auto-magnĂ©tisme La visualisation et l'intention L'ancrage âMaintenir un bon niveau vibratoire âCrĂ©er sa bulle de protection âLes pierres de protection âLe pouvoir de la priĂšre âLa purification et les encens âLa pratique du feeling âLa pratique du pendule âLes diffĂ©rentes passes magnĂ©tiques âLes diffĂ©rents protocoles âLe magnĂ©tisme Ă distance âLe magnĂ©tisme sur les animaux âSavoir couper le feu âLa frĂ©quence et la durĂ©e d'un soin AccĂ©dez Ă la formation TĂ©moignages Au cours de ces 6 derniĂšres annĂ©es, Betty Khan a formĂ© plus de 150 Ă©lĂšves Ă la pratique du magnĂ©tisme lors de ses stages en prĂ©sentiel. Voici quelques retours d'expĂ©riences des Ă©lĂšves qui ont suivi ses enseignements. Nathalie C. prof. des Ă©coles 95 Ma formation a Ă©tĂ© une immense surprise pour moi puisque jâavais juste voulu la faire par simple curiositĂ©, nâayant apparemment aucune prĂ©dispositions pour le magnĂ©tisme. Jâai eu un ressenti depuis qui ne mâa plus quittĂ©. source page Facebook Myra L. 78 Je pensais, comme beaucoup, que pour soulager avec les mains il fallait avoir un don, une prĂ©disposition. GrĂące Ă ses enseignements et aux expĂ©riences qui ont suivi, j'ai appris que nous sommes tous capables d'apprendre Ă s'aider, Ă aider les autres. Au dĂ©but c'Ă©tait parce que je me suis trouvĂ©e dans des situations d'urgence, une amie qui s'est foulĂ©e une jambe en ma prĂ©sence, une brĂ»lure, une piqĂ»re d'insecte, les petits bobos des enfants. Et quand on constate le rĂ©sultat on finit par faire confiance Ă ses mains... Tout cela grĂące Ă Betty qui transmet son savoir et nous montre le chemin. Merci Betty ! source Google Corinne B. dresseur Ă©quin 60 Merci encore pour m'avoir fait dĂ©couvrir mes propres capacitĂ©s Ă©nergĂ©tiques insoupçonnĂ©es et ta formation qui soutiennent aujourd'hui les miens, Ă 2 et 4 pattes, avec succĂšs le plus souvent ! source page Facebook Delphine W. Belgique GĂ©nial, je commence la formation en magnĂ©tisme en ligne, je ne peux plus m'arrĂȘter tellement elle est passionnante et inspirante ! source groupe privĂ© Facebook Francin L. infirmiĂšre 14 Betty bien plus qu'une formatrice, elle vous fait entrer dans son monde et vous apercevez que c'est aussi le vĂŽtre. Une trĂšs belle personne, simple,et qui maĂźtrise ses sujets. Une passionnĂ©e. Merci Betty source page Facebook Sylvie L. 31 J'ai suivi en ligne la formation complĂšte Ă la pratique du magnĂ©tisme. Formation d'ailleurs trĂšs intĂ©ressante et trĂšs enrichissante, elle est venue complĂ©ter ma pratique et confirmer que j'Ă©tais sur la bonne voie. Je trouve trĂšs intĂ©ressant le fait de pouvoir avoir accĂšs aux conseils d'une professionnelle. Ils sont simples, prĂ©cis et trĂšs accessible. source Gmail CONTENU DE LA FORMATION 6 modules complets ludiques et pĂ©dagogiques 34 vidĂ©os hautes dĂ©finitions riches et intensives pour une initiation Ă©tape par Ă©tape Exercices et cas pratiques Ă rĂ©aliser soi mĂȘme Livret de formation tĂ©lĂ©chargeable en 1 clic Une Attestation de fin de formation dĂ©livrĂ©e Mise Ă jour Ă vie de la formation pour tous les Ă©lĂšves IntĂ©gration au groupe Facebook privĂ© dĂ©diĂ© aux membres de la formation Un AccĂšs 24h/7jrs depuis votre Ordinateur/Tablette/Mobile Un apprentissage pas Ă pas et Ă votre rythme Offre de lancement Ă 241⏠TTC !!! Valeur rĂ©elle 349 ⏠ttc Soit une rĂ©duction immĂ©diate de -30% PAIEMENT EN 1 X Profitez de cette offre et rejoignez plus de 250 Ă©lĂšves au travers de la France et des pays du Monde entier ! Cette offre est limitĂ©e dans le temps, alors si le MagnĂ©tisme a toujours suscitĂ© votre curiositĂ© et que vous souhaitez le dĂ©velopper et ainsi rĂ©veiller le MagnĂ©tisme qui sommeille en vous, je vous invite Ă nous rejoindre ! BONUS N°1 Une Vraie Valeur AjoutĂ©e ! Session vidĂ©o de groupe Skype en live - 1 RDV par mois afin de vous permettre d'Ă©changer et d'interagir avec les autres Ă©lĂšves et Betty Khan en direct. Vous pourrez poser vos questions en direct Ă votre Formatrice ! BONUS N°2 OFFERTE pour tous les Ă©lĂšves ! Une planche 7 Chakras entiĂšrement rĂ©alisĂ©e par Betty Khan qui illustre parfaitement le systĂšme Ă©nergĂ©tique de lâĂȘtre humain dans sa globalitĂ©, son mouvement et sa subtilitĂ©. Un outils indispensable pour aller plus loin dans votre pratique BONUS N°3 OFFRE PRIVILĂGE Une surprise rĂ©servĂ©e uniquement aux personnes rejoignant la formation un mail vous sera adressĂ© directement ... vous allez adorer !!! 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Cela fait maintenant plus de 11 ans que je donne des conseils Ă des couples et des individus qui souffrent de chagrin dâamour, de dĂ©pression et dâanxiĂ©tĂ© qui accompagnent une rupture amoureuse. Je suis diplĂŽmĂ©e dâune maĂźtrise en psychologie de la facultĂ© de Paris X Nanterre et jâhabite actuellement Ă SĂšte. Vous pouvez me croire quand je dis que je sais Comment faire pour que votre ex revienne Comment agir pour sauver votre couple rapidement Ce quâil faut entreprendre pour soulager la douleur dâun chagrin dâamour Depuis plus de 11 ans, jâaide des couples Ă se remettre ensemble. Jâai pu voir des milliers de cas et pu essayer diffĂ©rentes techniques et divers exercices permettant Ă mes patientes de trouver des solutions qui fonctionnent. Mon expĂ©rience mâa permise de construire ma propre mĂ©thode. En suivant ma mĂ©thode, vous pourrez reconquĂ©rir votre ex en moins de 2 mois ! Mais je dois vous avertir que ma mĂ©thode nâest pas conventionnelle. Mon objectif consiste Ă utiliser des techniques qui fonctionnent mĂȘme pour des sĂ©parations difficiles. Je peux vous aider dĂšs aujourdâhui Il existe une mĂ©thode facile Ă suivre pour reconquĂ©rir votre ex Je voudrais pouvoir aider toutes les personnes, une par une, chez moi dans mon cabinet, mais il nây a tout simplement pas assez de temps dans une journĂ©e pour accompagner celles et ceux qui en Ă©prouvent le besoin. Mais je propose une alternative⊠Jâai dĂ©cidĂ© de proposer ma mĂ©thode sur Internet sous la forme dâun livre Ă©lectronique Ă tĂ©lĂ©charger. Je lâai intitulĂ© Sauver Son Couple en 60 Jours ». PrĂ©sentation de mon livre Sauver Son Couple en 60 Jours »DĂ©couvrez une mĂ©thode complĂšte vous permettant de sauver votre couple et reconquĂ©rir votre ancien partenaire en moins de 60 jours. Ma mĂ©thode est facile Ă suivre, câest un programme âĂ©tape par Ă©tapeâ regroupant toutes mes techniques dĂ©veloppĂ©es au fil des annĂ©es. 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Mon ex a remarquĂ© la confiance que jâavais en moi et il a essayĂ© de revenir il y a quelques jours. Maintenant nous sommes Ă nouveau ensemble. Merci! â Nadia GrandBrest, France Il nâexiste aucune SITUATION IMPOSSIBLE ! Si vous avez dĂ©jĂ Ă©tĂ© en couple, je peux reconstruire votre union. Câest la nature humaine de vouloir secrĂštement rĂ©cupĂ©rer son ex, peu importe la façon dont il ou elle sâest comportĂ©e. Il y a en effet, un moyen simple de rĂ©cupĂ©rer le dĂ©sir, la passion et lâamour de quelquâun qui sâest Ă©loignĂ©. Les techniques que jâenseigne dans mon livre ont aidĂ© des centaines de personnes qui ont eu le cĆur brisĂ©. Que contient ma mĂ©thode ?Voici un Ă©chantillon des exercices et techniques proposĂ©s dans ma mĂ©thode Un plan dâaction prĂ©cis, clair et concis â Pas de blabla, que du concret. Les actions Ă entreprendre immĂ©diatement et ce quâil faut Ă©viter impĂ©rativement. â Ce qui vous permet de renverser la situation pour que vous la ou le rĂ©cupĂšreriez. Des exercices pour soulager la peine, le stress Ă©motionnel et la dĂ©pression â Ă la suite dâune rupture toute fraĂźche⊠7 techniques pour reconquĂ©rir le cĆur, lâesprit et lâĂąme â Sans elles, vous pouvez tout aussi bien laisser tomber dĂšs maintenant. Les clĂ©s pour favoriser une bonne communication â La base de la reconquĂȘte. Par quoi commencer ? â Je vous montre un plan avec des Ă©tapes prĂ©cises pour commencer. Le meilleur moment pour sâexcuser â Ne faites surtout pas cela car vous ruinerez vos chances pour de bon! Une mĂ©thode simple qui efface de façon permanente les choses blessantes â Que vous avez dites et qui restent Ă lâesprit de votre ex. La Technique de Reconnexion InstantanĂ©e » â Qui permet dâannuler la quasi-totalitĂ© des ruptures. Les 12 plus grandes erreurs Ă ne pas commettre â Lorsque vous avez un rendez-vous avec votre ex. Des exercices vous permettant de retrouver la romance â Que vous aviez lorsque vous vous ĂȘtes rencontrĂ©s. DĂ©couvrez lâindice clĂ© qui vous indique si votre ancien partenaire veut toujours de vous â Peu importe ce quâil dit, câest tout ce que vous avez besoin de chercher! Et plus, plus encore. Ma mĂ©thode a prouvĂ© son efficacitĂ© Je crois fermement quâelle est la meilleure et la plus efficace des programmes proposĂ©s aujourdâhui pour sauver les couples en difficultĂ©. Cela fait plus de 11 ans que je lâamĂ©liore. Toutefois, il serait injuste de sâattendre Ă ce que vous comptiez seulement sur mes cpmseils. Regardez ce que dâautres couples disent de ma mĂ©thode. Il vient de me demander en mariage » Eh bien devinez quoi⊠jâai suivi toutes les techniques indiquĂ©es dans votre livre. Et il vient de me demander en mariage et nous sommes heureux, plus que nous ne lâavons jamais Ă©tĂ©. En fait, vous ne le croirez jamais, mais il y a eu quâune seule fracture de confiance entre nous, dans toute notre vie. Je penserais Ă vous le jour de mon mariage et Ă la façon dont vos conseils nous ont aidĂ©s » â Julie T. FrĂ©jus, France Nous nous reparlons » Je ne sais pas si nous allons nous remettre ensemble, mais je suis trĂšs soulagĂ© que mon ex et moi-mĂȘme, nous nous reparlions aprĂšs un long silence de prĂ©s dâun mois. Merci de mâavoir aidĂ© Antoinette â Guillaume C. Courchevel, France Jâai rĂ©cupĂ©rĂ© ma petite amie » Nous avons rompu il y a quelques mois parce que nous passions notre temps Ă nous battre. Et elle ne voulait mĂȘme plus me parler au tĂ©lĂ©phone. Croyez-le ou non, aprĂšs avoir lu votre livre, nous avons dĂ©cidĂ© dâaller au Mexique. Les techniques indiquĂ©es dans ce livre mâont aidĂ© Ă la rĂ©cupĂ©rer, je nâarrive pas Ă y croire tellement câĂ©tait simple. Merci ! â Robert D. Lausanne, Suisse Pas Encore Convaincu ? Obtenez âSauver Son Couple en 60 Joursâ Pendant 30 Jours Gratuitement ! 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Je veux recevoir une copie de âSauver Son Couple en 60 Joursâ pour seulement 35 ⏠En moins de cinq minutes, jâaurais accĂšs Ă une mĂ©thode simple pour apprendre Ă rĂ©cupĂ©rer mon ex en moins de 30 jours. Je veux tĂ©lĂ©charger mon eBook une fois que mon paiement de seulement 35 ⏠sera acceptĂ©. Jâai une pĂ©riode dâessai de 30 jours. Si je ne suis pas satisfait pour nâimporte quâelle raison, je peux retourner mon livre et jâobtiendrais un remboursement complet. Les transactions bancaires sont 100% sĂ©curisĂ©es Je suis lĂ pour vous aider. Si vous avez des questions, nâhĂ©sitez pas Ă mâenvoyer un email et je mâefforcerais de vous rĂ©pondre dans les plus brefs dĂ©lais. Au plaisir de vous compter parmi mes nombreux lecteurs. Bien cordialement, Antoinette Boileau ThĂ©rapeute de couple et conseillĂšre conjugale Accueil Articles sur comment rĂ©cupĂ©rer son ex Contactez-moi Affiliation Mentions LĂ©gales Antoinette Boileau © 19 Rue Henri Barbusse 34200 SĂšte DEVENEZ PRATICIEN EN AYURVEDA COMMISSION 36,50âŹMEDECINE TRADITIONNELLE, VIEILLE DE PLUS DE 5000 ANS, L'AYURVEDA A TRAVERSE LES AGES ET CONNAIT UN VIF REGAIN D'INTERET DANS NOS SOCIETES. DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE COMMISSION 36,50âŹL HYPNOSE EST UNE THERAPIE ALTERNATIVE QUI MOBILISE L INCONSCIENT AFIN D AMORCER DES CHANGEMENTS DE COMPORTEMENT POSITIFS. DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUSVotre Formation Certifiante Souhaitez-vous profiter d'une promotion exclusive pour cette formation ? Oui! Je souhaite obtenir cette formation Lâhypnose le pouvoir des mots au service du bien-ĂȘtre Quand on parle dâhypnose, toutes sortes dâimages, souvent nĂ©gatives, viennent Ă lâesprit. Câest au fond trĂšs mal connaĂźtre le sujet. Lâhypnose est une thĂ©rapie alternative qui mobilise lâinconscient afin dâamorcer des changements de comportement un ensemble de techniques de visualisation, de relaxation, qui permettent Ă un individu de rĂ©soudre des situations de blocage ou de peur. Lâhypnose apaise, amĂ©liore le sommeil, soulage lâanxiĂ©tĂ©. Lâhypnose aide Ă©galement Ă lutter contre les addictions et les phobies. Devenez un professionnel de lâhypnose Notre certification en hypnose est conçue pour vous donner une comprĂ©hension pratique de lâhypnose, vous expliquer ce qui permet Ă lâhypnose de fonctionner, et la maniĂšre de lâappliquer pour obtenir un impact maximal. Il sâagit de techniques pratiques, que vous pouvez utiliser immĂ©diatement aprĂšs la formation, avec dâexcellents rĂ©sultats. Ces capacitĂ©s vous seront essentielles pour travailler en tant que praticien en hypnose, ou simplement pour amĂ©liorer la vie de vos proches. Lâhypnose ? De quoi sâagit-il ? Lâhypnose consiste Ă communiquer avec lâinconscient, câest-Ă -dire lâendroit oĂč nous stockons toutes nos croyances et nos plupart de nos croyances - sur qui nous sommes et comment le monde fonctionne - ont Ă©tĂ© instillĂ©es dans notre esprit Ă un trĂšs jeune Ăąge. Quand ces idĂ©es se sont formĂ©es, nous nâĂ©tions gĂ©nĂ©ralement pas capables de les comprendre ou de les nous Ă©tions en train dâabsorber des messages Ă un niveau profond, instinctif et intuitif de notre esprit, et conditionner ainsi toute notre vie future. Supposons par exemple quâun jeune enfant ait Ă©tĂ© placĂ© dans divers foyers dâaccueil pendant 2 ou 3 ans. Cette expĂ©rience a dĂ©veloppĂ© en lui une peur profonde dâĂȘtre abandonnĂ©. ArrivĂ© Ă lâĂąge adulte, il a peut-ĂȘtre totalement oubliĂ© de ce qui sâest passĂ© et ne comprend pas pourquoi il nâarrive pas Ă construire des relations solides, ou sâengager dans une vie de couple. Il trouve alors diverses justifications pour expliquer cette situation il nâa pas de temps Ă consacrer Ă ses amis, ou il nâa pas trouvĂ© la bonne personne avec qui avoir une relation amoureuse. Mais en rĂ©alitĂ©, la raison profonde se trouve enfouie sous la surface de son esprit. La fin de phobies et autres blocages intĂ©rieurs Dans cette formation, vous apprendrez Ă dĂ©couvrir ce genre dâĂ©motions cachĂ©es, et ensuite Ă les rĂ©soudre. Ă partir de ce moment, des changements positifs se manifesteront dans la vie de vos clients, naturellement, automatiquement et sans le temps, certaines personnes adoptent des perceptions nĂ©gatives de ce quâelles sont capables de faire, dâavoir et dâaccomplir. Nous vous montrerons comment aider ces personnes Ă franchir leurs propres barriĂšres internes, de façon Ă ce quâelles puissent rĂ©aliser leur sâagit de les aider Ă regagner le contrĂŽle de leur esprit, tout en faisant disparaĂźtre les perceptions nĂ©gatives qui bloquent la rĂ©ussite, lâaccomplissement et le bonheur. En mĂȘme temps, vous remplacerez les schĂ©mas de pensĂ©es qui les handicapent par des schĂ©mas qui les soutiennent. Lâhypnose pour qui et pour quoi ? Les domaines dâintervention de lâhypnose sont multiples et variĂ©s, parfois mĂȘme insoupçonnĂ©s. Lâhypnose permet de Traiter la douleur ; Optimiser les ressources physiques et psychologiques ; Se dĂ©barrasser de comportements addictifs alcool, drogues, cigarettes⊠; ââLutter contre le stress ou la timiditĂ© ; âAugmenter les capacitĂ©s professionnelles dans le domaine de la vente par exemple ; âCombattre les problĂšmes de mĂ©moire, de poids, de concentration⊠Avec lâhypnose, rien de magique, mais des techniques qui doivent ĂȘtre apprises et maĂźtrisĂ©es. Vous les mettrez dâabord en pratique sur vous-mĂȘme, puis vous pourrez aider les autres dans leur dĂ©marche de bien-ĂȘtre et dâĂ©panouissement. Lâhypnose est lâun des outils de changement le plus puissants. Pourquoi ? Car câest une ligne directe » avec lâinconscient. Et câest dans notre inconscient que se jouent nos actions, que se mettent en place nos comportements, nos habitudes, lĂ oĂč se nichent nos motivations profondes, celles qui nous font parfois stagner, Ă©chouer, ou câest la source. Et lâhypnose, câest justement lâun des moyens les plus sĂ»rs de rentrer en communication » avec notre inconscient, de mobiliser nos ressources intĂ©rieures pour quâelles travaillent pour nous, et non contre nous. Ă qui sâadresse ce programme de certification en hypnose ? Nous voulons tout de suite vous rassurer en prĂ©cisant quâil nâest pas nĂ©cessaire dâĂȘtre spĂ©cialiste ou mĂ©decin pour suivre ce programme de certification en ĂȘtes bien sĂ»r concernĂ© si vous ĂȘtes dĂ©jĂ praticien en activitĂ© sophrologue, psychologue, etc., travailleur social, salariĂ© dans le milieu mĂ©dical infirmiĂšre, aide-soignante, etc., ou tout simplement mĂšre ou pĂšre de en soit, ce que vous allez acquĂ©rir la maitrise de techniques simples et pratiques pour accompagner les programme de certification en hypnose est accessible Ă tous, quel que soit le niveau de formation ou lâexpĂ©rience. Riche en apprentissages, cette formation est adaptĂ©e Ă diffĂ©rents profils Des hommes et femmes en reconversion professionnelle dĂ©sireux de sâinstaller et de se spĂ©cialiser dans lâhypnose ; Des Ă©tudiants souhaitant amĂ©liorer leurs performances ; Des mĂšres de famille soucieuses dâapaiser les maux de leurs enfants ; ââDes coachs ou thĂ©rapeutes, soucieux dâĂ©largir leurs connaissances ; âDes intervenants sociaux Ă la recherche de techniques pour aider les personnes en difficultĂ© . DurĂ©e de la formation et certification Parmi les questions que vous vous posez sĂ»rement, est celle du temps que vous devrez consacrer Ă ce programme de certification en hypnose. LĂ encore, il sâagit dâune question pertinente. Nous nâavons pas tous le mĂȘme emploi du temps, ni les mĂȘmes obligations. Câest pourquoi nous ne proposons pas des formations strictement limitĂ©es dans le temps. Lorsque vous vous inscrivez, vous disposez dâun accĂšs illimitĂ© pour rĂ©aliser la formation. Certains Ă©tudiants la terminent en quelques jours, dâautres en quelques mois. Quoi qu'il en soit, nous sommes toujours Ă lâĂ©coute de vos questions, quâelles soient techniques ou pratiques. Une derniĂšre question vous vient peut-ĂȘtre Ă lâesprit Ă la lecture de lâintitulĂ© de la formation programme de certification en hypnose. La certification, câest la reconnaissance professionnelle, lâappartenance Ă une corporation, Ă un ensemble de praticiens qui ont acquis des savoirs reconnus et Ă©tablis. Câest exactement ce que nous proposons avec cette formation. En plus de nos autres accrĂ©ditations, notre programme de certification en hypnose est reconnu par une institution internationale le IHA International Hypno sis Association. Un gage de qualitĂ© et de sĂ©rieux. Lâhypnose une pratique qui va changer votre vie et celle des autres Tout au long de ce programme, aussi enrichissant que passionnant, vous allez dĂ©couvrir diffĂ©rentes notions et techniques. Parmi ces apprentissages Comment se dĂ©roule une sĂ©ance dâhypnose ; Ce quâest la transe hypnotique ; Lâimportance de lâinduction ; âLa dĂ©finition des objectifs et des rĂŽles de chacun en hypnothĂ©rapie ;â ââLa nĂ©cessitĂ© dâune coopĂ©ration entre praticien et client ; ââLâimportance du langage et de la voix pour mieux influencer ses pensĂ©es, Ă©motions et comportements de votre client ; ââDes scripts mot-Ă -mot pour renforcer lâestime de soi, se dĂ©barrasser de lâanxiĂ©tĂ©, mieux dormir, se libĂ©rer de la colĂšre, de lâalcool, de phobies etc. Pour finir, une grande partie sera consacrĂ©e Ă lâautohypnose, avec des scripts pourvous-mĂȘme, mais aussi pour ceux que vous souhaitez aider. Voici le programme dĂ©taillĂ© de la formation Cliquez sur chaque module pour en dĂ©couvrir le contenu MODULE 1 â BIENVENUE DANS LE MONDE DE LâHYPNOTHĂRAPIE PROFESSIONNELLE Dans ce module, nous allons explorer les raisons pour lesquelles lâhypnose est un outil si performant pour crĂ©er un changement personnel permanent. Voici ce que vous apprendrez dans cette section âą Comment un hypnothĂ©rapeute utilise le langage pour influencer les pensĂ©es, les Ă©motions, la physiologie et le comportement ;âą Comment rendre votre voix, douce, invitante et hypnotique ;âą Un exercice rapide qui dĂ©montre comment les pensĂ©es et les mots peuvent affecter lâactivitĂ© musculaire ;âą Le pouvoir de parler de maniĂšre totalement ininterrompue ;âą Pourquoi nous possĂ©dons tous dĂ©jĂ les qualitĂ©s dâun maĂźtre hypnothĂ©rapeute ;âą La dĂ©finition de la transe et pourquoi elle est utile lors dâune sĂ©ance dâhypnose ;âą Comment Ă©tudier ce cours pour obtenir un succĂšs maximal. MODULE 2 â LES FONDAMENTAUX Nous allons Ă prĂ©sent plonger Ă la base de lâhypnose. Nous aborderons la relation qui existe entre lâhypnothĂ©rapeute et son client, ainsi que la façon de vous prĂ©parer mentalement avant une sĂ©ance dâhypnose. Dans ce module, vous dĂ©couvrirez âą Pourquoi lâhypnose est un processus Ă la fois interactif et coopĂ©ratif ;âą Comment habituer vos clients Ă suivre vos instructions ;âą Une description des rĂŽles que votre client et vous-mĂȘme devez jouer durant la sĂ©ance dâhypnose ;âą Une technique pour mettre vos interlocuteurs en transe dâun seul regard ;âą Comment Ă©tablir presque instantanĂ©ment un lien solide de comprĂ©hension, de confiance et respect mutuel entre votre client et vous-mĂȘme ;âą Comment projeter une attitude qui engendre le succĂšs. MODULE 3 â COMMENT ORCHESTRER UNE SĂANCE DâHYPNOSE Nous allons maintenant aborder les Ă©tapes Ă suivre au dĂ©but de chaque sĂ©ance, ainsi que des techniques qui permettent dâinduire une transe rapidement et facilement. Voici un aperçu de ce que vous apprendrez dans cette section âą Pourquoi il est important dâĂ©tablir des objectifs pour chaque sĂ©ance ;âą Lâart dâaiguiser vos sens jusquâĂ discerner les rĂ©actions les plus subtiles de vos clients ;âą Lâimportance de la flexibilitĂ© et comment ajuster votre approche en fonction des retours qui se produisent durant la sĂ©ance ;âą Comment augmenter lâefficacitĂ© de votre travail en recueillant des informations pertinentes ;âą Les raisons les plus courantes pour lesquelles les gens vont voir un hypnothĂ©rapeute ;âą Lâart de lâinduction », câest-Ă -dire le rituel par lequel vous plongez vos clients en hypnose ;âą Les Ă©tapes Ă suivre pour effectuer un discours prĂ©-hypnotique efficace, grĂące auquel vous assurerez la rĂ©ussite de votre sĂ©ance avant mĂȘme que lâhypnose ne commence. MODULE 4 â DES SCRIPTS, DES SCRIPTS ET ENCORE DES SCRIPTS Dans ce module, vous trouverez de nombreux scripts mot-Ă -mot qui indiquent comment induire des Ă©tats hypnotiques profonds. Voici ce que vous dĂ©couvrirez âą Une sĂ©rie de tests de suggestibilitĂ© » qui prĂ©parent lâesprit de votre client Ă lâhypnose ;âą Des maniĂšres dâhypnotiser vos clients efficacement en utilisant des renforcements » stratĂ©giques ;âą Des scripts dĂ©taillĂ©s pour mettre en place un discours prĂ©-hypnotique efficace ;âą La diffĂ©rence entre les clients de type analytique et les clients de type non-analytique ;âą Plusieurs inductions de grande qualitĂ©, employĂ©es par les plus grands hypnothĂ©rapeutes au monde. MODULE 5 â LE CLIENT EST SOUS HYPNOSE. ET MAINTENANT ? Vous savez maintenant comment induire une transe. Mais que fait-on aprĂšs cela ? Dans ce module, nous verrons comment renforcer cet Ă©tat et produire un phĂ©nomĂšne hypnotique plus sophistiquĂ©. Vous apprendrez aussi comment utiliser lâhypnose pour rĂ©soudre plusieurs problĂšmes courants. Voici ce que vous apprendrez dans ce module âą Comment intensifier la transe grĂące Ă des techniques de visualisation et des exercices de relaxation ;âą Des techniques qui permettent de convaincre le client quâil est sous hypnose ;âą Une liste de suggestions qui vous protĂšgent de tout ce qui peut interfĂ©rer avec le bon dĂ©roulement de la session ;âą Une sĂ©rie de scripts qui vous permet dâaborder des problĂšmes courants pour lesquelles les gens recherchent lâaide dâun hypnothĂ©rapeute tels que phobies, estime de soi, anxiĂ©tĂ©, colĂšre, insomnies, motivation, prise de parole en public, addictions, etc. MODULE 6 â FILMS INTĂRIEURS Le but de ce module, est dâapprendre Ă utiliser les pouvoirs crĂ©atifs de lâesprit afin dâaider votre client Ă effectuer des transformations importantes et durables. Voici ce que nous allons explorer dans cette section âą Comment communiquer de façon efficace avec lâinconscient grĂące aux mĂ©taphores et au symbolisme hypnotique ;âą Lâart dâĂ©changer dans lâesprit de votre client une reprĂ©sentation interne dysfonctionnelle pour une autre plus bĂ©nĂ©fique ;âą Comment Ă©tablir un dĂ©clencheur » qui permet Ă vos anciens clients de retrouver instantanĂ©ment des Ă©tats hypnotiques profonds ;âą Comment donner accĂšs Ă votre client Ă des Ă©tats-ressources puissants en installant des ancrages » ;âą Comment utiliser lâimagerie mentale dynamique », une technique qui se sert de lâimagination pour dĂ©couvrir des ressources et rĂ©vĂ©ler des capacitĂ©s cachĂ©es ;âą Comment faire sortir le sujet dâune transe, facilement et naturellement. MODULE 7 â TECHNIQUES THĂRAPEUTIQUES AVANCĂES Dans ce module, nous Ă©tudierons certaines techniques avancĂ©es. Le fait quâelles soient plus avancĂ©es, ne les rend pas pour autant plus difficiles Ă apprendre. Ces techniques demandent simplement un peu plus dâinteractivitĂ© et de dialogue entre le client et vous-mĂȘme. Elles exigent donc un peu plus de finesse de votre part pour rĂ©ussir Ă les utiliser. Pas de panique, toutefois. Nous avons simplifiĂ© lâapprentissage de ces compĂ©tences en vous donnant des exemples mot-Ă -mot pour vous aider Ă les mettre en pratique. Voici ce que vous allez voir dans cette section âą Comment extraire des informations utiles directement du subconscient de votre client grĂące aux signaux idĂ©omoteurs » ;âą Une liste de questions sophistiquĂ©es qui vous permettra de dĂ©couvrir la cause vĂ©ritable du problĂšme de votre client ;âą La maniĂšre dont le subconscient stocke et se rappelle diffĂ©rentes expĂ©riences ;âą Pourquoi nous possĂ©dons tous, en rĂ©alitĂ©, une mĂ©moire parfaite et ce qui se passe lorsque nous oublions ». MODULE 8 â HYPNOSE CONVERSATIONNELLE Le but de ce module est dâapprendre Ă utiliser lâhypnose conversationnelle », câest-Ă -dire lâart de produire des changements profonds au niveau mental et Ă©motionnel chez vos clients, Ă travers des conversations de tous les jours. Voici un aperçu de ce que vous apprendrez dans cette section âą Une courte biographie de Milton Erickson, connu comme le pĂšre de lâhypnose conversationnelle et indirecte ;âą Pourquoi ce que la plupart des clients appellent penser » a peu Ă voir avec la vraie prise de dĂ©cision ;âą Pourquoi lâutilisation de lâhypnose conversationnelle est efficace pour court-circuiter lâesprit critique du client ;âą Un exercice pour guider vos clients vers des Ă©tats modifiĂ©s lors de conversations banales ;âą Comment utiliser le fractionnement » pour rendre lâhypnose conversationnelle plus puissante ;âą Comment tirer profit des rĂ©ussites passĂ©es et les appliquer aux dĂ©fis quotidiens ;âą Comment utiliser la technique du recadrage » pour libĂ©rer la personne de cadres de rĂ©fĂ©rence limitants. MODULE 9 â HYPNOSE POUR LES ĂTUDIANTS Ce module traite de lâutilisation de lâhypnose dans la salle de classe. Quel que soit lâĂąge de votre client ou son niveau dâinstruction, vous pouvez utiliser ces techniques pour amĂ©liorer ses performances acadĂ©miques. Voici ce que vous verrez dans cette section âą Comment faciliter un apprentissage rapide, automatique et sans effort ;âą Une technique pour aider votre client Ă amĂ©liorer sa mĂ©moire grĂące Ă lâhypnose ;âą Une stratĂ©gie dâorthographe qui utilise la mĂ©thode de mĂ©morisation prĂ©fĂ©rĂ©e du cerveau humain ;âą Un script qui aide Ă intĂ©rioriser le processus dâapprentissage. MODULE 10 â AUTOHYPNOSE Dans ce module, il sâagit dâapprendre Ă vos clients comment utiliser lâautohypnose pour rĂ©aliser leurs objectifs personnels et amĂ©liorer leur vie. Voici ce que vous dĂ©couvrirez dans cette section âą Deux mĂ©thodes diffĂ©rentes dâautohypnose ;âą Comment Ă©crire des scripts dâautohypnose Ă©lĂ©gants et efficaces ;âą Quels mots utiliser et quels mots laisser de cĂŽtĂ© lorsque vous formulez des suggestions dâautohypnose ;âą Des scripts dâautohypnose pour renforcer la confiance en soi ;âą La maniĂšre dâutiliser lâautohypnose dans votre propre vie et lâenseigner Ă vos clients, afin de crĂ©er un changement personnel positif. Une fois terminĂ© le programme avec succĂšs, vous avez la possibilitĂ© dâimprimer votre certification Vous ĂȘtes prĂȘts Ă commencer ? DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE POUR 87 ⏠AU LIEU DE 525 ⏠! JE MâOFFRE LA FORMATION ET JE DĂMARRE MAINTENANT Ils nous font confiance Jocelyne P. Jâai fait la formation hypnose, qui m'a plutĂŽt surprise dans le bon cotĂ©, je ne m'attendais pas Ă cela. Jâaime le dĂ©but qui pose bien les choses, nous parle de suite de respect, d'Ă©coute attentive, etc. Je pensais Ă quelque chose de plus "survolĂ©", et non. Les acquis effectivement m'aident au quotidien car je suis en continuelle connaissance de moi, un travail que je fais depuis plus de 18 ans maintenant, avec des formations ou stages dans divers domaines pour m'aider. Et lĂ maintenant, je peux faire un rapprochement avec certains comportements, rĂ©pĂ©titions malheureuses, alors je peux plus facilement comprendre et modifier par moi-mĂȘme dans des moments de relaxation profonde consciente. Dans ma pratique de la sophrologie, je m'en sers pour comprendre et mieux rĂ©pondre aux questions que l'on me pose. » Thierry R. J'ai suivi la formation sur l' ĂȘtre franc, je ne suis pas certain de l'avoir suivi "comme il faudrait" en effet, j'ai lu tous les modules, je les ai mĂȘme imprimĂ©s et ils me servent de livre de chevet. Ils correspondent vraiment Ă ce que j'attendais en terme de contenu, particuliĂšrement les explications sur les personnes analytiques visiblement dans mon entourage familial j'en ai plein. Je parle de votre formation et le recommande autour de moi en indiquant qu'elle est vraiment bien, les gens sont plutĂŽt Ă©tonnĂ©s que je m'intĂ©resse Ă ce genre de sujet mais visiblement il y a encore beaucoup de phantasmes quant Ă l'hypnose. » AndrĂ© F. Praticien et ThĂ©rapeute des mĂ©decines naturelles depuis de nombreuses annĂ©es, j'ai eu la chance de suivre les formations PNL et HYPNOSE. Ces formations certifiantes m'ont totalement satisfait, tant par le contenu pĂ©dagogique que par la mĂ©thode enseignĂ©e. Ăminemment pratique, j'ai pu appliquer trĂšs rapidement "sur le terrain"....avec des succĂšs trĂšs probants auprĂšs de ma clientĂšle. J'ai beaucoup apprĂ©ciĂ© les qualitĂ©s pĂ©dagogiques et humaines du formateur sa disponibilitĂ©....son Ă©coute....et son humour !» Questions frĂ©quemment posĂ©es Comment dois-je procĂ©der pour mâinscrire ? Une fois le paiement validĂ©, vous ĂȘtes dirigĂ© vers une plateforme oĂč vous devez crĂ©er un mot de passe. DĂšs rĂ©ception de cet e-mail, vous bĂ©nĂ©ficiez dâune pĂ©riode dâessai de 30 jours. Que dois-je faire si je perds mes identifiants ? Vous pouvez adresser votre requĂȘte par e-mail Ă lâadresse suivante support Nous vous conseillons toutefois de noter vos identifiants dĂšs rĂ©ception de lâe-mail confirmant votre inscription. Combien de temps faut-il pour valider lâensemble de la formation ? Vous avez un accĂšs illimitĂ© et Ă vie aux programmes de formation. Vous pouvez dĂ©buter votre formation lorsque vous le dĂ©sirez, il nây a pas de limite de temps pour la valider. Notez quâil vous faudra prĂ©voir entre 30 minutes et 2 heures pour complĂ©ter chaque module. Des dĂ©placements sont-ils Ă prĂ©voir ? Non. Lâensemble de la formation se dĂ©roule en ligne. GrĂące Ă vos identifiants, les outils et supports pĂ©dagogiques sont accessibles depuis nâimporte quel ordinateur, tablette ou smartphone. Les formations sont accessibles de nâimporte quel endroit, dans la mesure oĂč vous disposez dâune connexion Internet. Si je change dâavis, puis-je annuler mon inscription ? Oui, vous disposez dâun dĂ©lai de rĂ©traction de 30 jours Ă compter de la validation du paiement. Comment suis-je Ă©valuĂ© en cours de formation ? Vous trouverez un quiz Ă la fin de chaque module. Ces quiz ne sont pas obligatoires mais sont recommandĂ©s pour faire le point et vous prĂ©parer Ă lâexamen final. A la fin de la formation, un examen sous forme de questionnaire Ă choix multiples est proposĂ©. Pour le valider, il faut obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses. Si votre score est infĂ©rieur Ă 80 % de bonnes rĂ©ponses, vous aurez la possibilitĂ© de repassez lâexamen. DĂšs que vous lâaurez rĂ©ussi, vous pourrez imprimer votre certification en ligne. Que dois-je faire si je nâarrive pas Ă tĂ©lĂ©charger les supports ? DĂ©connectez-vous et relancez votre connexion sur le site. Si un support audio ou PDF prĂ©sente des difficultĂ©s de lecture, tentez son ouverture sur un autre navigateur ou mettez-le en pause selon votre dĂ©bit Internet, cela peut demander un certain temps de chargement. Veillez Ă tenir votre navigateur Ă jour et vĂ©rifiez vos plug-in. Pensez Ă©galement Ă vider vos caches et vos cookies de temps Ă autre. Vous pouvez aussi vĂ©rifier quâaucun pare-feu ni anti-virus ne bloque lâouverture. Que dois-je faire si je nâarrive pas Ă visualiser les tests ou imprimer ma certification ? Vous devez tĂ©lĂ©charger la derniĂšre version dâAdobe Flash Player et changer de navigateur. Il vous faudra utiliser Firefox ou Microsoft Edge. Quels sont les supports utilisĂ©s pour les formations ? Le certificat ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă un diplĂŽme seul le ministĂšre de lâĂducation nationale est habilitĂ© Ă en dĂ©livrer. Il permet cependant de valoriser de maniĂšre officielle le niveau de qualification obtenu grĂące Ă cette formation. Que ce soit pour rassurer vos clients ou pour renforcer votre CV, ce certificat peut ĂȘtre un atout supplĂ©mentaire dans votre parcours professionnel. Nos certificats attestent non seulement des connaissances acquises au cours de la formation, mais aussi de votre assiduitĂ© Ă suivre le cours. Pour obtenir un certificat, vous devez avoir suivi lâintĂ©gralitĂ© de la formation et avoir accompli les tests prĂ©vus dans le programme. Par ailleurs, vous devez obtenir 80 % de bonnes rĂ©ponses lors de lâexamen final. Si vous avez validĂ© lâexamen, lâordinateur gĂ©nĂšre le certificat, mais celui-ci nâest pas datĂ©. Vous pouvez ajouter la date Ă la main ou en utilisant le logiciel Photoshop. Nous offrons aussi la possibilitĂ© Ă ceux et Ă celles qui en font la demande de leur envoyer un certificat original signĂ©, imprimĂ© par nos soins, avec le tampon de notre sociĂ©tĂ© et la date de validation de lâexamen. Le coĂ»t est de 33 ⏠frais de port inclus. Il suffit pour cela de nous fournir la preuve que vous avez rĂ©ussi lâexamen soit en faisant une capture dâĂ©cran, soit en scannant le certificat imprimable que vous avez obtenu de confirmer la date ; de confirmer lâadresse postale pour lâenvoi. Ce certificat vous sera envoyĂ© par la poste sous 15 jours. Nos formations sont reconnues par IPHM International Practioners of Holistic Medecine. Les formations sont-elles accessibles Ă tous ? Nos formations sâadressent aussi bien aux dĂ©butants quâaux professionnels. Quâil sâagisse de complĂ©ter vos connaissances ou dâapprendre un nouveau mĂ©tier, nos formations vous seront accessibles. Le langage utilisĂ© est simple et les techniques couvertes largement expliquĂ©es. Nos formations sont reconnues internationalement Nos formations sont accrĂ©ditĂ©es par IâIPHM International Practitioners of HolisticMedecine, le CMA ComplementaryMedical Association et le CPD Centre of CPD Excellence, ce qui signifie que vous pouvez exercer partout dans le monde. Leur objectif est de vous donner des outils thĂ©oriques et pratiques pour conseiller des particuliers, ou Ă©largir vos connaissances si vous ĂȘtes dĂ©jĂ praticien. DEVENEZ PRATICIEN EN HYPNOSE POUR 87 ⏠AU LIEU DE 525 ⏠! JE MâOFFRE LA FORMATION ET JE DĂMARRE MAINTENANT Besoin dâaide ? Contactez-nous via support ou +33 01 74 90 03 95 Working... AFFICHER 25 PRODUITS ET PLUS DEVENIR MEMBREUNE SĂLECTION DE 4 PRODUITS VOIR LE CATALOGUE 148 PRODUITS DES 35 MEMBRES 1VENTES SUBSEQUENTES DRM COMMISSION 4,90âŹCOMMENT VENDRE PLUSIEURS FOIS A UN MEME CLIENT EBOOK DROIT DE REVENTE MAITRE OUTILS DE VENTE EBOOK 365 PAR EBOOK CASH SYSTEME, PHENOMENE MARKET TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUS1 Ebook par jour Ă tĂ©lĂ©charger, lire, ou partager pour FAIRE PLUS DE BĂNĂFICES TOUTE L'ANNĂE ! 365 Ebooks Pour Apprendre Ă Vendre !Que Gagnez Vous ?Sur Ebook Cash SystemeVous vous assurez de pouvoir vous former au quotidien. D'avoir du contenu pour vos rĂ©seaux sociaux. D'apprendre Ă vendre avec des stratĂ©gies peu connues. En + recevez l'ebook d'AurĂ©lien pour lancer votre BUSINESSEbooks Cash Systeme 365 Ebooks sĂ©lĂ©ctionnĂ©s durant 1 anDĂ©veloppement personnel StratĂ©gies Marketing Investissement Automatisation Niches de marchĂ©s Affiliation E-CommerceET BIEN PLUS ENCORE ! Ebooks Cash Systeme 365 Ebooks sĂ©lĂ©ctionnĂ©s durant 1 anLire ou vendre un seul de ces livres vous rembourse votre Investissement ! Imaginez le potentiel des 364 autres ! CONDITIONS I CONFIDENTIALITĂ I LĂGALTous droits rĂ©servĂ©s © 2022 MARKETING PROFITS LA STRATEGIE A 1 MILLION D'EUROS TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUS"Il a gĂ©nĂ©rĂ© un Chiffre d'Affaires de plus de d'âŹuros en UNE SEULE ANNĂE grĂące Ă cette StratĂ©gie ! Le Bonjour, Ă premiĂšre vue, vendre un produit est un processus simple. En effet, il vous suffit D'attirer le client potentiel sur le site Internet ou dans la boutique. De lui prĂ©senter le produit Ă travers une page de vente ou le packaging pour un produit physique. Cependant, malgrĂ© cette simplicitĂ© apparente, rĂ©ussir Ă vendre un produit Ă un client potentiel peut vite se transformer en un parcours du combattant. Pourquoi vos prospects n'achĂštent-ils pas vos produits ? Plusieurs raisons peuvent expliquer cela Votre produit ne rĂ©pond pas aux attentes de vos prospects. C'est la base, si vous ne rĂ©pondez pas prĂ©cisĂ©ment aux besoins de vos clients potentiels, ils ne verront aucun intĂ©rĂȘt Ă acheter votre produit. Votre produit a un mauvais packaging. Si le visuel n'attire pas l'attention ou si vos prospects pensent que c'est un produit de mauvaise qualitĂ©, ils passeront leur chemin. Le prix est trop Ă©levĂ© par rapport Ă la valeur perçue. Si la personne a un doute sur le rapport qualitĂ©/prix, il sera difficile de conclure la vente. Votre crĂ©dibilitĂ© est faible. Si le nom de votre entreprise est inconnu pour vos prospects, il sera difficile de lutter contre les tĂ©nors de votre marchĂ©. Votre visibilitĂ© est insuffisante. Vous pouvez avoir le meilleur produit du marchĂ©, si personne n'y a accĂšs, il vous sera impossible de gĂ©nĂ©rer des ventes. Cette liste n'est Ă©demment pas exhaustive, mais elle vous montre dĂ©jĂ tous les paramĂštres qui entrent en jeu pour vendre un produit. C'est dĂ©jĂ plus complexe que les 2 points Ă©numĂ©rĂ©s au dĂ©part. Quelle stratĂ©gie mettre en place ? Je tiens tout d'abord Ă vous signaler qu'il n'existe pas de solution miracle. Vous n'ĂȘtes peut-ĂȘtre pas le genre de personne Ă y croire, mais il est toujours important de la rappeler. En contrepartie, existe-t-il une solution idĂ©ale ? Une stratĂ©gie vous permettant de Attirer des clients potentiels vers votre entreprise et bĂątir une liste de prospects facilement. GĂ©nĂ©rer plus de revenus de chaque client. AmĂ©liorer votre crĂ©dibilitĂ© afin de vendre plus facilement vos produits. Cette stratĂ©gie existe et elle comporte bien d'autres avantages. Il est maintenant temps de vous la prĂ©senter Il a gĂ©nĂ©rĂ© plus de 30 millions de dollars grĂące Ă cette stratĂ©gie en 5 ans ! Mike Filsaime est un marketer AmĂ©ricain et au cours des derniĂšres annĂ©es son entreprise a littĂ©ralement explosĂ©e. Voici quelques chiffres Il gĂ©nĂšre plus de 100 000 $ par mois. Il a plus de 2 000 000 d'abonnĂ©s dans ses listes. Il a encaissĂ© plus de 30 000 000 $ durant les 5 derniĂšres annĂ©es d'activitĂ©. Attention, ces chiffres ne sont pas dus au hasard. Mike est passĂ© par des moments difficiles Ă ses dĂ©buts. Il a commis des erreurs, dĂ©pensĂ© plus d'argent qu'il ne gagnait... Cependant, aujourd'hui il utilise une stratĂ©gie qui a fait ses preuves et je vous l'explique Ă©tape par Ă©tape dans "Marketing Profits". La stratĂ©gie Ă 1 million d'euros expliquĂ©e Ă©tape par Ă©tape ! J'ai enlevĂ© tout le contenu inutile pour seulement garder les informations pertinentes. Vous pourrez ainsi dĂ©couvrir dans quelques minutes Pourquoi devez-vous intĂ©grer des produits gratuits dans votre stratĂ©gie de marketing et comment peuvent-ils vous aider Ă dĂ©velopper rapidement votre entreprise ? Pourquoi devez-vous utiliser la stratĂ©gie de Mike Filsaime ? Explication de la stratĂ©gie Ă©tape par Ă©tape ! Une remarque importante, elle peut vous aider Ă augmenter vos revenus sur le long terme. Et tellement plus encore... La stratĂ©gie est accompagnĂ©e de plusieurs Ă©tudes de cas pour vous faciliter la comprĂ©hension ! Vous aurez accĂšs Ă la partie thĂ©orique dans laquelle je vous explique en dĂ©tail la stratĂ©gie, mais pour aller plus loin, j'ai ajoutĂ© plusieurs Ă©tudes de cas avec des captures d'Ă©cran pour chaque Ă©tape de la stratĂ©gie. Ainsi, vous pourrez voir tout le processus Ă mettre en place. Ces exemples vous aideront aussi Ă crĂ©er votre stratĂ©gie. Effectivement, elle a l'avantage de pouvoir s'adapter facilement aux produits ou services vendus. Vous pourrez facilement dĂ©velopper votre entreprise ! GrĂące Ă l'explication de la stratĂ©gie et aux diffĂ©rents exemples, vous pourrez d'ici quelques semaines BĂątir une liste d'abonnĂ©s. Aujourd'hui, toute entreprise doit avoir une liste de clients potentiels Ă sa disposition pour promouvoir ses produits ou entretenir une bonne relation. Vendre diffĂ©rents produits Ă un mĂȘme client. Une erreur souvent rĂ©alisĂ©e est de tout faire pour inciter une personne Ă acheter notre produit, puis de ne plus donner de nouvelles une fois l'objectif atteint. Si vous faites cette erreur, vous perdez plus de 50 % de votre chiffre d'affaires ! Ălargir votre gamme de produits pour toucher de nouveaux prospects. Un seul produit ne peut pas rĂ©pondre Ă l'ensemble des besoins de vos clients potentiels. C'est pour cette raison que vous devrez travailler sur la mise en place de nouveaux produits. Le bonheur, c'est aussi prendre le temps de vivre et ce temps lĂ , vous le trouverez au travers du bien-ĂȘtre bien plus que par l'argent. Et pour rĂ©gler l'Ă©ventuel problĂšme d'argent, permettez-moi de vous offrir un coup de pouce supplĂ©mentaire, en vous proposant de dĂ©couvrir mon guide en toute quiĂ©tude. DĂ©couvrez cette stratĂ©gie sans prendre le moindre risque ! OUI, vous avez bien lu, vous n'avez pas de dĂ©cision Ă prendre maintenant ! Mais voyez plutĂŽt RĂ©servez dĂšs maintenant votre copie de "Marketing Profits" ! Ce guide doit ĂȘtre impĂ©rativement vendu Ă 17 ⏠pour couvrir les frais de crĂ©ation, de recherches et rĂ©munĂ©rer les diffĂ©rents intervenants. Offre de lancement » Pour un temps trĂšs court, je vous le propose au tarif exceptionnel de 9,50 ⏠! Mais attention, il n'y a ni compteurs ni compte Ă rebours sur cette page. Elle peut donc ĂȘtre retirĂ©e Ă tout moment. Alors, prendrez-vous le risque de l'acquĂ©rir pour plus de 2 fois son prix dĂšs demain ? Cliquez simplement sur le bouton ci-dessous pour rĂ©server dĂšs maintenant votre copie Commander Maintenant Vous serez automatiquement redirigĂ© vers une page de tĂ©lĂ©chargement dĂšs l'acceptation de votre rĂšglement par Paypal. Sinon, cliquez simplement sur le lien "Retour Chez Le Marchand". N'hĂ©sitez pas Ă me contacter si vous rencontrez une quelconque difficultĂ© Rien n'est jamais perdu dans la vie sauf le temps... Je n'ai sans doute pas rĂ©ussi Ă vous convaincre si vous lisez ces derniĂšres lignes et je savais que certains arriveraient jusqu'ici. Je savais en rĂ©digeant cette page que ma propre conviction Ă propos de cette stratĂ©gie allait sans doute Ă©touffer mes arguments... Pourtant, elle a permis et permet encore Ă des milliers de personnes de dĂ©velopper considĂ©rablement leurs revenus. Vous pouvez accĂ©der Ă ces informations maintenant et littĂ©ralement faire exploser vos activitĂ©s. Vous pouvez aussi dĂ©cider de reporter cette dĂ©cision, mais quel serait le but ? Voir plus tard quand ça ira encore moins bien ? Franchement, ne prĂ©fĂ©rez-vous vraiment pas prendre un rĂ©el raccourci ? A votre succĂšs. Cordialement, Ce guide unique et exclusif SERA bientĂŽt vendu Ă 17 âŹ. Le prix de lancement de 9,50 ⏠est une invitation Ă "Acheter maintenant, avant qu'elle ne soit plus disponible"... alors, agissez vite ! Agissez Maintenant ! DĂ©couvrez mon guide "Marketing Profits". Avertissements Tous les efforts ont Ă©tĂ© faits pour reprĂ©senter avec prĂ©cision notre produit ou notre gamme de produits ainsi que leur potentiel. Comme pour toute autre activitĂ©, aucune garantie de revenu ne peut ĂȘtre faite. Les chiffres Ă©tant mentionnĂ©s sont donnĂ©s Ă titre indicatif, ce ne sont pas des hypothĂšses, mais ils ne sont en aucun cas garantis du fait de l'Ă©volution constante d'internet. Ceci ne reprĂ©sente en aucun cas un "plan d'enrichissement" ou une promesse de "fortune immĂ©diate", s'il vous plaĂźt, rappelez-vous que le succĂšs de chacun dĂ©pend de sa capacitĂ©, de son dĂ©vouement, du dĂ©sir et de sa motivation Ă rĂ©ussir. Vous devez comprendre que tout tient Ă vous et non pas aux produits que nous proposons. Si vous savez exploiter les idĂ©es, les solutions et les suggestions contenues et si vous y consacrez le temps nĂ©cessaire, alors vous augmenterez potentiellement vos chances de revenus. Nous ne pouvons ĂȘtre tenus pour responsables d'une quelconque incomprĂ©hension ou d'une mauvaise interprĂ©tation du contenu de nos ouvrages et de nos pages, ni d'aucunes erreur ou omission qui seraient totalement involontaires de notre part. Ces ouvrages sont destinĂ©s Ă un usage personnel et ne peuvent en aucun cas ĂȘtre utilisĂ©s en tant que source lĂ©gale ou de tout droit ou d'expertise de quelque sorte. Nos produits sont des produits tĂ©lĂ©chargeables, vous accĂ©derez au tĂ©lĂ©chargement soit directement aprĂšs votre paiement, soit par un email qui vous sera envoyĂ© aprĂšs rĂ©ception de la confirmation de votre paiement. Copyright - Le Cercle DLP - Tous droits rĂ©servĂ©s 41500 TEMPLATES POUR EXPLOSER TES RESEAUX SOCIAUX COMMISSION 14,50âŹ1500 CONTENUS PROFESSIONNELS POUR DEVELOPPER TON BUSINESS SUR LES RESEAUX SOCIAUX. LES THEMATIQUES BUSINESS MOTIVATION, CRYPTOMONNAIE, ARGENT FINANCES, SANTE FITNESS. TUTORIEL VIDEO INCLUS 1500 TEMPLATES POUR EXPLOSER TES RESEAUX SOCIAUX TĂLĂCHARGER EN SAVOIR PLUSCrĂ©er du contenu en automatique sur les rĂ©seaux sociaux - Gagne en temps avec cette mĂ©thode !Regarde la vidĂ©o ci-dessous pour voir comment ça fonctionne et comment utiliser l'un des ces packTu manques souvent de l'inspiration et ne sais pas souvent quoi publier sur les RESEAUX SOCIAUX ? T'inquiĂšte je connais ce que c'est ! Je suis passĂ© par lĂ en 2019, quand j'ai decidĂ© de lancer business en sur internet. Il me fallait crĂ©er du contenu regulierĂšment et voir publier plusieurs fois par jour afin de developper une audience, trouver du trafic... avoir des abonnĂ©s.. Si j'ai pu atteindre les resultats que j'ai aujourd'hui, c'est uniquement parceque j'avais la bonne strategie s'inspirer de ce qui exsite et marche dĂ©jĂ ailleurs, et crĂ©er du contenu de qualitĂ© sur mes rĂ©seaux sociaux tout offrant de la valeur parallelement Ă mon modĂšles sur le business et la motivation prĂȘts Ă l'emploi pour exploser tes reseaux sociaux et developper ton audienceAfin de te permettre de gagner Ă©normement en temps dans la crĂ©ation de tes contenus, nous avons mon Ă©quipe et moi preparĂ© 400 Contenus professionnels pour toi sur les sujets suivants Entrepreneuriat Business Motivation Developpement personnel Quelques modĂšles du packDĂ©couvre ci-dessus quelques modĂšles de tout le pack, pour te faire une idĂ©e du style de contenus que tu recevras aprĂšs ton achat. nous avons preparĂ© aussi un tutoriel detaillĂ© pour t'acompagner et te montrer comment l' % editable sur canvaCe qui est surtout magnifique ici est que tu pourras les modifier et les utiliser comme tu veux grĂące Ă l'outil gratuit canva que tu connais certainement d'ailleurs. 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Si tu veux obtenir d'autres, tu devras passer une nouvelle commande400 Templates sur le Business et la Motivation300 Templates sur la Cryptomonnaie300 Templates sur l'argent et les finances350 Templates sur la santĂ© et la cryptomonnaieOui, je veux passer ma commande >>Garantie de remboursement de 100%. Paiement sĂ©curisĂ© Tous droits rĂ©servĂ©s Mentions lĂ©gales RĂ©alisĂ© avec LES 35 MEMBRES DU CLUB AFFILIATION FACILECependantau bout dâun certain temps ou dâaugmentation des charges de travail, ce syndrome me rappelle Ă lâordre. En lisant votre article, jâai dĂ©cidĂ© de suivre vos recommandations. Je viens dâattaquer la phase 2 en effectuant seulement le renforcement (sans sport de type course/vĂ©lo en parallĂšle) avec Ă©tirements, glaçage et massage de la phase 1 aprĂšs chaque